Je relis pour la 3ème fois le message qui vient de s'afficher sur mon téléphone portable. J'avoue que j'ai mis du temps à me reconnecter, m'étant à moitié assoupie alors que je relisais un achat récent, mon livre du Petit Prince. La sonnerie d'abord m'avait surprise mais le contenu du message était encore plus étrange en soi. Surtout en sachant de qui il provenait.

Citation :

Hello Naoto, je viens d’apprendre pour la déclaration de David, félicitations à toi, tu le mérite sincèrement. Mais du coup, quand tu croiseras ton futur mari, dis-lui de rester prudent quand il commence un solo de piano dans un squat, les habitants du quartier est ont plus tendance à appeler la police que ceux du quartier sud. Et qu’il se soigne bien ;-) amicalement, Aleister

C'était quoi cette histoire de devoir se soigner? Et jouer du piano dans un squat? Il n'était pas sérieux? En tout cas, je n'avais plus du tout sommeil à cet instant. L'appeler ou pas? Non, s'il a des ennuis, je risquerais de lui en rajouter. Mais comment était-il blessé? Aleister n'était plus du genre à s'émouvoir d'une petite coupure sans gravité alors qu'en était-il?

Je me suis levée et je me mets à me ronger les sangs, tournant en rond dans la chambre, hésitant sur la conduite à tenir. Aller le retrouver, l'attendre? Et après ça, il oserait encore me dire que je dois faire attention à moi. Mais qu'est-ce qu'il a été faire pour se trouver avec Aleister, blessé, dans un squat du quartier Est?

Je sors de la chambre, j'ai besoin de prendre l'air d'urgence. Je descends et viens me mettre à faire des allers retours dans le hall avant d'entrouvrir la porte, guettant son retour. Et il a intérêt à rentrer, sinon, c'est moi qui irait le chercher, peu importe ou il se trouve et dans quel état.

J'ai l'impression que cela fait des heures que je fais le pied de grue devant cette porte lorsque finalement, je peux enfin apercevoir sa silhouette. Instinctivement, je lâche un soupir de soulagement. Il est vivant. Il est rentré. Oui, j'ai crains le pire alors que même le message ne sous-entendait rien de tel. Et d'où je suis, je n'ai pas spécialement l'impression qu'il soit blessé. J'ose espéré qu'Aleister ne s'est pas moqué de moi à ce sujet, je n'apprécierais nullement.

Naoto? Quelque chose ne va pas? 

"- Je... Non, tout va bien... Et toi, comment ça s'est passé?"

Je tente de ne rien laissé paraître mais je reste inquiète. Si Aleister s'est joué de moi, je crois que j'irais le voir dès demain matin. Mais si son message est vrai, est-ce que David, lui, me dira la vérité? Je sais qu'il est honnête envers moi mais il reste avant tout fidèle à son clan et à ses habitudes. Le silence et le mystère. Je suis persuadée que de nombreux de ses secrets me sont encore inconnus mais là, jouera t'il franc-jeu?

"- Je n'arrivais pas à dormir de mon côté."

Ce n'est même pas un mensonge. J’omettais seulement le détail que c'était à cause du sms que je venais de recevoir que je restais ainsi réveillée.

C'était festif. Mais en voulant rentrer je me suis perdu, et j'ai rencontré ton ami, Aleister. On a juste parlé, je te promets! 

Il se serait donc blessé durant la fête? Non, impossible. Il est le Boss des Sharks, leur King. personne ne l'aurait laissé partir en le sachant blessé. Pourtant, j'ai envie de le croire. Parce que tout le monde m'a déjà trop menti alors j'ose espérer que lui sera cette exception sur qui je pourrais réellement compter, qui ne se servira pas de moi et qui saura se montrer aussi sincère que je le suis.

A cause des jumeaux? 

"- Entre autre."

Il est vrai que je n'ai pas encore l'habitude de les sentir remuer et cela me fait toujours réagir. Sans compter que maintenant que mon corps et mon esprit ont réellement acceptés la vérité, je sens bien que les changements qui s'y produisent me tracassent. Est-ce normal, le suis-je moi-même? Etre Seraph sera t'il un obstacle pour une grossesse? Tant de questions que je ne peux poser à personne.

David m'attire à lui et malgré l'odeur d'alcool qui me fait froncer le nez, j'apprécie de me retrouver dans ses bras. Sa chaleur, sa présence me rassure. Oui, je me suis inquiétée pour rien. Enfin, vraiment? Mes bras sont venus se glisser sous sa veste et sont entrés en contact avec une substance que je ne connais trop bien. Ma recule, moi aussi légèrement, laissant mon regard se poser sur les traces carmins demeurant sur mes doigts.

"- Juste parlé?"

 Oui, juste parlé. Il est arrivé dans la maison où je me suis retrouvé en me perdant, et on a parlé pendant qu'il se soignait. Je n'ai même pas invoqué mes armes. Ça n'a rien à voir. J'ai été griffé par une Ombre. Mais rien de grave. Je dois juste laver le sang.

"- Te laver tout court. Tu es complètement saoul, David."

Mais il est complètement inconscient ou quoi? Griffé par une Ombre. Aleister était blessé aussi en prime. Non, je dois me calmer parce que là, sinon, je sens que je vais faire une bêtise. Piquer une crise ne servira à rien alors on respire profondément et on se calme. Sans compter que je n'arrive pas à interpréter son geste. Est-ce une façon de se faire pardonner, un acte réflexe, une façon de changer de sujet ou encore autre chose? Il n'avait pas besoin de m'essuyer les mains ainsi, ce n'était rien.

Je monte. Tu viens? 

"- Je te suis."

Tu ne t'imagines quand même pas que je vais te laisser seul dans cet état? Dieu seul sait de quoi son capable les gens ivres et il ne manquerait que sa nature ou ses pouvoirs ne lui donnent des idées stupides, tiens. Comme jouer du piano dans un squat? Je soupire et remonte avec lui. De toute façon, je préfère m'expliquer avec lui dans un autre lieu et sa chambre sera très bien pour cela.

Je le laisse passer devant moi, pour m'assurer qu'il ne risque pas de perdre l'équilibre ni de trébucher. Dans son état, je préfère me méfier de tout. Ce n'est pas lui, de rire ainsi pour tout et rien. Il doit bien savoir que je m'inquiète mais il ne s'en rend même pas compte, je crois que c'est ce qui me rend le plus malade.

Je le laisse se rendre dans la salle de bain tandis que je me remets à tourner en rond, venant me poster devant la fenêtre avant de revenir m’asseoir sur le lit. Je joue avec mon livre entre mes doigts, ces derniers bien qu'essuyés sentent encore l'odeur ferrugineuse de son sang. Il va se doucher mais sera t'il capable de se soigner correctement? J'hésite à appeler déjà le Doc' mais me retiens. Je dois aussi lui faire confiance.

Alors pourquoi est-ce que je sens malgré tout la colère et la peur se mêler en moi? Il m'a dit la vérité, je devrais en être flattée. Tout le monde ne peux pas se vanter que le King Shark lui fasse confiance et pourtant, cela ne me suffit pas. Il est complètement irresponsable. Et dire que dans son état, personne ne l'a empêché de s'en aller, c'est n'importe quoi.

Je pousse un profond soupir avant de laisser tomber sur le lit, ou je m'allonge en positon fœtale, Cute venant réclamer mon attention que je lui offre en restant morose malgré tout.

Mes doigts se promènent, légers, dans le pelage du chat qui ronronne sous mes caresses. Il me rappelle un peu Arsen mais tous les opposent finalement. Blanc et noir, ne tient pas en place et calme, plutôt fuyant contre un bagarreur. Pourquoi ais-je l'impression de retrouver un autre schéma connu, celui de David et moi? Au fond, tout nous oppose et pourtant... Oui, pourtant.

Naoto? Tu es sûre que ça va? Il s'est passé quelque chose?  

"- Hum... Non, rien."

Je ne l'ai pas entendu arriver, à peine ais-je ressentie sa présence quand il est monté sur le lit. Je me tourne un peu vers lui et le découvre torse nu, le regard visiblement plus clair que tout à l'heure. L'odeur d'alcool a disparu et cela me soulage mais malgré tout, je sens cette boule dans mon ventre revenir. Et elle n'a rien à voir avec les jumeaux. Je tente de respirer profondément pour me calmer mais je sens que cela ne suffira pas et ma voix est plus dure que je ne le voudrais.

"- Je voudrais juste comprendre... Ce qu'il t'es passé par la tête...
Combattre des Ombres en étant dans ton état, non mais sérieusement! C'était quoi, un défi idiot de vos jeux à boire? Tu n'as rien à prouvé pourtant..."

Respire Naoto, calme-toi. Je serre un peu les dents tandis que je me redresse un peu, au moins en position assise pour pouvoir lui faire face.

Je ne cherchais pas à prouver quelque chose. Elles étaient devant moi, et je me savait capable de les battre, je les ai détruites, voilà tout. De toute façon, j'étais mal placé pour m'enfuir, et ça n'aurait rien changé. Si c'est à cause de la blessure, tu n'as pas à t'en faire. Elle sera bientôt guérie et je serais d'attaque.  

"- Non, tu t'en croyais capable. Je ne sais pas combien de bouteilles tu as ingurgité mais vu comme tu es rentré, tu ne pouvais pas avoir les idées claires face à elle. Tout comme face à Aleister."

D'ailleurs, je ne savais rien de ce qu'il s'était vraiment passé entre eux. Simplement que David lui avait annoncé pour sa demande en mariage que j'avais acceptée et qu'il le savait blessé. Il aurait pu en profiter pour se soigner là-bas lui aussi, non? Il se promène le dos ouvert et tout est normal. Je serre les dents et les poings avant de me lever du lit et de me retourner vers lui, le regard rempli d'une colère douloureuse, pleine de questions.

"- Si ça avait été un autre Seraph qu'Aleister? Combien de temps lui as-tu tourné le dos, alors que tu étais déjà blessé? Et après tu oses venir me dire que je dois faire attention à moi? Sérieusement?"

 Enfin! Naoto! Ce n'est qu'une simple griffure! Et même si c'était un autre Seraph, je l'aurait combattu et tué! Je ne suis pas une femme enceinte! Je suis un chef de Clan, et un assassin...!

J'encaisse, en silence, stoïque et sans le moindre mouvement ni la plus petite expression visible. Alors c'est donc ça. Je ne suis plus que ça à ses yeux, une femme enceinte? Non, je ne veux pas y croire, n'interprète pas de travers ses propos. Pourtant, derrière son affirmation, c'est la seule chose que je retiens. Je ne suis pas une femme enceinte. Comme j'ai envie de lui hurler que je n'ai jamais demandé ce statut, pas plus que celui de femme tout court. Mais on ne m'a pas laissé le choix, même si dans mon état normal, je ne regrette pas le premier.

Si ça te rassure, je ne boirai plus à l'avenir. Est-ce que ça te convient?

"- Non. Fume, bois, tue, fais ce que tu veux. Au fond, ça me ne regarde pas. Tu as raison, qui suis-je pour me permettre de remettre en cause un fameux Chef d'Entreprise doublé du King Shark?"

Je déglutis un peu trop bruyamment après mes dernières paroles, la gorge serrée et les jointures devenant livides à force de tirer dessus. Je ne veux pas paraître faible mais c'est bien ce que je suis. Je ne suis que moi, désolée de ne pas être à la hauteur de ce que tu es. Mais tu le savais pourtant et je croyais que tu m'avais acceptée comme telle. Avec mes rares forces et mes si nombreuses faiblesses.

"- Même les assassins ne sont pas immortels. Et je pensais que tu préférais avoir une femme et des enfants que de laisser une veuve et des orphelins derrière toi."

Voilà, je l'ai dit. La véritable raison de ma colère. Cette peur qui m'a rongé le temps qu'il revienne. Qui m'habite tout le temps mais pour d'autres raisons également. Je me détourne de lui et me dirige vers la fenêtre. Je pose mon bras sur le rideau tiré, ma tête déposée par dessus tandis que je ferme les yeux pour retenir l'eau que je sens y monter. Je ne suis pas émotive pourtant alors pourquoi est-ce que je m'emporte autant?

Ma fiancée, Naoto. Et je peux changer, si tu le souhaite, si tu me dis comment.

Est-ce que je voulais vraiment qu'il change? Je n'en savais rien. Dans un sens, non. Car si j'étais tombée amoureuse de lui, si j'avais été jusqu'à défier ouvertement ma famille pour me les mettre définitivement à dos, c'était bien pour lui. Pour cet Homme dans lequel je crois, en qui j'ai confiance malgré ses si nombreuses zones d'ombres. Je secoue négativement la tête, tachant de retrouver mon sang froid alors qu'il reprend la parole.

Je veux une femme et des enfants. Je veux aussi qu'ils vivent heureux et en sécurité. Mais si pour ça je joue ma vie, il arrivera sans doute un jour où je te préférerai veuve et heureuse... plutôt que marié à un homme qui manquera de jugement et de courage. Je suis prêt à arrêter de boire et de fumer, mais ne me demande pas... l'impossible pour moi.

"- Te demander... L'impossible?"

Non, là c'en est trop. Si je ne m'étais pas retenue, je crois que j'en aurais arracher les rideaux, comme dans ma propre chambre. A la place, je me contente de venir frapper aussi violemment que possible de mon poing contre le mur proche. Je sens la douleur irradier dans mon poignet et remonter encore mais je m'en moque. Non, il ne comprends pas. Mais comment le lui expliquer?

"- Je suis enceinte, de jumeaux. Je vais devenir mère alors que je ne sais même pas ce que c'est que d'être une fille et encore moins une femme. Me voilà obliger de me ménager au point de ne plus pouvoir quasiment rien faire. Sans oublier le fait que je n'ai plus la possibilité de faire la seule chose pour laquelle j'avais un minimum de talent.
Ne viens me parler de l'impossible, tu ne sais pas ce que c'est...."

Je me suis adressés tout du long à sa silhouette que je devine en ombre sur le rideau devant moi. Je n'ai pas le courage de le regarder en prime. Mes larmes coulent malgré mes yeux fermés alors que je faisais tout pour les retenir. Et je n'ai pas fini mes reproches que je m'en veux, cruellement. Il ne mérite pas toute cette hargne que je lui renvoie, elle n'est pas dirigée contre lui. Je suis seulement trop faible pour accepter de me faire ces reproches à moi-même. Je finis par me retourner vers lui, le visage marqué par l'inquiétude et la peur bien plus que par la colère.

"- Sans compter que nous devenons des cibles privilégiées, presque faciles, pour les Seraphs comme pour les Nephils qui voudraient se débarrasser de nous simplement parce que le hasard à fait que lors d'un vœu idiot, le chat devant nous n'avait pas la même couleur."

Non, je ne le sais pas. Je suis incapable de faire l'impossible.
Toi, si.

Non, je n'en suis pas capable. Si vraiment je l'avais pu, dès le départ, j'aurais assumé ma naissance. J'aurais de moi-même renié cette famille et tout ce qui m'y enchaîne pour être réellement libre. Je n'ai jamais fait que faire semblant. Même un pantin est plus vrai que moi. Et c'est ça qui me fait peur. Que tu puisses te rendre compte que je ne suis rien de plus qu'une apparence, un personnage créé de toute part et que la véritable moi qui commence seulement à exister te répugne. Que tu n'en veuilles plus et que toi aussi, comme tous les autres, tu me rejettes. Pour ne pas être ce que tu attendais de moi.

Nous ne pouvons rien y faire. Si ce n'est en nous battant ou en nous cachant. Nous sommes faciles à cibler mais pas faciles à abattre, Naoto, ni toi ni moi.

"- Toi non mais moi si. Et cela n'ira pas en s'améliorant avec le temps, tu le sais aussi bien que moi..."

Car j'ai à présent 3 vies à protéger. 4 Avec David que je ne compte laisser se faire tuer non plus. Hors la grossesse terminée, ce seront des bébés que nous aurons. Des êtres vivants que nous devrons sans cesse surveiller et élever de notre mieux, loin de cette guerre dont nous sommes pourtant partie prenante.

Quand je t'ai demandé ta main, je savais pertinemment que cette guerre nous séparerait autant qu'elle le pourrait, et que nous devrions nous battre ou nous cacher si nous voulions vivre ensemble. Nous cacher n'est plus possible, avec Aleister, avec Fox et avec tous ceux qui suivront. Mais je n'hésiterai pas à me battre pour être avec toi.

Il n'y a que des Seraphs dans son résumé. Encore une preuve de ma faiblesse, il n'y a que de mon côté que les informations ont filtrées. Comme si j'avais besoin de cela pour me sentir coupable. J'ai l'impression d'avoir le monde entier sur mes épaules, d'être oppressée comme jamais. Et les jumeaux commencent à remuer sérieusement, sentant sans doute cet afflux d'angoisse qui me saisit à ces derniers mots.

Si tu veux aussi être avec moi.

"- Tu en douterais ?..."

Ma voix est bien plus faible et hésitante que je ne le voudrais. Cette simple idée me choque, profondément. Je ne ressens même plus la douleur dans ma main, ses mots m'ayant atteints comme un pic de glace en plein cœur. Ils me laissent encore plus perdue que je ne l'étais déjà. Non, tu n'as pas le droit. Pas ça, je refuse. Cela m'est insupportable, tout simplement. Et ma première réaction est violente, fulgurante. J'avale la distance qui nous sépare, littéralement, pour me retrouver juste devant lui. Faute de col à saisir, je le gifle en le fixant d'un regard brûlant, mitigé. Ou la colère est un instant plus forte que l'angoisse.

"- Je t'interdis de dire ça! De simplement même oser le penser. Tu ne peux pas... me faire ça... Pas toi..."

Mes poings viennent frapper son torse aussi mollement que mes larmes elles se sont mises à dégouliner de mes joues alors que ma tête vient se poser contre sa peau. Si lui m'abandonne, s'il ne croit plus en moi, que me restera t'il? Je suis lamentable, minable, ridicule et je le sais. Je voudrais disparaître mais je crains encore plus que ce ne soit lui qui s'en aille.

Je continue de le frapper sans la moindre force, mes sanglots remuant mes épaules de soubresauts presque violents. Je peine à tenir debout tellement je tremble de la tête aux pieds mais je continue, pourtant, comme si ce moyen était le seul que j'avais trouvé pour parvenir à extérioriser ce trop plein d'angoisse qui ne tenaillait si fort.

Je sens les bras de David venir se refermer sur moi et m'attirer davantage contre lui. Ils m'empêchent de me mouvoir mais je ne cherche plus à le frapper. Au fond, je n'ai jamais voulu lui faire le moindre mal. Mais mes larmes ne se calment pas pour autant et mes sanglots demeurent, mon être tout entier appuyer contre son corps, comme s'il était la dernière barrière entre moi et un vide qu'i m'engloutirait définitivement.

Je... je doute de beaucoup de choses, Naoto. Trop. Mais si tu m'assure que tu veux être avec moi, c'est suffisant. Pardon. Je ne veux pas te faire pleurer. Je suis un imbécile.

"- Baka..."

Crétin. Oui, tu es imbécile mais je ne vaux pas mieux que toi. Je suis même sans doute bien pire que toi. mes bras quittent son torse avant de venir lui rendre son étreinte, prenant garde à ne surtout pas venir trop près de sa plaie. Il est toujours blessé et moi, je le frappe? Eh bien, félicitation Naoto. Elle est belle l'épouse modèle, tiens. Pour un peu, j'en étoufferais un léger rire de profonde déception. Je me sens fatiguée soudain mais je ne veux pas y penser. Il y a plus important à faire d'abord.

"- Et si on s'occupait de ta blessure, qu'en dis-tu? Je pense que c'est le plus urgent à faire actuellement...."

Oui, nous pourrons toujours continuer à nous expliquer plus tard. Et je pense que j'ai bien assez fait des miennes pour ce soir. Mon Dieu, ce que je peux me sentir coupable. Je n'ose même pas venir croiser son regard tellement j'ai honte de mon comportement.

D'accord. Je vais chercher la trousse.

Sa main sous mon menton et ses lèvres sur les miennes me rassurent. Ses gestes n'ont pas changés, ils restent doux et chaleureux, accueillants envers moi. Je demeure encore quelques instants dans ses bras avant qu'il ne me relâche et ne fasse asseoir sur le bord du lit avant de s'éclipser le temps de ramener le nécessaire de soin. Ainsi qu'un boite de mouchoir. Je le remercie de cette attention d'un sourire timide tout en essuyant mes yeux  avant qu'il ne vienne s'installer devant moi, assis à mes pieds.

C'est comment?

"- Pas joli, joli mais comme tu l'as dit. Tu as déjà vu pire et dans quelques jours, il n'y paraîtra plus."

Merci les chats au moins pour cela. Je commence par me saisir du désinfectant pour m'appliquer à nettoyer au mieux la plaie. Il ne lui manquait pas grand chose pour nécessiter des points de suture, il a de la chance. Par contre, il ne faut pas la laisser ainsi à l'air. J'applique de la gaze dessus en protection avant de surmonté le tout d'une bande qui lui donne une allure de grand blessé de guerre. Mais il est vivant. Et avec moi, c’est l'essentiel.

"- Il va falloir que tu y ailles doucement pour les quelques jours à venir mais la plaie est nette et elle ne devrait plus s'infecter maintenant. Mais sauras-tu te montrer raisonnable?"

Quoi, comment ça, je me moque? Oui, je lui retourne exactement le même style de remarques que lui et le Doc' se font un plaisir de me rabâcher depuis quelques temps. Alors comme ça, il verra ce que cela fait. J'en souris même un peu.

"- Enfin, je pense que cela sera suffisant mais peut-être qu'aller voir le Doc' demain ne sera pas une mauvaise idée malgré tout. On ne sait jamais."

Tu me connais...

Oui, justement. C’est bien cela qui m'inquiète. Ne viens-tu pas de me rappeler que tu préférais risquer ta vie plutôt que de passer pour un homme manquant de courage? Mais je ne dirais rien, je ne me sens plus la volonté d'argumenter maintenant. Sa plaie, je l'ai soignée de mon mieux mais je ne suis pas infirmière alors je lui fais part de mes doutes et de mon avis.

Je verrais ça demain. Mais je pense qu'on a tous les deux besoin de dormir. Qu'en dis-tu?

"- Sans doute, oui..."

Je referme la trousse qu'il récupère déjà avant de sentir ses bras venir me soulever pour m'emmener avec lui sous les draps. Son étreinte me fait du bien, comme un baume sur mon cœur que je sens toujours blessé malgré tout, et je la lui rends, bien qu'un peu timide. Je ne voudrais pas qu'il ressente ce trop plein de malaise dont je suis encore remplie. A croire que je ne carbure plus qu'à ça en ce moment. A l'angoisse et à la colère.

Tu... tu m'en veux toujours?

"- De quoi? D'être simplement toi-même? Je serais bien mal placée pour te le reprocher...."

Au fond, est-ce que je ne l'envie pas un peu? Je ne sais pas. Non, cela n'a rien à voir. David a eu plus que largement sa dose de souffrances, de problèmes et de mauvaises surprises. Mais il reste debout, droit , fier et inébranlable, envers et contre tout. Il leur ressemble dans un sens, à ma famille, alors que pourtant, je les ai fui. Décidément, je crois que ça ne tourne vraiment pas rond chez moi. Je n'arrive toujours pas à venir croiser son regard, me sentant en faute. Je n'aurais pas du me mettre ainsi en colère, il ne le méritait pas.

"- Ce serait plutôt à moi de te poser cette question. J'ai été... odieuse...
Je... Suis désolée... Sincèrement..."

Je me blottis un peu plus contre lui, espérant qu'il ne me repoussera pas. Après ce que je lui ai dit, après ce que j'ai fait, il en aurait plus que le droit et je le comprendrais. Mais malgré mes paroles et mes doutes, il est une chose dont je suis certaine. J'ai besoin de lui, plus que de tout le reste.

Ce n'est rien. Tu as raison. Cette soirée n'était pas une très bonne idée. Et puis, sûrement que tes hormones te travaillent aussi.

Sans doute. Je ne sais pas, je n'y connais vraiment rien dans ce domaine. Peut-être que je devrais faire lui, prendre des livres et chercher dedans ne serait-ce que des ébauches de réponses. Je n'ose pas aller déranger le Doc' avec mes histoires et puis, de toute façon, il ne pourrait pas comprendre la moitié de mes interrogations. Il est médecin mais il est humain et c'est ce qui fait vraiment la différence entre nous.

Le rire léger de David, ses lèvres sur mon front, et ses se bras qui me cajolent finissent malgré tout par réussir à refouler toute cette panique qui m'avait envahie. Je ne suis pas encore sereine mais je pense pouvoir dire que le gros de la tempête est passée. Je suis seulement déçue que ce soit lui qui ait pris pour une accumulation de choses dont il n'est pas coupable. Son seul tort étant d'avoir profité peut-être un peu trop d'une soirée bien arrosée.

Je t'aime Naoto.

"- Moi aussi, je t'aime. Mais j'ai tellement peur aussi..."

Non, tais-toi. Il n'a pas besoin de savoir cela. Il a déjà tellement de choses à gérer, de personnes à s'occuper, de dossiers à traiter, je ne veux pas lui causer davantage de soucis que ceux que je ne lui créent déjà.

"- Je voudrais tellement pouvoir t'aider. Me montrer utile malgré mon état. Je ne veux pas... leur donner raison."

Tu sais, ce n'est pas pour ton "aide", ni ton "utilité" que je t'aime, Naoto. C'est ta présence d'abord qui m'importe. C'est l'aide dont j'ai besoin. Je ne vais pas te demander de travailler ni de te battre. Et c'est somme toutes tout ce que je fais de mes journées.

Oui, je le sais. Mais moi, je n'ai jamais vécue que pour ça. Que comme ça. Me rendre utile, être la meilleure. Je n'ai toujours fait que me battre. Contre les apparences, les préjugés et les injustices. Alors, me retrouver là, avec cette sensation d'impuissance, cela me rend dingue. Comme un oiseau enfermé dans un cage, dorée certes, mais un cage malgré tout.

Au fond, tu pourrais profiter de ce calme pour faire des expériences de "fille". Tu sais, lire les magazines de beauté, te maquiller, faire du shopping, voir quelle femme tu peux être... penser à ta robe de mariée aussi. L'échéance approche, après tout. Il va falloir choisir un thème et commencer à s'en occuper.

"- Oui, c'est vrai...."

Non, je n'avais pas oublier mais j'avais du mal à réaliser que le temps passait aussi vite. En quelques semaines, comme d'un coup, il me devenait impossible de dissimuler mon ventre rond de presque 4 mois. Les jumeaux remuaient de plus belle également et les nausées demeuraient alors il était vrai que je ne m'étais pas vraiment penchée sur cette question.

Tu pourrais peut-être en parler avec Judy, ou avec ta mère si tu en as envie. 

"- Je ne doute pas une seule seconde que Judy se ferait un plaisir de me traîner dans les boutiques. Sam ne serait sans doute pas en reste non plus, vu comment elles piaillaient toutes les deux lorsqu'elles ont appris pour le mariage et les bébés."

Cette pensée me fait sourire. On va avoir des neveux ou des nièces, voilà ce qu'elles avaient répondues. Elles ne me connaissaient pas, n'étaient qu'à moitié de la famille à David et pourtant, elles m'avaient acceptée là où même ma famille n'avait pas voulu de moi. Cela me touchait toujours autant et je crois que c'était ce qui m'empêchait de vraiment allez voir. Je ne saurais pas réagir face à leur enthousiasme débordant.

"- Mère... Non, ce n'est pas possible... "

Je suis son regard qui tombe sur le paquet toujours posé en évidence sur la table de chevet. Si j'avais voulu m'en débarrasser, je l'aurais fait. Hors il restait là. Présent et hors d'atteinte. Tout comme elle l'avait toujours été. Je pousse un soupir avant de revenir me caler contre lui, cherchant dans ses bras une sérénité que j'avais du mal à retrouver seule.

"- C'est idiot... Je n'ai même pas réussi à l'ouvrir..."

C'est vrai, elles ne sont pas vraiment des jeunes filles calmes....

"- Elle sont ce qu'elles sont. En tout cas, elles seront toujours bien plus féminines que moi."

J'esquisse l'aube d'un sourire. Je n'imagine pas une seule seconde Judy ou Sam s'habiller et se comporter comme je l'ai fait toute ma vie. Ce serait trop contre nature. Enfin, si j'y suis arrivée, tout le monde doit bien en être capable. Mais je préfère les voir telles qu'elles sont aujourd'hui. Elles respirent la joie de vivre et chacune mène sa vie selon son bon vouloir.

Je ne trouve pas ça idiot. Enfin, j'ai le même genre de trucs, coincés dans mon coffre. Et je ne les ai jamais ouverts non plus. Personnellement, je ne pense pas que je les ouvrirai un jour. Donc je serais de très mauvais conseil à partir de maintenant 

"- Tu ne comptes vraiment jamais les ouvrir?"

Au fond, je trouve cette idée un peu triste. Ces paquets sont malgré tout une partie de son héritage, une part de son histoire. Et même si lui n'en voit pas l'utilité aujourd'hui, peut-être pourra t'il malgré en faire usage un jour. Enfin, mon regard revient sur le rectangle de papier kraft qui semble me narguer de sa position. Bien visible, n'attendant que je trouve la volonté ou le courage nécessaire à son ouverture.

"- Le problème, c'est que je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il peut contenir. je ne vois pas ce qu'elle pourrait avoir voulu me donner ainsi, à l'insu de Père et de Minato. Je ne... comprends pas son geste et cela me gêne. "

Car en fait je réalise que je ne la connais pas du tout. Nous ne sommes que des étrangères l'une pour l'autre et cela me désole un peu, même si je sais bien qu'il est trop tard à présent. Je suis une indésirable au sein de cette famille alors ce n'est pas maintenant que je pourrais commencer à créer des liens avec la seule femme de mon entourage.

"- Si je l'ouvre... Tu restes avec moi?"

Jamais.

Bon, au moins son choix est fait et je ne suis personne pour le faire revenir dessus. Et puis, qui sait. Peut-être que d'ici quelques années, quand les enfants nous poserons des questions sur sa famille, il finira malgré tout par ressentir le besoin ou l'envie de savoir ce qu'il s'y cache. tant qu'ils ne sont pas détruits c'est qu'au fond, il n'est pas prêt à s'en séparer définitivement.

Mais moi, suis-je prête à affronter ce mystère si profond qu'est ma mère. A mes yeux, elle n'a jamais été que ma génitrice. Aux yeux de Père, une épouse modèle bien qu'elle ne lui ai offert qu'un seul héritier là où il en aurait souhaité deux. Aux yeux de Minato, elle est une voix de plus pour diriger d'une main de fer l'empire créer en notre nom. Pour les autres, elle reste Almendra, la femme de. Est-elle un mélange de toutes ces personnes? Encore quelque chose de complètement différent? Mon regard vient croiser celui de David et son sourire me rassure.

Bien sûr, quelle question! Je reste avec toi. 

"- Merci..."

Je me redresse donc et viens saisir le paquet entre mes doigts. C'est mon imagination ou je tremble malgré tout légèrement? Je le tourne de nouveau un peu cherchant à deviner son contenu sans y parvenir. Finalement, je commence à déchirer l'emballage, dont le bruit me ferait presque sursauter. C'est bon, ce n'est pas une bombe non plus, arrête tes âneries, Naoto.

Le papier ôté, demeure un jolie boite au fond noir ébène laquée, ornée de motifs floraux peints de couleur or si réaliste qu'on pourrait les imaginer sortir du décor pour reprendre vie. Jamais je n'ai vu cet objet auparavant et qu'il ait appartenu à Mère m'étonne. Il est en excellent état mais il semble particulièrement vieux, l'odeur du bois de santal dont il est fait ayant complètement disparue.

Après cette analyse poussée, je pousse un soupir profond pour trouver le courage d'ouvrir la boite en question. Et d'y découvrir un assortiment de photos chacune accompagnée d'une boite ou un sachet contenant un bijou différent. Pour le coup, je reste un instant incapable de réagir. Car dans ces photos, il y en a une à mon image. A laquelle est accrochée une boite opaque.

7 photos de 7 femmes retraçant comme un voyage dans le temps, 7 bijoux de magnifique facture, alliant pierres et métaux précieux dans des créations digne des plus grandes collections, réparties dans 7 sachets/boites. Un bracelet, une bague, un ras du cou, un petit diadème, une paire de boucle d'oreilles, un bracelet de cheville et le dernier, encore dissimulé mais m'étant clairement destiné.

"-  Qu'est-ce que... Ce serait... Ça?"

Qu'est-ce que c'est?

"- Tsuibo ..."

Le mot m'a complètement échappé et sur le coup, je ne fais même pas attention qu'il s'agisse de ma langue natale et que David ne comprendra forcément pas. Le fait que Mère m'ai remis cette boite me prend complètement au dépourvu. Que dois-je comprendre dans son geste? Pourquoi me l'a t'elle offerte alors que pourtant, on ne veut plus de moi? Non, je ne comprends pas.

"- Je pensais pourtant que cet objet n'existait pas... Que ce n'était qu'un conte parmi d'autre... Une façon comme une autre de me faire taire... "

Mes doigts caressent le bois un peu rugueux mais encore formidablement bien conservé. Mais je n'ose pas m'approcher des bijoux. Leur valeur est inestimable, non pas financièrement mais émotionnellement. Et personne ne sait que je l'ai en ma possession. Je déglutis fortement, mon regard complètement perdu dans la contemplation de ses photos chacune reliée à une bijou particulier. Dont la pierre et le métal donne eux-mêmes une idée de la personnalité et des qualités de son ancienne propriétaire.

"- Cette boîte... il s'agit du 'Trésor' de notre famille. Elle contient un bien précieux : les seuls souvenirs matériels de celles qui ont permis à notre famille de continuer à prospérer. Car si les hommes sont les Chefs de notre monde, ils ne peuvent malgré tout pas se passer des femmes. Alors, aussi insignifiantes soient-elles, chacune a gagné sa place dans la mémoire collective et se doit de ne pas être oubliée..."

Ce fut comme si je m'étais mise à réciter un texte ancré tellement profondément dans ma mémoire que même après 16 ans sans l'avoir entendu, il demeurait encore parfaitement présent. J'avais même pris la même intonation que celle que Mère avait utilisé ce jour-là. Celui où elle m'avait offert son seul et unique sourire. Et pour le coup, je peine à retenir mes sanglots. Ma voix tremble légèrement alors que mon regard quitte la boite pour venir croiser celui de David.

"- Normalement, elle devrait revenir... à l'épouse de Minato... Ce devrait être elle... la prochaine femme de la famille et moi... Je tomberais ainsi dans l'oubli... Définitivement...
Alors j'étais persuadée... que je n'y aurais jamais ma place..."

C'est donc un très beau cadeau que te fait ta mère. De t'offrir ta place dans ce trésor.

"- Oui ..."

Mais j'en reste toujours autant soufflée. Ce cadeau est bien trop beau pour moi. Il a tant de valeur. Et si je venais à le perdre? A l’abîmer? La main de David qui passe sur mon visage attire ce dernier que je viens caler dans sa paume. Non, je ne comprends pas mais en ais-je vraiment besoin au fond. Ce doit être la chose la plus précieuse que Mère ai jamais possédée, en plus de nous avoir donné la vie, du mien j'aime à le penser.

Et quel est ton bijou?

"- Je n'en sais rien. Ce n'est pas la personne concernée qui le choisit mais l’aînée. La génération précédente. C'est donc uniquement le choix de Mère à mon égard."

Je viens saisir la boite sur laquelle trône une photo de moi. Le velours est doux au toucher, chaud contre ma peau. Mais que trouverais-je à l'intérieur? Je n'en sais rien. Quel genre de bijou pourrait me correspondre? La boite reste une bonne minute entre mes mains, avant que je prenne une grande respiration et n'ouvre enfin le coffret.

A l'intérieur, se trouve une longue chaîne en argent vieillie garnie de chaque côté de 3 pierres précieuses: une perle de jade, un oeil de tigre et une turquoise. Au bout de cette dernière, se trouve un sautoir en forme de porte ancienne et ouvragée. Les poignets sont fermées par une attache de collier d'où pend une clef reprenant les motifs de feuilles grimpantes. Et en la détachant, les portes s'ouvrent, dévoilant un texte qui m'arrache un sourire. Ainsi que quelques mots.

"- Il semblerait qu'elle me connaisse mieux que je le ne croyais..."

Spoiler:

Il est superbe. Comme sa nouvelle propriétaire.

J'ai l'impression d'avoir raté quelque chose en découvrant ce bijou entre mes doigts. Je n'ai vécu qu'entourée de mensonges, de manipulation et d'intrigues, mêmes si elles ne m'étaient pas destinées. Dans l'absence totale de cette famille qui m'a toujours été pourtant si proche et indispensable. Dont je cherchais constamment l'approbation sans rien trouvé de plus qu'un regard, et encore. Et maintenant, voilà ce que j'obtenais. Le fruit de ma volonté à vouloir malgré tout faire partie d'un monde qui n'était pas fait pour moi? Une forme d'excuse? Une félicitation dissimulée?

Et quand peux-tu porter le "trésor"? Maintenant?

"- Je n'ai jamais vu Mère avec le sien que sur sa photo de mariage. Mais si elle me l'a remis, je suppose qu'à présent je suis libre d'en faire ce que bon me semble. Le porter ou... L'oublier... "

Je me laisse aller contre David, un peu perdue. Je ne pleure plus, je suis seulement fatiguée, autant nerveusement que physiquement. L'inquiétude à son sujet, mon accès de colère, les jumeaux qui maintenant se tiennent plus tranquilles mais malgré tout restent bien éveillés, cette découverte et toutes les questions que je ne peux m'empêcher de me poser. Peut-être aurais-je dû faire comme lui, Laisser la boite fermée dans un coin et ne jamais l'ouvrir.

"- A ton avis, que dois-je faire?"

Ce que tu veux. Le porter tout le temps, souvent, parfois, une fois ou jamais. En mettant de jolies tenues, aussi. Il est beau après tout. Faire selon ton envie, tout simplement!

Faire selon mon envie? Et qu'est-ce que je veux, finalement? Je n'en sais rien. J'ai toujours ce besoin incompressible de tout comprendre, de décortiquer jusqu'au plus petit indice que l'on pourrait me donner. Hors là, ce Trésor familial me semble aujourd'hui plus un cadeau empoisonné qu'autre chose. Ne serait-ce pas une façon comme une autre pour eux de s'assurer que je leur reste liée? Simplement au cas où il n'y aurait pas d'autre que celui ou ceux que je pourrais porter? Suis-je un monstre de voir ainsi ceux qui m'ont élevés? Un soupir profond m'échappe alors que David reprend la parole.

Tu peux décider ça plus tard. Tu as l'air fatiguée.  

"- Oui, la nuit porte conseil après tout, même si celle-ci est bien entamée déjà. "

Je repose le bijou dans son écrin avant de refermer la boite que je viens ranger reposer là d'où je l'ai pris un peu plus tôt. Je reviens m'installer contre David, venant me reposer complètement contre lui pour le coup. Sa chaleur, sa présence, il est tout ce dont j'ai besoin. J'espère qu'il n'aura pas de problèmes avec sa blessure, que je l'ai soigné comme il le fallait. Peut-être que je pourrais demander au Doc' de me donner des cours de 'premiers soins'?

"- Tu comptes repartir ce soir? Tu as encore des choses à régler pour les Sharks ou autre? Ou j'ai le droit de me montrer égoïste et de te garder avec moi quelques heures?"

Mmh, je dirais que dans... deux ou trois heures, je repars au boulot... D'ici là, je suis prêt à être votre prisonnier, Princesse.

"- Dans ce cas, nous serons 3 à te kidnapper. Même si c'est juste pour le temps de ta pause. "

Je souris un peu, lui rendant son baiser avec tendresse alors que ma main effleure sa joue que j'ai frappée plus tôt. Je me sens coupable, je n'avais aucune raison de lui faire une telle scène et pourtant, je n'ai pas été capable de réagir autrement. Peut-être justement parce que je tiens à lui et que j'ai eu peur? Mais cela sera toujours ainsi, il va bien falloir que je m'y fasse. Les jumeaux semblent aussi s'être calmés alors j'en profite pour m'installer au mieux contre David.

"- N'en fais pas trop, d'accord? Et si je m'endors, réveille-moi avant de partir, tu veux bien? Juste pour que je m'assure que tu vas bien."

Parce qu'en réalité, j'ai peur de me réveiller seule alors que nous étions ensemble en m'endormant. Parce ces histoires de princesses et de voleur demeurent une angoisse pour moi et que malgré la confiance que j'ai placé en lui, je crains qu'un jour, cela ne soit plus réciproque et qu'il disparaisse. Au fond, je ne suis rien de plus qu'une gamine qui n'a pas grandi dans le bon ordre. Je suis devenue adulte sans combattre mes peurs primaires et aujourd'hui, j'en paie le prix fort.

Ma main à quitté son visage pour venir tenir la sienne, jouant de mes doigts dans les siens tandis que mes paupières se font lourdes. Je voudrais restée éveillée, simplement être là, avec lui. Mais je sens que le sommeil m'appelle et je ne peux pas lutter contre lui. Alors, lentement, je sombre, autant dans ses bras et dans les limbes d'un sommeil profond et sans rêves.

[ => Fin du rp pour moi. ]