Spoiler:

«Trois tickets je vous prie.»

J'entreprend alors de sortir quelques billets que je tend à la guichetière sous le regard de mon petit frère qui a se sourire joueur qu'il me fait si souvent.

«Tu sais grand frère, à force de payer pour les filles que tu invites tu vas devenir plus pauvre que moi.»

Sa remarque m’agace légèrement mais c'est son travail de petit frère que de me rendre la vie insupportable, alors je laisse la remarque filer tout en affichant un sourire à la jeune femme derrière moi. Je ne sais pas si elle m'autorise à payer son ticket mais je ne lui laisse pas vraiment le choix, ni une ni deux je lui tend son billet et me dirige vers l'entrée du parc. Victoire Owen, jusqu'à tout récemment elle et moi allions au même lycée mais étant donné notre différence d'âge -2 ans, plus précisément- j'étais parti à l'université avant elle. Même si elle m'y a rejoint cette année.

J'entreprend d'entrer dans le parc d'attraction suivis de près par mon petit frère qui me fait toujours son sourire de "Jacob a une copine" que je connais trop bien. Une fois à l'intérieur, tout en l'ignorant, je me retourne vers Victoire avec cet air calme et joueur que je sais si bien faire.

«Alors Victoire, il y a une partie du parc que tu souhaite visiter? Moi et mon frère avions prévu de passer par le zoo en premier. »

Effectivement, à l'origine cette sortie au parc d'attraction ne devait être qu'un après-midi entre frère mais, le hasard faisant bien les choses, nous l'avons rencontrer sur le chemin et avons discuter un peu. De fil en aiguille, elle a fini par nous accompagner. Pas que ça ne me dérange, au contraire. Je me rappel qu'au niveau académique elle est une personne assez sérieuse, tout comme moi. Même que je crois me souvenir qu'elle a sauté une classe.

J'attend sa réponse, donnant un subtil coup de coude à Julien, mon frère, afin qu'il cesse de la dévisager avec une telle intensité.

C'était... inattendu, autant le fait de croiser Jacob que le fait de passer la journée avec lui. Victoire avait prévu, en premier lieu, de passer sa journée à travailler, pour changer de son quotidien, mais en partant acheter ce dont elle avait besoin, à savoir quelques douceurs, elle avait croisé une personne qu'elle n'avait pas revu depuis un temps, complètement par hasard. Et le fait que Victoire accepte de passer la journée avec lui était aussi assez impressionnant ; loin d'être misanthrope ou asociale, la jeune fille n'était pas vraiment plus extravertie ou même du genre à apprécier la compagnie de quelqu'un (exception faite de ses amourettes, qui, généralement, ne durait de toutes façons pas bien longtemps).

Alors pourquoi se retrouvait-elle à sourire à ce garçon qu'elle ne connaissait même pas si bien ? Elle ne trouvait pas sa présence désagréable, pour sûr, mais elle ne se souvenait pas d'avoir été amoureuse de lui, et ne l'était toujours pas ; à vrai dire, il semblait impossible de lui faire oublier Stella ne serait-ce qu'une minute, ces temps-ci. Alors, qu'avait-il de plus que les autres pour qu'elle passe sa journée avec lui ? Sans doute rien, cela ne tenait qu'à un concours de circonstances : Victoire devait absolument changer un peu d'air, arrêter de s'enfermer toute la journée dans ses révisions.

Sa compagnie demanda à Victoire si elle voulait visiter une partie du parc en premier lieu. Elle se serait sans doute sentie mal à l'aise si de choisir alors qu'elle venait de se faire inviter. Elle acquiesça d'un sourire :

"Bah faisons comme ça, alors !"

Elle semblait à l'aise, et très calme ; le regard du petit frère n'avait pas l'air de la gêner le moins du monde ; là où un regard dare-dare de Stella aurait changé ce calme en rouge vif, le sien, pourtant insistant, semblait à peine être remarqué.

Jacob et Victoire n'ayant pas parlé depuis un certain temps, cette dernière se posait beaucoup de questions à son sujet, en particulier une qui trottait dans sa tête depuis que son frère avait faire son commentaire à l'entrée ; était-il un genre de Dom Juan, ou le cadet voulait-il juste embêter son aîné ? Victoire n'avait en aucun cas mal pris ces paroles en tout cas, mais espérait tout de même que le petit frère ne se montre pas trop insistant pour ça... Car si ce n'était pas gênant, cela deviendrait au moins pénible. Mais, pour en revenir à Jacob, elle se demandait s'il n'avait pas changé ; elle se souvenait de lui comme de quelqu'un qui avait un certain succès, c'est vrai, mais, en deux ans, le jeune homme aurait bien eu le temps de changer. En marchant, elle reprit la conversation :

"Bon, sinon Jacob, dis-moi un peu c'qu'il y a de nouveau ; en plus d'un an, tu as eu le temps de vivre beaucoup de choses ?"

Elle se rendait compte trop tard qu'elle avait plus ou moins oublié le petit frère... Alors elle était rentrée dans son jeu... quelle plaie...

Vivre des choses? Si j'en ai vécu? Oh, Victoire si tu savais comme les choses ont évolué en un an. Ma mère est tombé gravement malade, une maladie mortelle. J'ai été forcé d'emménager en appartement parce que mon père gère mal le stress. Qui plus est, pour sauver maman, il a emprunté une grande somme d'argent à la mafia afin de payer son opération. Mais je ne peux pas te raconter tout cela, ça casserait l'ambiance et attristerait mon frère.

«Oh, quelques histoires par-ci par-là. J'étudie en histoire et je suis des cours de langue, histoire de diversifier ma culture. Je m'occupe de ma grande peste préféré aussi *sourire à Julien* et je fais des sorties de temps à autre.»

Mon frère me renvoi son sourire et affiche un air malin.

«Surtout avec des filles.»

Avant que je n'ai le temps de le tourmenter de nouveau, il échappe à mon emprise et s'enfuit en direction de l'enclos des gorilles, me laissant seule avec Victoire. La petite crapule ne perd rien pour attendre... Sans vraiment prendre le temps de me justifier, je tente de dévier la conversation vers un autre sujet. Mon premier réflexe étant de lui pointer l'entrée de l'aquarium qui est tout près. J'attrape sa main et l'y dirige alors, faisant un clin d’œil moqueur à mon jeune frère. La manœuvre étant plus pour le bénéfice de mon frère que le mien, il aime être seule avec les animaux et de toute façon, en cas de problème. Il sait à quel endroit me rejoindre en plus d'avoir mon numéro de téléphone.

Une fois entrée dans l'aquarium, je porte attention à son regard au cas ou elle souhaiterait me parler ou voir un aquarium en particulier. Je regarde en direction de l'eau et sans vraiment réfléchir, légèrement perdu dans mes pensées je lui dis:

«Tu savais que des chercheurs ont estimé que si l'être humain pouvait visiter les fonds marins, ils seraient en mesure de visiter le plus grand de tous les musées? Apparemment la plus grande partie des vestiges de l'histoire sont ensevelis sous l'eau.»

Avec de la chance, elle aime bien l'océan.

Il avait plus éludé que répondu, pour Victoire... C'était idiot, et paradoxal, puisqu'elle avait réagit exactement de la même façon avec sa cousine ; "il ne s'est rien passé, ou je ne veux pas en parler", alors Victoire n'allait sûrement pas insister... même si l'envie de manquait pas. Elle se contenterait de ne pas faire ce qu'elle n'aurait pas voulu qu'on lui fasse.

Un commentaire de son frère lui confirma, soit qu'il était pénible, soit que Jacob n'avait pas trop changé, par rapport à celui que Victoire avait connu. Elle se contenta de sourire en levant les yeux au ciel, amusée malgré elle. La jeune étudiante ne put répondre puisque Jacob la prit par la mains en l'emmenant vers l'aquarium. Victoire était distraite : elle regardait à droite à gauche, la bouche entrouverte, comme une enfant qu'on emmènerait dans un magasin de jouet, elle n'était pas émerveillée, mais plutôt absorbée par ce qu'elle voyait : comme une enfant. Elle avait aussi son index sur sa lèvre inférieure, détail dont se souviendrait peut-être Jacob, tant il la suivait depuis longtemps.

«Tu savais que des chercheurs ont estimé que si l'être humain pouvait visiter les fonds marins, ils seraient en mesure de visiter le plus grand de tous les musées? Apparemment la plus grande partie des vestiges de l'histoire sont ensevelis sous l'eau.»

Non, elle l'ignorait, c'était un sujet intéressant pour elle, mais elle passait son temps, depuis le début de l'année, à manger, dormir, ou réviser, à peu de choses près. Elle aurait bien aimé enchaîner sur une petite anecdote personnelle, mais, bien sûr, elle n'en avais aucune. Elle se contenta de sourire en lui répondant qu'elle l'ignorait, et qu'elle trouvait le sujet intéressant, bien qu'elle ne pouvait absolument plus y passer de temps avec ces études de malheur. En se collant à une vitre et en plongeant son regard dans l'eau de l'autre côté, elle reprit la parole :

"C'est un truc qui m'fascinait quand j'étais plus jeune... enfin, que j'aimais beaucoup, on va dire."

Sans regarder celui qui l'accompagnait, elle sourit pour elle même, en le laissant la bouger s'il le voulait, ou la laisser là, comme béate d'admiration.

Je m'aperçois bien malgré moi que mon jeune frère a piqué la curiosité de Victoire en ce qui attrait à ma vie amoureuse. Ce n'est pas particulièrement que le sujet me dérange, ni même que je souhaite l'éviter, je préfère juste éviter de trop étaler ma vie alors qu'elle ne ma encore rien raconter à son sujet.

"C'est un truc qui m'fascinait quand j'étais plus jeune... enfin, que j'aimais beaucoup, on va dire."

Toujours concentrer sur les poissons dans l'aquarium, je me racle vaguement la gorge. J'imagine qu'il est évident que les mystères de l'océan puissent fasciner les gens à un très jeune âge. Moi-même je suis encore passionné par ce sujet.

« J'imagine que tu as développé d'autre champ d’intérêt depuis?»

Je prend la peine de la regarder cette fois, c'est un simple signe de politesse que de regarder son interlocuteur lorsque l'on parle. Évidemment, par habitude, je conserve mon sourire charmeur.

«Dit moi Victoire, il y a du nouveau dans ta vie depuis New york? Tu étudies dans quel domaine?»

Je la questionne au sujet de l'année qui s'est écoulé depuis la fin de mon échange étudiant, sachant malgré tout que je ne connais que très peu de chose sur elle. Nos discussions étaient limité à l'époque, chacun de nous ayant eu des groupes d'ami(es) différent. Ne sait-on jamais, puisqu'elle est maintenant à l'université de Palema elle aussi, il n'est pas impossible que l'on se voit plus souvent qu'à l'époque alors aussi bien en apprendre le plus possible sur cette discrète personne.

Si elle avait développé "d'autres champs d'intérêt" ? Déjà au lycée, elle manquait de motivation pour tout et était déprimée, il fallait maintenant rajouter à ça le fait qu'elle n'avait pas le temps... Pas vraiment les circonstances idéales pour se trouver des passions, en bref. Victoire ne détourna même pas la tête pour répondre, se confondant tout le temps à l'enfant qu'elle était resté au fond d'elle, pour répondre à Jacob :

"Nan, pas vraiment..."

Son ton ne traduisait pas une tristesse quelconque, plus le fait qu'elle n'était qu'à moitié présente. Son ami enchaîna sur une deuxième question ; ce qu'il y avait de nouveau dans sa vie. Pas grand chose ; et Victoire n'allait sûrement pas parler de Stella, car ça ne le concernait pas vraiment, et que, surtout, rien qu'en parlant d'elle, Victoire allait sans doute réussir à retrouver très vite des joues rouge vif.

"Pas grand chose de nouveau... Mais j'ai commencé des études en médecine !"

Elle se retourna vers lui pour lui sourire, comme enjouée par ce qu'elle venait de dire : une vrai enfant malgré elle. Elle se décida à lui retourner la question tout de même, histoire de dire qu'elle s'intéressait un peu à lui quand même... ne serait-ce que par politesse.

Oh bon sang c'est trop mignon...Fût la première pensée qui me traversa l'esprit lorsque ma jeune compagnie se tourna vers moi avec un telle sourire enjoué. C'est étrange comme parfois les êtres humains ont une vision biaisé de la réalité. L'ayant toujours pris pour une personne sérieuse dans ses études, je n'avais jamais remarqué jusqu'alors sa petite taille ni ses manières enfantines. Je n'y avais pas réfléchi bien que ça paraissait évident mais...attend un instant...est-ce que elle aurait...?

Je remonte immédiatement mes yeux en direction de son visage. Même si elle sait que j'ai remarquer, je vais faire comme si de rien n'était. J'ai sans doute affiché un regard surpris malgré moi, après qui ne l'aurait pas fait. Je remarquais à peine à quelle point Victoire ressemblait à une petite fille fragile que mes yeux se sont soudainement posé sur ses bras. Visiblement, les drogues -notamment celle qu'on injecte- doivent être dans son domaine d'expertise en médecine. Je me demande si elle a osé...

"Ah oui? C'est plutôt cool de l'apprendre. Notre système de santé à bien besoin de gens... Si ça ne te dérange pas je passerai te voir de temps en temps entre tes cours. Ça m'a toujours bien plu la médecine. Surtout que tu vas l'apprendre assez vite mais je fais partie du comité disciplinaire."

Je lui relâche mon sourire de casanova et m'approche un peu d'elle, brisant toute subtilité. Une astuce que je me suis développé pour cacher mes émotions lorsque je suis avec une fille. Faisant partie du comité disciplinaire, il est de ma responsabilité de prendre soin -ou de punir- les autres étudiants. Ancienne camarade ou pas, je vais creuser cette histoire un tantinet. Étant plus près je me permet de confirmer, elle a des traces d'injection. Je vais la garder à l'oeil un certains temps je pense bien, particulièrement les jours ou elle va être en laboratoire...

Bon, cela devait bien arriver : Jacob avait remarqué ce qu'avait Victoire au coude... après tout, elle ne l'avait pas vraiment caché, voire pas du tout. Cependant, elle avait l'impression de voir que Jacob, lui, semblait plus embarrassé qu'elle, ou bien que ça le surprenait ? Sans doute, Victoire était presque un cliché de petit première de la classe, en apparence, tout du moins.

Il lui apprit qu'il était du comité disciplinaire, et Victoire crut bien comprendre qu'ils risquaient de se voir souvent... Cependant, une chose la gêna ; ils n'étaient, elle et Jacob, pas si proches que ça, et d'ailleurs, ils ne l'avaient jamais vraiment été ; alors pourquoi voulait-il la voir après les cours ? Parce que ce domaine lui plaisait ? Il ne pouvait pas se renseigner par lui-même ? Victoire se doutait qu'apprendre par quelqu'un était plus agréable qu'apprendre en autodidacte, mais cette demande lui semblait... "déplacée", en quelques sortes. Qu'à cela ne tienne, il n'était pas la compagnie la plus désagréable qu'elle pouvait imaginer non plus, sinon elle n'aurait pas accepté de passer cet après-midi avec lui.

Elle fut bien plus gêné par son petit sourire et le fait qu'il se rapproche d'elle ; il tentait quelque chose ou se faisait-elle des idées ? Par réflexe, elle sourit en détournant le regard, et ses joues rougirent un peu en réaction à sa surprise par rapport à ce qu'il venait de faire. Elle ne dit mot, se contentant de ramener son regard vers le sien, toujours aussi visiblement gênée.

Elle rougis, j'ai l'habitude. Généralement c'est le signe que mon interlocutrice a été surprise et que, malgré elle, toute son attention se reporte sur sa propre gêne. Maintenant, elle devrait être tellement préoccuper à l'idée de choisir sa réaction que j'ai bonne espoir qu'elle n'a pas remarqué ma réaction atypique. Qu'on me prenne pour un casanova me dérange bien moins qu'un type qui n'a pas le contrôle de soi, je suis au comité disciplinaire après tout!

À vu d’œil comme ça il m'est impossible de dire si les séringues utilisé étaient celle de l'école. C'était un peu stupide d'essayer de deviner, maintenant que j'y pense, une seringue est une seringue. Alors que je me crois en contrôle de la situation, Victoire réagis d'une façon tout à fait inattendue. Elle ramène sa tête dans ma direction, me faisant désormais face. Je ne rougis pas mais j'avoue être un peu perdue. J'ai l'expérience avec les filles mais c'est la première fois qu'on me fait face de cette manière. S'attend-elle à ce que je...l'embrasse?  Je ne vois pas pour quelle autre raison elle aurait replacer sa tête dans ma direction. Je vois simplement sa tête de plus en plus près, perdant légèrement pied. On est proche, un peu trop proche.

"Frangin je veux faire un tour de manè...oh...faudra que tu me montre comment faire moi aussi."

Une ouverture, je fais comme si l'arrivée de mon frère me surprenait (ce qui est en partie le cas) et me recule légèrement d'elle. Je fais face à mon frère pour lui répondre, ce qui me donne aussi un prétexte pour calmer mon cœur pendant que Victoire ne me vois pas le visage.

"Allons faire ton manège avant de partir, tu viens Victoire?"

Ce qui devait être une mini enquête pour le comité a passé bien près de devenir une histoire de coeur assez soudaine. Merci p'tit frère, t'es mon héros. Même si mes émotions de tombeur semblent confuse quant à mon envie de ne pas aller au bout de ce face à face imprévu.

Spoiler:

Pour faire écho au début de cet après-midi : c'était inattendu. Victoire s'était demandé si Jacob essayait de se rapprochait d'elle, elle ne l'attendait pas. Pourtant, assez vite, ils se retrouvèrent presque à s'embrasser... Victoire se demandait si sa réaction était déplacée, ou bien si celle de Jacob l'était, dans tous les cas, elle pensait encore beaucoup plus à Stella qu'à lui, alors pour elle, ce n'était même pas une éventualité, ce baiser malvenu. Enfin, Victoire était un peu ailleurs, mais aurait sans doute simplement reculé sa tête en lui demandant "ce qu'il foutait". Au lieu de ça, c'est le petit frère qui vint la (les ?) sauver, leur procurant, tout du moins à elle, par la même occasion un délicieux sentiment de malaise.

Comme Jacob n'était pas allé au bout de son acte alors que son frère ne devait pas tant le gêner, cela voulait dire que c'était un accident alors ? Tant mieux, Victoire préférait éviter de lui dire de ne pas recommencer, ou bien de revivre ce genre de moment gênant... Elle n'avait pourtant pas les joues plus rouges qu'avant. C'est paradoxal, même complètement insensé, en fait, mais c'était un fait. Quoique, lui dire de ne pas recommencer... Ça pourrait être amusant de le taquiner là-dessus ? Ça pourrait, même peut-être que cela aboutirait simplement à une dispute des plus pénibles, et, des plus évitables, pour le coup. Faisant la part des choses, Victoire se décida à taire cette pensée.

Elle les accompagnerait bien sûr faire un tour de manège, après tout, ils étaient censés passer cet après-midi ensembles. Cependant, alors qu'ils recommençaient à marcher, Victoire se tu, et attendu que Jacob, ou son frère, prenne la parole. Elle, l'index posé sur les lèvres par réflexe, était assez absente et pas vraiment dérangée par le silence, tant pis s'il devait durer, elle vivait assez bien avec lui quotidiennement pour ne pas s'en inquiéter. Elle repensait, encore une fois, à la jeune fille qu'elle avait rencontrée sur un heureux hasard ; elle ne l'avait toujours pas revue depuis, Victoire se demandais vraiment s'il quelques chose allait, un jour, se passer entre elles, et, si la réponse était "non", elle se demandait si elle regretterais ce moment avec Jacob alors ? Tant de frivolités qui la laissaient extérieurement de marbre, mais qui, à l'intérieur, la faisait réellement douter... Enfin, en ce qui concernait Stella.

Victoire n'a pas placé un mot depuis l'interruption de mon frère -qui nous regarde tour à tour avec deux fois plus d'insistance- mais j'imagine que c'est tout simplement naturel vu l'étrangeté de la situation. Je ne place pas de mots non plus, elle semble être une femme qui sait apprécier le silence et je ne vois pas vraiment ce que je pourrais dire qui changerait la situation actuelle. Je me contente de suivre mon frère qui nous emmène en direction du manège le plus imposant de tous. C'est sans doute le "roller coaster" le plus effrayant qu'il m'ait été donné l'impression de voir mais j'aime bien ce qui est effrayant. La file est longue cependant, très longue.

Je finis par casser le silence au bout d'un certains moment, demandant à mon frère comment l'état de maman semble progresser. N'étant pas fan de mon père, j'évite au plus possible la maison et le peu d'information que je sais sur la situation me vient de Julien ou de maman en de très rares occasions, du moins me venait, elle ne fait plus rien depuis qu'elle est sortie de l’hôpital.  

"Elle fait comme elle peut, je l'aide beaucoup dans la maison."

Il parle bien moins que d'habitude et surtout il ne parle pas de papa. Mauvais signe, il a des choses à dire que Victoire ne doit pas entendre. Il faudra sans doute que je passe à la maison prochainement, la mafia doit leur causer des soucis puisque je sais pertinemment que nous n'avons pas l'argent pour rembourser l'emprunt qu'il a fait. Nous arrivons à l'entrée du manège, juste assez de temps afin que Victoire place quelques mots puis il nous suffira d'espérer que les enfants devant moi ne vomisse pas.

"Ça va bien avec ta propre famille, Victoire?"

Faisons comme si tout à l'heure n'avait pas eu lieu...

On dirait que Jacob acceptait lui aussi le silence, Victoire n'était pas gênée par ça, en revanche le file d'attente allait être pénible, vu sa taille, si personne ne parlait. Au bout d'un petit ou d'un long moment, Jacob se décida à reprendre la parole, mais il ne s'adressait pas à Victoire, il demandait à son cadet comment allait sa mère. Victoire comprit donc que cette dernière avait des problème de santé, chose qui la gênait un peu en raison de ce qu'elle avait vécu. Cependant, plus que ça, ce qui la gênait, c'était qu'elle ne se sentait pas à sa place dans cette conversation ; elle n'était pas vraiment proche de cette famille, et, par le fait, elle considérait qu'elle ne "méritait" pas de savoir ce genre de choses. Surtout que, à leur place, jamais elle n'en aurait parlé.

D'ailleurs, comme elle l'attendait, Jacob s'intéressa à l'état de sa famille. Elle ne savait pas quoi lui dire, mais elle savait bien qu'elle n'allait pas traîner sur la question, si jamais elle y répondait un tant soit peu. Elle ne pouvait pas simplement dire que son père était mort et qu'elle ne parlait plus que très peu à sa mère, puisque c'était ce genre de choses qu'elle préférait garder pour elle, et puis, ce genre d'aveux risqueraient vraiment de casser l'ambiance, ou le semblant de reste d'ambiance, de cet après-midi. Alors elle n'allait pas mentir, puisqu'elle n'aimait pas ça, elle dirait simplement qu'elle préférait ne pas en parler.

C'était peut-être une "mauvaise réaction", s'il y en avait une, puisque ça risquait de ramener un nouveau silence, et éventuellement, cela les renverrait au moment gênant de tout à l'heure. Cependant, loin de ces idées, Victoire trépignait d'impatience ; le manège allait bientôt démarrer. Elle devait être à peu près aussi enthousiaste que le petit frère de Jacob, bien qu'extérieurement, elle avait l'air à peine agitée. Et cette agitation passait sans doute aisément pour de la nervosité, mais Victoire n'avait pas peur du manège, elle voulait juste qu'il démarre, elle en tremblait presque d'impatience ; une vraie gamine.