Rues:

[Suite de Coup de blue]

Lorsque Luna me dépasse, je ralentis discrètement le pas ; profitant de ce léger aparté pour lancer un regard mauvais à notre public graveleux. Geste qui fait mouche d’ailleurs, tant ces poivrots ferment rapidement leurs sourires aussitôt le message décrypté. Les avantages de gérer la bâtisse phare du coin, peut-être quelque chose qui me manquera lorsque j’aurai quitté ce taf … Enfin, il me reste les rookies Seraphs à martyriser, ça fera l’affaire.  

Puis, sans me faire prier, je franchis le seuil à mon tour pour rejoindre la compagnie qui m’attend. Honnêtement, je ne sais pas ce que j’espère de cette soirée, hormis passer un bon moment – et entre nous, c’est déjà beaucoup.
Souriant au mime de miss Gordon, je lui réponds en ajustant brièvement la montre que je n’ai pas.

« - Commissaire. Cela me semble tout à fait coller avec mon rôle, bien que traverser ce quartier soit déjà une première étape. Afin de respecter mon affiche d'homme nocturne, il va de soi. »

Non, je ne lui renvoie pas l’humour incessant sur la relation purement amicale que nous entretenons – allons, si l’on s’y met à deux, nous finirons par s’en persuader. Ce qui serait … Serait, en fait.
Tout à fait dans mon rôle, je suis la marche, à l’allure tranquille. Rien ne presse, mais je suis soulagé que l’instant de Luna l’ait dirigée dans le direction opposée à la ruelle où elle a trouvé Lenna. La discussion est censée être joyeuse, ou du moins entraînante ; ressasser ce genre de détails pourrait m’attacher au crâne ces noires idées d’ombres.

« - Je suis curieux, de quels genres d’affaires devez-vous vous occuper la journée ? »

Furtivement, je fouille dans ma poche en quête de mon paquet, mais il n’y a que mes clés qui répondent à mon appel. Merde, je l’ai sûrement fait tombé en haut lorsque je me suis allongé… Eh bien, tant pis. Je ferai sans ce soir.
Evitant les yeux de Bluedie pour le moment, je balance mon regard de lampadaires en lampadaires. Je crois que j’apprécie ce moment.

Sneaky, je prends la route opposé a notre dernière rencontre. Pas vraiment envie d'éveiller chez Howard les souvenirs sanglant de notre dernière rencontre. D'autant plus que Lenna est en vie. Et que c'est tout ce qui importe. On peut prendre ses distances et oublier doucement le stress et l'horreur de ce spectacle. J’espère que le temps effacera efficacement ça de ma mémoire.

« - Je suis curieux, de quels genres d’affaires devez-vous vous occuper la journée ? »

La phrase Howard me tire de mon fil de pensées. Paroles salvatrice je reprend ce rôle de Gordon. Il me retire presque une écharde du crâne.

« - Je suis sous couverture. Je me fais passer pour une musicienne en ce moment même. J'ai même convaincu une femme croisé au hasard de jouer mon agent. »

Je profite du relatif silence pour me moquer du cliché de la situation. On est presque seul. C'est même lui qui m'a proposé plus ou moins de manière tordue qu'on s'éloigne de son bar. Mais j'aime prolonger cette phase ou on est relativement tranquille à plaisanter. Je me complais dans le confort du flirt et de l'humour. C'est toujours plus facile de garder une contenance.

Sauf que je ne suis pas aussi sûr de moi que je ne le laisse paraitre. Tapie dans l'ombre, une petite angoisse inopinée émerge à la surface. Je n'y avait pas repensé depuis une éternité : Peut être deux ou trois jours. J'en suis pas sûr. Mais il revient, polluant encore le fil de mes pensées. J'essaie d'éteindre cette alarme à Terry qui commence doucement à s'activer. J'ai pas besoin d'avoir peur. J'en suis convaincu. Et même si Howard s’avère être un acteur. En cas d'emmerde, je n'ai qu'à déployer un kekkai pour que la menace disparaisse temporairement. Je suis sûr que je peux même me débrouiller pour le maitriser sans mon arme. Et si cela est faux, je n'ai qu'a l'invoquer dans mon esprit pour que cette dernière apparaisse.

"Et vous ? Bruce Wayne. Qu'envisagez vous de faire après avoir quitter votre couverture dans un bar ? "

D’un coup, mes yeux s’arrêtent sur le lampadaire le plus éloigné. Pas qu’il soit particulièrement beau ou artistique, mais comme je l’ai dit, c’est le plus éloigné. C’est-à-dire qu’il me permet d’oublier mes mouvements oculaires assez de temps pour rire mentalement, sans que mes orbites fassent un tour complet. Ce qui serait, avouons-le, plutôt douloureux.
Vraiment, Luna a pour agente une femme croisée au pif dans la rue ? Déjà le fait de vivre de sa musique est notable, mais c’est sur ce détail que je m’esclaffe silencieusement. Je ne sais pas ce qui est le pire là-dedans : que ce genre de coïncidence arrive vraiment, comme le coup des clochards dans Un prince à New-York, ou que je boive ses paroles sans penser un seul instant qu'elle puisse mentir ? Non, vraiment, je suis persuadé qu’elle dit la vérité – pas de mensonge dans un mensonge entre nous, sinon je vais m’épuiser la cervelle à saisir le degré que nous utilisons.
Alors, je hausse simplement un sourcil, réactivant ma machine visuelle.

« - Vos états de service semblent vraiment excellents, un tel charisme est rare. »

Avant que je puisse continuer sur une nouvelle question, voilà que la sienne tombe. Aie.
Epine. Bobo. Sujet complexe. Retour au blues. J’en ai assez fait, c’est bon ? Bref, il faut que je trouve matière à lui répondre. En fait, ce serait même bien pour mon futur que je le fasse, parce que mes plans humains sont assez limités pour le moment. Genre, hormis mes besoins naturels, il n’y plus grand-chose qui rentre dans cette case.

« - Je ne sais pas si vous êtes accréditée pour ce genre d’informations … »

Gain de temps, gain de temps comme on dit. Mais faut que j’abrège, sinon elle va vraiment capter que j’en sais rien. Et passer pour un type paumé dès le premier rendez-vous, je suis pas sûr que ça soit du meilleur effet.

« - Mais dans le doute, je vais penser que si. Honnêtement, Alfred est en train de plancher sur ma reconversion, et il aimerait que la Wayne Enterprises finance une association d’aide aux sans logement dans le Sud, sauf que nos fonds ne sont pas dans leurs plus beaux jours. Alors, son plan de secours est de trouver un job alimentaire, et de participer à des opérations du genre en parallèle. Et puis, ensuite, de voir comment les choses iront. »

En d’autres termes, vivre au QG et sortir aider des squats de temps à autre. Mais la première version fait carrément plus pompeuse.

« - Enfin, tout cela est secret défense. De votre côté, comment avance votre couverture ? »

Je sourie face au petit compliment qui est passé discrètement dans la conversation. Reste a savoir si je dois vraiment le prendre au premier degrés. Mais après une longue concertation avec moi même que quelques dixième de secondes. Je tranche en considérant que oui. Je le peux. C'est donc sans gêne que je laisse mon orgueil savourer ces mots.

Je l'écoute attentivement. J'aime bien le type. sa manière d'être me rappelle naturellement la bienveillance de Samantha. c'est typiquement ce qu'il faut que j'entende pour calmer une partie alarmiste de mon cerveau.

"Ma couverture ? Elle stagne. J'ai prévu de rester clean, de devenir riche millionnaire philanthrope voulant purger Gotham du crime. Éventuellement aller à Disneyland avec un petit frère chiant. Pas grand chose d'autre"

Tommy. Faudrait que je le recontacte maintenant que je peux rattraper le temps perdu et ne pas me présenter à sa famille comme un déchet sdf. Théodore aussi. Mais lui, c'est différent. Je crois que je lui en veut.

Un peu triste, je purge mes sentiments en me rapprochant d'Howard. Va t-il penser de moi que je suis une fille facile ? Au pire, je m'en fiche. Je profite de la nuit pour glisser doucement ma tête sur son épaule.
Faut vraiment que j’arrête de me prendre la tête.

Gordon qui aspire à devenir Batman ? Eh bien, c’est un univers alternatif qui me plaît, le gaillard mérite bien ça. Enfin, si ça se fait, qui sera le bon flic qui croit en ce héros ? Bah, je fais confiance aux auteurs pour bien fignoler l’affaire, c’est le genre de choses qu’ils savent trouver.

Puis, je sens la tête de Luna se poser doucement sur mon épaule. Je sourie d’instinct, sans chercher à le camoufler ; pourquoi le ferai-je, d’ailleurs ? Délicatement, j’incline mon crâne juste assez pour que nos cheveux se mêlent à peine, et glisse ma main sur sa hanche droite. Mes doigts y sont à peine posés, juste assez pour être agréable en fait. L’ambiance créée me plait, et j’ai envie de la voir perdurer.
Dans le fond, je crois que mentalement je commence à barrer mes incertitudes de tout à l’heure. Je serai déçu que tout s’arrête ici et maintenant, alors il va falloir que je fasse attention à mes mots. Ou pas en fait, juste que je sois moi-même, et non l'espèce de type blasé du début de notre conversation.

« - Je vois que vous souhaitez me faire de la concurrence. Eh bien, j’imagine qu’il y a de la place pour deux dans le club des philanthropes héros de la nuit… »

Au rythme lent de nos pas, je reconnais le contour d’un petit parc qui se profile. Pas assez grand pour être fermé la nuit, trop proche de l’hyper centre pour être mal fréquenté. Un coin sympa en somme, que je n’ai finalement pas traversé autrement que pour aller au travail. Et une fois pour affronter une ombre, je l’avoue.
Décalant lentement mon bassin, j’influe la marche pour nous y diriger.

« - Je crois apercevoir là-bas un repère bien connu de méchants. Que diriez-vous de l’inspecter ? »

Le prétexte n’est pas fameux, mais je ne savais pas vraiment comment tourner ma proposition autrement, surtout si je voulais rester dans nos rôles respectifs. Et puis, cela me servira à relancer la conversation sur autre chose que son travail. Elle, peut-être.

Je déguste ma dose de dopamine de la soirée. Quand il penche ma tête et que ses doigts glissent souplement vers ma hanche. J'aurais pu rester un bon bout de temps  comme ca. Mais admettons qu'il a continué la conversation. Et que de ce fait, je suis plus ou moins obligée de lui répondre

« - Je crois apercevoir là-bas un repère bien connu de méchants. Que diriez-vous de l’inspecter ? »

" Qu'il vaudrait mieux faire de ce pas une planque pour chercher toute activité illicite qui pourrait s'y dérouler."

Je redresse la tête presque a contre cœur. Et m'éloigne doucement de lui pour ouvrir le portillon qui nous sépare du parc. Pardon je voulais dire "Du repère de méchant" Je fais même une petite référence, l'air de jouer les gentleman.
Semi victoire quand même : Si Howard ne me tiens plus la hanche, j'ai réussit a lui saisir brièvement la main. Pas loin, il y a un banc. Oh... Gosh, c'est tellement cliché.

" Trouvez vous des signe d'activités suspectes qui pourraient interférer avec notre mission de surveillance ? "

En disant, je m'étais rapproché a nouveau de lui pour placer ma main sur sa hanche opposée. Que je pouvais être niaise quand je le voulais...

Le jeu continue, mais la cohérence se perd. Ou plutôt, mon sens de la répartie – le plus intéressant se joue maintenant dans nos gestes, et non nos mots. Lorsque je la vois s’avancer pour m’ouvrir la grille, je réprime une mine de déception : en fait, ce n’était pas une si bonne idée de se diriger vers le banc. S’arrêter là, tout de go, au beau milieu de la rue aurait été tout à fait très agréable. Allez, je trinque mentalement à moi et mes idées abruties. Parfois. Souvent ? On s’en fiche.

« - Excellente directive, commissaire. »

Je pénètre dans l’espèce de mini espace parc, à mi-chemin entre la place verte et l’espace véritablement aménagé. Définitivement, un coin où l’on sera tranquille.
Un instant, je la sens frôler ma main, la saisir, puis la relâcher au gré de mes pas. Je ne sais pas exactement quand, mais notre flirt est en train d’accomplir le dernier quart de son virage vers la séduction, le côté enfantin en prime. Et cette espèce d’amourette de gamins n’est pas pour me déplaire. C’est plus amusant à vivre qu’une simple histoire d’adultes.

Lorsqu’elle se rapproche de moi, j’agis presque en symbiose avec elle et la tient à nouveau par la taille, raffermissant légèrement mes doigts cette fois, pour résister au rythme de notre marche.

« - Cet objet m’a tout l’air étrange, je pense que l’on devrait l’aborder pour en savoir davantage. »

Je n’ai rien indiqué du regard, ni par ma bouche. On sait tous les deux de quoi je parle, tout aussi niaises que soient mes idées. Mais qui me jugera ? Certainement pas Luna, ou du moins pas maintenant. Peut-être que j’aurai le droit à quelques blagues là-dessus demain, ou … Voilà que je me perds déjà dans des prévisions. Ne te presse pas Howard, savoure et sois spontané. C’est la meilleure des choses à faire.

J’amorce la marche vers le banc, serrant un peu plus nos flancs, tournant légèrement ma tête vers la sienne. Le moment n’est pas encore propice à un baiser, mais je crois que maintenant j’en ai envie. L’enfant de douze ans ressurgit, sauf que j’ai appris avec l’âge à être davantage patient. Encore quelques minutes.

Plus les minutes s'estompent, plus je commence a me dire que je suis un ramassis de clichés niais. La preuve : Ce parc me parait presque être un endroit cool voire même agréable alors que je suis tristement sobre. Bon Howard doit y faire un peu aussi. La nouvelle proximité avec Blondie n'est pas pour me déplaire. Mais bon, je me sens légère. Un peu stupide, mais légère. Et puis, j'ai le droit de l'être aux dernières nouvelles, nan ?

- Effectivement mon cher Wayne

Il s'assied sur le banc et je le suis. J'abandonne vite l'idée de m'allonger à mon aise. J'ai tendance a prendre beaucoup de gens pour des oreiller chauffants. Et puis je doute sérieusement du confort de ses pattes. Pas assez adipeuses j'dirais.

Oh, il tourne la tête vers moi. C'est marrant de le voir m'observer comme ca. Le coté accord tacite/ secret polichinelle. C'est tellement cliché que je résiste a peine à l'envie de gâcher tout le drama autour de cet instant. C'est donc d'un air presque niais que j'approche doucement mon visage du sien. Ma bouche se fend d'un sourire.

"Merde, t'as vraiment lu des Fanfic de Gordon X Batman ?"

Allez, fuck. je m'approche a nouveau pour reprendre ce que j'ai si classieusement interrompu. De toute manière, il l'aurait appris un jour ou l'autre que je suis du genre a taper sur le système des autres.

Merde. Le come-back de l’écolier, je pensais qu’il allait me tranquille le temps du baiser au moins. Presque bouche contre bouche, un rien nous sépare ; mais je bloque un instant, plongeant mon regard dans le sien. Cela fait longtemps que je ne me suis pas retrouvé dans une relation du genre, alors mes repères se sont enfuis aussi rapidement qu’ils étaient arrivés – et, je stresse. J’ai peur de mal faire, d’avoir oublié la méthode, alors que c’est absolument risible.

Enfin, elle brise le silence. Sa réplique sort de nulle part, dénote tellement de l’ambiance romantique de la scène que je ne peux m’empêcher d’afficher un sourire béat. Dans une tentative désespérée, je parviens à arrêter le rire franc qui aurait dû en découler, mais je demeure muet. La réponse attendra encore quelques instants, il faut que je reprenne ma contenance avant.

Doucement, bien que rapidement – notons le paradoxe, mais il est possible quant à la situation -, je reprends ma mine simplement heureuse. Je ferme les yeux, respectant la tradition ancestrale que nos ancêtres ont imposée à je ne sais quelle époque, puis pose mes lèvres sur les siennes. Je fais durer l’instant une seconde, deux, un peu plus. Je ne sais pas combien de temps exactement, mais je finis par me reculer, soulevant tout aussi tranquillement mes paupières.

Et, je lâche ce rire que je retiens depuis trop de temps. Le stress puéril est retombé, la joie montée et l’esclaffe s’est déjouée des pièges que je lui avais tendue.

« - Tu me prends pour qui ? La totale s’t’euplé. C’est trop ro-man-ti-que. »

Si l’on me demande un souvenir de cette soirée, une image de Bluedie, ce sera sa réplique j’imagine. Viendra ensuite notre premier baiser, mais je crois que ces deux idées demeureront liées par le sceau immuable de l’humour absurde.
En passant, je perds une partie de ma virilité sur ma réponse fluette. Quoique, d’un autre côté, le ton est si léger que je m’en fiche. Enjôleur, je me rapproche de nouveau de Luna, me demandant si elle prendra les devants cette fois.

Au passage, que l'on me foute la paix avec l'histoire de diriger la conversation. Je demande un temps mort niais avant de poser de nouvelles questions, histoire de recharger les batteries de mon humour dévastateur.

Je savoure autant la surprise qui se lit sur le visage d'Howard que sont sourire amusé. Ces derniers, bien qu'agréable font probablement pâle figure sur la suite. Un instant à la saveur passionnelle. Je me surprends à oublier toutes les embuscade qui peuplent ma vie. Et pendant les secondes qui s'égrainent, j'ai l'impression que l'univers à décidé de me foutre la paix. Juste pour quelques minute. Alors j'en profite un maximum.
Je me surprends a me blottir davantage dans les bras du blond. A enjamber ses cuisses pour me retrouver face a lui. Mes mains enlacent ses épaule avec un naturel agréable. Mes lèvres s’arrêtent a nouveau à quelques centimètres des siennes. Mais je ne trouve pas de connerie à dire. Alors je me contente de mettre ses nerfs à l'épreuve. Tiens, si je jouais au bisou esquimau ? Histoire de m'amuser a voir si c'est lui qui viendra à moi ou l'inverse.

Je me répète, mais peu m’importe. J’aime ce moment, j’apprécie cette proximité avec elle, ce petit jeu qui ne sert qu’à prolonger le suspens – et à faire monter l’envie. Nos yeux plongés les uns dans les autres, je m’amuse à lui rendre cet espèce de baiser enfantin, frottant mon nez en sien tout en veillant à ne faire que s’érafler nos bouches. Délicatement, je fais glisser ma main libre le long de sa taille, puis de son dos jusqu’à mêler mes doigts à sa chevelure bleue.
Et là, seulement, tout en détendant tout à fait ma main droite, je joins à nouveaux nos lèvres, jouant un peu d’elles cette fois-ci. Se cantonner à un simple bisou d’enfant ne me suffit plus, je veux m’y complaire encore davantage, sans pour autant aller plus loin qu’en surface.

L’instant dure encore plus longtemps. Je n’ai pas envie de nous séparer, simplement de profiter ce tendre moment – mais, le plaisir de la tentation me force à résonner mes idées. Bis repetita, je recule jusqu’à séparer nos visages, sans nous éloigner non plus.
Intérieurement, je ris. Si tout ça arrive, c’est grâce à un chien, un carnet et un bébé. Noir au passage, mais je ne suis pas sûr que le détail soit important. Le hasard a bien fait les choses. Vraiment.

Allez, merde. Je suis sucré ce soir, niais à souhait. Alors, autant ne pas m’arrêter en si bon chemin. Je colle nos deux fronts, ne quittant toujours pas son regard du mien. Des pensées, des désirs se bousculent dans ma tête, mais je ne veux rien brusquer. Je veux profiter de tout ce que cette soirée a à m’offrir avant d’aller plus loin.
En fait, je crois que je peux passer encore un bon moment à jouer.

« - … »

Oui, normalement j’étais censé dire quelque chose là. Sauf que j’ai préféré l’embrasser une troisième fois, me dérobant au plan principal. Saloperie de sucre. Finalement, reprenant ma posture initiale, j’arrive à aligner quelques mots.

« - Une femme qui boit de l’eau dans un bar… J’ai vraiment des goûts weirdo. »

Puis, je souris grand. A ton tour, bluedie.

C'est lui qui craque. Ce qui ferait sourire si je n'avais pas d'autre a faire avec mes lèvres. Puis un troisième baisé vient égayer une promenade nocturne. Je tait mon cerveau. Il se met soudainement en pause, incapable de faire autre chose que de savourer juste l'instant. Tous mes problèmes me rattraperont bien assez vite, autant savourer l'avance que j'ai sur eux, pour le moment.

J'en profite pour me lover dans les bras du blond. Posant ma tête doucement sur l'épaule d'Howard. J'ai l'impression d'être un chat qui s'amuse avec son humain domestique. Je sourie à sa pique. Une partie de moi ne manque pas de répliquer avec un sourire presque satisfait :

" Si je dis Marta, est ce que tu vas ravaler tes paroles et me trouver exceptionnelle d'un seul coup ?"

Petite pause avant que je décide de me redresser pour faire face a l'impudent qui ose m'insulter de la sorte.

"Ou pour ça faut que je te rappelle que t'as été incarné par Ben Affleck et que pour moi, c'est un motif personnel pour te laisser en plan. Genre là, maintenant, toute de suite "

Je plaisante. Du moins a moitié. Nan, en vrai j'aime vraiment pas Ben affleck. Éventuellement dans son apparition dans South Park. Mais dans tous les cas, je suis tenté de l'abandonner. Juste pour voir sa réaction. Alors je sourie de manière on ne peut plus carnassière avant de faire mine de me relever.

Un instant, je profite. Mes bras enlacent Luna, mes pensées sont aux abonnées absentes et mes pupilles se perdent dans l’obscurité. Tout est calme, paisible ; heureux. Nous sommes juste deux, là, au milieu de rien. Le parc, le banc n’ont plus d’importance : seule notre proximité compte. Je surprends mon regard retombé sur la contemplation du visage de Bluedie, défiant les ordres inexistants qui lui ont été donnés. Mais je ne me plains pas.

Pourtant, le jeu reprend ses droits. Une parole vient briser cette harmonie, et un mouvement étire le cocon. Je ne dis rien, quoique j’imite l’air sadique qui se dresse sur la mine du commissaire. Je reste sous l’égide du mutisme – un tel air appelle à une suite, et je m’en voudrais d’avoir cassé sa punchline. Ou pas. Mais je suis gentil ce soir.

Je prends mon temps, conservant nos yeux croisés autant de secondes que possible. La tentation de la laisser partir pour voir si elle en est capable est forte, mais abandonner si tôt serait dommage. Allons, je ne suis pas un si mauvais adversaire, j’ai une réputation à tenir. Et à forger au passage, mais je préfère sauter les étapes ; ça permet d’aller plus vite à l’essentiel.
Théâtralement, ce qui veut dire en gros aussi mal joué que je le peux, j’attrape sa main pour l’empêcher de se lever ; geste magnifique que j’accompagne d’un air grossièrement suppliant.



Quelle est cette odeur ? Ah oui, je flaire le Razzie Award qui s’approche. Une telle performance en vaut bien deux tant que j’y suis, je me suis vraiment surpassé pour le coup. Enfin, ce n’est pas terminé.
Je relève la tête, quelque peu goguenard.




Je sais. Je dois arrêter les blagues aqueuses, c’est pas une bonne solution. Mais … Fichez-moi la paix !
Doucement, je relâche sa main, guettant sa réaction.

Un pouffement s'échappe de ma gorge au vu du drama qui se joue sous mes yeux. Juste assez fort pour être audible du blond. Une pique me brûle les lèvres et je ne la retiens pas vraiment. Elle s'échappe malgré moi de mon sourire un peu trop enjoué

- J'aurais du boire plus mec. Parce que c'est pas un simple Marta qui réussira a te rendre exceptionnel a mes yeux ♪

Malgré ma petite méchanceté gratuite disséminée dans mes mots, je m'assoie a nouveau près de mon interlocuteur. J'avoue que j'ai un peu froid sous l'air nocturne. Pas au point de grelotter. Mais assez pour décider que cette bouillotte a forme humaine pouvaient être utile a mon dessein maléfiques qu'est de me réchauffer.
Peut être j’exagère un peu ? Après tout j'avoue que je suis beaucoup moins frileuse qu'avant mon contrat. Affronter la fraicheur de la nuit n'est pas le pire combat que j'ai mené. Mais bon. J'ai un bénévole a disposition, pourquoi m'en priver ?

Sur ce, mon bras se place sous sa veste. Juste assez pour entourer son bassin de mes bras, caler ma tête dans le creux de l'épaule.

- Mais j'peux toujours te trouver une utilité s'tu veux.  

Sous mon oreille, je sens son cœur s’accélérer subtilement à travers le tissus qui couvre sa peau. C'est un peu cliché. Mais faut croire que je suis plus niaise que je ne le laisse supposer.

Je souri, dans une position des plus abruties. Juste là, Luna m’enlace, et moi, je fais quoi ? Je regarde par-dessus sa tête, une main sur le banc et un bras en l’air – en somme, le sosie parfait d’un épouvantail. Pourtant, je m’attendais à ce qu’elle ne s’en aille pas sitôt après le début de notre rixe, mais elle m’a … Surpris ? Je sais pas, peut-être, peut-être pas. Enfin, toujours est-il que je suis ridicule dans cette position.

Doucement je viens poser mon bras droit sur son flan, résistant à l’envie de glisser ma main sous sa chemise. Je préfère garder l’attaque de main froide pour plus tard, comme botte si jamais elle prend l’avantage verbalement ; ce qui n’arrivera pas, évidemment.
Oh, et le gauche sur ses cuisses.

« - Bouillotte professionnelle, dure reconversion pour Batman. M’enfin, à partir du moment où les clients de mon bar commandent de l’eau, c’est plutôt logique que je doive me trouver un autre taf… »

Je profite de notre espèce d’entrelacement chaud quelques secondes, appréciant la proximité avec elle. Et puis, ça m’offre un prétexte pour repousser mon tour de punchline, le temps de trouver de quoi alimenter ma prochaine pique.

« - M’enfin, je connais d’autres mots magiques. Je pourrais te proposer un café brûlant, à moins que ce réchaud ne te suffise… »

Mentalement, je m’injurie à moitié. Lui proposer de quitter ce banc si tôt, c’est presque triste ; mais rien ne m’oblige à la servir tout de suite d’un autre côté. Oh, arrête de te poser des questions Howard. Profite, et glisse doucement ta main froide sous sa chemise, pour guetter sa réaction.

« - Bouillotte professionnelle, dure reconversion pour Batman. M’enfin, à partir du moment où les clients de mon bar commandent de l’eau, c’est plutôt logique que je doive me trouver un autre taf… »

J'éclate d'un rire franc à ce trait d'esprit. Je sais pas. Je suis sucrée ce soir. Tellement que je sens ma vision pétiller. Peut être est ce son parfum qui me monte légèrement a la tête ?  Alors je passe ses délires chelous qui échappent un peu a mon intellect euphorique et je continue.

"Un café ? Vraiment ? T'es pas insomniaque ou tu as prévu quelque chose ce soir pour t'occuper cette nuit ?"

Le ton est innocent.  Mais le sous entendu a peine voilée pour que le cerveau du blond puisse capter la fréquence sur laquelle je lui cause.

"M'enfin, j'en veux bien blondie. Tant que c'est pas sous les yeux de la clientèle de ta gargote. "

Dans d’autres situations, j’aurais franchement pu sentir qu’à la taille du sous-entendu qu’elle me prend vraiment pour le moins fin des abrutis ; mais j’ai tendance à croire que, ce soir, je peux passer à côté ça.
Distraitement, je lève doucement ma main pour faire glisser ma montre jusqu’à ce qu’elle soit visible – encore heureux que j’en porte une ce soir, sinon j’aurais été à court d’idée pour ma réplique. Puis, après quelques instants d’apparentes intenses réflexions, qui ne le sont pas tant en réalité, je me décide à répondre.

« - Hmm, je suis sûr que le stagiaire va fermer le bar à l’heure ce soir, alors je crois qu’il va falloir que je trouve de quoi m’occuper. »

Entre nous, je dors que deux heures par nuit. Donc oui, je ne vais pas tomber de sommeil si tôt. Tranquillement je viens replacer mon bras là où il était, puis resserre un peu mon étreinte, parlant à voix basse.

« - Tout bien réfléchi, ce serait cruel de le faire bosser autant… Je vais lui demander de fermer, il a bien assez trimé pour la soirée. »

L’excuse est foireuse, mais mes clients sont plus à ça près. Si je ferme plus tôt un soir, c’est pas ça qui les arrêtera de venir ; et puis je me rattraperai en faisant une petite offre la prochaine fois. Tout est bien qui finit bien, donc.
Dans le souci du détail, je pianote discrètement quelques mots au petit, l’intimant de plier boutique dans les prochaines minutes.

"Toute cette ballade pour faire demi tour ? T'as de la chance que j'ai un paysage pas trop deg' sous les yeux pour pas me sentir lésée dans l'affaire"

La réplique est un peu beauf, quoique. C'est un demi compliment teinté de beauferie. Mais un peu dans le trash talk ? Donc ca passe ?

Je met rapidement mon cerveau en veille. Je viens de me rappeler pourquoi je n'essaie pas de réfléchir dans ces conditions. Mon crane fait office de vrai boite de pandore difficile a faire taire tant le débit de question stupide qui peut s'y écouler est parfaitement incroyable.
Bon, Luna. Ici ton cerveau. Un conseil : Ne réfléchis plus et contente toi de te complaire dans l'enlacade qu'il t'offre. Tu angoisseras plus tard sur des questions vitales ou vfutile. Ciao bye.

Sur ce, je me contente de poser ma tête sur son épaule et de l'emprisonner entre mes bras.