Bar 'A New Dawn':

Pourquoi j’ai paniqué ? Je suis rodé à tout ça. Près de deux ans de contrat, un grade élevé, des tas de missions et de combats à mon actif, et … Ce soir, j’ai perdu mes moyens, pire qu’un rookie qui croise sa première ombre. Ridicule.
Les coudes sur les genoux, les fesses sur le lit, je me frotte énergétiquement les cheveux avec les deux mains. Pense à autre chose Howard, calme ton pouls et ordonne tes pensées. T’es au taf, t’as des responsabilités envers tes collègues – ton rôle, c’est d’être un barman consciencieux et souriant, pas un pauvre type flippé qui écarquille ses pupilles dès qu’on lui adresse la parole. Bordel, je vaux mieux que ça pourtant !

Et tout ça à cause d’une vulgaire ombre. Même pas une grosse impressionnante, une simple rachitique que je pourrais me farcir en une ou deux balles. Pourtant, j’ai préféré me carapater et me planquer à l’étage, laissant le stagiaire gérer toute la clientèle. Chic approche pour un premier jour, je suis vraiment un tuteur exemplaire.

Mais… Il faut me comprendre. Depuis qu’Isabella a refusé mon offre, mon espoir de paix s’est envolé avec. J’avais tant d’espoir en cette bicoque, d’en faire mon espèce de refuge contre les contractants et les ombres ; sauf que, même si j’avais pu travailler là-bas, cela m’aurait fait plus de mal que de bien. J’aurais vu des visages qui se seraient gravés dans mon esprit, et peu à peu j’aurais commencé à reconnaître des Nephils dans la rue. Alors, j’aurais simplement dû faire mon office, comme le demande mon poste dans la faction. En cherchant la paix, je serais tombé sur la guerre.
Donc, il me reste que ma bâtisse comme refuge. Un endroit exposé à toutes les abominations de notre vie secrète, et pour lequel il n’existe aucun système de protection. En d’autres termes, une maison de paille qui n’attend que que le loup la trouve.

Un bruit sourd résonne dans la pièce. Je relève la tête, et découvre face à moi une ombre qui vient de rayer mon mur de sa longue griffe, galopant vers moi. Dans le même mouvement, j’ouvre un petit Kekkai et déploie mon bouclier, brisant son élan. J’invoque mon arme, puis la pointe vers le monstre, d’une main tremblante.
Je vide mon chargeur dessus. Quoique l’expression ne soit pas tout à fait possible, l’image est là. Mon exploit accompli, la réalité reprend de nouveau ses droits sur mon corps réapparu.

Si ce soir j’ai pu entraîner le loup à l’écart, je ne pourrai pas le faire à chaque fois. Un jour, bientôt, il sera trop rapide. Ou quelqu’un me reconnaîtra et m’exécutera sans précaution quant aux témoins. Je ne sais pas quand cela viendra, mais si je ne fais rien pour me mettre à l’abri, cela ne tardera plus. Enfin, je pense en avoir fini pour aujourd’hui, au moins.

Lentement, je descends les marches qui me sépare du bar. Ma pause est terminée, la menace est évincée, maintenant il faut que je retourne à ma tâche. Contre toute attente, le nouveau semble s’en être sorti plutôt convenablement, malgré la petite queue qui commence à se former devant lui… Et la tache pas très discrète au sol. Allez, prenons les paris : je dirais qu’il a cassé un whisky.

« - Beau boulot Jimmy, je vais t’aider un peu. »

Avec ça, il va me prendre pour le patron ingrat qui lui file tout le boulot tout en se reposant. Bah, j’aurai le temps de me rattraper, non ? Et au passage : c’était du cognac, comme quoi je réellement troublé ce soir. Rapidement, je reprends mes marques en déchargeant la file du petit, puis m’autorise un verre. C’est rare que je boive un soir de service, mais on prendra celui-ci comme une exception.
Profitant d’un léger répit au comptoir, je me sers un simple fond de cette maudite boisson qui m’a couché l’autre fois, puis m’avachis un peu, contemplant l’activité de la salle.

[Ombre niveau 2]

Je remarque pas le kekkai au dessus du plafond. Ou plutôt ai je décidé sciemment de l'ignorer. Fut il plus grand, j'aurais aussi passé mon chemin en espérant que personne ne me croise. Nan, vraiment, parfois je préfère largement ne pas me poser de question. Je suis ici pour parler avec Howard. Je passe une enieme fois en coup de vent pour espérer le trouver et lui causer.

De quoi ? Je sais pas vraiment moi même. J'ai récemment repensé a cette fille que j'avais aidé il y a quelques mois dans une ruelle glauque pas loin. Ouais, prendre de ses nouvelles. je m'en veux d'avoir évité la rue de ce bars quelques temps. Je m'en veux aussi d'avoir sciemment ignoré le contact "Beau Blond" qui aurait pu me renseigner sur son sort.
Pourquoi maintenant ? Admettons que depuis peu, je ne rêve plus que deux heure la nuit. Donc j'aimerai éviter les redites de cauchemars culpabilisantes. Au moins les espacer. Et parmi les visions étranges que ressasse mon inconscient, il y a le visage pâle de la femme qui revient régulièrement hanter mes rêves. Pas dans le bon sens du terme.

J'arrive au bar et un petit jeunot m’accueille. Celui la même qui m'a dit de me pointer aujourd'hui si je voulais croiser Howard. Il va vraiment croire que je suis une Yandere acharnée, nan ? Au pire, je m'en fiche. Le rookie semble occupé par la clientèle. Je me formalise pas de son indifférence et je reste adossée au comptoir quelques minutes. Veillant à ne croiser le regard de personne.
Face à l'attente qui se prolonge, je laisse la pointe d'agacement s'amplifier. Pour rien arranger, le bruit d'un verre qui se brise me fait un peu tressaillir. Face a la triste constatation de ma nervosité, je lève les yeux aux ciel avec une pointe d'agacement. Une manière comme une autre de constater que la barrière à disparut de ma vue, à mon plus grand plaisir. De toute manière, je suis pas là comme contractante. J’espère juste que celui qui habitent en haut est en vie.
Note à moi même. Ne pas venir ici pour boire a l’œil dans un kekkai. Ca me parait être une relativement mauvaise idée.

Je vois enfin émerger le blond derrière le comptoir, lui même se sert un verre après avoir aidé son protégé. J'attends qu'il arrive a ma hauteur avant de simplement l'aborder

-Yo Howard, c'est moi ou tu vas pas bien c'soir ?

Ouais, j'aurais pu prendre mon accent beauf et faire mine de le draguer, mais j'ai bien capté a sa démarche qu'il y a un truc pas normal.

Sans trop que je sache pourquoi, le décor classique de mon bar se mue en une espèce de crâne punk sur fond blanc. A moins que ce ne soit la couronne de la Liberté, ou simplement d’un POW de bande-dessiné ? Dans le doute, je dodeline un peu la têt, absorbé par ce motif ma foi quelque peu intéressant.
Puis, je saisis. Ce n’est pas de la magie, c’est une personne – et une cliente, qui plus est. Au boulot Howard, la pause est terminée. Lentement, je pose mon verre et me redresse, avant d’adresser un sourire faussement radieux à l’intéressée.
Oh, Luna.

« - Yo. Hmm. Je t’offre un truc à boire ? »

Ouais, j’ai fait la moue. Et ouais, j’ai totalement occulté sa question ; mon rôle ici c’est de servir, et à la limite d’écouter les types trop bourrés qui ont une belle histoire à déblatérer. Ou moche d’ailleurs, je ne fais pas ma fine bouche – mais certainement pas de m’épancher sur mes soucis surnaturels auprès des clients. Même le fait qu’elle en sache plus que moi sur notre relation, et qu’elle ait sauvé la vie d’une Seraph ne suffisent pas à en faire ma psychologue attitrée… A moins qu’elle ne cherche qu’à faire office d’amie ? Ah, ça pourrait se faire. Suffit d’un peu plus d’entrain de ma part, et j’aurai sûrement le temps d’inventer une histoire pour faussement expliquer ma mine maussade.

Temporairement revigoré, et surtout parce que je sens le regard de Jimmy sur mon dos, j’attrape quelques bouteilles que je pose en évidence sur le comptoir, un verre les accompagnant. Au diable ton avis sur moi le rookie, pense de moi que je suis un patron abusif et coureur de jupons si tu le veux.
Il n’empêche que j’ai la salle manie de compter plus de femmes que d’hommes sur la liste d’invités de cette bâtisse… Bah, on ne m’en tiendra pas rigueur, si ?

« - J’ai même des crackers si t’as faim. »

Ça, c’est une nouveauté dans mes habitudes. Mais bon, on dira que mon petit acharnement d’il y a cinq minutes m’a quelque peu ouvert l’appétit. Et puis, bon sang, pourquoi est-ce que je me sens obligé d’expliquer chacun de mes actes ? Laisse-moi tranquille conscience, au moins ce soir. S’il te plaît.

« - Yo. Hmm. Je t’offre un truc à boire ?  J’ai même des crackers si t’as faim. »

Bon, j'avoue, mon regard lorgne un peu l'alcool qu'il a posé sur le comptoir. Je contemple du regard la petite collection, comme on regard un tableau dans un musée avant de m'y désintéresser l'instant d’après. Je sourie avec amusement, j'ai vraiment pas du lui faire masse bonne impression s'il sort l'artillerie lourde. Mais je réponds simplement avec un air détaché et franc :

" Nan, désolée, je danserai pas sur les tables ce soir. Askip' j'essaierai de mieux tourner ces derniers temps et apparemment ca passe par arrêter l'alcool et toutes mes conneries. Donc ce sera un verre d'eau frais si t'en as. Avec des glaçons s'il te plait. Éventuellement, je vais même aller jusqu'à abuser de ta gentillesse en mendiant une ombrelle bleu."

Bon, je taxe quelques crackers quand même. Parce que ca a beau être des saloperies, y'a moyen que prendre du poids soit bénéfique sur le long terme. Genre, si je veux me faire pousser quelques muscles, ils faudrait bien que je gagne un semblant de masse.
Et puis me remplir l'estomac en bouffant nonchallement quelque chose me donne assez de courage pour démarrer les hostilités et me lancer dans la question épineuse de notre connaissance commune.

"En vrai, je suis vraiment désolée de ne pas te l'avoir demandé plus tôt. et j'avoue que je m'en veut d'arriver comme une fleur ce soir. Mais... comment va Lenna ?"

J'esquisse un sourire un peu tremblant. J'avoue j'ai peur d'entendre la réponse de mon interlocuteur. Alors quand je sens que mon regard se brouille, je regarde intensément l'assiette de cracker pour cacher mon visage.

Curieux, je suis le regard de Luna pour tenter deviner sur quelle bouteille va s’arrêter son choix. Je le vois vaciller sur un whisky, pour se reprendre sur un Martini, puis enfin s’arrêter davantage de temps sur du Mojito – au passage, que l’on soit d’accord. Il est préparé avec soin, puis seulement mis dans une bouteille. Rien de tout fait commercial, allons bon -, pour finalement finir sa course dans le mien. Hmm, je ne sais pas. Comme si mes talents de Sherlock en boissons s’étaient quelques peu amenuisés.

Je hausse un sourcil, amusé. Ha ça, c’est de la triche ! Sans un robinet dans le panel, comment est-ce que j’aurais pu deviner son choix ? Je demande à ce que l’on rejoue le match. Ou qu’on oublie ma défaite. Ouais, faisons ça.

« - Je sais pas si je vais pouvoir te servir, ça risque de creuser nos dettes … »

C’était soit ça, soit une réflexion sur le fait que j’aurais bien aimé la voir danser sur la table. Et vraiment, je préfère éviter de couper court à notre discussion en passant pour le beauf que je ne suis pas. Si si, j’insiste. Sauf avec trois verres de plus. Chacun son talon d’Achille, bien que celui-ci ne me soit pas exclusif, j’en ai bien peur.

Je prépare rapidement son verre, lui faisant même l’incroyable cadeau de doubler les ombrelles. Soyons honnête, la mode de la saison avait plutôt été du côté des pourpres, ou même des taupes, alors il me reste une belle réserve de bleues. Mon chef d’œuvre accompli, je le présente à l’intéressée, rangeant dans la foulée l’étalage désormais inutile qui lui sert encore de centre d’intérêt. Ah, non, apparemment les crackers semblent avoir aspiré son âme. Bien, ça me laisse le temps de réarranger discrètement les décorations, histoire qu’elle ne s’aperçoive pas que l’un trempe un peu trop.

Et puis, la question tombe. Etrangement, je la sentais venir, sans pour autant qu’elle me dérange à vrai dire – allons, elle lui a sauvé la vie, il est normal qu’elle ait envie de savoir si tout cela s’est bien fini. Souriant, je cherche à récupérer ses yeux pour la rassurer.

« - T’en fais pas, Lenna va très bien. Ils se sont bien occupés d’elle, et même son œil n’a aucune séquelle. Et puis, c’est déjà super de ta part de prendre de ses nouvelles, t’as pas à t’en vouloir. »

Je dois avouer que sa gentillesse timide m’a quelque peu remonté le moral. Et même si cela s’avère n’être qu’un prétexte pour se donner bonne conscience en vidant mon stock, ce n’est pas très grave.
Aussi, ce genre d’hypocrisie me semble hautement improbable chez une femme qui boit de l’eau dans un bar.

« - T’en fais pas, Lenna va très bien. Ils se sont bien occupés d’elle, et même son œil n’a aucune séquelle. Et puis, c’est déjà super de ta part de prendre de ses nouvelles, t’as pas à t’en vouloir. »

Je pousse un soupire de soulagement. Le genre de d'étaux qui disparait intantanément au point que mes poumons gagnent 50% de réserves en plus. Puis je redresse la tête avec un sourire qui ne laisse pas transparaitre la tristesse qui l'habitait quelques secondes auparavant. Mon regard matte un instant le verre avant de remonter vers le visage Howard. J'ai presque oublié jusqu'au souvenir de cette petite tristesse qui avait enjolivé mon crane de son voile de deuil. Moi ? Lunatique ? Pas du tout. Je n'ai absolument pas dit comme un mauvais acteur un truc genre :

- Wouah, double dose d'ombrelle. Je pensais pas être digne d'un tel privilège.

Avant de rajouter par excès de politesse un :

- M'enfin merci beaucoup blondie.

Et apres. Je ne me suis pas saisi de mon verre. Contemplant le liquide glacé avant de le porter à mes lèvres. Je savoure quand même doucement quelques gorgées de fraicheur liquide avant de retourner sur terre et me concentré sur le barman. Howard semble moins inquiet. Au fond peut être que lui aussi a besoin de parler pour chasser temporairement l'angoisse qui avait dû le saisir.
Autant revenir sur ce sujet de conversation nan ?

- Est ce que je reste polie ou je dis a voix haute que t'as pas répondu à ma question ?

A mi chemin entre la pique verbale et mon naturel joyeux, je m'amuse a démarrer les hostilités et la conversation.

Peu à peu, mon sourire de circonstance se transforme en véritable. Sa performance magistrale m’a amusé, mais je pense que son long soupir de soulagement joue aussi là-dedans – contrairement aux coups des ombrelles, il n’y a rien de forcé ici. Elle simplement heureuse d’apprendre que Lenna s’en ait bien tirée, et voir des gens qui s’intéressent aux gens davantage qu’en façade me plaît. Enfin, coupons net mes pensées là-dedans, sinon mon côté guimauve va ressortir, et … Cela ferait un trop gros clivage, non ?

« - De rien, bluedie. »

Non, pas de commentaire sur mon humour cette fois-ci. J’ai décidé d’arrêter de justifier chacune de mes paroles, c’est plus simple. Et moins contraignant. Et, stop, là je retombe dans le piège.

Sans la lâcher du regard – non, ça n’a rien de stalker, c’est une discussion. Le contact visuel, ça aide. Si si –, je me surprends à rire discrètement de son air satisfait quand elle boit. Déjà que les clients à savourer les bonnes bouteilles que je leur sors à l’occasion sont rares, ceux qui dégustent un simple verre d’eau glacée sont … Eh bien, Luna est unique là-dessus je pense. Il faudrait que je creuse la piste, peut-être que mon robinet est un puit à délices pour le palais ? Non, oublions. Je parie pour le côté en dehors des normes de la demoiselle.

Tandis qu’elle repose sa boisson, je découvre à ses côtés la mienne. Sans hésiter, je l’attrape et la fourre à côté de l’évier, décidant de l’oublier là. Si la soirée continue sur sa lancée, pourquoi me laisser tomber dans les filets de l’alcool ?

Ma mine se crispe rapidement. Alors, elle n’avait pas passé son interrogation de salut, Luna avait simplement préféré la garder pour un moment plus … Propice ? Oui, ou pas loin. Quelques secondes, je reste muet, fuyant son visage en contemplant les lampes au plafond – et m’infligeant même la surveillance un instant de Jimmy. Toujours aussi assidu le gaillard, il ferait un merveilleux remplaçant.
Et c’est là que je la tiens, mon excuse. Pas tout à fait fausse, mais pas entièrement vraie. Le mensonge amical classique quoi. Je soupire par convention, puis finis par retrouver le chemin de ses yeux.

« - On va dire que j’ai quelques soucis de … Hmm, boulot. J’hésite à quitter la bâtisse, et ça me tourmente un peu on dira. »

Vite, une diversion pour qu’elle ne parte pas trop loin dans le sujet. Je crée un air malicieux, quoique pas satisfaisant à cent pourcents, et m’avance un peu vers elle.

« - Mais faut pas trop en parler ici, le petit serait trop heureux d’apprendre qu’il a une chance d’avoir vraiment un poste ici. »

Ironie, ironie. Je serai bien le premier à le lui annoncer, simplement pour voir son sourire. Dopamine du matin, on dira.

Je finis d'une traite le liquide glacé en buvant ses paroles. Puis après avoir machinalement déposé le verre sur le comptoir, je pique les ombrelles presque sans m'en rendre compte. Juste histoire d'occuper nerveusement mes doigt le temps de cette conversation. Ca me donne passablement l'impression d'être une gosse. Mais au fond, je m'en fiche

- Merde. Ca veut dire je pourrais plus te stalker au boulot pour réclamer des verres d'eau ? Tss Je vais devoir chercher un nouveau fournisseur.

Réplique absurde. Parce que que Howard ne s'étend pas volontairement sur le sujet et que j'ai plus ou moins compris qu'il ne cherchait pas trop a préciser sa pensée. Allez, enchaine sur un changement de sujet innocent. Histoire d'apprendre un peu à le connaitre.

- Mais si tu n'es plus barman, tu vas pas te coltiner l'impression de bosser à chaque fois que tu vas sortir ? D'ailleurs dans quel sombre endroit inconnu et regorgeant de mystère sortent les gens qui bossent dans le milieu de la nuit ?  Est ce que vous avez un genre bat cave où vous vous réunissez pour cracher ensemble sur vos clients ?

Bon, s'il est partisan du premier degres, je suis bonne pour l'asile. Mais si c'était vraiment le cas, je ne serais pas en train d'amorcer une ambiance propice au flirt sur fond d'humour absurde. Nan ?

Sans vraiment m’éloigner, je quitte mon dos arrondi pour reprendre une allure un peu plus droite. Même si je doute que ma réponse l’ait satisfaite, son ton léger me laisse tout le loisir de m’imaginer qu’elle a saisi ma volonté de ne pas m’épancher davantage sur l’affaire – j’ai déjà fait un pas, que l’on me laisse le temps de souffler avant le deuxième. C’est mon asthme des confidences qui le veut, une maladie très rare réservée à ceux qui maîtrisent l’art d’enfouir leurs problèmes aux yeux des autres.  

« - Si ce n’est que ça, je pourrai bien t’inviter quelque part de temps à autres. Mais je ne sais pas si leur eau est aussi savoureuse que celle d’ici … Désolé, déformation professionnelle. »

Oui, je l’ai fait exprès. Mais que répondre à l’absurde, que l’absurde ? J’aime cette discussion qui vogue tranquillement vers un humour tranquille et sans prise de tête, idéal pour rafraîchir mes pensées de ces quelques pensées dépressives qui les hantent encore quelque peu.

Et là, je dois avouer que je ne suis pas déçu. Vraiment, après la salle des profs, la salle des barmans ? Je ris doucement à ses paroles, brisant le contact visuel qu’un instant, histoire de recharger mes batteries oculaires. Prétexte factice pour justifier le fait que dans le feu de l’humour, j’avais fini par loucher à nouveau sur le motif de t-shirt – littéralement, et que j’aspire à paraître plus classe que cela tout de même. Je serai plus handicapé par des œillades intéressées qu’autre chose, soyons franc.

Ouvrant la bouche, je m’arrête. En fait, je n’ai rien à répondre de spontané. La vérité est que je ne sors plus, à cause de ma vie de contractant, et qu’elle a tout à fait raison sur le premier point. Or, lui avouer ne mènerait à rien… Je veux dire, pas que je cherche un flirt de but en blanc, mais après tout … Pourquoi pas ?
Alors, rassemblant mes talents d’impro’, je cible ses yeux des miens et me lance.

« -  Je vous voir venir Gordon, vous n’aurez pas d’informations sur notre petit comité. Je pensais que nous étions mis d’accord sur la couverture balade nocturne, ou même bénévolat dans des squats. »

Honnêtement, j’ai passé des mois à errer chaque soir dans Bunker Hill et ses compères afin d’apporter le maximum d’aide à ceux qui en avait besoin, alors je bien recommencer l’espace d’un soir. Et puis, ce n’est là que pour proposer un choix ; si l’inspectrice décide de quelque chose, je doute que cela soit de cet acabit-là.
J’espère qu’elle est aussi réceptive aux divers degrés qu’elle en est friande, sinon son regard interloqué ne sera pas des plus agréables.

« - Enfin, assez parlé de moi commissaire. Et vous, que faîtes-vous après vos enquêtes ? »

Sans une once de discrétion, je concède mon petit sourire en coin de lèvres. Pourquoi cacher que j’apprécie cet échange ?

J'hésite a me changer en She-Hulk. Devenir un genre de monstre bleu incontrôlable. Mais je capte qu'il matte mon T-shirt de la sorte. Tant mieux pour sa joue, si son regard s'était arrêté a l'étage au dessus, j'aurais probablement réuni toute l'acidité et le froid contenu dans mon cerveau pour formulé quelques phrases un peu trop mesquine pour être vraiment de moi. Probablement les vieux réflexes hérité de mon comportement avec Nylian, le genre d'attitude qui me hante un peu malgré le temps qui s'écoule. C'est un peu triste formulé comme ca.

« -  Je vous voir venir Gordon, vous n’aurez pas d’informations sur notre petit comité. Je pensais que nous étions mis d’accord sur la couverture balade nocturne, ou même bénévolat dans des squats. »

Je sourie, oubliant que j'étais prête a le baffer la seconde d'avant. Amusée et même étonnée par la tournure que prenait peu à peu la discutions. Est ce que je lui avoue que je suis moi même bénévole pour des petits vieux ? Nan, ça va faire cliché de fille bienveillante et naïve alors que j'essaie de me forger une street crédibilité en temps que meuf cool et bad ass. Alors l’ellipse cette partie de ma vie. Tout porte a croire que l'on peut toujours se revoir un de ces quatre. Je le laisserai découvrir cette facette plus tard.
Parce que c'est pas vraiment sexy de dériver la conversation doucement vers mon ancien boulot ou même les petits vieux. Alors je me contente de le laisser rebondir. Après tout, il le fait bien tout seul lui même.

« - Enfin, assez parlé de moi commissaire. Et vous, que faîtes-vous après vos enquêtes ? »

Je sourie, en écho a l'expression qui squatte le visage d'Howard. C'est un peu niais. Mon expression s’assombrit avant de simplement lâcher :

"Je bois de l'eau fraiche dans des bars glauques et mal famés en prenant un air désabusé par ce que je suis torturé à cause de mon passé sombre. Pourquoi ? "

J'abandonne le masque avant de simplement reprendre sur le ton de la conversation.

"Parfois, il m'arrive aussi de jouer de la musique et de faire de l'humour. Mais mon contrat avec DC m'oblige a gardé un certain standing de personnage sombre et plein de mystère. Donc vous n'avez officiellement rien entendu"

Pris au jeu, je hoche la tête en troquant mon sourire pour un air mystérieux, digne des méchants cruels et vengeurs tout droits sortis des dessins animés de mon adolescence. Toutefois, je m’autorise un léger haussement de sourcil pour marquer mon gargantuesque choc quant à l’insulte de mon bar. Allons, on ne traite pas mon bar de débarra mal famé dès le premier soir, c’est trop rapide. Comment ça, je suis à côté de la plaque ?

Roulant de mon air ridicule, je pose mes doigts sur ma bouche pour approfondir ce premier et afficher tout le grotesque dont je suis capable ce soir. Rien à faire des deux trois péquenauds qui m’observent dans le fond en se marrant, j’ai bien le droit à ma bulle de tranquillité parfois. Surtout quand ça permet de forger la main du stagiaire à côté, qui en a bien besoin pour pouvoir revendiquer dès la fin de la semaine une augmentation à cause de ses conditions de travail, déplorables évidemment.
Merde, si je pousse davantage mes pensées, je vais finir par ressembler à un vieux. Vite, retournons à quelque chose de plus intéressant avant que je m’aigrisse.

« - Votre secret sera bien gardé avec moi, je connais bien les demandes de la prod’…»

La suite, elle coule de source. Trop tôt, trop brusque ? Bah, je pensais avoir convenu que j’en avais fini avec les justifications et les introspections pour la soirée, que j’allais laisser filer les choses comme elles venaient. Et si ça rate, eh bien tant pis. Dans le fond, j’aurai bien une occasion de me rattraper avec Bluedie.

« - … Et si on en reste aux confidences, je vais vous la rendre. Que ça reste entre nous, mais ma couverture est de mise ce soir, alors si vous cherchiez une piste pour débusquer ma Batcave… »

Waw, la fin est plus explicite que l’idée derrière, c’était inattendu. Enfin, je ne connais pas de moyen d’effacer mes paroles, alors je prierai simplement sur son douzième degré pour comprendre qu’il n’y avait là aucune idée beauf aussi directe.
Et non, pas de remarque du même acabit sur mon intérêt quant à cette fin de phrase, raté.

Néanmoins, je tente quelque chose. Furtivement, je colle deux doigts de chaque côté de mon crâne, mimant une chauve-souris l’espace d’un instant. Autant jouer le rôle jusqu’au bout, Batman n’est pas une maigre affaire.

« - Votre secret sera bien gardé avec moi, je connais bien les demandes de la prod’…»

Alors comme ca, lui aussi est un héros de DC ? J'ai tout un panel de pique pas subtile a faire, surtout s'il prend comme héos quelques tête d'affiches.. Est ce que si je lui fout des lunettes sur le pif il se change en Clark ? Nan, j'ai vraiment pas la gueule d'une Lois Lane. Je suis plus attachante qu'elle. Nan ? Mais cessons de délirer, parce que son identité secrète s’avère être...

« - … Et si on en reste aux confidences, je vais vous la rendre. Que ça reste entre nous, mais ma couverture est de mise ce soir, alors si vous cherchiez une piste pour débusquer ma Batcave… »

Alors là j'éclate de rire. Pas d'un rire moqueur, mais plutôt léger. Disons que sorti de son contextes, les mots que m'offre mon interlocuteur me font bien rire. Presque autant que l'imitation foireuse de la chauve sourie qu'il vient de m'offrir. Quand le soubresaut agréable de ma poitrine se tait, j'enchaine nonchalamment sur quelques note dans la même gamme.

"Gordon et batman ? Est ce que par hasard, vous ne lisez pas des fanfictions sur internet ?"

La question est presque innocente. Mais quand on sait a quel point certains personnages prennent cher dans l'univers d'internet. Il y a moyen de capter quelques notes graveleuse dans ma voix.

"M'enfin, si c'est pour une ballade afin de promouvoir notre virile amitié entre homme de justice. Je n'ai pas d'objection pour le moment... ♪

Là, un instant, je bloque. Les mains sur le bar, l’air figé, j’offre une supplique à mon cerveau pour obtenir une pause à la Kuzco, histoire de comprendre la repartie de mon interlocutrice. Lentement, mon esprit vierge de toutes technologies – bon, j’exagère un peu, je sais faire deux trois trucs, mais là elle dépasse mes prérogatives -, décode le sens de ce mot mystique. Ouais bon ok, j’ai saisi, c’est simplement une histoire non canon écrite par des fans sur l’univers d’un truc, c’était pas si compliqué. Et donc, il y a du GordonXBatman qui traîne sur le net ? Pauvre Robin, si jeune et déjà trompé.

Alors, comme la bonne potiche que je suis sur le coup, j’esquisse un sourire. Parce que c’était drôle, en fait. Juste que je suis un peu long à la détente quand on parle de trucs que je ne connais pas. Et le ton sans détour de sa voix ajoute au comique de la réplique, jouant d’ailleurs dans ma déduction. Bien joué Bluedie, c’est presque comme si t’avais deviné que j’y connaissais que dalle.

Enfin, face à mon mutisme, la réponse tombe – et, cette fois-ci, ma mine est franche, quoique je tente de l’amoindrir. Une si belle occasion de m’éclipser de ce bar, et en amusante compagnie… Pourquoi n’aurai-je pas le droit de signifier ma bonne humeur désormais bien installée ? Sans un mot pour Luna, je lève un doigt qui veut tout dire, et m’avance rapidement vers le rookie.

« - Eh Jimmy, félicitations, t’as fait du très bon boulot jusque maintenant. Donc je vais éviter davantage d’heures sup’, je te laisse faire la fermeture et tout ce qu’il y a avant, bon courage ! »

Si t’es dans ma tête le monsieur chiant de la compta’, sache que je décompterai ces heures d’absence de mon salaire.
Ce détail réglé, et sans m’attarder davantage sur la mine à la fois heureuse et terrifiée du petit, je retourne auprès de miss Gordon, franchissant le sacrosaint comptoir qui nous séparait. Et non, sans lancer un ultime regard d’adieu à ce pauvre verre qui m’attend toujours sur le bord de l’évier.
Pointant du doigt la sortie, je prends un ton quelque peu songeur.

« - Si je ne me trompe pas, je suis censé être là-bas dans pas très longtemps… »

M’avançant sans l’attendre, je place quelques mots théâtralement. Enfin, en le jouant très mal, il va de soi.

« - Mince, voilà que je pense à voix haute, à ce train-là je vais me faire pister. »

Ça y est, ma note en-dessous de la moyenne à l’option théâtre au lycée n’étonne plus personne.

Je lève les yeux au ciel. Amusée par le talent d'acteur hors norme de mon interlocuteur. Après un simple sourire je sors discrètement du bar sous le regard amusé de certaine personnes. J'imagine que les habitués ont bittés notre petit manège et certains blaguent comme si c'était le sujet de la soirée. Howard doit avoir une petite réputation sulfureuse. Passons le fait que ca reste quelque peu vexant la maniere dont ils parlent de moi.
Mais rien est gagné, je ne sais moi même pas si j'ai vraiment envie d'aller au delà de quelques phrases drôle sur fond de flirt et d'une ballade nocturne. Donc je reste imperméable face aux attentes graveleuse de la clientèle sur la fin de la soirée. Parce que si j'écoutais mon égo, je laisserai le batman barman se manger un râteau.

Loin de moi l'idée de me jeter tout de suite sur lui ou de le rejeter. L'attente est bien plus savoureuse que la finalité. Et le chemin à parcourir est autant, si ce n'est plus agréable que la simple destination. Même si l'idée a déjà été esquissé dans mon esprit et... Nan, faut vraiment que j'éloigne toutes ces réflexions et ces anticipations sur la fin de soirée. Je vire tout ca de mon cerveau. Je me sens plus d'humeur joueuse que vraiment romantique. Donc je vais jouer sans me poser trop de question.

Je traverse doucement le bar et j'arrive en première a l’extérieur du bar. je profite de cet instant de solitude pour goûter la fraicheur nocturne. Dès que Howard ne vient à ma suite. J'époussette doucement les épaule avant de remettre droit mon costard imaginaire.

"Mr Wayne. En temps qu'homme de justice liée par une relation strictement platonique, désirez vous par cette soirée faire du bénévolat dans les squats tel que votre couverture d'homme philanthrope vous l'impose ? "

Question rhétorique, presque débile tant la réponse semble évidente. Je commence a marcher sans anticiper où mes pas nous mèneront.