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Je vagabonde un peu. Comme j'en ai toujours eu un peu l'habitude.L'air de l'été n'est pas sec. Pas tiède. C'est a peine si je sens les courants qui jonchent d'habitue l'atmosphere pour lui offrir un semblant de fraicheur. C'est fou. Je crois que ca me manque, juste le sentiment d'avoir chaud ou froid. Un jour, je demandera a Isabella de climatiser son bar, que je puisse me plaindre a nouveau de la température. Comme ca. Pour mon petit bonheur personnel.

Je délire ? Peut être. Je me suis mise une petite mine ce soir... Ou avant hier . Je sais plus. A cause du policier j'crois. Quand j'ai vu la cervelle de ce type étalée sur le bitume, ca m'a donné envie de recracher mon déjeuné. Mais je n'ai pas mangé depuis au moins deux mois. Donc, j'admets. C'était pas trop possible.  
Et même l'alcool ne me fait plus cracher mes tripes. Pourtant j'y suis allé. Facilement 8 ou 9 verres alignés sur le comptoir. Voir plus. J'ai pas compté. Ca a duré longtemps. Je crois que j'ai vaguement rejoint l'appartement de John au sud. puis que je me suis endormie.
Et me voilà. Pas totalement sobre. Pas franchement bourrée. Juste une silhouette un peu errante dans les rues du quartier Est. Il fait nuit. J'ignore jusqu'à leur où nous sommes. Et depuis combien de temps je ne fais que marcher dans la rue.
Et la seule pensée qui me traverse actuellement les pensées est que le froid me manque. c'badant. Remarque, dormir aussi me manque. Même si je sais que je ne veux pas me retrouver en tête a tête avec moi même l'espace d'un instant. Ce serait trop terrifiant. De rêver. Ces visages, ces noms, ces images qui jaillissent en bouclent quand l'occasion se présente.

- Putain...

Je murmure a voix basse. Parce que je m'énerve un peu a ressasser le passé. A trop ruminer. Alors qu'au fond... Je suis presque heureuse j'crois. J'ai juste l'alcool triste. Et la descente que je viens de prendre n'arrange pas mon humeur maussade.
Faut' que je parle a Rekor. Qu'on s'arrange un temps pour nous. C'est une oocasion encore trop rare a mon gout. Ca va me booster le moral.

Mes pas m'amenent dans une ruelle un peu angoissante. D'ordinaire. Les femmes qui se baladent pas dans ce genre de ruelles. Mais je crois que peu de choses ont encore le pouvoir de me faire peur.

Deux doigts qui entretiennent la clope lovée entre mes lèvres, je me surprends à pianoter nerveusement des autres. Qu'est-ce que je fous là, à avancer lentement derrière une femme dont mon regard ne parvient pas à se détacher de la tignasse vert ? Une qui m'a déjà foutu au sol agonisant, une dont je préférerais ne jamais revoir le minois plutôt que de la suivre. Et pourtant, ça fait déjà quelques minutes que je l'ai vu de loin dans la rue, que je la suis en tremblant subrepticement aux pensées de ce qu'il pourrait arriver ensuite. Est-ce que je vais l'abattre sommairement, la tabasser violemment, ou simplement la laisser passer son chemin car l'idée de perdre encore me terrifie ?

Va savoir pourquoi je fais ça. Peut-être que j'ai toujours été un abruti, peut-être que je suis fou et plus intrépide que raison. Reste qu'à l'instant où elle a pénétré dans cette ruelle déserte et paumée, j'ai su qu'il fallait que j'agisse. Je ne l'abattrai pas d'une balle dans le dos, comme un chien – même si l'envie me taraude. Non, je l'affronterai encore, et cette fois je la buterai. Ni plus, ni moins.

J'inspire, longuement mais doucement. Mes yeux s'assurent qu'aucun regard indiscret ne pourrait nous surprendre, puis je fais ce que j'ai à faire. Un Kekkai se déploie autour de nous, englobe nos deux silhouettes sans que je ressente la présence d'une quelconque autre alliée. Oui, j'aurais dû appeler Lenna, et je ne l'ai pas fait. Si je reviens en morceau, je crois que je suis bon pour le savon de ma vie, tiens.
Les contours de mon pistolet apparaissent avant que je puisse finir de les tailler dans mon esprit, puis je parle. Assez fort pour qu'elle m'entende, assez clairement pour qu'elle puisse me comprendre.

« - Salut, Luna. »

Faut dire, ne pas saisir le sens de cette phrase reviendrait à de l'imbécillité pure. Mais bon, là n'est pas le sujet. Je ne sais pas encore si je vais lui permettre une discussion avant de passer à l'acte fatidique, ou si je vais la perforer de mes balles dans quelques instants. Tout ça, je le déciderai dans une poignée de secondes, lorsque ma tête sera redevenue limpide d'intentions.

Le kekkai. Puis la voix reconnaissable entre mille.

- Salut Luna.

- Ah...

J'ai machinalement mis mes mains en l'air et entreprit de me retourner avec lenteur. Pour lui faire face. Lui. Distinguer son visage fermé. Pour calculer la distance qu'il y a entre lui et moi. L'angle a adopter. La vitesse a prendre. La force a mettre
Je fais un premier pas dans sa direction. Une esquisse de pas couvete par le rythme effrené de nos conversation habituelles. celle qui oscille entre deuxieme et torisieme degres. Les mots sont une simple distraction pour son oreille. Une distraction qui peut m'aider a sortir de ce merdier.

- Tu me dois toujours un kebab blondie.

Pourquoi je suis automatiquement dans cette position guerriere ? Peut être que j'ai plus a perdre maintenant. Avant, j'étais seule. Maintenant j'ai Rekor. C'est peut être pour ca que malgré le bad latent. Je brûle toujours de cette volonté de m'en sortir.

Prends-moi pour un con. Je les ai vu tes petits pas innocents, entre deux mains levées – tu t'attendais à quoi en faisant ça, que je me laisse subjuguer par tes dons exceptionnels d'oratrice, et ce jusqu'à ce tu me plantes une lame entre les deux yeux ? Trop peu pour moi Luna, vraiment. Je les connais tes talents de coupe-jarret, à moi de te montrer les miens de … Ouais, définitivement, perce-oreille ça sonne quand même moins classe. Un point pour toi enfoirée, mais ça sera bien le dernier.
Le visage fermé, je pointe mon canon dans la direction de son crâne, l'air qui se refuse à tout compromis.

« - J'en sertirai ta tombe, t'en fais pas. Bon, t'as deux choix, Bluedie : soit on se tape une causette funéraire dans cette posture, soit tu fais encore un pas et on abrège l'extrême onction. »

Oui, je suis amer. Et j'ai mes raisons de l'être. La garce qui se tient à quelques mètres de moi a tout fait pour que je la déteste, et je compte bien assouvir son sombre dessein sans plus attendre. Juste, avance, d'un rien même, mais s'il te plaît, donne-moi l'occasion de le buter. Je ne te demande rien d'autre, vraiment – tout ce que je souhaite, sincèrement, c'est de te voir s'écrouler devant moi, baignant dans ton sang. Et si tu as le crâne percé, ça n'en sera que mieux.
Quoi, moi, perdre la tête quand il est question d'elle ? Je l'admets, tu me rends dingue.

Ah, ça faisait longtemps que je ne m'étais pas senti comme ça, vraiment. Depuis le soir où j'ai bu jusqu'à en devenir un déchet, ces quelques heures où tu étais la figure de Satan pour mes yeux ivres. Avec du recul, ce sont de souvenirs drôlement plaisants, tiens. Ceux où je t'insulte.

- T'es le premier a me proposer spontanément de causer. T'sais ? Généralement, les gens comprennent leur erreur quand j'commence a ouvrir la bouche pour dire de la merde.

Je reste statique. Affichant ce sourire presque parfait. Celui qui enrobe tendrement toute tâche de peur. Je veux lui offrir une image lisse et odieuse. Apres tout. Tout ceux que j'aime sont sensés supporter un sort pire que la mort. Alors c'est devenue une habitude quotidienne. D'être méprisable. D'une certaine maniere. Je leur rend service.

- J'peux toujours parler pour brasser le vent comm' d'hab. Mais on a rien a se dire blondie. C'est pas ton truc d'écouter. Ca a toujours été comme ca depuis le début.

Mes mains descendent le long de mon corps lentement a mesure que je parle. Je sens que ca se crispe un peu la haut. Mais je suis en vie. Je peux pas esquisser un pas supplémentaire. Mais je peux encore feinter. Demander une petite grâce. Pour quelques instants de plus. Tout ce qui m'offrirait un bref moment de répit. Pour réfléchir. Pour avoir une occasion. Pour survivre.

- Une dernière clope ? Ca me ressemblerai plus. Fin' est tu as du feu ?

Question rhétorique. Je sais que Howard a son éternel zippo a porté de main. A voir si ce dernier cede a ce petit caprice.

Le regard blasé, je soupire presque sans même y songer. Offrez-lui un mot à dire, et elle en fera une tirade ; proposez-lui un choix, et elle cherchera la concession. Pourquoi est-ce que les choses ne peuvent pas être simple avec elle, hein ? Vivre ou crever, se taire ce soir ou à jamais … Qui plus est, je les vois, ses mains qui longent son corps, qui cherchent à s'enfuir de sa reddition.
Et pourtant, je n'ai pas encore tiré. Qu'est-ce que j'attends ? Un peu de résistance, peut-être. En finir aussi vite ne serait d'aucun goût, d'aucun plaisir – je ne l'aurais pas vaincue, simplement abattue.

« - Faut croire que j'ai envie d'essayer de nouvelles choses. »

Le flingue toujours pointé droit vers son crâne, ma main libre range la clope entamée entre mes lèvres, pour en sortir sa boîte de ma veste, accompagnée d'un vieux briquet de secours. Hors de question qu'elle touche ne serait-ce qu'encore une fois à mon Zippo ; pas avec les doigts souillés qui lui font office d'extrémités poisseuses.
Le paquet à l'air libre, je lui jette les objets un à un, veillant bien à ce que ses pas ne s'approchent pas de trop – et fouillant dans ma concentration pour ne pas rater mon tir. Mate ça enfoirée, je ne les ai même pas lancés à tes pieds.

Avant de reprendre la parole, je soupire longuement. Va savoir pourquoi je suis aussi conciliant.

« - Je vais faire court - quand la clope sera éteinte, je tirerai. Alors, d'ici-là, on a tout le temps de parler, pas vrai ? Et vu que tu sembles à court d'idées, je vais t'en souffler une : dis-moi, c'est facile à vivre d'être une garce comme toi ? Jamais de cauchemars de visages, de remords ? »

Je ne suis même pas certain d'avoir envie d'entreprendre cette discussion, en fait. Mais il y a une partie de moi qui aimerait savoir si la femme que j'ai aimée est réellement devenue un monstre, ou s'il reste un embryon d'humanité en elle. Juste pour être au courant de ce que je vais tuer.

Je joue avec la cigarette entre mes doigts nerveusement. Même si mon visage affiche un air un peu narquois. Je suis bien plus sous tension que ne le reflète vraiment mon visage. J'ai appris. A jouer ce rôle. Ca fait parti de moi maintenant. Difficile dequitter ce qu'on a érigé pour se protéger du mieux qu'on le puisse

- Toi et moi ne dormons plus depuis longtemps. Nan ?

Je sors un peu de fumée blanchâtre par le nez. Essayant de calculer froidement mes chances de changer la donne. Si je pouvait en sortir... Quelque chose ? Je sais pas.

- Pourquoi quand cette cigarette s'éteint ? T'as vraiment envie de discuter deux minutes. Ou tu es juste incapable d’abattre quelqu'un de sang froid sans te donner un événement a la con pour te déculpabiliser ? C'est touchant

Je m'adosse au mur de la ruelle. Imitant cette décontraction si précieuse a mes yeux. J'attends qu'il baisse sa garde. Et je frappe. Ouais. C'est ca mon plan absolument tangible et pas improvisé.

- Sinon. C'est cool d'être une garce. Lenna Halo t'en parlera aussi bien que moi si tu veux te renseigner sur le sujet apres ma pause clope.

Je tire une longue taffe, les iris qui ne quittent les mains à demi-affairées de Luna. A peine la fumée envolée, j'en arrache une nouvelle, encore plus lente ; puis, je me contrôle avant de réitérer. Quand je fume, je n'ai pas besoin de parler – non, je me contente de regarder le chronomètre défiler, sans faire davantage que de la tenir en joue.
Peut-être qu'elle a raison, que je devrais arrêter ce gain de temps ridicule et abréger sa triste existence sur le champ. Probablement, en fait. Pourtant, je vais aller jusqu'au bout de ce délai, pas vrai ? Reste à savoir si c'est parce que je suis fier, ou con. La vérité se situe certainement entre les deux.

« - Laisse Lenna en dehors de ça, et ne te compare pas à elle. Au moins elle, elle a la décence de savoir ce que le mot « confiance » signifie. »

Les Nephils ont mille raisons de détester ma collègue, mais je doute que le moindre d'entre eux ne l'ait appelée un jour par ce doux sobriquet : ils la haïssent parce qu'elle est une Seraph efficace, mais en rien pour la personne qu'elle est derrière. Et c'est là que Luna réalise l'exploit de rassembler ces deux tares.
Je soupire, la clope qui penche entre mes lèvres. A bien y réfléchir, est-ce que cette discussion a réellement un intérêt, autre que celui de voir une connasse s'en prendre verbalement aux miens ?  Sans faire l'avocat du diable, ça se pourrait, si jamais elle daignait me répondre sans détour. Ce qui n'est pas dit.

« - Écoute. Si je te laisse une clope avant de te buter, c'est parce qu'il y a une question à laquelle j'aimerais une réponse. Qui es tu, Luna ? En dehors de la garce qui m'a manipulé, de la tueuse qui a massacré les miens. Qui es tu, bordel ? »

Peut-être rien d'autre. Si c'est le cas, je me décevrais, d'être tombé amoureux d'une coquille vide, d'une façade sans épaisseur. S'il te plaît, pour une fois, montre moi que tu as de la valeur.

Je hausse les yeux au ciel. Presque exaspéré par ce portrait de moi. Mais en même temps. J'ai vraiment pas envie de le contredire. J'ai fait tellement de choses et leur contraire. Que je perds un peu a l'exercice d'être authentique.

- T'es bien sûr de vouloir connaitre les gens que tu tue ? Epargne toi ca blondie

Je tourne la tête vers lui et ajoute avec un demi sourire cynique.

- Pro tips de garce

Allez. Énerve toi. Je n'aime pas quand ton flingue reste aussi fixement sur ma tête. Je veux avoir une opportunité de te l'arracher. Tu peux pas avoir un geste d'énervement ? S'il te plait. Je te tuerai même pas. J'suis sûr que tu le sais très bien. Exactement comme toutes les fois ou nous nous sommes confrontés. Même quand tu étais paraplégique. J'ai refusé l'opportunité de t'achever. Renvoie un peu l'ascenseur blondie.

J'inspire longuement, éructe bien trop de fumée. Je ne sais pas si elle me blase, m'énerve, ou me désespère ? Est-ce si dur de répondre à mes questions, bordel ? Est-ce si compliqué d'accepter cette cordelette de vie que je lui offre ? Ou bien, est-ce que je dois saisir qu'elle en a marre, de tout ça ? Que je lui offre une porte de sortie inespérée ? Si c'est ça, qu'elle dise, bon sang. Que je puisse tirer et cesser cette mascarade sur le champ.

« - Arrête tes grands airs. Je crois que tu ne saisis pas la situation : soit tu me parle, de toi, de ce que tu veux, soit je te cale une balle entre les deux yeux maintenant. T'as tant que ça envie de crever ? »

Écoute, comprends, s'il te plaît. Malgré toute la rancune que j'ai contre toi, je peine à me résigner à te perforer le crâne ; comme si, je ne sais pas, une espèce de voix de la mauvaise raison au fond de moi luttait pour que je te laisse vivre. Et pour le moment, le seul terrain d'entente que j'ai trouvé est celui de te laisser un délai avant l'instant fatidique.
Ridicule, pas vrai ? Je suis un Commandant, pas un rookie à qui on autorise deux-trois écarts par sympathie. Je devrais la buter avant qu'elle n'ait le temps de riposter, ou même de se révéler comme une embuscade. Ouais, ce que je suis censé faire, c'est de ne pas hésiter – j'ai failli y passer la dernière fois à cause de ça, et voici que je suis prêt à recommencer. On dit qu'on apprend de ses erreurs, hein ? Mon œil ouais.

Je tire une nouvelle taffe, fixe le minois de celle qui a détruit ma vie. Puis, le visage impénétrable, je refuse une nouvelle fois à presser le gâchette. Cassez-vous mes états d'âme, j'ai promis un temps, mon honneur veut que je m'y tienne.

Essayer de le prendre par les sentiments ? Ca me ressemblerai bien. Et Howard est du genre nice guy. Mais je doute que ca puisse me permettre de m’échapper. J'ai fais trop de conneries pour avoir droit a ce luxe. Mais soit. J'ai une histoire plutôt longue à raconter si je me l'ouvrais. Elle m'assurait plusieurs minutes de vie. Mais je n'aime pas particulièrement l'idée de la partager. Surtout. Admettre que je cache une grosse partie de ma vie. même a mon cercle intime

- Je m'appelais Chanel Brun à la naissance.

Je prends une petite bouffée. Essayant de cacher ma main tremblante en la fourrant dans ma poche. C'est con. J'en parle jamais de mon enfance. Les gens ont toujours eu de quoi en parlé. Mais la mienne est floue. Toujours trop lisse pour  être évoquée.

- Mon père frappait mon frère jumeau. Et moi je jouais les faux culs pour pas que ca m'arrive trop souvent. Puis un jour. En apprenant qu'on était des bâtards. Il a tué mon frere. J'ai été emmené chez mon vrai pere. John Nightingales. On vivait dans une caravane. C'était un junky qui préférait souvent acheter sa cam plutôt que de la bouffe. Et puis j'ai changé de nom en Luna. Parce que c'était le nom d'un groupe underground que j'aimais bien

J'ai un instant de réflexion.

- Je suis parti en humanitaire 6 mois. J'continue a croire que c'est mes meilleures moments d'vie. A mon retour aux USA, John est mort. J'ai cru qu'il avait fait une overdose. Mais le con m'a laissé une lettre de suicide. J'ai bloqué. J'ai pas réussit a m'en remettre. Et puis y'a eu l’enterrement de Nylian qui m'a fait échouer a Palema, une pote d'enfance qui s'est tuée aussi. D'ailleurs tu la connais. C'est pour ca que je vous ais offert a fumé le jour de notre rencontre, avec l'autre blond fébrile.

Je reste silencieuse. J'ai pas envie de continuer a me rapprocher de mon voeu. De ma vie de contractant. J'ai pas envie de faire des erreurs. Vendre mon frere. Mes freres

- J'ai été dealeuse quelques mois. J'avais encore Pompidou pour pas être totalement seule. Mais Terry l'a tué. Et puis... Il...

Je me bloque. Reprenant cet air habituel. Entre le detachement et le sarcasme. J'aime pas être autre chose que détestable.

- Et puis c'est tout. Ca te va la biographie ?

Nylian Hunt. Lorsqu'elle a balancé son nom, je me suis dit que je l'avais déjà entendu ; et voici qu'elle m'en donne la confirmation. Cette humaine Spéciale qui refusait mon aide, et qui a profité d'un instant d'inattention pour se dérober à mon regard, pas vrai ? Et maintenant qu'elle m'annonce sa mort, je subis le choc à retardement de ma première connerie en tant que Protecteur, putain. Suicidée, vraiment ? C'est ce qu'elle pense ? A mon avis, elle s'est simplement faite tuer par une Ombre, parce que personne n'était là pour l'en protéger. Pas moi, en tout cas.

Bon sang ce que j'aimerais baisser le regard, ne serait-ce qu'un instant ; mais je n'ai pas le droit. Pourtant, j'ai mille raisons de le faire : ma culpabilité quant à sa meilleure amie, et la tristesse de ce qu'elle vient de me dévoiler. Évidemment, je pourrais prétendre qu'elle tente encore de me manipuler, qu'elle ne balance qu'une histoire inventée et larmoyante pour détourner mon attention, mais … Je ne sais pas. Je la sais fourbe, mais pas de cette manière. Quand elle ment, elle le fait assez bien pour qu'on ne pense même pas à se poser la question de véracité du moment. Alors, sur son passé, elle dit vrai. Fait chier.

« - Vu que ta clope est encore allumée, j'ai une dernière question. Quand est-ce que tu as passé ton Contrat ? »

Je sais que je suis froid, que je viens d'ignorer tout ce qu'elle m'a révélé sur elle. Et pourtant, je l'ai écoutée jusqu'au bout, j'ai bu ses paroles ; même, un espèce de vieux reste au fond de moi a eu de la compassion pour elle. Et a cherché à deviner la fin de sa phrase. Mais à l'oral, en façade, je dois être un Seraph, pas vrai ? Je n'ai pas le droit à ces écarts, à ces sentiments. Parce que je suis censé la tuer.
Tandis que je sais bien que je ne vais pas le faire, je me trompe ?

- Entre le moment ou j'ai sauvé Lenna. Et celui ou je suis revenue prendre des nouvelles d'elle.  

Je réponds sa question docilement avant de songer à mon voeu, a ce soir là dans la caravane. C'est comme si j'avais envie de parler moi même. De ces non dits qui étouffent à la longue. De ce que je cache au monde depuis trop longtemps

- Tss... Tu sais quoi ? Alors que je crevais la dalle depuis des semaines. Que j'aurais pu demander d'être riche, d'avoir des montagnes d'or a porté d'carte bancaire. Tu sais ce que j'ai demandé au chaton ? De revoir mon frere. J'étais tellement seule que j'ai demandé a revoir le seul type de mon entourage qui n'a pas eu la vocation de se suicider. T'sais

J'ai un sourire laid qui parcourt doucement mon visage. Comme une amertume indigeste a chaque fois que je repense a ce moment. A mon frere. Comment je peux être aussi rancuniere ? Parce qu'il m'a abandonné.  Au moment le plus critique de ma vie.

- Au final, il était pas mort. Pas ce jour la. Il a survécu aux coups de mon beau pere. J'dis pas qu'il a eu une vie plus plaisante que la mienne. Vu qu'il a réussit a clamser entre temps. Mais quand il m'a revu, j'ai compris qu'il m'avait juste oublié. Il s'est cassé. Loin. Je n'ai même pas eu la foi de le retenir.

J'expire profondément. Laissant une petite fumée blanchâtre s'échapper de mes narines

- J'ai pas mis longtemps a comprendre que j'avais foutu ma vie en l'air. La guerre, les ombre, mon espérance de vie drastiquement raccourcie. Et puis ce soir... J'ai vu une paire de fossettes bienveillante.

Je réfléchis un bref instant. Fixant le mur en face de moi avec un une concentration un peu stupide. Est ce que je lui avoue ? C'est difficile. D'être honette avec soi même

- Tu sais. C'est de ma faute. J'crois. Depuis, j'ai tout fait pour ce jour vienne. J'ai tous fait pour que tu survives. Et que tu me haïsses. J'pense qu'il y a encore quelques mois. Je voulais juste que tu me tue. Exactement comme ca.

Sauf que c'était avant. Avant pas mal de changement dans ma vie. L'argent, Chloee, les anti contracteurs. Et un gros changement majeur. Le genre de changement au regard sérieux et a l'humour aussi douteux que le mien. Avec un bouc et un sourire trop contagieux.

- Au piano's corner. J'ai su que tu m'aimais. Encore assez. Alors... Alors j'ai vraiment essayer de me perdre quelque part dans ce monde pour jamais pouvoir émerger. Le jour de l'attaque. J'ai demandé a Russel blake de me torturer. Ouais. Y'a pas d'autres mots. Des balles qui te touchent pas le corps, mais qui te détruisent le mental. J'voulais mourir quelque part ce jour la. J'voulais être un monstre. mettre fin a la guerre. Avec la promesse de vivre en paix avec Tommy.
Y'a que Tommy qui m'a empêché d'crever pendant un temps. Mais c'était pas non plus très sain. Je projetais sur lui mon voeu mort né. Celui d'avoir mon petit frère. Ouais. Je devenais dingue. Et je n'avais personne d'assez proche pour me le faire remarquer.

Je soupire. Depuis que Chloe fait parti de notre monde. J'ai arrêté ça. Depuis que j'ai Rekor. J'ai arreté ca. Depuis que je me suis réconcilié avec John, j'ai arreté ca. Depuis que j'ai une raison quotidienne de continuer à lutter. Je continuerai de le faire. Pour me racheter.

- Mais tu sais quoi ? J'ai changé de plan. Howard Evans.

Je me tourne vers lui a demi, emplie d'une détermination tranchante. Ma main camoufle a merveille un mégot a peine tiède.

- Cette histoire m'a rappelé un truc important. Depuis le temps, j'ai réussi a avoir des choses à perdre.

Mon arme est là. A la frontière de la réalité. Je suis prête a la faire basculer. Je suis prête a me battre. Je ne le laisserai pas abattre comme un chien. Pas même des mains de Howard. Pas même des mains de n'importe quel type sur terre.

- Et je ne te laisserai pas me les ôter

Un pas. Un simple pas.

Force est de constater qu'elle avait raison. On ne veut jamais connaître la personne que l'on s'apprête à tuer. Parce que maintenant, maintenant qu'elle a ôté son masque de garce, je n'arrive pas à me résoudre à la haïr assez pour la buter. Pourtant, je la déteste encore, je lui en veux toujours pour avoir massacré les miens et détruit ma vie, mais … Quelque part, peut-être que je la comprends. Sans l'excuser, mais simplement en me disant qu'à sa place, j'aurais pu faire pareil. Parce qu'elle a fait ce qu'il y avait de mieux pour elle, pour Tommy. Devenir une machine de guerre sans sentiments, avec pour seule vocation de mourir au combat – voilà ce qu'elle voulait.
Et là-dessus, elle ressemble terriblement à Lenna.

J'entends sa dernière phrase, j'écoute son ton qui s'envole vers un élan de témérité mal placée. Je sais ce qu'il va suivre si je lui offre encore du temps. Je me doute qu'elle ne veut pas tomber sans résister, se faire abattre comme un chien. Sauf que la clope est éteinte. Son temps est écoulé.
Alors, je crois que je n'ai plus davantage de temps pour trancher. Tirer, ou la rater. Prendre sa vie, ou la lui laisser. Et je crois que j'ai fait mon choix. Probablement irresponsable, irréfléchi, immature, mais je l'ai fait. Donc, je m'y tiendrai.

J'inspire, jette mon mégot, avant de fixer mon canon sur elle, puis d'approcher mon doigt de la détente. Là, à l'instant où je la presse, je dévie ma mire de quelque centimètres, pour que ma balle ricoche sur le mur à côté de Luna au lieu de lui perforer le visage.
Voilà ma décision.

« - Et puis merde. Casse-toi, Luna. »

Je ne devrais pas faire ça. Je suis un Commandant Seraph, je n'ai pas le droit d'épargner une Nephil dangereuse de la sorte. Et pourtant, c'est ce que je viens de faire, non ? Faut croire.

J'ai invoqué mon arme par reflexe. Le fer au niveau de ma tête pour intercepter une balle. Et un bref instant... Je suis restée coite. Quand au travaers de la détonation, encore prise par un acouphene, j'ai entendu ces mots salvateurs. J'ai quand même eu un élan de méfiance. Au fond, qu'est ce qui l'empeche lui, de me tirer dans le dos ?

Sauf que je le crois. Presque naïvement. Parce que je le connais. Parce que je me figure le connaitre. Lui, le nice guy. Le type bien sous tout rapport. Il... Il ne le ferait pas.
J'ai pas les mots. J'essaie vraiment de les trouver.Mais rien ne me vient. Pas de réplique. Pas de sarcasme a porté de lèvre. Juste une petite sidération des familles. Alors je m'enfuie juste avant que Howard ne change d'avis.

Je cours sur une ligne droite. Cherchant le premier tournant possible pour ne pas être dans sa ligne de mire. Je pense que dès que je suis hors de sa vue. Je vais rejoindre l'appartement de John. J'ai besoin d'un temps seul. Un genre d'instant loin des obligations de l'infirmerie. Et seul l'appartement miteux de mon frere m'accordera ce droit a la solitude

Un instant, mon canon est miroir de ses pas ; au rythme de leur course, sa mire rejoint le sol, abandonnant tout espoir d'effacer son existence de triste monde. A l'instant où elle disparaît de ma vue je relève mon Kekkai, oubliant toute idée de la pourchasser au-delà de cette ruelle. Je lui offert une chance de survivre, et elle l'a saisi – on ne pas à l'encontre de promesses du genre.
Alors, je fais demi-tour, rejoins l'artère la plus proche, hausse les épaules. Aujourd'hui, j'aurais pu tué une des Nephils les plus dangereuses que je connaisse, j'aurais pu venger quantités des miens. Et à la place, j'ai écouté son histoire, presque la larme à l’œil, pour finalement la laisser filer sans la moindre blessure.

Pourquoi ça, hein ? Parce que … Je me suis souvenu de certaines choses. Du passé, de son côté humain, de Tommy. On est tous des victimes de cette guerre de merde, pas vrai ? De ce Klee jusqu'à elle, en passant par Lenna ou même Naoto, on n'a rien demandé de tout ça. Tout ce qu'on voulait, c'était sauver l'humanité, pas arracher des vies.
M'enfin, ça, c'était les thèses pacifiques que je défendais avant le massacre. Je n'en ai rien oublié, simplement que maintenant … Ça n'est plus une histoire de Contrat. Juste une affaire personnelle. Si je t'ai laissée vivre Luna, ça n'est pas pour ces bonnes prêches à deux balles.

Non, c'est simplement pour un instant de faiblesse. Je me suis dit que si tu ne m'avais pas trahi, si tu avais tourné le dos aux tiens, on aurait pu être heureux, tous les deux. Je t'ai aimé, passionnément ; et ce serait encore le cas si tu n'étais pas une garce. Va, vie, vole. La prochaine fois je n'aurai pas d'états d'âme. Vois ça comme un remerciement de m'avoir épargné à l'hôpital, rien de plus.
Je te le répète, je n'en aurais pas deux, d'instant.