Ma chaussure à heurté la tête de l’Élu Seraph. Je l'ai touché, et sa tête qui s'est tourné sous l'impulsion reçoit le chakram de Manori arrivée en renfort. Tout le commandement Nephil est là, pour mettre un terme à la folie meurtrière de Shizuo. Il n'a plus la moindre chance de s'en sortir. Les choses vont enfin se terminer, et à notre avantage. Pour un peu j'en soupirerais de soulagement avant que dans un regain de forces, la dernière action de l’Élu Seraph ne nous prenne tous au dépourvu. Pourtant, vu le personnage, nous aurions pu nous en douter. Mais personne ne pu rien faire si ce n'est assisté, impuissants au dénouement de ce tragique combat.

"- NON !"

Mon cri est complètement assourdie par la compression à ma gorge et déjà, je ne peux plus lâcher un mot. Ma tête tourne violemment, sous l'afflux de douleur provoqué par cet effort aussi soudain qu'imprévu. Je m'affale un peu plus dans les bras du nephil me soutenant déjà, me forçant malgré tout à rester éveillée. Je ne dois pas dormir, ne pas me laisser gagner par la torpeur, jamais. Et alors que je lutte pour reprendre mon souffle et juguler ma propre douleur, mes yeux se mettent à verser des larmes silencieuses. J'entends ses mots qui s'éteignent en mes temps que sa vie.

Shizuo est mort mais pour cela, il a emmené avec lui Ashlan. Ses dernières paroles résonnent douloureusement dans ma poitrine mais je pense à Manori, qui avait tellement confiance en lui. A cette petite fille aussi, humaine à la mère Nephil dont il avait promis de prendre soin, et qui va donc perdre un père en cette sombre journée. Je retiens mes sanglots entre mes gémissements de douleurs, ma gorge me brûlant atrocement mais mon cœur pleurant lui aussi la perte d'une personne appréciée et reconnue.

Puises-tu reposer en paix, mon frère d'arme, mon supérieur, mon ami. Je suis désolée de ne rien pouvoir faire de plus pour toi mais rassure-toi, tu ne seras pas mort en vain. Et je te jure que je ferais tout mon possible pour aider Manori à respecter tes dernière volontés. Mais en attendant, je dois me ménager également, si je veux survivre et éviter une seconde perte dans le commandement de notre faction.

Je ne peux rien faire de plus que d'observer le drame qui se passe devant moi. Ashlan ne peut plus être sauvé, il le sait, tout comme Manori. Mais chacun garde son rôle, reste à sa place. Quelque part, je me sens de trop dans cette scène. Elle aurait du leur appartenir à eux, ma présence y est indésirable. J'aurais même tout donné pour que cette dernière ne se réalise pas mais je n'ai plus la capacité de faire un vœu pour effacer le passé.

Les Nephils pleurent un Comandant, je pleure un ami et un camarade, Manori pleure son meilleur soutien. Il ne manque que la pluie pour que le tableau soit complet. Le silence me semble oppressant alors que je sens le sang battre à ma tempe. J'ai du mal à rester consciente mais je ne veux pas céder. Je dois tenir, encore un peu. Au moins le temps que toute cette histoire se termine. Je laisse échapper une grimace et un gémissement lorsque le Nephil à mes côtés obéit aux ordres de Manori, se relevant en me portant quasiment, mon entorse m'empêchant de marcher correctement en plus de ma gorge qui ne veux pas cesser de saigner.

"Garde ta main sur la ceinture...
Merci..."

"- Il est encore trop tôt... pour nous remercier... Rien n'est encore... terminé..."

Et c'est à moitié déconnectée, à cause de ma perte de sang importante et de ma santé fragile que je suis Russel vers des soigneurs potentiels. Ou n'importe quoi qui pourrait se rapporter à une aide providentielle à notre égard.

"- ASHLAN!!!"

Je hurle, plus fort que je ne l'ai jamais fait. Il est par terre, je le vois allongé. Et je vois le sang aussi. Ce n'est pas que celui de l'autre corps, il entoure le sien, laissant l'impression qu'il est en suspension sur le liquide carmin. J'ai les yeux écarquillés, le souffle court et tout le corps qui tremble. Je me précipite aussi vite que mes petites jambes me le permettent pour m'approcher de lui. Non, Manori, ne pars pas. Si tu lui tourne le dos, cela ne peux vouloir dire qu'une chose. Et je refuse, je ne veux pas. Pas ça...

"- ASHLAN!!!"

Je me jette littéralement à genou à côté de lui, sans me soucier de la douleur lorsque je frappe violemment le sol. Mes mains viennent se poser sur ses épaules alors que je commence à le secouer. Doucement, puis de plus en plus fort. Mon regard passe de sa plaie au ventre à son visage devenu tout pâle mais qui sourirait presque. Non, allez. Arrête de dormir, réveille-toi. Il ne faut pas dormir quand on est blessé. Tu le sais, j'en suis certaine. Alors ouvre-les yeux.

"- T'as pas le droit de mourir. Tu m'as promis...."

Et je viens poser mes mains sur son torse avant de commencer à lui faire un massage cardiaque. Je ne réussi qu'à me couvrir de son sang qui me gicle dessus mais malgré tout, je ne renonce pas. Je ne peux pas abandonner. Je dois le réveiller, le ramener parmi nous. Il est fort, c'est Ashlan, il ne peut pas partir comme ça. Ce n'est tout simplement pas possible. Mais mon acharnement est inutile. Alors je finis par frapper de toutes mes forces sur son thorax, alors que les larmes brouillent complètement ma vue.

"- Allez, reviens. C'est pas drôle comme blague...."

Je ne veux pas admettre l'inacceptable. Je ne peux pas le réaliser. Je n'ai pas la force d'accepter cela alors je lutte encore, seule face à ma douleur. Son corps est froid alors je prends sa main et commence à le réchauffer. Je frotte ses joues et son front, cherchant le moyen de le faire réagir. D'ailleurs, je l'ai vu bouger, j'en suis certaine. A moins que ce ne soit le trop plein d'eau dans mes yeux qui rend tellement flou le moindre de mes gestes qu'il me fait voir ce qui n'existe pas? Non, c'est faux, il a respiré, je l'ai vu.

"- Tu vas bouger, oui ?!"

Je le gifle, de ma force de mouche, me faisant plus mal qu'autre chose. Il n'a même pas bronché, rien. Ce n'est pas possible, il y a un truc, forcément. Il est où le magicien? Je tente le tout pour le tout et essaye de le chatouiller dans le cou, je sais qu'il craint particulièrement ça. Mais non, rien. Toujours rien. Définitivement plus rien. Lentement, l'idée trace son chemin dans mon esprit alors que tout mon corps la refuse en bloc. Je tremble tellement que j'ai l'impression d'être à bord d'un bateau, avec toutes l'eau qui coule de mes yeux rouges et bouffis.

"- Réponds-moi, s'il te plait..."

Je l'implore, le supplie de réagir au moins à ma voix, à ma détresse et à mes larmes. Comme lorsqu'il était venu me chercher à la maison lorsque Maman n'avait pas pu rentrée. Il n'a pas le droit de me faire la même chose. Je vais faire quoi moi, sans lui? Je ne sais plus ce qu'il se passe, je perds toute conscience du monde qui m'entoure alors que je laisse simplement mes bras retombés, ballants, le long de mon corps secoué de spasmes violents et bruyants, rendant ma détresse d'autant plus visible. Le silence est tombé, m'englobant si profondément que j'ai peur de disparaître soudain moi aussi. Et alors que je fixe à nouveau cet homme que j'aimais tant simplement couché devant moi, définitivement parti aussi, les larmes remontent telles une déferlante si puissante qu'elle emmènent ma voix avec elles alors que je hurle au ciel de tout ce qu'il me reste d'horreur à évacuer.

"- NOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNNNNNNN!!!"


Et mon cri de désespoir lancé, je m'écroule sur ce qui est désormais son cadave, couvrant de ma frêle corpulence ce trou béant dans son corps, au moins aussi imposant que celui qu'il a laissé dans mon cœur, incapable de calmer mes sanglots comme mes tremblements. Je l'enlace une dernière fois, comme pour espérer reculer l'échéance inéluctable qui nous séparera définitivement.

Mes soubresauts sont si violents, si puissants, que je ne me rends même pas compte que j'en ai mal à la poitrine et à la tête. J'ai des difficultés à respirer, comme si je me noyais au milieu de mes larmes. Je ne me rends même pas compte que le kekkaï a disparu, ni même que Manori est revenu vers moi. Je veux juste qu'Ashlan se réveille. Qu'il me dise que tout ça, c'était une farce. Qu'il m'a bien eu et qu'il me sourit, comme il savait le faire, même si c'était rare.

- Il faut partir. Tout de suite. Quelqu'un le... le prendra.

Je fais non de la tête, m'accroche encore plus à Ashlan en répétant inlassablement les mêmes choses. Il va revenir. Il est juste fatigué, il se repose, là. Il va ouvrir les yeux, il n'est pas mort. Il nous fait juste une blague pas drôle. Oui, ça ne peut pas être autrement. Je sais qu'il est toujours vivant. Il le faut, ça ne peut pas en être autrement.

- Non.

Son ton, dur et casant, stoppe toute forme de discours de ma part. Je me redresse surprise et apeurée même un peu, en venant croiser son regard. Je ne la vois pas beaucoup à travers le film aqueux de ma vision mais je sens bien qu'elle aussi, a mal.

- Non...

Je t'en prie. Ne dis pas ça. Pas comme ça. Pourtant ce simple mot est comme un nouveau coup de poignard planté violemment dans ma poitrine? Je m'étais arrêtée de pleurer sur le coup mais déjà, malgré mes efforts, mes lèvres tremblent, tout mon corps également, alors que finalement, toutes mes défenses cèdent. Je n'ai plus la force de lutter contre cette vérité trop douloureuse.

Après quelques instants ou le monde entier me parut en suspens, je perçois la main de Manori près de main. Et, réflexe idiot, je la regarde bêtement. Avant de venir la saisir. Aujourd'hui, je n'ai plus que cela. Je n'ai plus qu'elle. Je me relève comme je peux, tenant à peine sur mes pieds, vidée de toute on énergie et encore rempli d'un chagrin semblant sans fin. Je m'éloigne en suivant Manori, mon regard quand à lui ne quittant pas jusqu'au dernier moment la dépouille de celui qui fut presque un père pour moi, l'espace de quelques mois.

"- Ash... lan..."

Le kekkaï étrange qui nous avait emprisonnés tous en cette si funeste journée vient soudain de se dissiper. Et l'afflux violent des bruits et des odeurs de la réalité me prend tellement à la gorge que je manque de m'en étouffer. Je tousse, plus douloureusement que jamais alors que déjà, des compagnons de faction parviennent à notre hauteur. Je les connais, eux aussi, et déjà l'un d'entre eux s'active à mes côtés pour soulager ma douleur et soigner ma blessure. Dans ma tête, résonne le message de repli stratégique. Oui, il faut évacuer, au plus vite.

Je n'ai pas eu le temps de remercier comme il se devait le Nephil qui m'a soutenu et aidé lors de ma rencontre contre l’Élu Seraph et je me promets d'aller à sa rencontre prochainement. Mais en attendant, malgré ma faiblesse physique non négligeable, je me remets au travail. Je dois tenir mon rôle de Commandante, plus que jamais mon Élue à besoin de moi. Alors, je vais me charger d'organiser le retour au mieux de mes capacités. Désolé Zack, je risque d'être absente plus longtemps que prévu.

A partir du moment ou j'ai assez de force pour tenir sur mes jambes, je distribue mes directives, permettant ainsi aux nôtres de pouvoir plus facilement quitter les lieux et dans les meilleures conditions possibles. J'oriente vers les sorties ceux qui sont encore en état de se déplacer, donne le QG comme point de ralliement et dirige les plus grands blessés vers les soigneurs tandis que je continue à dénombrer nos morts. Car malheureusement, Ashlan n'a pas été la seule victime de notre camps.

Je continue ainsi jusqu'à ce que le dernier d'entre nous ai quitté la fête foraine. Je finis par m'effondrer de fatigue, la fièvre commençant à me prendre, ne devant mon salut qu'à un de mes compagnons de faction attentif à mon état de santé précaire. Alors que les derniers soigneurs et soignés évacuent avec moi, je me dis que je ne suis pas prête de remettre un pied ici...