Agence Blake:

Julien était en vie. Elle pouvait parler aux morts, parce qu’elle était Seraph. Voilà. Mais il restait un détail important à régler. Julien n’avait plus d’identité. Comment justifier sa présence alors qu’il était censé être mort ? Il ne pouvait plus aller chez le médecin, ni même conduire une voiture sans manquer d’interroger les soupçons. Lenna lui promis qu’elle s’en chargerait. Elle connaissait quelqu’un qui pourrait certainement régler tous ces problèmes. Il prit son visage entre ses mains pour souffler un merci avant de l’embrasser avec passion et de partir travailler. Oui, chaque moment était vécu à fond. Ils avaient trop soufferts l’un comme l’autre pour se perdre en disputes.

Vêtue d’un simple jean moulant et d’un haut qui mettait en valeur ses yeux, Lenna ne tarda pas à le suivre dehors en ce samedi matin. Le soleil commençait déjà réchauffer les toits des immeubles, et c’est avec bonheur qu’elle accueillit l’air frais de son taxi qui l’attendait plus bas. Elle tendit la carte du détective au chauffeur qui l’y conduisit sans trop faire d’histoire – elle avait trouvé une compagnie moins regardante sur les trajets.

S’il était son ami, comme elle le pensait, Russel l’aiderait à monter une fausse identité. Sur le chemin, elle imagina le scénario faux qu’elle allait lui servir pour expliquer cette démarche. Elle paya le taxi, lui demandant de revenir à son prochain coup de fil. Une pancarte annonçait l’agence. Elle fronça les sourcils en voyant le panneau indiquant qu’elle était fermée. Qu’à cela ne tienne, elle avait fait le trajet, elle entrerait. La Lenna d’avant Kyu aurait laissée tomber. La Lenna amoureuse faisait tout ce qu’elle pouvait pour aider son fiancé.

Elle poussa la porte et entra dans la pièce. Un relent d’alcool lui fit plisser le nez, la faisant douter un instant sur l’adresse.

Russel, vous êtes là ? C’est Lenna.

*titre sous copyright Alexis

*Pas possible... Tu vas t'ouvrir, saloperie !*

Après une troisième tentative défectueuse pour ouvrir sa bouteille, il décida finalement d'employé la manière forte. Il s'en alla vers la cuisine, puis percuta le haut de la bouteille qui se brisa en mille morceau, l'un des morceaux virevolta sur sa peau, le blessant au passage et activant ainsi ce qu'il appelait, une malédiction.

...

Un homme en état d'ébriété remplaça l'homme qui voulait commencer à le devenir. Russel voyant que l'endroit où il était tombé ne collait pas avec son dernier souvenir, observa son poignet pour confirmer le temps, puis ensuite son calendrier. Samedi Matin.

*Tch*

Il claqua la langue en remarquant que sa malédiction lui avait fait sauter une journée. C'est alors qu'on ouvrit sa porte. Il grincha d'une voix haute.

"Savez pas lire bon sang ! Fermé. F-E-R-M-É." Épela-t-il d'une voix certainement pas très agréable pour son invité. Il se concentra ensuite pour verser le contenu de sa bouteille dans son verre, cherchant à ne pas trop perdre le liquide qui lui revenait chère.

Lenna s’avança jusqu’au bureau du détective en entendant sa voix morne et grinçante. Qu’est-ce qu’il faisait ? Elle resta interloquée devant son pantomime, titubant et tentant de remplir son verre avec un bouteille d’alcool. C’était de là que provenait l’odeur. On était le matin, et il était déjà complètement beurré. Elle était quelque peu choquée. Si elle avait su que Russel était un ivrogne… elle n’aurait jamais pu le parier. Enfin, s’il n’avait pas les idées tout à fait claires, il serait certainement moins enclin à fouiller dans ses affaires, et découvrir la résurrection miracle. Elle plissa le nez pour résister à l’odeur, et fit encore quelques pas jusqu’à lui.

Elle lui prit les mains, stabilisant les tremblements et l’aida à se servir. Faisons boire l’homme pour qu’il soit décidé à l’aider.

Russel, j’ai une affaire à vous proposer.

Sa voix était douce et rassurante. Elle ne devrait pas avoir de scrupule à se servir de lui, dans le bien de Julien, mais pourtant sa gorge était nouée. Il fallait qu’elle capte son attention, peut-être alors pourrait-elle comprendre ce qui le mettait dans cet état. Son regard était peiné, et son sourire de ce matin totalement envolé. Cela lui donnait presque envie de vomir. Comment pouvait-on se dépraver à ce point ?

Toujours concentré à remplir son verre, ses mains furent alors soutenu par d'autres plus douces. Un léger étonnement et une petite satisfaction de voir le liquide remplir sa cible sans trop de problème. Il entendit alors une voix féminine et en reconnut la familiarité. Combien de temps depuis qu'il ne l'avait pas entendu. Certainement pas très longtemps dans ce monde, mais au moins plus de deux ans dans son esprit.

Il observa finalement son invitée, mettant un certain laps de temps à comprendre les propos qu'elle venait de dire. Des yeux troubles, légèrement imprécis quant à ce qu'ils observaient. Il voyait en elle, un bon moyen physique de se défouler. Il retira cette pensée de façon net en buvant son verre de whisky cul-sec, avant de demander d'une voix rouée.

"Affaire ?"

Il s'éloigna d'elle, reprenant son ancienne habitude d'aller s'asseoir sur son fauteuil en face du canapé pour ses clients. Le tout séparé d'une table basse. Il s'alluma alors sa roulée, plusieurs dizaines étaient déposés sur sa table basse en verre. Pointant du doigt son canapé en tirant sa clope, il parla dégageant la fumée blanchâtre.

"Assis-toi." dit-il indifférent.

Il parut satisfait de voir son verre se remplir. Rien de plus facile que de manipuler un ivrogne. Lenna comptait rester dans les limites de la courtoisie. Elle l’aimait bien ce détective, et elle ne voulait pas l’emmener au-delà de ce qu’il aurait fait naturellement. Il but son verre d’un trait, ayant visiblement plus d’agilité à descendre un verre qu’à le remplir. Sa voix était toute enrouée, signe qu’il ne devait pas quitter cet état d’ébriété souvent.

Il s’assit dans un large fauteuil en préparant sa clope. Lenna le regarda faire, voyant qu’il était aussi un fumeur immodéré au vu du nombre sur la table basse. Elle l’écouta et prit le canapé en face de lui. Elle se redressa aussitôt pour ôter une bouteille vide de son arrière train et la posa sur la table basse. La jeune femme reprit ensuite contenance en croisant ses jambes, et en redressant les bretelles de son débardeur comme si elle avait besoin de se recouvrir. Son discours bien préparé s’était envolé et elle le regarda souffler sa brisée blanche. Comment se faisait-il qu’elle réussissait à trouver ce geste séduisant alors qu’il provenait d’un homme totalement ivrogne ? Elle prit une respiration pour contrôler ses émotions, se maudissant d’avoir pareilles pensées infidèles.

J’ai besoin que tu me fasses de faux papiers : carte d’identité, permis… la totale.

Elle fouilla dans son sac pour lui tendre les photos d’identité de Julien. Oui elle était prévoyante.

Voilà sa photo. Tu pourrais le faire ?

Elle doutait un peu de son efficacité, mais son ébriété tombait très bien. Pas de questions, il prendrait son argent, et oublierait le tout dans son vin qu’il achèterait avec.

En quoi c’était drôle ? Etait-il en train de devenir fou ? Ou Lenna s’était-elle totalement trompée sur sa Nature ? (Ndlr : Nous savons vous comme moi que Lenna ignore tout de sa nature de Nephil, ce qui fait que oui, elle s’est bien trompée, mais seule sa nature humaine la préoccupe pour l’heure.) Il fit tomber la photo avec un visage quelque peu… mécontent, déconcerté ? Elle avait vraiment du mal à le cerner. L’annonce du montant la fit bondir de sa chaise, enfin du canapé.

Quoi ?! 10 000 ?

Il était vrai qu’elle n’avait strictement rien dépensé pendant ses 4 années à vivre recluse sur elle-même mais elle n’avait tout de même pas gagné au loto. Cela amputerait ses économies de moitié. Enfin, ils étaient deux à travailler maintenant, ils pourraient surement combler ce déficit, une fois qu’ils pourraient vivre sans crainte de questions. Elle ne put retenir une grimace cependant.

Très bien. La moitié tout de suite, l’autre à la livraison.

Où était passé le gentleman plein de sollicitude ? Elle dévisagea Russel, tentant de voir sous le masque de l’alcool. Et puis pourquoi cela la préoccupait-elle tant ? Elle était heureuse avec son vœu non ? Bon, il était vrai qu’avoir vu débarquer un chat, un voleur, des gangster, être tombé dans un trou de cimetière, avoir manqué se faire violer à plusieurs reprises, ainsi que sa première vision d’esprit tout ça en moins de quelques semaines avaient quelque peu perturbé son équilibre. Sans compter qu’elle passait son temps à mentir à l’homme de sa vie. Elle était instable, ça il n’y avait pas à en douter. Son cerveau ne fonctionnait donc plus de façon très logique, et elle s’assit sur la table basse, juste devant le fauteuil de Russel, en évitant les cigarettes qui trainaient. Elle posa les mains sur ses propres genoux, essayant de capter le regard du détective pour y déceler sa précédente personnalité.

Russel, qu’est-ce qui ne va pas ?

La somme prononcée la fit sauter du canapé. Rien d'étonnant, c'est une somme que les dealers de drogues peuvent payer aisément, mais une simple et honnête citoyenne américaine. On peut en douter. D'ailleurs, pourquoi cette connaissance de Lenna avait besoin de faux papier ? Il a commit un crime et a besoin de se refaire une identité ? La jeune femme était sa complice ? Dans tel cas, ils allaient probablement quitter cet état ensemble. Russel ne la reverrait plus.

Son regard divaguait alors qu'il acquiesçait la proposition de payer en deux fois. Il était dans ses pensées, fumant sa roulée tranquillement lorsqu'il sentit une présence, très proche de lui. Trop proche. Il leva son regard pour l'observer. Dans quel état pitoyable le voyait elle ? Quelle impression donnait-il aux gens qui l'observaient ? Quelle pauvre homme ? De la pitié ? Une irritation tandis qu'il ignora la question que venait de lui poser Lenna.

"En liquide les deux paiements. Pas de chèque ni carte. Tu auras tes papiers lorsque tu m'apporteras la seconde partie. Une semaine." finit-il brièvement avant de se relever et d'aller se rechercher un verre de whisky, clope au bec.

Une magistrale gifle. C’est la sensation qu’eut Lenna en le voyant ignorer sa question, et s’écarter d’elle. Son cœur palpita et le rouge lui monta aux joues. Il était là, à la traiter comme une vache à billets, à boire et à fumer. Et elle, elle lui demandait gentiment ce qui n’allait pas ? Quelle foutue idiote. Elle se releva d’un bloc et se rassit instantanément. Quoi, qu’allais-tu faire maintenant pour aggraver ton cas ? Sa voix était froide quand elle répondit à l’homme robot.

Je n’ai pas autant de liquide sur moi.

Elle croisa les bras sur sa poitrine, pour s’éviter de lui balancer le cendrier en pleine tête. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait, mais le besoin de son service qui l’arrêtait. Elle n’avait plus envie de le regarder, elle détourna le visage vers l’autre côté de la pièce. Elle s’était attendue à venir voir un ami, pas une brute épaisse.

Pourquoi s’énervait-il ? Elle lui apportait de quoi s’acheter tous ces…, ces trucs, et lui il prenait la mouche.

…si ton 'petit' copain…

Ah c’était la photo qui ne lui avait pas plu alors. Lenna répliqua brusquement :

Ce n’est pas… !

Non mais qu’est-ce qu’elle disait, bien sûr que cela l’était. Cela l’était il y a quatre ans, cela l’était-il moins maintenant ? Le petit copain très gentil attentionné et parfait n’avait plus l’air d’être ce qu’elle voulait. Les vapeurs d’alcool devaient lui monter à la tête. Bien sûr que c’était ce qu’elle voulait ! Elle passa sa main dans son crâne pour remettre en ordre ses pensées.

Je voulais dire qu’il faut que j’aille retirer tout ça. Tu m’accompagnes ?

Elle n’aimait pas vraiment l’idée de devoir déambuler seule dans le quartier Sud à la recherche d’une banque ou d’un guichet. Ce n’était sans doute pas vraiment préférable de se faire accompagner par un ivrogne. Il ne voudrait peut-être pas sortir de chez lui aussi.

Enfin, tu n’es pas obligé.

Ses pensées faisaient rage dans sa tête, elle avait dû mal à cerner ses propres motivations, et se sentaient aussi coupable des mensonges qui s’accumulaient dans son couple fragile. Elle soupira et jeta un œil sur le verre qu'il tenait nonchalamment. Même ivre, il dégageait un certain charme, c'était fou. Sa tête déconnait complètement.

Ou tu peux aussi me servir un verre.

Le sang alcoolisé de Russel n'avait pas tellement aidé dans la compréhension de la phrase de Lenna. Elle n'a pas le liquide sur elle. Dans tel cas, forcément, elle ne pouvait pas payer la première partie. Heureusement que la jeune femme lui avait expliqué cela, sinon il n'aurait jamais compris. Mais avant ça, elle avait tenté de dénier quelque chose, néanmoins, elle n'avait pas fini sa phrase et le détective n'était pas tellement dans l'état de déduire quoique ce soit.

Elle demanda à ce que l'ivrogne l'accompagne. Était-elle sérieuse ? Elle voulait être accompagné d'un ivrogne pour retirer une somme de 5000$ à la banque ? L'avait-elle bien observé ? Si Russel l’accompagnait dans cet état, la seule impression que les banquiers auraient en voyant cette combinaison, c'est un homme fortement dosé en alcool qui menace une femme de lui payer. Peut-être était-ce devant cette grimace mais elle ajouta qu'il n'était pas obligé.

*Bon sang... Me fais pas suer.* songea-t-il en mâchouillant son mégot.

Outre le quiproquos que cette sortie pouvait créer, c'était surtout l'idée de voir le soleil attaquer son cerveau directement qui l'intimidait à mettre un pied dehors. Sa dernière sortie datait déjà depuis un moment et son crâne avait perdu l'habitude de recevoir les forts rayons lumineux sur lui.
C'est alors qu'elle fit une autre suggestion des plus surprenantes.

*...*

Russel observa Lenna, presque menaçant. Ne comprenait-elle pas ? C'était une faveur qu'il lui faisait en acceptant cette requête. Une sorte de remerciement pour les moments passés ensemble mais aussi un moyen de se dire au revoir à jamais. Comment expliquer ce qu'il voulait dire ? Par compassion ? Par intérêt ? Non par amitié pour elle, il serait sans doute mieux qu'ils ne se côtoient plus. Partager un verre n'allait pas en ce sens. L'ivrogne était conscient de son propre état. Il n'était pas un homme fréquentable et certainement que c'était une question de temps avant qu'il ne soit obligé de fermer son agence. Dans tel cas... Que ferait-il ? L'option suicide avait été légèrement entravé par sa malédiction et en vérité, il n'avait plus tellement la volonté de mettre fin à ses jours. Surtout après l'appel de son ancien coéquipier et ami, Mickaël qui avait apprit la nouvelle à propos de Liz.

Il n'avait visiblement pas assez bu. Il se releva sans dire un seul mot, se servit un verre, puis prit un second verre propre qu'il servit également. Il retourna près de sa cliente puis posa le verre propre et rempli conséquemment sur la table basse. D'une voix basse, sérieuse et légèrement menaçante, il prévint.

"A ta place, je ne boirais pas ce verre. Je partirais, irais à la banque, prendrais l'argent, le déposerais et garderais mes contacts avec un ivrogne au stricte minimum."

Il finit son conseil en buvant une gorgée de son verre, puis en s'allumant une nouvelle roulée, ne donnant aucun regard à Lenna.

Elle le regarda prendre un nouveau verre, et en remplir un autre qu’il déposa juste devant elle. Ce verre était un peu la pomme du jardin d’Eden. Si elle le buvait, on ne pouvait plus vraiment rien prévoir de logique dans l’heure qui suivrait.

"A ta place, je ne boirais pas ce verre. Je partirais, irais à la banque, prendrais l'argent, le déposerais et garderais mes contacts avec un ivrogne au stricte minimum."

Il lui donnait un conseil. Comme s’il se souciait de sa personne. Il l’avait limite envoyé paître, et se permettait maintenant de lui dire de ne pas boire ce verre, alors que lui-même en prenait une nouvelle gorgée.

Tu n’es pas mon père. J’enverrai un coursier pour te déposer l’argent si c’est ça qui t’inquiète.

Son père… Inexistant. Elle avait oublié d’ailleurs les ordres que pouvaient donner une personne dans ce genre, alors comment pouvait-elle lui dire qu’il ne l’était pas ?

Tu ne sais rien de ma vie.

Tu ne sais pas que j’ai failli crever, et que j’ai vu mourir une amie sous mes yeux. Elle regardait le verre posée devant elle. Pourquoi l’avait-il servi s’il ne voulait pas qu’elle y touche aussi ? Ses doigts s’entremêlèrent comme pour s’empêcher de le saisir, mais ce faisant elle tomba sur les marques de brulures provoqués par sa maladresse d’il y a quelques jours. Ses yeux regardèrent ses mains, voyant le bleu violet/jaune qui s’était formé sur son poignet par son inaptitude à protéger son fiancé. Oui car cette blessure était entièrement sa faute selon elle, puisque c’est elle qui lui avait menti. Cela ne lui venait pas à l’esprit que cela pouvait être la faute de Julien. Il n’y avait qu’elle pour tout gâcher.

Elle se sentait coupable et pour ôter ce sentiment ou tout du moins le mettre en arrière-plan, sa main saisit fermement le verre et le porta à ses lèvres. Deux longues gorgées coulèrent dans son corps, y diffusant une douce chaleur qui la fit cependant grimacer en sentant le gout aigre de la boisson. Elle commençait à comprendre pourquoi le détective faisait grand cas de cette boisson, car une sensation de bien-être trompeuse commença à envahir son corps.

J’en avais besoin.

Elle adressa un sourire au détective, pour ne pas s’attirer encore ses foudres par la façon qu’elle avait de toujours rendre le monde pire.

Au lieu de détendre l’atmosphère, son sourire ne fit qu’amener un air sérieux sur le visage du détective. Même ainsi, le monde ne voulait pas tourner rond. Elle ouvrit des yeux ronds en l’entendant poser sa question.

Me menacer, mais enfin, non, non, voyons pourquoi est-ce que…

Elle suivit son regard vers son poignet marqué. Ah, cela pouvait prêter à confusion il est vrai. Elle reprit une gorgée du liquide empoisonné le temps de remettre ses pensées en ordre. Ou de les emmêler, c’est selon.

Ce n’est rien, c’était à cause d’une maladresse de ma part rien de plus. Personne ne me force à faire quoique ce soit.

Oui puisque c’était entièrement sa faute. C’était elle qui avait proposé de venir en plein dans le Quartier Sud pour lui faire des faux papiers. A cause de cette question, maintenant elle ressentait à nouveau ce sentiment de culpabilité qui lui nouait les entrailles. Une autre gorgée du liquide brûlant pour le dissiper à l’arrière de son esprit, et elle reposa le verre vide sur la table basse. Elle n’avait rien avalé de consistant depuis la veille, et elle sentait que sa tête commençait à être plus légère.

Lenna posa son coude droit sur son genou à elle, appuyant sa joue dans la paume de sa main, oubliant qu’elle avait justement évité ce geste à son arrivée à cause de son débardeur quelque peu baillant. Elle tentait le diable, mais n’en avait strictement rien à faire à vrai dire. Ses yeux essayèrent d’attraper ceux du détective, une soudaine remarque sortant de ses lèvres avant même qu’elle puisse y penser.

Pourquoi, tu tiendrais suffisamment à moi pour t'inquiéter d'un petit bleu ?

Suite à la question non délicate de Russel, Lenna fut très franchement surprise. Elle dénia immédiatement être menacée. Un raisonnement certainement trop hâtif du détective qui pourtant voyait en ces blessures une marque de mauvais traitement. Généralement lorsqu'on force quelqu'un contre son gré ou bien qu'on est brutal, on peut laisser de telle marque si la saisi se fait au niveau du poignet.

Lorsque la jeune femme comprit d'où venait cette supposition du détective, elle les justifia par une maladresse. Quelle genre de maladresse peuvent créer ce genre de marque ? Dur à croire, mais si la victime ne veut rien dire à ce sujet, il ne pouvait pas la forcer. Sans oublier que l'ivrogne était actuellement occuper à gérer un début de migraine. En prenant en compte le fait qu'il n'avait pas dormi depuis maintenant plus de 20 heures et qu'il continuait d'abuser de la bouteille, cela pouvait aisément se comprendre.

C'est alors, perdu dans ses réflexions silencieuses qu'il entendit un verre se poser, c'était celui de Lenna et il était déjà vide. Il l'observa, légèrement interrogateur alors qu'elle se mettait plus à l'aise. Une pose qui ne laissa pas l'homme alcoolisé indifférent alors qu'il se laissait manipuler par le physique de sa cliente. Se sentant observé dans cette démarche, il releva les yeux pour rencontrer ceux de son amie. Elle lui demanda alors.

Pourquoi, tu tiendrais suffisamment à moi pour t'inquiéter d'un petit bleu ?

*...*

Cette question avec cette pose... Pas de doute, l'alcool faisait son effet. Néanmoins, ce n'était pas forcément une invitation et si ça l'était, ce n'était pas vraiment une bonne chose d'accepter. Il répondit, montrant son éternel visage d'insatisfait et ignorant la question de Lenna dont la réponse lui paraissait évidente.

« Je t'avais dit de ne pas boire ce verre. Idiote. » souffla-t-il agacé.

Il se leva, légèrement déséquilibré. Il prit appui sur le dossier de son fauteuil d'une main, l'autre, il la posa sur son front. Il souffla légèrement. Sérieusement, pourquoi il se retenait ? Elle était là, elle avait accepté de boire ce verre... Elle paraissait vulnérable, il pouvait l'attaquer, non ? Mais, s'il commençait une telle chose, pourrait-il s'arrêter ? L'imaginer crier... Non, il avait beau être devenu ce qu'il est Imaginer son amie crier, voir pleurer, par sa faute n'était pas quelque chose qu'il pouvait exécuter. Du moins, pas pour l'instant. Cherchant à mettre un terme à cette tentation, il changea de sujet.

« Je commencerai ta demande de faux papier lorsque tu m'auras payé la première moitié. J'ai besoin de la taille et du poids du type. Une fois qu'il aura ses faux papiers... Quitter cet Etat me semble être la meilleure solution pour éviter les soupçons... Tu vas l'accompagner ? » demanda-t-il à la fin, regrettant immédiatement cette question personnelle dont l'éventualité d'une réponse positive n'allait pas tellement le mettre de bonne humeur.

Son sourire disparut aussitôt que le mot idiote parvint à ses oreilles. Qu’avait-elle encore dit de mal ? Cela voulait dire qu’il s’inquiétait alors ? Difficile de raisonner quand la douce chaleur de la boisson commence à gagner son corps et à retirer l’intelligence du cerveau par la même occasion. Elle le regarda se relever, à moitié chancelant. Il posa sa main sur son front, comme s’il prenait la pose. Le faisait-il exprès de rayonner ainsi. Elle ne savait plus trop si la chaleur qu’elle ressentait provenait de la boisson ou de tout autre chose. Elle saisit son changement de sujet avec bonheur, l’aidant à mettre de côté les pensées de la tentation.

« Je commencerai ta demande de faux papier lorsque tu m'auras payé la première moitié. J'ai besoin de la taille et du poids du type. Une fois qu'il aura ses faux papiers... Quitter cet Etat me semble être la meilleure solution pour éviter les soupçons... Tu vas l'accompagner ? »

Partir d’ici ? Julien comptait-il fuir et la laisser ? Non, il ne ferait jamais ça.

Non, je reste ici. Je suis née ici, pourquoi je partirais.

C’était absurde. Pourquoi posait-il une question pareille ? Il avait peur de ne plus la revoir, c’était la seule explication. Alors pourquoi continuait-il à l’insulter comme il le faisait ? Il était d’un contradictoire à en perdre la raison.

Sa taille…

Lenna se releva et mit sa main à un peu près la hauteur qu’elle jugeait de Julien, au-dessus de sa propre tête.

Son poids… Heu, comme toi je dirais.

Cela ne lui était pas venu à l’esprit qu’il voudrait surement des valeurs plus précises. Elle ne savait plus vraiment ce qu’elle devait faire ici, si elle devait partir, rester, tourner, sauter… heu… mais le destin choisit à sa place. Elle sentit arriver l’esprit juste à temps pour se couvrir les yeux et le front de ses mains aux doigts serrés les uns contre les autres.

Merde pas maintenant !

Elle se plia sur elle-même comme si cela pouvait empêcher l’ivrogne de la voir, ou l’esprit de lui parler.

Ori… Origan demande pourquoi tu n’es pas venu la chercher quand… quand il…

Sa voix tremblait, et elle préféra se taire sentant qu’elle était au bord des larmes en entendant la voix de son amie, à moins que ce soit le souvenir de sa mort qui continuait de hanter ses émotions.

Ce n'était pas tellement une envie de finir cette rencontre. Loin de là, il appréciait Lenna dans le passé et même maintenant, ce sentiment n'avait pas tellement changé. C'était justement pour ça qu'il voulait qu'elle voit qu'il n'était plus fréquentable. Il aurait voulu qu'elle acquiesce puis qu'elle s'en aille comme elle était venue. Réduisant leur contact au minimum. Regrettait-il sa manière d'être avec la jeune femme ? Oui, sans aucune hésitation. Le jeune garçon qu'il était, pensant naïvement qu'il n'aurait jamais aucun regret dans sa vie se voyait effacer tandis que Lenna lui répondait qu'elle ne partirait pas d'ici. Il l'observa interrogateur mais resta silencieux sur le sujet. Pourquoi était-il soulagé à ce point ?

Elle poursuivit, donnant une information approximative quant au physique de l'homme. Il nota des chiffres sur son carnet en ces derniers, certainement que ce n'était pas les bons mais tant que ça correspondait en apparence, on irait pas fouiller.

C'est alors que sa cliente eut un comportement légèrement inquiétant, jurant au passage. Il l'observa, surpris puis inquiet. Il entendit la voix féminine de Lenna qui délivrait une sorte de message. Pourquoi ? Pourquoi connaissait-elle ce nom ? Que signifiait ces propos ?

"Lenna ? Tu connais Origan ?" demanda-t-il finalement, n'ayant compris que l'évocation du nom de la jeune fille asiatique.

Les paroles de son amie lui paraissait être comme ceux qu'on entend chez quelqu'un salement amoché par l'alcool. Boire un verre de whisky largement rempli justifiait ces propos incohérents. L'ivrogne lui-même, avait au début été légèrement incapable d'aligner deux phrases avec cohérences. Guère surprenant donc si la personne n'est pas habitué à l'alcool. Mais l'évocation d'Origan, sa colocataire d'un temps était largement suffisant pour l'intriguer.

L’esprit s’en alla aussitôt après avoir délivré son message laissant à Lenna la possibilité d’ôter les mains de son visage. Ses yeux étaient embués d’avoir parlé à son amie décédée. Elle n’eut pas le temps de reprendre le contrôle de ses émotions que le détective entrait dans son rôle duquel il avait pourtant l’air éloigné.

"Lenna ? Tu connais Origan ?"

Elle ne parla pas de son don, sentant qu’il ne la croirait pas dans sa brume de vapeurs d’alcools. Elle se contenta donc d’hocher la tête, remarquant qu’il avait employé le présent. Il ne devait pas être au courant. Pourtant elle était une de ses collaboratrices non ?

Oui, c’est elle qui m’avait donné ta carte.

Lenna se pinça les lèvres pour retenir les sanglots de femme fragile qui remontaient dans sa gorge. Elle ne voulait pas montrer à quel point elle était faible. Pas devant lui. Surtout pas devant lui. Il était la dernière personne au monde qui devait voir l’étendue de ses défauts.

Russel, tu ne sais pas… ?

Elle ferma les yeux pour reprendre une inspiration et un peu de courage, non beaucoup de courage, pour annoncer la vérité qui planait dans l’air. Pourquoi le fait de le dire était si difficile ? Parce qu’elle ne voulait pas le faire souffrir et l’enfoncer encore plus dans sa vague frénétique d’alcool ?

Ori… elle… elle est…

Elle passa la main sur son front, comme si cela pouvait l’aider à trouver les mots. Après une respiration supplémentaire elle lâcha des mots sans émotions pour taire celles qui faisaient rage à l’intérieur d’elle.

Elle a été tuée.

Elle serra ses bras contre elle en fixant le verre vide, pour se rappeler qu’elle-même était toujours vivante, et s’apporter un peu de réconfort par des bras enserrés, même si ce n’était que les siens.

Lenna expliqua qu'elle connaissait Origan car c'était elle qui avait fait connaître l'agence du détective. Maintenant qu'il y pensait, il parvenait à se rappeler de son étonnement lors de leur première rencontre. La jeune femme avait sur elle la carte de son agence. Il en avait déduit rapidement que c'était Origan l'auteur de ce petit mystère et il se trouve qu'a l'époque il avait eut raison. Lenna connaissait donc cette petite asiatique. L'expression de sa cliente s'aggrava lui demandant s'il ne savait pas. Savoir quoi ? Russel se contenta de boire son verre de whisky, le vidant silencieusement, en écoutant les propos hésitants de son interlocutrice. Son cœur commençait à battre de plus en plus fort, malgré lui, attendant une réponse des plus graves. Il entendit finalement.

Elle a été tuée.

Il y a plusieurs choses dans ce monde qu'on ne comprend pas. Les questions existentielles par exemple font parti de ces choses. La religion s'est donnée comme rôle d'y répondre en évoquant l’existence d'un dieu. Ce dieu répond au question comme, que se passe-t-il après la mort ? Pourquoi sommes nous nés ? Etc, etc.

*Ridicule,*

Il n'y a pas de dieu et il n'y a certainement pas de réponse toute faite. L'ancien inspecteur posa son verre vide sur la table basse. Une pensée coupée en morceau.

*Origan...*

Cette jeune fille asiatique... Pour résumé, elle avait commit devant lui, un crime impardonnable. Celui d'ôter la vie de deux personnes. Néanmoins, c'était pour protéger son amie. Louable. La voyant sans toit et surtout pour la surveiller et lui faire comprendre certaines valeurs, il l'avait hébergé. Elle n'aimait pas le fait que Russel fume et lui avait volé ses cigarettes ou bien transformé son paquet en une sorte de jouet. Bien entendu, même si l'ivrogne en ce temps là, trouvait la chose pénible, il savait qu'elle pensait à sa santé avant toute chose. En somme, une fille qui pense à ses amis. Cette jeune fille dont la force avait été vu par le détective avait été tué. Elle est morte. Pensant qu'elle avait disparue ou trouver logis ailleurs, il ne s'était pas vraiment inquiétée pour elle. De plus ses récentes pensées avaient été largement dirigé vers Liz et sa sœur. Il s'en alla chercher sa bouteille cassée pour remplir son verre vide, il en profita pour faire de même avec celui de Lenna.

*a été tué...*

Il s'avança ensuite, roulée en bouche, jusqu'à arriver vers Lenna toujours assise sur le canapé, recroquevillée sur elle-même après avoir annoncé cette nouvelle. Une voix monotone, une expression qui trahissait sa colère, l'ivrogne finit sa pensée vocalement.

"...Par qui ?"

Il ressentait une colère vive, mais en même temps un sentiment d'abandon. Encore maintenant quelqu'un disparaît sans qu'il ne comprenne le pourquoi du comment. Il se remémorait avec une nostalgie mélancolique de l'époque où Liz et Origan jouait ensemble dans son agence...

Faute de trouver un catalyseur pour sa colère et sa frustration, il se vengea sur sa boisson et tira copieusement sur la clope qu'il avait en bouche. De la haine à l'encontre du meurtrier inconnu, mais surtout envers lui-même qui ne faisait rien d'autre que boire et se dépraver. Résultat ? Une autre personne importante pour lui avait quitté ce monde. Les malheurs s’enchaînaient accompagnés de leurs mystères incompréhensibles. La lassitude de voir les choses se dégradées sans qu'il ne puisse faire quoique ce soit.

Lui, debout à la regarder et elle assise, il attendait simplement un nom.

Lenna resta silencieuse le temps de laisser à Russel le temps de digérer la nouvelle. Elle l’observa cependant avec attention, tentant de lire dans ses pensées, de comprendre le tumulte qui devait faire rage à l’intérieur de son cœur et de son esprit. Celui-ci ne dit pas un mot, préférant chercher sa bouteille cassée pour remplir son verre. Il restait calme comme si ses paroles ne l’avaient pas encore atteint. Il était devant elle, clope en bouche, verre dans la main. Il la dominait de toute sa taille, les traits de son visage étrangement déformé par la vision en-dessous qu’elle avait de lui. Il faisait presque peur, la colère jaillissait sur ses traits mais son regard était impénétrable.

"...Par qui ?"

Elle se recroquevilla encore un peu plus sur son canapé, n’osant bouger pour attirer cette colère sur elle. Cette proximité ne la laissait pas insensible, et se lever ne l’aurait que rapproché encore plus de l’homme qui se tenait devant elle. Elle voudrait le prendre dans ses bras pour le consoler, mais savait que ce geste risquait de lui paraitre déplacé et inapproprié. Elle mit alors quelques secondes pour remettre ses idées en ordre, et choisir les mots les plus appropriés.

Le… le… celui qui… il vend… armes… là-bas…

Elle peinait à exprimer ce qu’elle avait vécu, encore troublée d’avoir assisté à la scène sous ses yeux. Lenna avait eu une vie sans histoire, et c’était le premier meurtre auquel elle assistait. Pour se redonner une contenance elle empoigna le verre rempli en se penchant légèrement pour éviter de le toucher et ne pas le brusquer, avant de s’adosser à nouveau au canapé. Le verre cogna contre ses dents et elle prit une gorgée du liquide, sentant peser le regard de Russel sur elle.

Il a… tiré et… elle… elle est tombée et… il… il

Un frisson la prit et elle porta sa main libre devant sa bouche pour contenir ses yeux qui s’embuaient. Elle n’avait pas encore pleuré sa mort, trop prise par les évènements de ses derniers jours, et les émotions étaient ravivées à vif par la mention de ce souvenir. Il était plus simple de vivre en mettant les évènements traumatisants de côté. Elle n’avait pas ressassé ce moment, laissant ce soin à ses cauchemars qui étaient relativement courts depuis sa nouvelle condition de seraph. L’alcool accélérait ce phénomène, et elle préférait se taire plutôt que de se mettre à fondre en larmes devant lui.

Tandis que Russel gardait son expression de colère froide, il entendit Lenna sans dire un seul mot. Écoutant attentivement les réminiscences qu'elle pouvait avoir. C'était vague, visiblement, elle ne connaissait pas le nom du meurtrier. Néanmoins, elle parlait d'un marchand d'arme. C'était un indice largement suffisant. Il n'y avait pas un gros nombre d'armurier en ville. Rendre visite à chacun d'entre eux, n'allait pas être long.

Elle semblait très choquée parce qu'elle avait vu. A croire que ce dernier n'avait eut aucune pitié à achever la pauvre jeune fille asiatique.

*...*

Il connaissait un armurier, David, un français, mais aux dernières nouvelles, il avait une certaine affinité avec Origan. En conséquence, on peut le supprimer de la liste. Après tout, il avait tué sept hommes, se mettant en danger, juste pour protéger cette jeune fille. Il observa Lenna boire son verre fraîchement servi. Il demanda, sans considération pour l'état de sa cliente.

"Autre chose ? Le nom du magasin, par exemple ?"

Si ça lui épargnait des recherches alors autant en profiter. Il prit une autre gorgée de son whisky. Petit à petit, le choc qu'il avait reçu de cette nouvelle s'estompait pour devenir presque irréel. Sa roulée à présent éteinte, il la laissa chuter depuis ses lèvres. Il en reprit une autre et l'alluma machinalement, gardant son expression rivé sur Lenna.

Pourquoi continuait-il à la questionner ainsi ? Etait-il sans cœur au point de la vouloir voir pleurer ? Elle regardait son visage, tête légèrement penchée en arrière, pour saisir son visage. A quoi pensait-il ? Ce qu’il fumait tomba à ses pieds, et Lenna suivit sa chute du regard pour voir que c’était bien éteint. Une larme en profita pour chuter elle aussi, sans doute inspirée à cette vue. Lenna s’empressa de s’essuyer l’œil de son index, maudissant ses yeux de ne pas se contenter de la vue dominante.

Elle reprit une gorgée, aidant sa tête à tourner de plus belle. Ses idées s’entrechoquaient littéralement à l’intérieur, et elle suivit le bout du pied de Russel, sa jambe, sa cuisse, jusqu’à revenir à son visage. Le chemin semblait trop difficile à effectuer du premier coup.
Elle secoua la tête pour répondre à sa question. Elle avait l’impression de subir un interrogatoire sauf qu’elle était loin d’être l’accusé dans l’histoire.

Mais je – sais – où c’est.

Les mots avaient du mal à se formuler. Elle se mit cependant à trembler, prenant son verre à deux mains pour éviter de le renverser sur le pantalon qui lui faisait face.

S’il me revoit, il va… il veut…

Me tuer. Il était trop difficile de le dire à voix haute. Elle préférait repousser cette idée loin dans son esprit. La prononcer équivaudrait à l’accepter. Lenna ne put soutenir son regard plus longtemps et baissa la tête, se la prenant dans sa main droite, le coude posé sur les genoux. Ses pieds n’avaient pas l’air très stable. Mais Russel avait de jolies chaussures, il fallait le reconnaitre.

Le monde lui semblait étrange. Cette gorgée semblait avoir été la goutte de trop qui fait déborder le vase. Cela se confirma quand elle sentit une pression sur le haut de son crâne suivi d’une caresse maladroite. Oui, le monde devenait bien étrange si Russel se mettait à lui donner un geste d’affection comme si… comme s’il ne savait pas quoi faire d’autre ou se retenait d’en faire plus. Elle le passa sous silence, bizarrement réconfortée.

Il revint avec une carte et la posa devant ses yeux. Lenna se saisit du stylo en le regardant.

"Fait une croix, là où se trouve ce type. Tu n'auras plus aucune raison de le craindre ensuite."

Il ne la toisait plus de plein pied, mais s’était légèrement décalé pour lui laisser l’accès à la carte. Elle s’approcha de la carte pour identifier les quartiers. Voilà le sud. Ses yeux refirent le chemin sur le papier qu’elle avait suivi pour aller acheter son arme. Il semblerait que ce soit cette rue. Cependant qu’elle chose la chagrinait et l’empêchait d’apposer cette croix. Sans doute les propos de Russel qui avait éveillée son attention.

Russel.

Elle quitta la carte des yeux pour les poser dans les siens. L’alcool ne l’avait pas rendu idiote pour autant, et peut-être même était-ce lui qui l’aidait à dire tout haut ce qu’elle pensait tout bas.

Promets-moi que tu ne feras rien de stupide.

Son stylo était en l’air, prêt à dénoncer l’assassin, mais elle ne souhaitait pas envoyer le détective en vengeance inutile. Il ne ferait que se tuer. Et Lenna n’avait aucune envie qu’il meurt lui aussi.

Promets-le moi, et je poserai cette croix.

Pour ce que valait une promesse d'ivrogne... mais c'était toujours ça de pris.

L'ivrogne portait un regard insistant sur la carte, attendant patiemment où se poserait cette fameuse croix. C'est alors qu'il sentit les yeux de Lenna se diriger vers lui plutôt que vers la carte puis une interpellation. Il la regarda également, mélangeant intrigue et agacement dans son expression. C'est alors qu'elle lui demanda de promettre quelque chose. Promettre qu'il ne fera rien de stupide. L'homme claqua sa langue, irrité, détournant légèrement le regard. Était-ce clair qu'il n'avait pas l'intention de résoudre cela pacifiquement ?

C'était pourtant clair. Il allait aller voir ce type, le tuer avec son arme Nephil et par conséquent ne laisser aucune trace. C'était simple, il ne risquait rien. Le meurtrier ne verrait rien venir mais il devait savoir qu'il le mériterait. Œil pour œil, dent pour dent, vie pour vie. Oui simple. Il ne disait rien tandis que Lenna insista. Il avait juste à faire cette promesse ridicule et il pouvait savoir où se rendre pour venger la petiote. Pas compliqué. Néanmoins, pourquoi elle y tenait tant ?

« Si tu as peur pour la fabrication des faux papiers. J'arrangerai cette affaire avant de me rendre chez le type. Tu auras tes faux papiers. Ils seront sur la table de mon bureau si jamais je ne suis pas dans mon agence. » expliqua-t-il lentement. Puis d'une voix plus plus agressive en désignant la carte, il la pressa.

« Dépêche. »

Plus vite, il saurait où le meurtrier habite, plus vite il pourrait passer à autre chose. Par exemple...Boire son verre ou autre chose. Il continuait de tirer sur sa roulée, essayant d'intimer du regard à Lenna qu'elle ferait mieux de faire cette croix, rapidement.

La promesse ne vint jamais. Pourquoi se souciait-elle donc tant de la vie d’un ivrogne qui se tuait déjà tout seul sans son aide à petit feu ? Elle-même avait du mal à en trouver la réponse. Une colère froide commençait à gagner ses intestins, et la remarque qui suivit ne fit rien pour l’arranger.

« Si tu as peur pour la fabrication des faux papiers. J'arrangerai cette affaire avant de me rendre chez le type. Tu auras tes faux papiers. Ils seront sur la table de mon bureau si jamais je ne suis pas dans mon agence. »

Elle secoua la tête de dépit, pensant qu’il était vraiment un âne bâté et que s’il tenait tant que ça à mourir qu’il crève donc. Comme si c’était les faux papiers qui l’inquiétaient plus que la vie d’un être humain qu’elle avait commençait à apprécier. Qu’elle avait oui, parce que ses manières agressives commençaient à lui hérisser le poil. Elle traça la croix rageusement, manquant trouer la carte au passage, possédant peu de contenance sur ses émotions qui virevoltaient dans tous les sens grâce au liquide empoisonné dont elle faisait les frais.

Si tu tiens tant que ça mourir, la voilà ta foutue croix !

Elle se releva d’un bond, prenant son sac au passage, s’avançant juste devant Russel. Elle lui plaqua le stylo sur son torse d’une force suffisante pour faire entendre un léger claquement. Elle s’énervait de s’énerver parce qu’il ne faisait pas attention à sa vie.

Ton stylo. Imbécile.

Toute sa colère transparaissait dans ses mots, celle dont nous accusent les parents quand on oublie de leur donner des nouvelles ou qu’on rentre après l’heure convenue. Ses yeux s’embuaient à nouveau et elle ne se préoccupa pas du fait qu’il attrape ou non le stylo pour détourner le regard, et marcher vers la porte.

Enfin disons que c’était son intention première, puisque son pied heurta la cheville de Russel, que sa main glissa sur le rebord du canapé, et que les bouteilles vides au sol l’empêchèrent de retrouver son équilibre, sérieusement entamé par ce qu’elle venait d’ingurgiter. Elle atterrit sur les genoux. Quelques secondes de choc. Puis elle craqua à cause de cet évènement mineur, relâchant la pression accumulée. Elle resta à genoux, cachant ses yeux dont des larmes silencieuses se mirent à couler loin des pleurs d’un enfant mais très proche de ceux que produisent les femmes habituellement.

Elle déchargeait sa peine pendant que derrière elle, l’homme se mettait à rire nerveusement. Il riait tellement, qu’elle se demandait bien ce qu’il y avait de si drôle. Etait-ce le fait de la voir abattue, si incontrôlable, ou avait-il compris une vérité tellement inattendue que c’en était drôle ? Elle resta interdite, ne réagissant pas, la gorge encore trop nouée d’angoisse, de peur, et de peine. Ce rire fit cependant taire ses sanglots, sans doute le ridicule de la situation, laissant ses yeux se charger de couler sans discontinuer et d’évacuer les émotions contradictoires qui se trouvaient en elle.

Ses mains s’ôtèrent de ses yeux fermés, et se posèrent croisée sur ses cuisses, lassées de tenir les larmes humides.
Le silence soudain la ramena à son environnement. Elle sentit une présence qui se plaçait devant elle.

« Merci, Lenna. »

Merci de l’envoyer à sa mort certaine. Elle redressa la tête et ouvrit les yeux pour tenter de comprendre d’où provenait pareil remerciement dont elle n’arrivait pas à deviner la provenance. Il était tellement proche d’elle que son cœur manqua un battement de surprise en tombant dans les prunelles de ses yeux. Ses larmes s’arrêtèrent de même. De surprise, ou peut-être avait-elle assez pleuré, ou alors sa présence l’en empêchait. Elle n’eut pas le temps de réagir qu’une main se posait sur sa joue encore humide de larmes pour la caresser.

« Tu sais...Je te trouve très attirante. »

Un électrochoc. Voilà la sensation qui parcourut tout son corps à son contact, remettant son cœur en marche à vive allure. Elle l’entendait cogner à ses oreilles. Elle sentit une chaleur brûlante sur son visage, provoquée par ses mots inattendus. Sa propre main vint saisir celle posée sur son visage, sans savoir si elle devait l’en écarter ou au contraire l’empêcher de partir. Le temps semblait s’être arrêté, alors que leur regard se fixait.

Elle ne savait pas si elle devait le gifler, le repousser, le traiter d’ivrogne, de pervers, alors ne le fit pas. Elle ne savait pas non plus si elle devait lui sauter dessus, l’embrasser, le déshabiller, profiter de son ivresse pour ne pas admettre sa faute plus tard. Elle ne savait pas si elle devait céder à ses pensées infidèles ou les contenir. Et quand on ne sait pas quoi faire, on ne fait rien. Mais on peut toujours parler, même si les paroles ne sont qu’un murmure comme si le son des battements de son cœur semblait tout assourdir.

Qu’est-ce que… tu… fais ?

Sa voix contenait avec peine ses sentiments contraires qui s’étaient littéralement envolés et se battaient en duel à l’intérieur d’elle. Sa raison avait du mal à se faire entendre sous les brumes de l’alcool fort. La tentation était si proche et si accessible. Ses yeux si prenants. Son visage si attirant. Et ce contact si agréable qu’il suffirait d’un rien pour qu’elle y succombe.

Quel était le sens dans cette action soudaine de la part de Russel ? L'alcool qui parlait ? La folie qui le prenait ? Un besoin de chaleur qu'il envisageait chez Lenna ? Ou bien, une nouvelle manière afin d'oublier la dure réalité dans laquelle il était tombé ? Peu importe la raison, l'ivrogne lui-même ne pouvait pas y répondre. Tout ce qu'il voyait était les yeux de Lenna et la main de cette dernière posé sur la sienne alors qu'il lui touchait les joues. La main de la jeune femme ne faisait rien. Elle ne le repoussait pas, ni même le pressait. Mais ses yeux en revanche... Ils étaient remplis de surprise. Mais pas seulement, il y avait également des traces d'ivresses encore présente.Il savait que s'il passait à l'acte, il regretterait d'avoir abusé d'une jeune femme sous l'emprise de l'alcool. Il savait que s'il passait à l'acte, il n'y aurait plus de possibilité de retour. S'il concrétisait sa pensée, ce ne serait pas une relation amoureuse qui en ressortirait, loin de là. Dans son cas, il recherchait simplement du réconfort sous la forme d'une chaleur humaine. Pour Lenna ? L'ivresse qui l’empêchait de réagir.

*...Peu importe.*

Elle lui demanda alors, sous le souffle d'un simple murmure qu'il entendit aisément grâce au silence de la pièce.

« Qu'est-ce que...tu...fais ? »

Sa réponse fut un simple sourire tandis qu'il s'approchait tout doucement des lèvres de Lenna. Malgré son état d'ébriété important, il pouvait reconnaître le parfum alcoolisée de la jeune femme. Mais cela ne le dérouta nullement. Bien au contraire, l'odeur de l'alcool que le commun des mortels n'apprécient guère, l'ivrogne lui, le savourait. Lui même empestait certainement le whisky mélangé avec le tabac. Par ailleurs, la roulée qu'il avait en permanence dans sa bouche n'était plus là. Probablement qu'elle était tombée lors de son rire atroce. En somme, ses lèvres étaient libres et ses pensées étaient vides tandis que tout son corps poursuivait sa course pour embrasser son réconfort. Le cœur aussi calme qu'une rivière, Russel vola un baiser. Elle ne résista pas et il devint plus vaillant dans ses actes. Il mit ses mains sur les épaules de la jeune femme, la poussa au sol qui certainement n'avait rien de confortable, tandis qu'il écoutait simplement son désir brut.

Ce qu’il faisait ? Il s’approchait d’elle, tout doucement. Son odeur parvint à ses sens, mélange d’alcool et de tabac, mais elle était trop sonnée pour s’en soucier. Sa propre dose d’alcool avait engourdi tous ses sens, et le monde commençait à tournoyer. Ses lèvres se posèrent sur les siennes, mais elle se trouva incapable de résister. Infidèle. Infidèle. Infidèle. Voilà ce que sa raison tentait de lui envoyer par des signaux constants, mais rien n’arrivait à l’atteindre. Pour une fois que son esprit était calme, si calme. Oublié les meurtres. Oublié Julien et ses besoins d’elle. Oublié Julien et sa faute de l’avoir ramené. Oublié les ombres. Oublié cette nature. Oublié les esprits. Oublié Lenna.

Son corps réagit mécaniquement à l’autre, quand il se retrouva au sol. Seulement elle n’avait pas oublié qu’elle n’avait rien contrôlé de sa vie ces dernières semaines. Elle n’allait pas le laisser décider de la marche à suivre. C’était elle qui devait avoir le contrôle. Elle le repoussa, le fit tourner sur le dos, et s’assit sur lui, continuant d’agir sur leurs vêtements respectifs et leurs peaux. Ses yeux rencontrèrent les siens, sa tête tentant de remettre le monde à un état stable. Et enfin le doute parvint à son cerveau, elle se redressa d’un coup.

J’sais pas si… si… le… t’sais là…

Ses pensées étaient trop embrumées pour exprimer quelque chose de cohérent. Cette brusque action avait complètement retourné son estomac, et elle renonça à se tenir droite, s’affalant sur le torse à moitié dénudé de l’ivrogne. Ses gestes ralentirent dans la foulée jusqu’à ce qu’elle ne bouge plus du tout. Elle s’abandonna dans la chape de plomb qui reposait sur son esprit, bercée par la chaleur de l’autre corps sur lequel elle reposait.

Une respiration lente et profonde fut le signe révélateur qu’elle s’était endormie d’un sommeil sans rêve ni trouble. Ils n’avaient pas eu le temps de faire grand-chose, à peine celui de faire sauter quelques boutons et de froisser les vêtements toujours sur leurs épaules.

Lenna devint plus active dans ses gestes. Elle prit le dessus sur lui, l'accablant sur le sol. L'ivrogne grogna mais se laissa faire et il était bien trop occupé à tenter de la déshabiller que de reprendre le contrôle. C'est alors qu'elle tenta de faire une phrase que Russel ne comprit absolument pas. En soi, ce n'était pas si important, néanmoins ce fut lorsqu'elle chuta sur lui que l'homme comprit qu'en réalité ce n'était pas à ignorer.

Il la secoua légèrement se demandant ce qui se passait alors que son sang bouillonnait. Il entendit alors une respiration régulée qui fit apparaître sur son visage, une expression de frustration externe.

*J'ai connu beaucoup de torture, mais celle-là...C'est sans doute la pire.* songea-t-il en secouant légèrement Lenna pour vérifier l'étendue de sa torpeur qui semblait bien profonde.

L'idée de continuer alors qu'elle était inconsciente lui parcourra l'esprit mais il renonça aussi sec par éthique. Il la poussa sur le côté pour pouvoir se lever. Bien entendu rien de délicat, la frustration qui s'accumulait n'allait pas le rendre doux, loin de là. Il soupira avant d'aller se chercher une roulée qu'il mit sur ses lèvres. Il l'alluma avec son zippo, puis inspira profondément la fumée blanchâtre avant de la recracher. Il observa Lenna qui semblait bien endormie, il la porta pour la mettre sur le canapé. En espérant que son action brusque allait la réveiller... Loin de là. Un autre soupir et finalement son regard se posa sur la marque de croix qui était sur la carte. Il songea un instant, prit un autre verre de whisky avant de se diriger vers le lieu que désignait cette croix, préparant certaines affaires.

Ses intentions ? Rien de particulier. Son état d'ivresse lui murmurait à l'oreille que c'était chez l'armurier qu'il trouverait une réponse. Allait-il tenter de le tuer ? Cela dépendrait du français. Ses pas franchirent la porte d'entrée et il n'eut pas de mal à appeler un taxi pour se rendre chez le Contre-Goliath.

[Hrp: Suite au contre-Goliath]

Après le RP Contre Goliath

Ses yeux s’ouvrirent à peine une heure plus tard. Sa bouche était pâteuse, et son esprit vagabond. Hmm… où suis-je ? Elle cligna des yeux pour remettre le monde à l’endroit et se rappela qu’elle était dans l’agence de Russel. Elle était venue commander des papiers. Elle avait bu et… oh ! Il l’avait embrassé. Le rouge remonta à ses joues à ce souvenir et elle s’aperçut alors de son absence. Elle s’était endormie mais est-ce que… elle ôta la couverture pour constater l’état de son corps. Habillée. Quelque peu débraillée, mais habillée. Ouf. Elle n’avait rien dû faire de trop grave. Une petite infidélité. Rien qui ne prêterait à conséquence. Elle réajuste son soutien-gorge, et se passa la main dans les cheveux. Elle replia la couverture au bout du canapé et se baissa pour reprendre son sac qu’elle avait abandonné sur le sol. L’équilibre semblait quelque peu précaire, l’alcool coulait encore dans son sang.

Elle espérait que le détective ne s’était pas jeté tout droit vers le marchand d’armes. Il en mourrait c’était certain. Elle tenta de faire taire son inquiétude en pensant qu’il devait simplement être parti s’acheter des clopes ou de l’alcool. L’idéal pour partir d’ici sans retomber dans la tentation qui l’avait saisie tout à l’heure. Sans doute sa peine, ou l’alcool qui lui avait fait perdre la tête. Il faut dire aussi qu’il avait un regard des plus… Stop. Elle se pinça la lèvre pour mettre fin à ses pensées honteuses et poussa la porte de l’Agence pour en sortir.

Russel !

Elle largua son sac devant l’entrée et se précipita devant le corps. Elle colla son oreille contre sa bouche pour vérifier qu’il était vivant. Oui. Après le soulagement, la colère monta dans ses entrailles.

Abruti fini !

Il était dans un sale état, c’était rien de le dire. Mais l’autre ne l’avait pas tué. Pourquoi donc ? Est-ce qu’il voulait juste lui faire une leçon ? Ou l’avait-il laissé pour mort ? A moins que Russel ne soit aussi un Nephil… Non. Illogique. Elle-même ne traiterait pas mal un Seraph. Même un ivrogne. Elle ne voulait pas songer à cette idée saugrenue. Bon, il fallait l’amener à l’intérieur, pour le soigner un peu. Elle fit le tour et glissa ses mains sous ses épaules pour le trainer.

Espèce d’imbécile…

Grogna-t-elle en le tirant avec peine dans l’Agence. Elle le traina par-dessus les bouteilles vides, incapable de faire mieux, jusqu’au canapé.

Tu mériterais que je t’achève.

La tâche fut plus ardue pour l’allonger dans le divan, mais elle finit par s’en sortir, essoufflée par l’effort.

Au moins il y a assez de désinfectant ici… Bordel, t’aurais pu m’écouter.

Elle avait envie de le gifler pour s’être jeté dans la gueule du loup, mais se contenta de passer ses nerfs dans ses jurons, en cherchant un mouchoir et en prenant la bouteille de whisky pour nettoyer les plaies, tout en s’asseyant à sa portée sur la table basse. Ce qu’elle fit avec application et douceur, grimaçant en voyant l’étendue des dégâts. Elle déboutonna sa chemise sanguinolente et eut un soupir horrifié. Ce n’était pas mieux en dessous. Elle changea de mouchoir, et recommença jusqu’à ce qu’il est l’air un peu près propre. Ah, une coupure encore sur la main. Elle lui prit la main pour désinfecter cette dernière plaie, se rappelant qu’elle serrait cette main contre son visage il y a une heure, et que cette main… Stop. Elle se repinça les lèvres et reposa la main sur le torse de Russel, avant de se lever. Il lui fallut quelques secondes pour stabiliser son environnement.

Lenna se baissa pour replacer une des mèches de l’homme et déposa un baiser sur son front comme si cela pouvait l’aider à guérir. Elle plaça la couverture sur ses pieds, laissant le reste sécher à l’air libre.

Un véritable abruti…

Murmura-t-elle en quittant les lieux. Elle désirait partir. Elle ne voulait pas être là quand il se réveillerait. Elle risquait de sombrer à nouveau. Elle ne se faisait pas confiance. Elle était trop faible face à lui. Mieux valait fuir tant qu’elle avait les idées un peu près claires.


Un coursier vint déposer l'argent promis avec pour consigne de le remettre en mains propres, ou de lui retourner le colis si le receveur n'était pas en état de le réceptionner. Elle sut ainsi qu'il allait un peu près bien. Un mot était joint.

Citation :

"Je repasserais dans une semaine, soit lundi prochain pour récupérer le tout, avec le complément."
- Mlle Halo

Russel se réveilla quelques heures plus tard. Ses paupières s'ouvrirent et il retrouva le plafond de son agence. Est-ce que sa malédiction s'était activé ? Un instant plutôt, il lui semblait qu'il était au prise avec l'armurier. Il tenta de se lever mais la douleur de ses côtes fêlées l'en empêcha. Il grinça des dents, abandonnant cette idée et resta cloué sur le canapé...

Il sentait son esprit vagabonder, des images, des mots, des scènes et de l'incompréhension parcourir chacune de ses visions. Il pleura, et les sursauts provoqués pas cette action le faisait souffrir. Les vérités qu'ils voulaient connaître étaient inconnus et celles qu'ils voulaient fuir cognaient dans sa tête comme un camion percutant un homme. Il ne pouvait pas y échapper et la douleur l’empêchait de se lever pour prendre son verre d'alcool et passer à autre chose.

Par conséquent, il pleurait, impuissant, frustré, un sac à viande qui vit pour on ne sait quelle raison. Tout était de sa faute. La mort de Liz, celle d'Origan, c'était sa faute. Il n'avait rien fait pour elles.

Les souvenirs d'un temps heureux, Liz et Origan qui jouaient avec le chat Kyu. Lui, exaspéré à les regarder, qui n'était simplement pas assez honnête pour avouer à quel points elles étaient importantes. Et le voilà, sur ce canapé pour une raison qu'il ignorait totalement, en manque d'alcool et à se morfondre dans les pensées d'un temps aujourd'hui révolu.

En soi, il ne haïssait pas David, il ne pouvait pas haïr un homme qu'il ne comprend pas. Ce n'était pas dans la nature de l'ivrogne. Ce qu'il a subit de la part du bourreau, il le méritait. Mais bon dieu, il aurait préféré être achevé. Les mots du français raisonnait dans sa tête comme un coup de marteau. Il fallait qu'il note, il ne fallait pas que sa malédiction s'active et qu'il reste dans le brouillard. Il devait absolument avancer. Il peina, mais parvint à se lever, il ne se dirigea pas vers la boisson mais au contraire vers son bureau qui contenait son carnet de note. Il ouvrit une page, puis fébrilement, il nota.


Il souffla, avant de se traîner vers son canapé, s'écroulant dedans en criant de douleur. Sa malédiction s'activerait le lendemain matin... Jusqu'où aura-t-il oublier ? Si seulement, elle pouvait ne pas s'activer cette fois-ci... Il se rendormit.


L'esprit chaud, désirant le corps de sa partenaire qui avait prit le dessus, l'ivrogne remarqua alors qu'il n'était plus du tout dans cette situation. Il était dans son canapé, en position couché, sur le ventre.

« ... »

Il n'était pas dupe, il savait parfaitement que sa malédiction s'était activé et qu'il se retrouvait dans le futur. Au vu de la situation, son lui futur avait probablement été jusqu'au bout avec Lenna mais il s'en fichait pas mal. Là, il était horriblement frustré. Quelle heure, quel jour ? C'était les premières choses à confirmer. Son calendrier n'avait pas encore bouger et l'heure que montrait sa montre était encore le matin. Il était sage de penser qu'une journée s'était écoulé depuis. Il se dirigea vers son bureau, pour y ouvrir son carnet de note. Une habitude à présent.

*...Sérieux ?*

Il gribouilla sur la partie concernant Lenna. Insultant son lui futur de ce moment.

« Tu t'es peut-être amusé connard, mais pas moi. »

Finalement, il alla vers son stock de bouteille de whisky et commença ses habitudes journaliers, inchangées.

[Rp fini, merci Lenna ^_^]