J'ai perdu toute notion de temps. Je ne me souviens de rien entre cette sensation de piqûre dans mon bras et maintenant. Le soleil s'est levé, je suis en retard, c’est ma première pensée. Puis, il y a comme un rappel de la réalité. Ça me tire, j'ai l’impression d'être à bout de forces. Et puis, cette aiguille que je sens dans mon bras. Ah oui, l’hôpital. Finalement, ils ont finis par m'y emmener malgré mon refus. Ma première réaction est donc de tendre le bras opposé pour venir retirer cette chose qui me gêne et dont je ne veux pas. Mais une main se pose sur la mienne avant que je ne termine mon geste.

Ne touche pas à ça, c'est très bien à sa place.

Minato est là. Je ne l'avais pas vu, je n'avais même pas deviné sa présence. Je dois vraiment être fatiguée. Je sais qu'il veut mon bien mais je ne supporte pas de me sentir dépendante de ces horreurs. Cela me rappelle trop cette table sale et puante, cet atelier crasseux et rempli d'objets de torture. Objets que j'avais à ma plus grande honte utilisée moi-même. Un haut le cœur me saisit mais rien en vient. Seulement la douleur qui me fait me redresser et qui tire sur mon dos, ma hanche et mon corps tout entier, me laissant retomber un peu essoufflée.

"- Ils sont au courant? "

Evidemment. Mais rassure-toi, ils ne viendront pas, ils sont trop occupés de leur côté. Par contre, ils vont te faire transférer à la Clinique du Quartier Nord dès que tu seras en état.

"- Pas la peine. De toute façon, je ne compte pas m'éterniser ici."

Pour une fois, tu feras ce qu'on te dira, s'il te plait!

"- Désolée, j'ai autre chose à faire que de rester allongée là à regarder les petits oiseaux chanter. "

Exactement! Comme te soigner par exemple. Non mais tu réalises l'état dans lequel tu te retrouves? Et je te préviens, j'irais consulter le dossier de cette affaire, Logan, tout le monde s'il le faut mais je saurais. Alors arrête un peu de faire la gamine, tu veux?

Moi, faire la gamine? Non mais comment ose tu seulement prononcer ce mot? Est-ce que tu as la moindre idée de ce que je viens de vivre? La plus petite intuition de ce qu'il s'est déroulé cette nuit? De ce j'ai subi, de ce que j'ai enduré, de ce qui a failli m'arriver? Non pas la moindre. Je lui jette un regard noir, rempli de haine et de colère. Et même s'il ne veux pas baisser les yeux, trop fier pour ça, il sent qu'il a touché un point sensible. Trop sensible même. Et une seconde, la peur brille dans son regard. Alors, je me détourne vivement en grinçant des dents car je ne veux pas en arriver à lire de la pitié dans ses yeux. Pas chez lui.

"- Tu vas te mettre en retard et moi, je dois me reposer. Alors, au revoir."

Un soupir que je perçois de sa part. Moi, j'ai le cœur serré et lourd. Une fois de plus, nous nous quitterons ainsi. Il sait ce qu'il représente pour moi mais nous sommes tout simplement incapable de nous parler sans nous embrouiller. Et aujourd'hui, ce n'est vraiment pas le bon moment pour essayer changer les choses. Je ne suis tout simplement pas en état. J'entend son trajet, la chaise qui se recule, la porte qu'il finit d'ouvrir avant de s'arrêter un instant. Et les mots qu'il prononce.

Tu n'es vraiment qu'une idiote....

Et le voilà qui s'éloigne dans le couloir, ses pas disparaissant peu à peu, remplacés par ceux différents et moins réguliers des agents hospitaliers. Je serre les dents et retiens une larme. Oui, je sais, tu n'as même pas idée d'à quel point j'en suis consciente. Mais je ne sais faire que ça. Me comporter comme une imbécile, prendre des risques pour une éventuelle réussite, même à un prix exorbitant. Car au final, je n'ai que ça à quoi me raccrocher. Si on me l'enlève, je n'ai plus rien. Je ne suis plus rien. J'observe de nouveau la perfusion à mon bras tandis que quelqu'un entre dans la chambre. Mais je ne lève même pas les yeux. Qu'est-ce que ça va être cette fois?

Bonjour, je suis Brook, je vais m'occuper de vos soins pendant votre séjour ici. Si vous avez besoin de quelques chose, vous pouvez me le demander. Sauf si c'est contraire à votre rétablissement.

Tiens donc, comme cela me surprends. Je parie que Minato est déjà passé la voir. Enfin, ça ne m'étonne même pas de sa part. Je me contente de hocher de la tête, le coquard sur mon visage encore bien présent et assez douloureux. Je demande s'il n'aurait pu me fêler un truc l'autre con. Heureusement que je suis Seraph, je ne suis pas certaine que je m'en serais aussi bien sortie autrement. Enfin, si l'on peut appeler mon état "bien s'en sortir".

Je tenais à vous le dire de vive voix, Miss. En mon nom, mais aussi au nom de l'équipe soignante. On vous remercie d'avoir arrêté Nikanor et ses hommes. On l'a appris à votre arrivée, et on n'en n'a pas cru nos oreilles, tant c'est un exploit ! Grâce à vous, les rues du Quartier Sud sont un peu plus sûres. C'est important pour nous qui y vivons et y travaillons. 

Je me crispe de manière instinctive à l'entente de son nom. Je serre les dents et me retiens de lui hurler de se taire. Je me moque de ce qu'elle va me raconter, je ne veux même pas savoir. Cette ordure est enfin derrière les verrous, il va y pourrir pour le reste de son existence et j'espère bien que ses co-détenus lui feront payer son trafic à la puissance mille. Je sais que je devrais être contente, accepter se félicitations mais cette arrestation n'a rien d'un exploit. Pas à mes yeux et encore moins après ce que j'ai fait. J'ai tellement mal, au fond de moi, tellement honte que je voudrais disparaître.

Je suis grande sœur et j'ai craint chaque jour qui passaient que l'un de mes frères disparaissent comme les autres. Mais vous avez arrêté ça et vous avez même sauvé une vie qu'on pensait perdue!

Je l'écoute mais en même temps, je suis ailleurs. Je revois le visage de Bryan lorsqu'il a été libéré de cette cage dans cette salle atroce, ce lieu horrible. Mais j'ai aussi l'impression de pouvoir encore sentir l'haleine fétide de ce gros tas de graisse sur ma peau, ses bras m'attrapant, son corps faisant pression sur le mien pour tenter de me maintenir en place, aider de son sbire. A nouveau, je me redresse et cette fois, la nausée est réelle. Heureusement que l'infirmière à de bons réflexes pour me tendre leur fichu haricot. J'ai comme la sensation de cracher mon trop plein d'amertume, mais je ne suis pas soulagée pour autant.

"- Je peux avoir... un peu d'air, s'il vous plait? "

Ouvrir la fenêtre, ça doit faire parti de mes droits ça. D'ailleurs, ce serait sans doute ironique mais j'aurais du lui demander de me lire les miens. D'habitude, c'est plutôt moi qui le fais. Enfin, une fois la vague passée, je tente de m'installer en position semi-assise, juste pour ne pas restée allongée.

"- Selon vous, quand pourrais-je sortir d'ici?"

Pas que sa compagnie me dérange, au fond, elle n'a pas l'air bien méchante même si je pense qu'elle doit avoir de la ressource pour faire ce métier et être affecté à une emmerdeuse de mon genre. Mais simplement parce que je ne peux pas me permettre de rester inactive. J'ai l'agence à faire tourner, d'autres vies à protéger et à sauver, un chat qui m'attend à la maison et puis, les autres seraphs à venir aider.

"- Finalement, je m'en sors bien. Quelques bleus et à peine plus de points de suture, ce n'est pas la mer à boire. "

Traumatisme crânien, nombreuses lésions de type coupures, griffures et hématomes sur l'intégralité du corps, forte anémie dues aux nombreuses hémorragies, scalp complet de la plante des pieds, sans compter les fêlures aux côtes et le coquard, ni les bandages qui vous ont évité de peu une amputation pure et simple des deux pieds... 

Rien que ça? Bon, d'accord. Je crois que là, Minato a clairement le droit de m'en vouloir. En même temps, ce n'est pas vraiment comme si j'avais eu le choix. Enfin ça, personne ne semblait vraiment s'en soucier. Je me force à respirer lentement, pour calmer la nausée mais aussi pour tâcher de chasser toutes les horreurs qui peuplent encore mon esprit. La brise légère que je parviens à sentir me fait du bien. J'ai tout de suite moins la sensation d'être enfermée.

J'ai connu mieux, et rarement pire. Vous en aurez pour au moins un mois. Quoique vous guérissez très vite. Certaines de vos blessures les plus légères ont déjà commencé à cicatriser.

"- Comme ça, vous aurez quelque chose de nouveau à raconter à vos collègues. "

Il n'a aucune méchanceté dans ma voix, seulement une sorte de lassitude profonde. C'était idiot comme remarque mais je continuais à pensé à mon état, à cette nuit, je risquais de craquer. Oui, j'ai tapé très fort, dans tous les sens du terme. Et j'ai surtout failli le payer très cher. Non, je ne suis pas fière de moi. Et je commence seulement à réaliser l'énormité des risques que j'ai pris. Un mois, je ne tiendrais jamais tout ce temps. Moi qui ai les hôpitaux en horreur, c'est bien ma veine.

"- Nikanor est peut-être hors d'état de nuire mais il reste encore tellement de sales types dans son genre. Alors surtout, continuez à vous méfier, vous comme vos frères. La famille est un don précieux. "

Enfin, pas dans tous les cas. Même si j'avoue que j'étais soulagée de savoir que les Parents ne viendraient pas, m'être de nouveau fâchée avec Minato me laissait une boule dans la poitrine. Peut-être que Logan passerait, si l'affaire et le procès lui laissait un peu de temps pour cela mais pour le reste, je sens que mes distractions risquaient d'être limitées.

"- Puisque vous êtes en charge de ma personne, ce dont je vous plains, puis-je savoir ce que j'aurais le droit de faire de mes journées en attendant de vous quitter? "

Pour l'instant, dormir, manger et boire serait bien suffisant. Mais votre frère m'a prévenue que vous n'aimiez pas vous ennuyer, alors je vous ai ajouté le droit de lire et quelques visites, mais c'est tout ce que je peux vous autoriser pour l'instant. Vu l'état de vos pieds, levez-vous et je vous attache au lit. Vous êtes au repos, jusqu'à nouvel ordre du médecin. 

"- Je note ça... "

Fabuleux. En gros, me voilà réduite à devoir jouer les légumes. Même pas le droit de me lever, pire qu'un paraplégique. Pourtant, après la course et les efforts qu'ils ont mener durant cette nuit à rallonge, c'est quand même pas ce putain de carrelage parfait et sans le moindre microbe qui risque de me faire du mal quand même? Foutaises. Et puis, que ce soit manger ou boire, l'idée me répugne complètement. Dormir, peut-être un peu moins. Surtout quand je réalise que le simple fait de mettre en place ce fichu thermomètre me fait légèrement tourné la tête, sans parler de la grimace qui va avec.

"- Et je suppose que comme dans tous Hôpital qui se respecte, les animaux de compagnie sont interdits, n'est-ce pas? "

Mon pauvre petit Arsen, si tu savais comme je suis désolée d t'abandonner de la sorte. il faudra absolument que je prévienne rapidement Melle Betsy, qu'elle s'occupe un minimum de toi. Ou Minato mais lui, j'attendrais un peu avant de le lui demander. Tiens, en parlant de cela, je réalise que finalement, je n'ai aucune affaire personnelle ici. Même mes derniers vêtements appartenant à David Desanges, j'ai soudain l'impression désagréable qu'il me manque quelque chose. Mon portable! Sans lui, comment prévenir mon jumeau?

"- Aurais-je l'autorisation de récupérer mon portable? Comme je ne peux pas rentrer chez moi avant un moment, j'aurais besoin de prévenir au moins de mon absence et de prendre quelques dispositions en conséquence. "

Je lui rend son thermomètre sans avoir jeter le moindre coup d'œil dessus. Non, je n'ai pas envie d'en savoir plus sur mon état maintenant, je regrette déjà son exposé précédent. C'est fou quand même, ce que je peux me sentir inutile et mal à l'aise quand je ne fais rien. Je risque de devenir folle si je dois tourner en rond un mois ici.

Bien sûr. Si quelqu'un peut vous l'apporter, je peux lui téléphoner. Votre frère, peut-être? Il pourra aussi vous apporter des vêtements et des affaires. Un mois, c'est long, et les chemises de sortie de bloc ne sont pas très confortables. 

Je me contente de hocher doucement de la tête. L'air frais venant de l'extérieur m'est très agréable mais ne fait que me rappeler que jusqu'à nouvel ordre, je suis complètement bloquée ici. Enfin, je devrais être contente, je suis vivante après tout. Mais je ne sais pas, je n'arrive vraiment pas à me sentir soulagée pour autant. Peut-être est-ce encore simplement l'état de choc. En tout cas, il faudra que je me répare à affronter Minato de nouveau. Au moins, cela me laisse avec certitude la journée, il doit être très pris, comme toujours.

D'ailleurs, les vêtements que vous portiez, ils n'étaient pas à vous, si? 

"- Ils auraient pu mais non. Et dire que j'étais censée les lui rendre. Tant pis, je le dédommagerais autrement. "

Oui, je réfléchis à voix haute en même temps. J'espère que lui n'aura pas la fabuleuse idée de venir faire un tour par ici. Par contre, il faut absolument que je contacte Logan, pour savoir si les autres n'ont pas fait les con avec David. Car immobilisée ou pas, s'ils ne m'ont pas prise au sérieuse, je saurais leur faire regretter à mon tour. Il m'a sauvé la vie, je ne veux pas qu'en contrepartie, les autres se soient vengés sur lui. Sinon, c'est qu'ils sont encore pire que cette enflure de Nikanor.

"- Visiblement, vous êtes au courant des raisons de ma présence ici. Est-ce que je peux vous demander cependant que cela ne s'ébruite pas? Je ne tiens pas à devenir une sorte d'idole que l'on vient aduler pour ses miracles..."

Oh non, je ne méritais pas cela, loin de là. Pas après ce que j'avais fait. Je peine à garder le regard focaliser sur quelque chose et je me sens encore un peu perdue mais ce qui prédomine reste mon malaise intérieur. Sauf que lui, je ne me sens pas capable d le faire sortir. De toute façon, je ne peux même pas frapper les murs pour me défouler. Pour un peu, je regretterais presque l'autre oiseau de malheur.

"- Et surtout, ne prenez pas la peine de faire venir un psychologue ou autre. Je sais que c'est la procédure, que mes collègues vous le demanderont forcément alors je prends les devants. Je n'en veux pas."

Nous avons déjà des instructions à ce sujet. Vous savez, il y a presque autant d'agressions dans l'hôpital même que dans les rues du quartier. Seul le personnel soignant de ce service sait que vous êtes là. On a l'habitude. C'est une raison de plus pour laquelle je ne veux pas vous voir dans le couloir. 

J'espère qu'elle n'a pas dit ça à mon frère ni à Logan sinon, je peux être certaine de me faire transférer dans la foulée. Jamais ils ne toléreraient de me laisser ici. Enfin, même si ce n'était guère rassurant en soi, je n'avais pas peur. Qu'ils osent seulement approcher, ils verraient. Mais me voilà d'autant plus condamnée à ma chambre, super.

Pour le psychologue, le rendez-vous est déjà pris dans trois jours. Je vous laisse voir ça avec votre médecin, mais vous aurez beau refuser, vous devrez forcément y passer. Si tout va bien, vous n'en aurez pas pour plus d'une heure. Sinon, c'est que vous en avez besoin.  

"- Génial... "

Je soupire bruyamment sans cacher mon désespoir flagrant. Oui, cette idée me ravie. Je n'ai aucune envie de rencontrer quelqu'un qui ne sera là que pour venir se repaître de cette triste histoire. Enfin, au pire, il me suffira de me taire pendant une heure l'affaire sera réglée. Si je ne lui donne rien à se mettre sous la dent, il me laissera tranquille. Des patients, il doit en avoir des tas bien plus sympathiques que moi à rencontrer.

Vous êtes Séraph? 

Je ne bronche pas mais ma main s'est crispée, prête à tirer bien que mon arme ne se soit pas manifestée. Cette question ne peut pas être anodine, elle n'a pas utilisé ce mot au hasard. Connaissant plutôt bien ma faction, soit elle est toute nouvelle soit c'est une Nephil. Je tourne le visage pour venir la fixer avec un sérieux non feint, de la méfiance plein la voix à présent.

"- Si je réponds oui, vous allez faire quoi? M'achever?
Profitez-en, c'est une occasion en or."

En fait, sur l'instant, je me demande presque si ce n'est pas ce que je souhaite. Entre les horreurs que je viens de vivre et d faire récemment, plus cette contrainte d'un mois d'enfermement à ne rien faire, je crois que pour le coup, la mort me paraîtrait presque douce. Cependant, autant rester réaliste. Elle est infirmière, tout le monde sait qu'elle s'occupe de moi donc ma mort serait trop suspecte. Bon, il est possible que je paranoïe peut-être un peu trop sur ce coup-là.

"- Sinon, soyez la bienvenue dans la Famille. Excusez-moi de ne pas vous embrasser, je ne suis pas vraiment en état."

Calmez-vous! Pourquoi irais-je vous attaquer? Je ne me bats pas durant mes heures de travail, Miss. Pas ce genre de combat en tout cas. 

"- C'est très mal élevé de tirer la langue. "

Je peux parfaitement voir sa marque et me permets de faire briller la mienne, au creux de mon poignet droit. Mais je ne la tien pas longtemps visible, je suis encore franchement faible. Et pourtant, avec ma Nature, je ne pensais pas me retrouver aussi bas au niveau de ma forme. Enfin, je suis toujours vivante alors je ne vais pas me plaindre.

À vrai dire, vous êtes la première Seraph que je rencontre depuis mon contrat. J'ignorais qu'il y avait une "Famille". Et je n'ai jamais rencontré de Nephil, non plus. J'ai déjà suffisamment de peine avec les Ombres qui rôdent dans l'hôpital. J'ai juste remarqué que vous guérissiez vite et je me demandai si vous en étiez. Alors détendez-vous un peu. Vous êtes là pour ça. 

"- Pour les Nephils, c'est une bonne chose. Il vaut mieux les éviter même si, dans le fond, il sont comme nous.
Quand aux Ombres présentes dans l'hôpital, il y en a tant que ça? Vous pourriez me les décrire un peu et m'en parler?"

Quoi, comment ça je suis censée me détendre et me reposer? Alors que maintenant, je sais qu'en plus des Ombres rôdent par ici, ce sera tout simplement impossible. Enfin, à moins que cela ne soit que de toutes petites frappes, dans ce cas je devrais pouvoir m'y faire. Cependant, le fait qu'elle ignore vraiment tout du QG et du reste me prouve qu'elle vient en effet tout juste d'être recrutée. Sympa pour elle, sa première connaissance seraph est dans un état lamentable et ce dernier n'est même pas dû à ces créatures mais bien à l'horreur humaine en tant que telle.

"- Après, si vous avez des questions de votre côté, profitez-en. Comme je n'aurais rien d'autre à faire, je pourrais tout aussi bien vous renseigner."

Je ne m'en fais pas. Elles sont désorganisées, souvent ramenées ici par ceux qui ne survivent pas. Elles traînent le plus souvent à la morgue, et quelques unes aux urgences. Mais elles semblent perdues et se font facilement avoir par surprise. Heureusement, il n'y en a pas tous les soirs, non plus. Ce sont souvent les suicidés ou les agresseurs fous qui les ramènent, mais ça reste périodique.  

Bon, au moins une bonne nouvelle dans la journée, ce sera toujours ça de pris. Il ne s'agit que des 'bébés' Ombres que visiblement même la jeune femme est capable seule de mettre au tapis. Et puis, comme elle disait, il s'agissait de période. Avec le départ de Nikanor, peut-être que pour quelques jours, un certain calme pourrait se faire dans le quartier, permettant en plus de ralentir leur rythme. Qu'au moins tout ce merdier ai servi à quelque chose, cela pour être pas mal.

Qu'est-ce que cette "Famille"? C'est une mafia, ou un truc du genre? 

"- Oui et non. Je ne sais pas trop comment décrire ça. J'utilise le terme Famille par défaut et parce que pour moi, c'est ce qui s'en rapproche le plus."

Oui, j'avais une vraie famille et pas n'importe laquelle. Mais autant je pouvais être proche de mon jumeau autant pour le reste, je crois que je préférais même la compagnie de notre majordome Sebastian que celle de mes propres géniteurs. Au moins là-bas, j'avais une réelle place et je n'avais pas besoin de me battre outre mesure pour m'imposer. Tout n'était pas à la moindre seconde toujours remis en question.

"- La Faction possède un QG, un camps de base en ville. Nous pouvons y dormir, nous y entraîner, échanger des informations, rencontrer les autres membres du groupe. C'est un lieu riche d'enseignements. On peut même y vivre pour ceux qui n'auraient pas de point de chute ailleurs.
Nous y partageons nos vécus, nos expériences, nos joies comme nos peines, nos réussites comme nos défaites. Nous fêtons nos nouvelles recrues comme nous pleurons ceux qui nous ont quittés. "

Je ne vois pas ce que je pourrais dire d'autre mais en y repensant, il est vrai que si c'est à mon appartement que je me sens vraiment chez moi, en compagnie d'Arsen, ce lieu à malgré tout pris une place importante dans mon existence. Du moins, je ne rechigne nullement à m'y rendre, contrairement à chez moi. Après, je ne sais pas si c'est cela que Brook voulait savoir. Au pire, elle n'aura qu'à préciser sa question. Je suis blessée après tout, j'ai le droit de répondre à côté.

Je penserai à y faire un tour, quand j'en aurais l'occasion. Il y a quel type de personnes?  

"- Avant tout des paumés et des désespérés. Car après tout, pour accepter cette histoire de vœu, d'Ombre et l'apparition de cette drôle de bestiole, il faut bien être déjà sérieusement atteint soi-même."

Ce n'est pas une critique en soi. Après tout, je fais moi-même parti de ceux qui ont acceptés de signer leur fichu contrat, je suis donc bien placé pour de quoi il retourne. Mais tous les nouveaux se retrouvent dans le même cas de figure. Perdus, déboussolés, voilà ce qui caractérisait toutes les nouvelles recrues. c'était après, avec le temps et une fois que les premières missions ont été réalisées que les choses commençaient réellement à se mettre en place, à se décanter. Ou grâce à l'aide, plus ou moins sympathique, d'autres membres du groupe.

"- Nous nous retrouvons du jour au lendemain engagé dans une guerre que nous n'avons pas d'autre choix que de gagner. Ceux que veulent aussi les Nephils. Il serait tellement plus simple que les deux partis s'entendent mais non, ils restent à l'état de gamins qui se disputent pour savoir qui aura la grosse part de gâteau. "

Je laisse mon regard se perdre un instant. Je ne devrais pas exposer ainsi mon point de vue personnelle à une inconnue, encore à une jeune seraph tout juste choisi mais je trouve que seule la vérité à le mérite de valoir vraiment le coup. Je soupir un peu, la nausée diminuant lentement tandis que je reprends, tranquillement, à l'attention de l'infirmière.

"- Après, c'est comme partout. Il y a des gens bien, des imbéciles, des tortionnaires, de véritables épaules compatissantes aussi. Nous sommes un échantillon réel de l'humanité, dans lequel on peut retrouver comme partout ailleurs le meilleur mais surtout le pire. "

Ça a l'avantage d'être vendeur... Vous voyez donc toujours tout en noir? Ce n'est pas un travail glorieux, mais il aide des gens, même s'ils l'ignorent. Peut-être parce que je travaille en tant qu'infirmière, mais je ne pense pas qu'il me faille plus que cette assurance que nous aidons et protégeons la population pour obéir à Kyu.  

"- Si je voyais tout en noir, je n'aurais pas suivi Kyu..."

Tentative d'humour. C'est nul mais c'est tout ce que j'ai pu trouver. De toute façon, je ne pense pas que nous puissions vraiment nous comprendre. Je suis bien d'accord avec elle, Kyu aide des gens dans l'anonymat. Mais à mes yeux, il les manipule plus qu'autre chose. Car de bien trop nombreux secrets l'entoure encore. Et pas des moindres. Quand à la gloire ou au reste, si c'est dont je rêvais réellement, je n'aurais choisi de faire Détective Privé et de rester ainsi dans l'ombre de mon côté.

Mais je ne vois pas encore ce qui m'obligera à m'attaquer à l'autre camps s'ils font la même chose que nous. On est toujours plus fort ensemble. Je ne m'en prendrai jamais qu'aux barges qui tuent sans vergogne, qu'ils soient Seraph ou Nephil.  

"- Très bonne philosophie. Personnellement, j'ai même déjà combattu en alliance avec l'une des leurs. Et j'ai réussi à discuter avec un autre de leur membre. Sans plaies ni bosses, simplement en tant qu'êtres humains. Alors, si cela a pu se faire une fois, cela devrait pouvoir se reproduire. Il suffit de tomber sur les bonnes personnes. Hors cela, seul le hasard le décide pour nous. "

Autant être réaliste. Oui, je ne lui vendais pas du rêve mais au moins, elle saurait à quoi s'en tenir. Après tout, en tant qu'infirmière au Quartier Sud, elle devait bien savoir que la vie ne ressemblait en rien au mondes des bisounours alors je ne gagnerais rien à la ménager. Au pire, je la lasserais et je finirais seule dans ma chambre de malade, sinon, elle continuera à me poser de questions.

Les Néphils... Vous en connaissez aussi? Comment sont-ils?

Oui, j'en connais. Certains sans doute trop bien d'ailleurs, ce qui n'est bon ni pour moi ni pour eux. Nous restons des ennemis après tout, bien qu'avec un objectif en commun. Alors pourquoi pourquoi se mener cette guerre interne si au fond, nous visons la même chose? Voilà un point qui me chagrine mais je n'ai malheureusement aucun élément de réponse à ce sujet.

"- Exactement comme vous et moi. Cela pourrait être un voisin, un camarade de classe, un frère même. La seule différence notable reste leur marque, qui est plus dans les tons rouges et d'une forme différente. Ainsi que le fait que lorsqu'ils ont eu besoin d'un coup de main, c'est une sorte de Kyu tout en noir et aux yeux rouge, répondant au nom de Bey, qui leur est apparu. "

Que pouvais-je lui dire d'autre à ce sujet? En même temps, je ne connaissais pas non plus l'intégralité de la faction de l'autre groupe. Alors, de ce point de vue là, ma vision était faussée. Tout comme je ne connaissais pas personnellement tous les seraphs. La preuve avec elle.

Un Kyu Noir? Est-ce que ce sont eux qui sont ennemis l'un de l'autre ?
Ah, mais je vous embête avec toutes mes questions. On a un mois pour se côtoyer, inutile de vous acculer comme ça dès votre réveil. 

"- Chacun dit à son camp de supprimer les membres de l'autre mais sont-ils réellement ennemis? Je ne sais trop rien au final. Trop de mystères planent encore autour d'eux. "

Remarque, cela me laisserait de quoi réfléchir pendant mes longues heures de temps libre. Mais le simple fait de songer au mois qui m'attendait à rester bloquer ici, je me demandais bien ce que j'allais pouvoir faire. Quelle horreur....

Tenez, notez-moi tout ce dont vous avez besoin et le numéro de la personne à qui je dois les demander. Si c'est à votre frère, j'ai déjà son contact dans votre dossier. Et n'oubliez pas, juste de la lecture et quelques visites. Je m'en assurerai. 

"- Je n'en doute pas une seconde. "

Je me saisis du stylo et de la feuille avant de commencer à noter dessus une liste d'affaires dont j'aurais besoin. Essentiellement des vêtements, un nécessaire de toilette, un carnet personnel et je tente de rajouter mon mini ordi portable dessus. Comme ça, je pourrais travailler au moins un peu sur quelques dossiers en cours. Après, je ne doute pas que Logan viendra avec sans doute les bras chargés de choses diverses et variées.

"- Voilà. Et oui, cette liste sera à destination de mon frère si possible. "

Pas d'ordinateur. Vous aurez déjà tout le loisir de vous bousiller les yeux sur votre portable... Je vais l'appeler de ce pas.  

Sa réponse ne me satisfait qu'à moitié. Ne pas pouvoir me pencher sur une seule affaire, ne rien pouvoir avancer pendant un mois, je sens que rien que cela va me contrarier très fortement. Enfin, si elle veut que je me repose, elle ne me laissera pas apporter de travail supplémentaire. Et puis, secret professionnel oblige, je ne peux rien sortir de mon cabinet. Je soupire profondément, profitant encore du souffle d'air frais alors que j'ai la désagréable sensation que le monde commence à tanguer autour de moi. Comme si la fatigue avait décidé de revenir se manifester.

Vous voulez que je lui transmette un message en même temps? Entre frère et soeur, ce n'est jamais bon de rester trop longtemps en froid. Enfin, avis personnel. 

Je pends le temps de bien ingurgiter ses paroles. Sommes-nous réellement en froid? Non, pas plus que d'habitude. Enfin, je ne crois pas. Pourtant, j'avoue que j'ai bien le cœur serré en repensant à la façon dont il est parti. Et surtout, à ces derniers mots. Son ton était tellement lointain, si triste aussi. Trop blessé pour que je ne le reconnaisse pas. Mais je suis bien incapable de faire le moindre pas en avant vers lui. Et il le sait parfaitement.

"- Je serais bien incapable de trouver les mots qu'il faut. Alors, plus que de risquer d'envenimer les choses je vais plutôt les laisser se tasser. C'est le mieux que je puisse faire dans mon état."

Il est évident que je suis plus touchée que je ne veux bien l'admettre. Il a eu peur, réellement. Sincèrement et c'est ce qui m'a le plus fait mal au final. Mais cette douleur là, j'ai tellement plus de mal à la supporter. Car oui, j'ai pris des risques mais je savais à quoi m'exposer. Je n'ai jamais souhaité que cela ait des répercussions sur lui aussi, même si je savais pertinemment qu'il ne pourrait pas sortir indemne non plus. Nous sommes trop liés pour cela. Mon regard est baissé, mes poings serrés et j'ai fermé les yeux pour ne pas laisser perler les larmes que je sens monter. Je dois assumer et c'est ce que je ferais.

"- Nous restons jumeaux, il sait très bien ce que je pense réellement. Si je commençais à lui écrire un roman, là, il paniquerait réellement. Et c'est bien la dernière chose que je souhaite... "

Sans écrire un roman, un petit mot, ça réconforte toujours. Mes frères sont dans le services du haut, ce sont les ânes qu'on entend se gondoler à la fenêtres. Ils ont été blessés il y a peu, mais un simple "J'ai faim" à suffit pour qu'ils se rassurent l'un l'autre, et moi avec. Après, c'est votre frère, et vos problèmes. Je reviendrai plus tard, vous feriez mieux de vous reposer. 

Ses frères étaient au-dessus? C'était eux que je pouvais encore entendre par la fenêtre. Par réflexe, je lève un peu le nez, curieuse de les imaginer. Mais dans ces mots, il y en avait deux que je ne voulais pas voir se côtoyer: frère et problèmes. Je tenais tellement à Minato. Trop sans doute même. Car oui, s'il y avait bien une chose, une personne qui pourrait m'atteindre envers et contre tout, ce serait lui.

"- Pouvez-vous lui demander... De prendre soin d'Arsen pour moi en même temps? Il comprendra... "

Pour que j'en vienne à lui confier la garde de mon cher matou, c'était que j'étais vraiment mal en point. Et que je le reconnaissais. Cela devrait lui suffire comme aveu de faiblesse de ma part.

"- En tout cas, merci. "

Je me rallonge doucement, la tête tournant un peu plus que je le voudrais. Même si je ne veux pas le reconnaître, mon corps à besoin de repos et me réclame ce sommeil dont il a bien besoin. Alors, pour une fois, je vais cesser de me battre et laisser les médicaments et ma fatigue l'emporter sur ma propre volonté.

[ => Naoto s'endort ]