L'âme de la mer...

C

'est assez incroyable de voir à quel point marcher sans faire attention peut nous mener vers des endroits auxquels on ne s’attendait pas. En même temps, je ne fais qu’avancer en réfléchissant sans compter la musique émanant de mon casque, ya de quoi passer un long moment. Il faut dire que je marche beaucoup, en particulier ces temps-ci : j'ai besoin de ces pauses pour décompresser avec tout ce que je dois emmagasiner. Peut être que c'est ce qui m’a conduit à me perdre dans cette forêt la dernière fois, je ne fais pas assez attention je dois dire. Mais bon, pour une fois ça n'a rien d'une mauvaise surprise puisque je ne suis pas perdu, bien au contraire. Me retrouver face à une mer faiblement éclairée par la lune… Il doit y avoir pire comme spectacle. Je reste donc statique avant qu’un léger sourire ne me traverse en observant la plage tandis que je retire doucement mon casque audio, le son plutôt bruyant que j'écoutais laissant place au calme environnant mêlé à l'agitation des vagues. Avec tout ça, la notion de temps en deviendrait presque obsolète mais un autre son vient interrompre cette tranquillité, ou plutôt l'amplifier, question de point de vu même si je trouve que la mélodie qui est en train de se jouer rend magnifiquement bien. Spontanément, j'avance doucement pour rejoindre la source d'où proviennent les quelques notes que je perçois jusqu'à ce que mon regard s'arrête sur quelqu'un. Un jeune homme face à l'océan et jouant d'un instrument. D’ailleurs, je ne bouge pas et reste à l'écouter sans m'en rendre compte.

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oi-même je sais à quel point c'est gênant d'être surpris lorsque je chante alors je comprends non sans mal la réaction de mon comparse lorsqu'il croise mon regard. Il est plus jeune que moi je dirais à vue d'oeil bien qu’il paraisse plus grand même si ce qui me frappe le plus… c’est la couleur de ses yeux : bleu comme l'océan juste à côté de nous. En y réfléchissant bien, la teinte qui le caractérise le mieux c’est : monochrome. Blanc et noir. Assez drôle comme contraste avec moi qui suis plus coloré.

- Excusez-moi si je vous ai dérangé.

Avoué-je à mon vis à vis qui s'apprête à partir, ne sachant pas comment écarter le malaise naissant dans cette atmosphère.

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e m'attendais à plusieurs sortes de réactions, c'est vrai mais… Celle qu'il a choisi est l'une des dernières auxquelles j'aurais pensé. Il me dit tout simplement que je n'ai pas à m'excuser. Je reste donc silencieux en me demandant pourquoi. Enfin… À sa place aussi je n'aurais pas rejeté la faute sur quelqu'un d'autre mais… Ah la la… C'est un peu compliqué à décrire… Je n'ai jamais été doué avec ces choses personnelles. Même si j'avoue que depuis que j'ai rencontré Bibi j'ai un peu moins honte de chanter. Bon, j'ai toujours un blocage avec ça mais il m’a un peu redonné confiance en quelque sorte. Et tandis que je réfléchissais un peu, mon vis à vis en a profité pour se tourner de nouveau vers l’océan, un air légèrement songeur se dessine d'ailleurs au moment où il m'explique quelque chose à son propos. C'est un peu perché et rêveur mais j'aime bien cette façon de voir les choses.

- C'est vrai que c'est magnifique.

Répondé-je après un moment de silence, pondérant les mots du jeune homme alors que j'avance avec précaution pour regarder la surface de l'eau scintillante délimité par l'horizon. Sans bouger, je reste là à regarder ce spectacle jusqu'à ce que mon regard ne se tourne encore une fois vers le brun.

- Elle doit déjà s'estimer chanceuse que quelqu'un lui ai offert une mélodie aussi belle qu'elle… Non ?

Sourié-je tranquillement en penchant légèrement la tête.

L'âme de la mer...

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on acolyte à l'air toujours aussi songeur mais ça ne me dérange pas. Quand on a ce genre de paysage en face de soi, c'est assez difficile de rester concentré sur autre chose. Au final, la réponse du brun me fait réfléchir aussi.

- Oui, sûrement.

Acquiescé-je à sa première phrase avant de tourner les yeux vers la mer alors qu’au même moment, mon vis à vis murmure une réflexion presque spirituelle sur l'âme et la musique même si quelque part il a raison. Tout ce qui nous entoure produit sa propre mélodie, ses propres notes et chacun est en mesure de les comprendre.

- L’âme hein ?

Réfléchissé-je à voix haute sans détourner mon regard de l'eau. Ce mot a beaucoup de significations, enfin, en Japonais en tout cas puisqu'il y a plusieurs façons de l'exprimer et chacunes d'entre elles portent une nuance. Eh bien… Si on m’avait dit que j'aurais une discussion aussi philosophique avec un inconnu ce soir… En tout cas, il semble adorer la musique. Je ne peux qu'approuver. Hm… Si on était dans un de ces animés, j'aurais peut être chanté. Plus cliché tu meurs mais ça ne sera pas pour aujourd'hui je pense vu que je n’ai pas encore assez confiance en moi pour faire des concerts improvisés à tout va sans aucunes honte alors je me contente de soupirer.

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orsque j'ai réfléchi à voix haute, je ne m'attendais pas forcément à une réponse puisque cette pensée était surtout destinée à moi-même mais mon interlocuteur a décidé de m’en apporter une.

- Hm… Je n'en suis pas si sûr. L'âme humaine est tout aussi complexe : similaire aux autres et en même temps très différente.

Fis-je le regard toujours rivé sur l'environnement devant moi. Après je ne suis pas un expert donc ce que je dis est peut être complètement faux, je n'en sais rien. Je me fie surtout à mon ressenti et ça me suffit même si l’opinion des autres est intéressante. Souvent, ça permet à un sujet de se compléter plus efficacement. Et j'étais toujours un peu ailleurs jusqu'à ce que le jeune homme pose son sac, bruit qui me fait me tourner vers lui alors qu'il se présente d'une façon… Heee…? Disons peu commune. “Sayukiro” Dragknar donc, première fois que j'entends un nom de ce genre. Même si le prénom a une connotation japonaise il me semble c'est assez original. Enfin… Si on parle du mien… Bref.

- Aoba, Murasaki Aoba.

Lui sourié-je lorsque je lui rend la politesse.

L'âme de la mer...

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e brun reprend ma réflexion, y répondant une fois de plus.

- Tout à fait.

Lui répondé-je avec la même sympathie, chaque être possède une âme ou plutôt on le suppose. Si on pouvait réellement la voir, je me demande à quoi elle ressemblerait… Une sorte d’aura spectrale émanant de chacun ou… ?  Personne ne le sait. Et peut être qu'on aura jamais la réponse. On ne peut qu’imaginer. D'un autre côté, Dragknar semble vouloir approfondir le sujet et bien que l’anecdote sur le fait qu'il n'ait pas d'âme m'intrigue, je fini moi-même par m'asseoir, les jambes ramenées vers mon torse avant de les retenir contre mes bras.

- Libre dans quel sens ? C'est vrai que dans notre société, on a plus une sorte de semi-liberté. Selon les endroits on a le droit de penser comme on veut, de se diriger où l'on veut, de parler comme on veut même si c'est souvent dans une certaine mesure.

Réfléchissé-je en fixant la lune. Seulement… Dans ce monde de contractant… Je n'en suis pas si certain…. Alors je fini par soupirer quelques secondes.

- Mais si vous parlez de liberté au sens strict du terme… hm…. Qui sait ? Il y aura toujours quelqu'un ou quelque chose pour nous empêcher de l'être. Même chez les animaux, il leur suffit de perdre leurs pattes par exemple et tout s'arrête, ils ne peuvent plus rien faire.

Continué-je tandis que j'aperçois une pierre à côté de moi. Machinalement, je l'attrape et continue de réfléchir en la serrant dans ma main.

- C'est une question de volonté je pense. Si on a vraiment le désir de réaliser quelque chose alors il faut s'y accrocher, peu importe qui se dresse devant soi ou si l'on échoue. On a au moins le mérite d'avoir essayé non ?

Terminé-je en reposant le bout de roche que j'ai précédemment trouvé. Enfin… Je dis ça mais… En ce qui me concerne je ne sais pas quoi faire ni où aller donc je ne fais rien. Je suis juste perdu donc je me contente… De regarder malheureusement.

L'âme de la mer...

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u final, mon vis à vis a même fini par me sourire. Un sourire qui lui va merveilleusement bien, ça illumine son visage tandis qu'il acquiesce à ma réflexion. Il a beau être jeune, il sait ce qu'il veut et où aller.

- C'est un bon état d'esprit.

Répondé-je en souriant tout en hochant de la tête avant de regarder l'horizon. Hm… D'une certaine façon… Sa détermination me fait un peu penser aux paroles de cette chanson. J'imagine qu'on a tous cette volonté quelque part enfouie au fond de nous.

L'âme de la mer...

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'est un bon état d'esprit... Complètement mais... Est-ce que l’on peut encore conserver cette détermination lorsqu’on devient contractant ? Peut être… Après tout… Je me dois de chercher une autre solution que cette guerre. J'ignore comment et je ne sais pas par où commencer mais ce serait lâche d'abandonner sans avoir cherché toutes les solutions. Oui, avoir discuté avec ce garçon semble m’avoir redonné un peu d'espoir et d'entrain. Je m'identifie comme spectateur, c'est vrai mais j'ai toujours été forcé malgré moi d'agir dans pas mal de situations. Et pas de la meilleure des façons. J'ai fait beaucoup d'erreur… Et ce n'est pas la dernière fois que j'en ferais… J'en ferais énormément d'autres je pense…

《 Les ombres, les Nephils, les Seraphs, les Humains… Et les chats. 》

On se débarrasse des ombres et certains font de même avec le camp adverse pour alimenter les contracteurs en énergie. Si ces choses noires sont toujours là et que la guerre fait rage depuis des décennies, il doit y avoir quelque chose. Un indice, une donnée… n'importe quoi... Je manque clairement d'informations. Ha… Je soupire à mon tour et en même temps que mon interlocuteur sans m'en rendre compte. J'ai tellement de recherches à faire… Décidément, cette rencontre est bien étrange mais je reste légèrement surpris en le voyant se relever. Je fais d'ailleurs de même par réflexe.

- Merci.

Sorté-je instinctivement avec une légère inclinaison de la tête, un sourire aux lèvres tout en m’époussetant à cause du sable.

- Ça faisait un moment que je n'avais pas papoté de manière aussi décontractée. C'était sympa.

Continué-je en regardant de temps à autre l'océan. Je tiens à le remercier : je n'ai pas souvent l'occasion de parler d'autres choses que le monde des contractants mais j'avais oublié qu'il était tard. Surtout qu'il a plutôt l'air d'être un adolescent donc je comprends son air détaché bien que ses paroles me reviennent à l'esprit. D'après ce que j'ai compris, c'est un original qui aime philosopher sans compter ses penchants pour la musique, la nature et les félins. Mais il est prêt à tout pour être libre. Et sa réflexion sur les chats me fait inconsciemment penser à ces bestioles. Leur image prônant dans ma tête comme s’ils me regardaient.

《 Et si ? 》

Non, ils n'iront pas jusqu'à voir ce gamin si ? Mon compagnon a clairement un objectif en tête et j'ai bien peur que ça ne joue contre lui. Je me souviens des paroles de Russel : un chat vient toujours devant un être humain ayant déjà un voeu en tête et il semble en avoir les caractéristiques, ce qui n'est clairement pas bon. Moi qui lui ai dit qu'il valait mieux essayer tout à l'heure… Voilà que je trouve son ambition dangereuse pour lui-même alors que je suis toujours là à fixer la mer… J'espère juste qu'il fera attention.

- Les chats ne sont pas tous comme on le croit.

Fis-je discrètement à moi-même sans le vouloir, sûrement parce que j'ai pensé que Sayukiro a tracé sa route pendant quelques instants. En tout cas… Je ne souhaite à aucuns êtres humains de les rencontrer… Pas après tout ce que j'ai vécu… Et encore… Je ne suis pas le plus à plaindre…

hrp: