La plage:

Je m’arrête, échappant un bruyant soupir. Pompidou est un peu hagard de ce changement brutal, et me tourne autour tout en remuant la queue, jappant presque. Nos regards se croisent, et je sens à la lueur de ses iris qu’il saisit une partie du désespoir qui m’habite, qui me hante.
Là, devant moi, se trouve une étape dont je ne sais si je pourrais sortir vainqueur, ou du moins, les nerfs en état. Pire que les Douze travaux fusionnés, que le chemin à travers les strates des enfers ; oui, je suis face à l’incarnation même du Malin. Une route non bitumée, défoncée, jonchée de quelques branches.

Ma prise se resserre sur les poignées du landau, tandis le molosse s’excite davantage. Si notre trajet a bercé par je ne sais quel miracle le bambin, la suite qui s’offre à nous va réaliser tout l’inverse – en d’autres termes le monstre va se réveiller. Les aléas de la vie parentale on me dira, à ceci près que je n’ai fichtrement pas la moindre idée d’à qui appartient ce gosse. Ce qui est paradoxal d’ailleurs, étant donné que j’ai trouvé la maîtresse du chien ; mais, passons. Après tout, un enfant c’est comme un petit animal de compagnie, mais qui coûte bien plus cher, est moins propre et carrément moins doux à caresser, alors je comprends qu’on lui attache moins d’importance qu’à son Pompidou.
Entre nous, il est quand même cool ce touffu.

Un bref regard vers Max, puis je prends mon courage à deux mains. Lentement, alignant mes pieds comme si je réapprenais à marcher, j’esquisse un pas sur le territoire hostile qui me toise. Un deuxième. Enfin, j’y suis.
J’accélère la marche, puis rapidement échappe à mes bonnes pensées. Je ferme les yeux, puis continue à pousser, hésitant. Je ne veux pas voir les deux yeux du gamin s’ouvrir grands comme la gueule du roux, je ne veux pas sentir sa voix puissante et frêle tonner avant l’heure. Non, je veux juste que tout ça arrive le plus tard possible, et que mon mystérieux rendez-vous ait un remède miracle contre les nourrissons trop bavards. En le gardant en vie si possible.

Un bruit résonne, mais pas celui auquel je m’étais préparé. Je soulève mes paupières en trombe, puis toise les alentours, à l’affut de quelque chose. Mais … Rien. Enfin, si, un Max. Pas plus.
Pour les plus lents d’entre nous, ça signifie que mon nouveau meilleur ami n’est plus là, parti je ne sais où. Merde.
Je suis censé faire comment l’échange maintenant, une fois que l’autre s’est échappé ? Je lâche le berceau un instant pour me passer la main dans les cheveux, blasé par l’enchaînement des choses.



Question stupide. Il va pas me répondre « Ouais, il m’a laissé un mot, il est parti là-bas faire une bouffe, on se retrouve dans une heure devant le van ». Quoique ce serait assez pratique, mais surtout improbable ; pas le genre de choses qui se passe naturellement. Ou sinon, on est dans un trip hallucinatoire depuis cette nuit, et ça va partir en truc encore plus chelou dans les prochaines heures … Nan, tout est trop logique pour le moment.
Cette hypothèse écartée, je n’ai pas beaucoup fait avancer les choses. Sauf le landau, mais là n’est pas le sujet.



Ça se trouve, le clebs connaissait un raccourci et a essayé de me prévenir, sauf que j’avais les yeux fermés. Ouais, ça doit être ça.

Un nouveau soupir par principe, je me remets en route. La plage n’est pas très loin, et il y a un gros truc dans le fond du parking, le genre de machin qu’on est venu voir.  D’ailleurs, ce n’est pas le seul bon point qu’il y ait dans tout ça – le môme est toujours silencieux. Si si, il a pas moufté, il est toujours en train de dormir profondément. J’espère qu’il est encore en vie quand même… Mais j’ose pas le toucher. Ça pourrait le sortir de ses rêves, ce qui serait encore pire.

Donc, après deux nouvelles minutes de marche, on finit par atteindre le point de rendez-vous. Du moins, j’imagine que c’est celui-ci ; on devait la retrouver dans un van près de la plage. Et bingo, je suis devant un van, pas loin de la plage. Alors avec deux conditions sur deux, je pense que c’est bon. Ouais, on sent les grosses études.

Je lâche le berceau à bonne distance de sécurité de l’affaire, puis m’approche du véhicule pour aller toquer à la porte. Là, c’est le moment pas terrible en fait. Je veux dire, je viens de me taper quatre kilomètres avec le chien, et pouf il est plus là. Et même pas de raccourci apparemment.



Ouais j’avais pas d’idée de blague. Et puis … Bah j’ai pas le chien quoi. Comment je vais expliquer la vérité en paraissant un minimum crédible ? Parce que bon, ça se trouve j’ai réussi à perdre le mauvais en plus.
Dans le doute, je vais garder le sourire. Une mine sympathique va peut-être adoucir la situation. Ok, zéro chance.

Alors que je suis allongée dans le van. J'entends les aboiements familier d'un chien dans le lointain. Par n'importe quel chien. Je reconnaitrais l'animal quoiqu'il arrive. Dans un élan de motivation, je bondis du lit, ouvre la porte. Devant moi, une masse de verdure et de bitume dificile a percer. Je porte ma main a la bouche et s'ensuit un long sifflement d'appel. En réponse, il y a une série d’aboiement qui s’approche doucement de ma localisation.

Très vite, la véloce petite silhouette émerge au détour d'un pan de nature. Pompidou est là. Il se jette a demi sur moi. J'oublie toute la peur qui a tourmenté mon petit kokoro. Qu'est ce qu'il me couterait de ne pas le revoir ce sac a puce.
Un sourire niais s'engage sur mon visage alors que je commence doucement a jouer avec le chien. Ce dernier réplique a grand renfort d'aboiement sonore.

Ma mission de filature se passe à merveille. Il n'y a rien à redire, je suis un génie. Les deux personnes que je suis, n'ont absolument rien remarqué. Il faut dire que j'ai prit un carton et je me suis caché à l'intérieur tout en les suivant. Snake est l'as de l'infiltration et avec un carton, il pouvait tromper des dizaines de soldats, ainsi, j'étais garanti de ne jamais être découvert tant que j'utilisais cet outil. Reste que parfois je devais l'enlever pour reprendre une allure correcte afin de rattraper ceux que je suivais.

Damn, c'est vraiment excitant de suivre des gens sans qu'ils le sachent. Finalement, le bout de ma filature m'amène sur une plage, je me cache. Et là...

[Quête accomplie]

Ooooh ! J'enlève mon carton pour crier ma joie d'avoir accompli ma quête ! Damn, j'ai win 1000$ Bon bah, j'ai plus qu'à partir. C'est dommage, j'aurais bien voulu que ça dur plus longtemps. Bon bon...

[Quête: Faire un Sprint sur la plage, aller retour, trois fois. Difficulté : Moyenne. Récompense: 100$]

Oooh ! Et bien j'y go ! Et ainsi, je me mets à courir à fond, je dépasse Howard et l'autre blond, prêt à faire la plage entière aller retour trois fois.

Waw. Nan, vraiment, waw. Je crois que c’est la mode du jour de me flanquer des vents sans cesse, ou alors je viens de développer de nouvelles capacités – discrétion involontaire. M’enfin, on va mettre ça sur le fait qu’elle est vraiment heureuse de retrouver son chien, et que ce bonheur surplombe l’intérêt de me répondre ; quant au roux, eh bien c’est … Euh, j’ai toujours pas son prénom. On va l’appeler Blaireau Roux, ça fera l’affaire. Bah, j’ai pas la moindre idée de pourquoi il est en train de courir comme un abruti sur la plage, mais il y a surement une raison derrière ça. Logique, et philosophique. Oh, ouais, très philosophique.

Je m’éclaircis un peu la voix, puis je me baisse pour caresser le chien à mon tour. Il est quand même sacrément fluffy l’animal, je peux pas lutter contre ça.

« - Du coup, c’est moi que t’as eu au téléphone. »

C’est assez concis, mais j’ai pas la foi de lui faire une crise comme j’ai fait intérieurement tout à l’heure. Je veux juste lui refiler le gosse, récupérer les affaires de Max et les miennes, puis m’en aller. Bon, en étant sûr que le gamin soit entre de bonnes mains, évidemment. D’un autre côté, elle m’inspire confiance.
Peut-être que je suis pas objectif sur ce dernier point. Mais genre, à peine.

Toujours accroupi, je fortifie tranquillement mes caresses. Tantôt sur l’arrière du crâne, puis sur le ventre ; et enfin, sur son dos. Ouais, ça fait une longue explication pour pas grand-chose, mais il est cool Pompidou. Quand il est pas assis sur moi, j’entends.  

« - M’enfin, on a aussi un gosse qu’on traîne avec nous, je sais pas pourquoi. Tu le connais ? »

Enfin, je me relève, pointant du doigt la poussette. Ah, et j’espère que tu t’es pas paumé dans la forêt, Max. Parce que je sais pas si tu vas retrouver ton chemin aussi vite si je siffle ton nom. Nan, improbable.

Au blondie est là ? Il me cause d'un gamin ? attend ? La poussette ? Ouah...

« - M’enfin, on a aussi un gosse qu’on traîne avec nous, je sais pas pourquoi. Tu le connais ? »

Je fronce les sourcils. avant de regarder le gamin. Ouais... C'est exactement le même gosse que dans mes souvenirs flous.

- Euh... S'pas le type dont tu m'as parlé hier soir ? Tu t'es dévoué du coté de bunker hill pour jouer les baby sitter le temps qu'une meuf en bad squatte l'hopital. Nan ?

J'ouvre la porte et pompidou rentre, avide de bouffer ses croquettes. Bon. C'est bien lui. Il m'ont pas refilé une pale copie de mon chien glandu.

" M'enfin... "

Je passe la main sur l’étagère pour en ressortir une pille de leur affaires. D'aileur il est ou le petit fébrile ? Hum... J’espère que rien de grave ne lui est arrivé. Mon regard se perd sur mon ouvrage

" Hum.... Tu devrais pas laisser la cicatrise a l'air libre. Je t'avais pas foutu un pansement ?"

Je continue de courir comme jamais, dans le but de faire des allers retours sur la plage, le vent caresse mon visage et l'odeur de la mer est super salé. J'en profite pour passer mes graphismes au minimum, histoire de voir ce que donne l'horizon pixelisé. C'est pas si nul. Mais faut admettre que c'est difficile de voir la différence entre le bleu du ciel et celui de la mer. Honnêtement si c'était pas pour la légère nuance de bleu entre les pixels du ciel, et ceux de la mer, je pourrais pas dire. Fin dans tout les cas, je continue mon sprint, mais après environ quelques minutes, je commence à m’essouffler. C'est super large la plage. J'ai même pas fait un aller encore. Je me demande combien de temps je vais devoir courir afin de voir le bout. Quand je pense que je vais devoir faire ça trois fois. Brr, j'en ai froid dans le dos. Fin bref, je me remets en position, et comme pour me donner de l'énergie, je crie comme au combat.

"MAX SPRINT !!!"

*FROUUU!*

Ça c'est moi qui pense que je vais super vite.

Oh. J’ai fait ça, moi ? Eh bien, intéressant, j’imagine. Pas non plus incohérent faut dire, mais reste quelques détails bizarres dans cette marmelade qui commence à prendre forme – genre, pourquoi j’ai un blackout après avoir gardé un gosse ? J’ai confondu un marmot avec Tyrion Lannister ? Va savoir. J’étais peut-être bien pas sobre avant tout ça.
Mais il était pas noir dans la série, le nain. Et plus causant. Mauvaise piste, donc.

En beau duo, un index et un œil remontent en symbiose mon bras jusqu’à s’échouer sur les quelques points de suture, achevant leur course par un sourcil levé. Ah ouais, ce truc. J’l’avais presque oublié, j’admets ; mais j’ai pas souvenir non plus d’avoir vu un pansement par-dessus.

« - Hmm, si tu le dis, et merci. Aussi, pas souvenir de pansement, j’en avais un ? Parce que je dois t’avouer que j’ai un petit trou de mémoire quant à cette nuit, en fait … Genre, aussi, y a un petit blond qui traîne avec moi depuis ce matin, Max, tu le connais ? »

Autant jouer cartes sur tables, et sans gêne tout compte fait. Elle a son chien, c’est le bon ; alors moi, je veux des infos. Enfin, la vérité quoi, une espèce de résumé de ma soirée mouvementée. M’enfin, j’viens déjà de récupérer mes affaires, alors j’imagine que c’est un bon début. Je fouille rapidement le tas, retrouvant Zippo et téléphone, et j’esquisse un sourire.
D’ailleurs, il est passé où, mon super pote ? Il devrait déjà être arrivé ici, vu qu’il suivait le chien.

…

Il s’est perdu ? Genre, je déconnais en pensant à ça tout à l’heure. Dis-moi que t’es pas sérieux l’ami, parce que sinon cette journée va finir par être vraiment longue – surtout que mon épaule commence à m’élancer de nouveau maintenant, vu que je viens de me souvenir de ma petite blessure. Oh, les joies de l’esprit.

- Le petit fébrile ? Ouaip... Il était def quand il est arrivé avec toi. Et toi... Et toi t'étais bien torché. Vous formez une bonne paire.

Je sourie. Parce que mine de rien. Même apres un bon lendemain de soirée, le mec que je trouvait pas mal ce soir est aussi beau que dans mes souvenirs de meuf def'.
Des sentiments qui persistes comme ca et qui résiste a la désilution que produit le photoshop alcoolisé

-T'étais avec une blessure chelou et pansé. Mais t'avais viré le pansement. Donc... Bah... Mon moi torché a trouvé que c'était une bonne idée pour le refaire. Et je crois que j'ai sortis quelques produits pour l'anesthesie, le genre pas légale dans tous les états.

Donc, on était bien amochés avant de la rencontrer. Ce qui, finalement, ne nous avance pas tant que ça – enfin, si, je sais où ramener le gosse maintenant, donc j’aurais pas les flics sur le dos. Et on a nos affaires, un bon point ça aussi. Mais quant aux mystères de toute cette sauterie, eh bien, on s’est drogué, voilà, point. Sauf que Max a pas l’air d’avoir l’habitude de genre de conneries, faut bien l’avouer.
Je pondère un bref instant, puis esquisse un grand sourire, reconnaissant des quelques informations que m’a tout de même filé Luna.

« - Oh, je comprends un peu mieux. Merci encore, alors. »

Faudrait que je fasse quelque chose maintenant. Genre, rester comme un abruti à la regarder droit dans les yeux, ça va bien deux secondes, mais ça fait pas trop avancer les choses.

« - Je crois qu’il s’est perdu, l’autre. Je vais aller le chercher, et rendre le gosse. Alors, bon, ça ferait beaucoup si je te disais encore merci pour m’avoir expliqué un peu tout ça, mais … Merci. Je te filerai mon numéro en rentrant, alors si jamais t’as une emmerde, hésite pas. Je t’en dois une. »

En fait, j’ai la flemme de bouger. Mais faut bien, hein ? Un peu moins déterminé, j’embarque la poussette et fourre quelques affaires dans le compartiment en-dessous, avant de me tourner à nouveau vers … Luna ?

« - Salut. »

Ouah. Quelle aisance, dis donc ! On dirait un collégien qui est un peu paumé et qui sait pas comment s’y prendre pour discuter avec une fille. Je crois que le combo drogue, nuit de merde, blairoux énervant, gosse qui chiale et beau visage est en train d’achever mes barrières mentales. Alors, sans demander mon reste, je m’éclipse en direction de la forêt, en quête de mon fidèle camarade blondinet.

Si j'avais pas le gueule de bois bien implanté dans ma caboche. Je crois que j'aurais sourie au ton qu'il emploie pour me causer. Mais les conditions sont pas optimale.
Il était vraiment pas mal ce type. Ca donne vraiment envie de trainer du coté de New Dawn pour consommer. M'enfin. J'ai pas de thune en vrai. Et puis je pense pas que sa réaction soit particulièrement motivée par un truc relativement solide. On dirait plus de la gêne parce qu'il est complétement paumé. Alors dans le doute je laisse s'enfuir en refermant la porte apres une breve conclusion.

- Salut.

M'enfin. Je le laisse partir. De toute maniere, je voulais juste mon chien. Maintenant je l'ai. Vaut mieux pour blondie qu'il me fréquente pas.
Je suis pas vraiment quelqu'un de particulièrement fréquentable

*Ah ah... Ah...*

J'ai...enfin...atteint...le...bout... Attends, je gagne... combien... pour cette... quête déjà ? Quoi ? C'est tout... mais attends... Je...viens...de...faire...Qu'un...Tiers là ! Attends... Trois aller-retour... J'ai mit une course d'une heure à faire un aller... OMG, je dois encore courir 5 heures !!! Donc, j'ai que 1/6. C'est violent, vraiment violent ! Mais je suis un PGM, je vais pas abandonner comme ça ! Héhé ! C'est reparti !!! Fin je gagnerai plus à aller tuer un mob niveau 1 mais osef. J'aurais la fierté d'avoir accompli cette quête vachement plus dur qu'elle n'en a l'air !

" MAX NO LIMIT !!"

Et paf, je suis reparti pour faire le retour ! Encore 5 heures et j'aurais fini... Mais je me doutais pas en vrai que j'allais vachement ralentir à un moment et je mettrais en réalité 10 heures à faire ma quête. Mais ça osef.

Les chevilles émergeant des premières fougères, je pose la main sur un tronc et pondère un peu. Bon. Où est-ce qu’il peut être passé, ce blond ? Là-dedans j’imagine, reste à savoir par où ? Droite, gauche, tout droit ? Un truc là-dedans à coup sûr, mais la question est de savoir lequel.
Et puis, pourquoi y a une forêt, ici ? On est presque en ville, pas loin d’une mer, et il y a plus d’arbres que dans un parc municipal. Ou pas loin en tous cas.

Enfin, j’imagine que me plaindre des heures ne va pas faire avancer énormément l’affaire. Je doute qu’une incarnation divine se pointe et me montre le chemin jusqu’à Max, ou qu’un bûcheron céleste défriche l’allée qui nous sépare. Non, ça, ça n’arrive que dans des films – et des mauvais, surtout. Quoique, une affiche qui parle de manieurs de hache écolos et fils de dieux, ça en jetterait quand même. Ouais, j’irais carrément à la prochaine séance en fait.

Bref, je cherche pas trop, là. Un pied après l’autre, je commence à sonder la savane Palémienne. Du vert, du verre, du vers. J’ai l’impression que ça varie pas trop. Ah, tiens, un truc qui change.
Une seringue. Bon, ben, c’est peut-être la mienne tiens, vu son état. J’avais pas fait mon vœu dans un truc du genre ? A moins que ce soit une clairière, ou ma chambre. Va savoir, j’étais bien trop défoncé pour avoir des souvenirs clairs de la scène. Un chat blanc, du blabla, une lumière. Par contre, le reste, ça va.

Et puis, au détour d’une mousse, je finis par entendre une voix familière. Je tourne la tête vers la source, et sourit à la vue de l’auteur. Eh, le voilà, enfin. Je pousse un soupir de soulagement, et m’approche de lui.

« - On est complètement perdu, non ? M’enfin, avant qu’on panique, je sais où déposer le gosse, et j’ai la plupart de nos affaires. »

Pour imager mes propos, je sors les quelques trucs qui lui appartiennent, récupérant un peu de ma bonne humeur. Bon, reste plus qu’à sortir de ce bourbier, de diriger ce gars dans la direction qu’il veut, pusi rendre l‘enfant. Après ça, je pourrai tranquillement aller m’étaler sur mon lit, et dormir au moins … Quatre bonnes heures. Ouais, la folie quoi.

« - Si on va tout droit, j’imagine qu’on finira par sortir. Logiquement. »

On est dans un petit bois, pas l’Amazone, je me trompe ? Donc ça un nombre décent d’hectares ce truc, le genre qu’on peut franchir en pas si longtemps que ça. Parce que même si j’ai un petit air plus heureux qui traîne, mes nerfs restent tout de même assez échauffés par la journée.

On est sorti. Pour de vrai, hein - pas dans une douzième clairière miraculeusement présente dans ce troupeaux d’arbres d’une pincée d’hectares. Sans déconner, faudra qu’on m’explique un jour comment cette ville peut contenir autant d’incohérences et de coïncidences ; car s’il n’y avait pas toute cette histoire de Contracteurs et autres Ombres tout à fait charmantes, je me croirais en plein délire. Ce qui expliquerait la piqûre de Max, d’ailleurs.
M’enfin, reste qu’on baigne bien dans la réalité, et qu’on a une chance folle de ne pas avoir croisée la moindre bestiole depuis le début de notre périple hasardeux. Honnêtement, quoi qu’on dise, New York était tout de même bien plus calme à côté de Palema.

J’esquisse un sourire à sa question, enfant de l’union illégitime de mon sens de l’humour graveleux et de mes nerfs en vadrouille ; puis l’absorbe bien vite quand je réalise l’inexistence de la réponse. Honnêtement, avoir trop bu un soir, ça ne m’étonne pas ; mais c’est pour le blondinet que ça m’étonne. Et sur ce point, on a l’air d’être d’accord, ce qui épaissit d’autant plus le mystère. Mais bon, je n’aurai jamais le fin mot de tout ça, j’imagine. Et honnêtement, au point où j’en suis, je m’en bats totalement.

« - Apparemment, on était déjà défoncé quand on l’a rencontrée, donc aucune idée de comment on a fait connaissance. Mais si tu veux mon avis, je commence à en avoir ma claque de fouiller dans chaque recoin de cette ville quant à toutes ces conneries. »

Net, je m’arrête sur place pour soupire et toiser une dernière fois mon compagnon d’infortune. Puis observe un instant la face du bambin dans la poussette, étonnement calme. Cet illogisme-là ne va pas me bouffer une nuit de réflexion, tiens ; pour tout dire, il m’arrange même.

« - Je vais retourner à Bunker Hill le rendre. Tu veux venir avec moi, ou alors je te montre la direction du centre ville ? »

Au pire, il me suit jusqu’au Dawn et je le dépose en voiture chez lui, mais je ne suis pas sûr qu’il ait la foi de gambader encore des heures en faisant un gros détour. Et puis, il est grand, non ? Je suis certain qu’il saura trouver son chemin une fois seul ; et sinon, eh bien, on avisera sur le coup.

Un bref salut, et je continue ma route, m’éloignant à chaque pas davantage du petit blondinet avec qui je viens de passer la journée. Un type sympa d’ailleurs, qui mériterait à ce qu’on se revoit et discute un peu plus longuement et dans une autre situation, si jamais on … N’ avait pas oublié d’échanger nos numéros. Sûrement le ras-le-bol cumulé de la journée, mais reste que j’ai la flemme de faire demi-tour et de l’alpaguer pour procéder à cette petite politesse. Bah, au pire, le dieu des coïncidences bien fichues finira par se faire de croiser de nouveau nos routes, non ? Probablement en fait, j’ai l’impression que tout fonctionne de cette manière dans cette ville.

Distraitement, des doigts baladeurs viennent se glisser jusqu’à une poche de ma veste et en arrache une clope, traçant sur mes lèvres un air presque triomphant. Bon sang, j’en ai rêvé de celle-là aujourd’hui ; et sans attendre, j’approche mon Zippo de l’heureuse élue. Et je croise du regard la face du bambin. Merde, je ne peux pas faire ça avec lui au bout de la poussette, hein ? Je râle pour la forme, puis range l’objet du délit bien au fond de sa cachette, pressant la course pour rejoindre au plus vite Bunker Hill et rendre le colis. Pas souvenir du visage du petit d’ailleurs, faut croire qu’une de mes anciennes coloc’ a agrandi sa lignée – ou que nouveaux arrivants ont pris place, aussi. Ça fait tellement longtemps que je suis décalé de la vie de ce charmant squat que je ne saurais pas trop quel option a le plus de chance de se réaliser, à vrai dire.

Bon. A force de soupirer et de tenter de battre le record du deux kilomètres marche, j’atteins enfin les portes du fameux coin, délivrant vite fait bien fait le marmot à ses possesseurs, et me casse sans délai ni explications très fournies, bien pressé de planquer mon corps dans la chaleur régénératrice de ma douche. Ensuite, dans mon lit. Et enfin, on verra pour la suite, mais d’un coup l’idée de bosser me paraît bien plus ragoûtante que d’habitude, tiens ; et pourtant, j’adore mon boulot.
Bon an mal an, je crois que j’en ai terminé avec toutes ces conneries, donc. Je ressors ma précieuse et l’allume, goûtant chaque taffe d’un plaisir presque malsain. Sérieux, heureusement que je suis Contractant, sinon je me serais déjà tapé ce cancer depuis longtemps – à moins que ce soit mes quelques activités extra-horaires qui me rajoute un joli paquet de stress. Et je préviens, je m’en fiche qu’on me rabâche que la clope ne calme rien de tout ça :  ça me fait du bien, et ça ne peut rien me bousiller, alors j’en profite. Fin du débat. De ma route aussi d’ailleurs, étant donné que ma taverne a pointé le bout de son nez bien plus vite que je l’aurais imaginé. C’est fou ce le temps passe vite quand on est déterminé, pas vrai ?
Allez, eau bouillante, j’arrive !