Cela faisait à présent 3 jours que le drame avait eu lieu. Un homme d'une 50 aine d'années s'était donné la mort en s'immolant dans cette vieille usine automobile fermée depuis des lustres. La police avait rapidement menée son enquête et les scellés avaient été levé ce matin, l'affaire classée comme beaucoup le sont de nos jours. Trop vite à mon goût. J'ai attendu la fin d'après-midi pour m'y rendre, le temps de collecter toutes les informations dont j'avais besoin.

Les lieux sont vides, silencieux et oppressants. La scène de crime à été parfaitement nettoyée même s'il reste des trace de carbonisation à certains endroits. Cet homme, licencié récemment, divorcé depuis un an, à la rue depuis quelques semaines avait fini par mettre fin à son existence. Rapport logique d'une enquête évidente et facile. Pourtant, derrière ce schéma, c'était autre chose que je voyais apparaître.

On l'avais poussé au suicide. Si tout ce que m'avait raconté ce drôle de chaton blanc ainsi que l'étudiant roux à lunettes était vrai, alors c'était une ombre, la responsable de cette mort. Une de plus. En tout cas, après avoir fait le tour des lieux, je ne peux m'empêcher de frissonner violemment. Un courant d'air frais, l'impression d'être épiée, je n'aime pas ce genre de sensation. Je suis pourtant seul, je m'en suis assuré.

De la fenêtre intacte, je jette un oeil aux alentours. Le soleil commence à disparaître et je ne tiens pas m'éterniser dans ce quartier à la nuit tombée. Et puis, je n'ai plus rien à faire ici. Je me retourne donc, prête à me diriger vers la sortie lorsque je la vois. Cette forme sombre et parfaitement distincte qui se trouve au coin du mur, qui se forme devant mon regard ébahi. Mon corps me hurle de fuir, mon esprit est sidéré devant cette preuve flagrante que je cherchais depuis des jours, mon coeur manque un battement. Mais c'est lorsque son regard croisa le mien que tout s'est enclenché.

La créature s'est jetée sur moi. Par réflexe, j'ai sorti mon arme et à la vue des ses crocs aiguisés et de ses griffes pointées droit sur moi et j'ai tiré. Mais le coup lui est passé au travers, à peine si l'ombre a ralenti. Alors, je me suis jetée contre la fenêtre derrière moi que j'ai fait voler en éclat en la traversant, alors qu'une des griffe de la créature s'enfonçait dans mon flanc. Le cri m'échappe malgré moi alors que je chute lourdement au sol, un petit étage plus bas, me sonnant complètement.  

Merde, c'est vraiment pas le moment. Chaque fibre de mon être me hurle de déguerpir aussi loin que possible, de ne pas me retourner et pourtant, je suis incapable de bouger. Ma tête tourne suite au choc avec le sol et j'ai l'impression d'être un vêtement que l'on violemment déchiré. Je tourne la tête pour apercevoir l'ombre qui me guette, en appui sur le rebord de la fenêtre. Et à nouveau, lorsque nos regard se croisent, la créature bondit.

J'attend le choc, complètement à sa merci lorsque soudain une silhouette se dessine devant moi, entre la créature et mon corps meurtri. La rencontre des griffes sur le métal, crissante, me fait mal aux dents alors que déjà, la créature est repoussée un peu plus loin. Maintenant que les deux adversaires se font face, je parviens à distinguer la personne qui m'a sauvé la vie mais mon esprit met quelques secondes à tout assimiler.

-"Toi pas touche sale bête, ton adversaire c'est moi."

"- Alei...ster?"

Oui, ma surprise est totale. Je savais qu'il avait signé un pacte avec l'un des deux chats dont je n'ai vu que l'un des deux représentants. Mais je ne m'attendais surement pas à le voir débarquer ainsi. Pour le coup, je suis plutôt content de le voir. Il vient quand même juste de me sauver la vie. Mais je réalise aussi la précarité de ma situation. Je suis blessé, donc un poids mort. Merde, j'ai horreur de ça. et lorsque je tente de me redresser, je parviens à peine à me mettre à genou, une main compressant mon flanc gauche au niveau des côtes dont s'écoule lentement mais surement mon sang.

"- Le suicide.... C'est sa faute, n'est-ce pas?"

Oui, j'ai besoin de me raccroché comme je peux à la réalité et c'est tout ce que j'ai trouvé. Mon regard est alors attiré par cette marque étrange apparue sur le dos de sa main. Un symbole qu'il n'avait pas lorsque je l'ai rencontré chez lui, j'en suis persuadé. Mais déjà, l'Ombre rugit avant de revenir à la charge.
 

-"Lui ou l'autre, voir les 2 à la fois je sais pas, mais oui ce suicide là n'est pas naturel"

De quoi est-ce qu'il parle? Lui ou l'autre, les deux. Cela voudrait dire qu'il y en aurait une seconde dans le coin. Merde, moi qui pensait que j'avais atteint le fond des emmerdes, en fait, ce n'est que le début. La créature ne se soucie guère de nos discussions et déjà, elle repasse à l'attaque. Je vois le mouvement de déplacement esquisser par Aleister avant qu'il ne revienne se placer devant moi, en protection. Oui, je suis un handicap.

Le jeune homme repousse l'Ombre une seconde fois et à nouveau, il se toisent un instant. Je monopolise mes forces pour me relever aussi prestement que possible. Le plus, c'est toujours les premiers pas. Je serre les dents et mes doigts sur ma plaie pour ne pas gémir alors que je parviens à me mettre debout au prix de mille efforts.

"- Ne t'occupe pas... de moi.... Ce n'est rien..."

Non, il ne doit surtout pas se soucier de mon état, simplement se concentrer sur son combat. Je sais que malgré tout, je reste la cible privilégiée de ce monstre alors, je réfléchis aussi vite que possible. Il a surgi des ombres alors me cacher ne ferais que me rendre davantage vulnérable. Si je veux vraiment servir à quelque chose, afin d'offrir une occasion en or à Aleister de se débarrasser de ce truc, je n'ai pas 50 solutions. Il faut jouer l'appât.

"- Eh, le monstre, je suis là! Viens me chercher!!!"

Et déjà, je cours en direction de la rue étrangement vide et silencieuse. L'Ombre a réagit à ma provocation, trop heureuse de à l'idée de pouvoir achever sa proie. La douleur irradie et mes poumons sont en feu mais je ne m'arrêterais pas. Aleister, je compte sur toi....
 

Comme prévu, la créature ne se soucie plus d'Aleister. Il n'y a que moi qui compte à ses yeux et c'était parfaitement le but recherché. Par contre, la douleur me joue des tours et je trébuche, manquant de tomber et réduisant dangereusement la distance entre moi et le monstre. Heureusement Aleister à réagit promptement et déjà, le voilà en train d'achever l'Ombre. Je lâche un soupir de soulagement, tandis que je cherche mon souffle.

-"Et merde l'ombre t'a blessé avant ta chute? Attend j'ai de quoi soigner ça."

"- Pas la peine, ce n'est... qu'une égratignure, rien de plus..."

D'instinct, je recule, pour l'empêcher de trop s'approcher de moi. Non, pas maintenant, il ne faut pas qu'il vienne. Il ne doit pas me soigner. Je songe à me remettre à courir mais alors que j'esquisse un pas, mes jambes cèdent sous mon poids. Me voilà de nouveau à genou au sol, la respiration un peu sifflante et cette foutue douleur qui ne semble pas décidée à me lâcher. Allez, respire Naoto, tout va bien.

"- J'ai juste besoin... de souffler un peu... C'est le tissu qui... donne l'impression que... ça saigne beaucoup."

Non, je n'arrivais pas à me le faire croire alors ce n'est pas ainsi que je parviendrais à le persuader. Mais je ne veux qu'il s'approche trop près. Je ne veux pas qu'il essaie de me soigner. Il ne faut pas qu'il découvre la vérité. Personne ne le doit. Jamais. Pourtant, sans aide, je ne sais pas si j'arriverais à rentrer jusqu'à chez moi.
 

-"Ne t'en fait pas, j'en donne pas l'air mais je suis raisonnablement bon pour soigner ce genre de blessure, à force de les soigner sur moi-même"

Non, recule. Ne t'approche pas plus. Je sens bien entre mes doigt serrés que ma chemise sous ma veste à été déchirée et malgré ma pression dessus, cela va finir par laisser apparent les bandes qui épaisses et serrées qui dissimule ma vérité. Je me fiche qu'il veuille simplement se montrer gentil ou quoi, je ne veux pas qu'il sache ça.

Alors, malgré ma faiblesse, je e débat tandis qu'il commence à essayer de retire ma veste pour accéder à mes blessures et commencer à me soigner. Mais je manque de force et la panique m'empêche de réfléchir correctement. Il arrive donc à me l'ôter et, dans mes mouvements brusques, ma chemise qui avait déjà souffert de l'attaque du monstre, se déchire davantage. Cette fois, les bandes sont bien visibles.

-"Hu ?! "

"- Lâche-moi!!!"

J'ai crié, j'ai même lâché ma plaie pour le repousser franchement, une de mes mains couverte de mon sang. Oui, j'ai peur. Faites qu'il n'ait rien vu. Ou qu'il soit trop bête pour comprendre. J'ai croisé mes bras devant moi, en signe de défense, mais je sais que je ne fait pas crédible. Je m'en moque. Je veux seulement qu'il me laisse. Ma casquette est tombée au sol, dévoilant à ses yeux son visage aux traits trop fins pour un véritable homme. Et ma voix est légèrement montée dans les aigus. Merde, c'est pas possible.

"- Je n'ai besoin de personne.... Et tu parlais de 2 Ombres alors.... tu devrais aller t'occuper de la deuxième, non?"

J'ai détourné le regard, je ne veux plus voir cette interrogation et cette surprise peinte sur son visage. Je veux me persuader que tout cela n'est qu'un mauvais rêve dont je vais bientôt me réveiller. Recroquevillé sur moi-même, je tente de me protéger. De lui, du monde, de tout. Car s'il sait, c'est toute mon existence qui pourrait être remise en cause.

-"Je ne sais pas trop de que tu veux cacher à ce point, mais j'ai déjà vu quelques blessures, et je devine que vu ton état, si on ne rafistole pas ça en vitesse, tu sera bon pour un voyage aux urgences. Or je doute que tu en ai envie, de même que je n'ai pas trop envie que tu te vide de ton sang dans mon kekkai, Kyu risquerait de me reprocher d'avoir laissé mourir une recrue potentielle. Quand à la 2éme ombre, elle a été éliminée il y a quelques heures par un de mes collègues seraph, j'ai juste été envoyé pour finir le boulot"

Comment fait-il? Pour sourire aussi naturellement alors que la situation est malgré tout loin d'être simple. Pour continuer à se montrer calme et logique alors qu'à cet instant, je me sens perdu. Je sais qu'il a vu quelque chose, même s'il n'a pas encore compris. Et la perspective des urgences me fait grimacer. Car je ne peux pas m'y pointer comme ça, ce serait catastrophique. J'ai de plus en plus l'impression d'être dos au mur, au fond d'un cul de sac.

"- Pas ici. Il faut qu'on se mette... à l'abri dans tous les cas. Pour ne pas risquer de se... faire attaquer de nouveau..."

Voilà, reprendre des repères concrets, des choses logiques, des pensées normales. Je ne dois pas piquer de crise, cela ne servira à rien. Il me faut tout mon sang-froid et ma raison si je veux réussir à lui dissimuler encore la vérité. Et puis, doucement, une partie de mes forces me revient maintenant que le choc de la surprise et que le contre-coup commencent à s'échapper. Cela fait toujours aussi mal mais au moins, je peux me lever et je pourrais marcher. Lentement.

"- Tu connais un endroit sûr? Pas trop éloigné?"

Oui, je pourrais marcher, mais pas des heures non plus. Le saignement ne semble pas vouloir se tarir même s'il n'es pas hémorragique et à la longue, cela risque de devenir critique.

-"Nous sommes dans mon kekkai: aucun humain normal ne peu nous percevoir d'aucune manière, même en passant à l'endroit où nous nous trouvons. 2 ombres étaient signalées dans le périmètre, les 2 ont été éliminées, et si d'autres avaient été piégées avec nous, elle serait déjà en train de nous charger je pense. De toute façon c'est pas comme si mon kekkai était si énorme que ça. Quand aux ombres, seraph, nephil et autres humains ayant rencontrés Kyu ou Bei, ils peuvent voir ma barrière mais pas y entrer, à moins que je les y autorise. En revanche si tu cherche un coin plus confortable que le sol pour l’asseoir, on peu toujours retourner à l'usine, mon kekkai est trop petit que pour entourer les plus proches maisons je le craint"

Ah bon, vraiment? Encore de nouvelles informations qu'il me faudra retranscrire quand la situation sera moins critique. Mais pour le moment, j'avoue que l'idée de rester en pleine rue, ainsi exposé, ne me plait pas. Je me sens vulnérable, fragile malgré ces paroles rassurantes. Personne ne peut rentrer à moins d'être invité, hein? Ce sera toujours ça de gagné. Je voudrais partir mais je n'ai pas le choix. il ne me lâchera pas tant qu'il ne m'aura pas soigné, c'est évident.

"- Très bien alors. Mais à l'intérieur, si possible. "

J'ai lâché ces quelques mots la mort dans l'âme. Oui, la perspective de demeure ici, ne m'enchante guère mais je n'ai pas vraiment de meilleure solution. Je n'en ai même pas d'autre. J'avance lentement donc, à pas comptés vers le bâtiment et parvient à en franchir le seuil. Par réflexe, je jette un œil aux alentours, pour m'assurer que la voie est libre mais l'endroit semble aussi désert qu'à mon arrivée un peu plus tôt.

"- Ce n'est pas des plus accueillants mais cela fera l'aff...."

Mes jambes ne me portent plus, ma voix ne sort plus alors que le noir envahit complètement mon esprit. Burn-out. J'ai dû trop forcer, les émotions ont été trop nombreuses, trop rapprochées, trop fortes aussi, sans oublier la douleur. Mon corps et mon esprit me disent 'merde' et déjà, je n'ai plus conscience de ce qui se passe, ne me sentant même pas toucher le sol.

J'ai vaguement conscience qu'il se passe quelque chose autour de moi. mais je suis incapable ne serait-ce que d'ouvrir les yeux. Derrière mes paupières closes, je revois les films des dernières heures. Ma décision de venir, mon étude des lieux, l'Ombre, le coup de feu, la vitre que je traverse, ma blessure, Aleister et puis le noir. Alors que j'en suis là, se produit comme un électrochoc dans mon esprit. Le jeune homme voulait me soigner, je ne dois pas le laisser approcher, à aucun prix.

Et voilà que j'émerge réellement. Soudainement, comme sorti d'un cauchemar. Je me suis redressé, grimaçant sous le mouvement avant de porter ma main à mon flanc. Panser et bander. Non, ce n'est pas possible. Pour le coup, je me mords la lèvre de rage. Ça ne devait pas arriver. Il ne devait pas savoir, personne ne le devait. Hors là, il a forcément compris. C'est obligé. Et c'est affaires sur moi, ce ne sont pas les miennes.

Je cherche les miennes du regard. ma chemise est foutue, bonne à jeter entre le sang et les déchirures. Mais ma veste est seulement un peu tâchée, cela devrait faire l'affaire. Alors, je la reprends et l'enfile aussi rapidement que possible avant de la boutonner autant que possible. comme pour faire oublier ce qu'il a vu. Ma casquette revient se visser aussi sur ma tête, comme une protection illusoire tandis que je me laisse retomber contre le mur proche, en soupirant.

"- Tu... Enfin,... Tu as vu... N'est-ce pas?"

Mon regard le fuit au maximum, fixant mes pieds avec une fausse fascination. Je me suis de nouveau un peu recroquevillé sur moi-même, ma voix hésitante et manquant d'assurance cette fois. Pas brisée encore, mais presque. Comme je me sens stupide en cet instant, et comme je voudrais me trouver n'importe où mais pas ici.

"- Tu n'aurais pas dû... "

Pas dû quoi? Me sauver? Me voir ainsi? Me soigner? Au fond, je ne sais même plus moi-même. Je me sens juste perdu. J'avais tellement espéré que cela n'arrive jamais. Et en réalité, j'ai peur. De sa réaction et de ce que cela pourrait entraîner à l'avenir. Pour moi et pour ma Famille.

-"Vu... oui, si on parle de la même chose, mais en fait j'ai surtout vu la blessure. Pas si moche que ça, mais il faudra peut-être refaire un pansement plus tard."

Il savait. Et la gêne dans sa voix, cette façon qu'il avait de me fuir à présent prouvait qu'il était aussi à l'aise que moi dans ce genre de situation. Je n'ai pas vraiment entendu ce qu'il disait à propos de ma blessure, trop perdu dans mes pensées. Pansement, plus tard, pas si moche. Oui, sans doute mais au fond, je n'avais même lus l'impression d'en souffrir. J'avais mal oui, mais du fait d'être découverte, de ne pas avoir réussi à tenir mon rôle.

-"Tiens au fait, comment tu t'es retrouvé ici? Enfin il y a le suicide on est d'accord, mais pourquoi celui-là et pas un autre? Tu n'est pas branché sur les ondes des seraph quand même."

"- Je n'avais pas connaissance de ce réseau d'onde s'il existe. Et ma présence ici ne tient que de la simple déduction. Le passé de cet home était devenu une suite de déchéance depuis près de 3 ans alors, j'ai voulu en avoir le cœur net."

J'avais débité mon speech comme une simple constatation, une évidence même. Je reste dans mon coin, évitant toujours de trop relever le regard. Je ne sais pas comment réagir à ce genre de situation. Je sais me battre, tirer au pistolet, résoudre des énigmes et des crimes soi-disant insolubles mais à cet instant, je suis incapable de réfléchir correctement.

"- Et maintenant, que fait-on?"

Il est assez intelligent pour comprendre que je ne parle pas uniquement des Ombres. Mais je ne vois pas comment aborder autrement les choses.

-"Je devine bien que le sujet te gêne autant que moi... Je pourrais te dire que je suis capable de garder le secret sur un sujet important, et que je peu essayer de continuer à jouer le jeu devant tout le monde, et même avec toi si tu préfère que ça se passe ainsi... mais au final ça implique que tu me fasse confiance, et je ne sais pas si tu m'en estime digne."

Faire confiance? Sur le coup, un rictus semblable à un sourire désabusé se peint sur mon visage. Faire confiance c'est prendre des risques que l'on ne peut pas calculé. Même avec la meilleure volonté du monde, il arrive toujours un moment ou cette confiance est trahie. Et si certains peuvent malgré tout se permettent de vivre ainsi, ce n'est pas mon cas. Pourtant, il y a ds mots dans sa phrase qui résonnent plus douloureusement que d'autres dans mon cœur. Si tu préfères, par exemple.

"- Ce n'est pas une question de préférence, je n'ai tout simplement pas le choix. Il faut que tout continue comme avant. Rien ne doit ni ne devra changer. Jamais."

Je ne suis même pas certaine qu'il suive vraiment mon raisonnement. Je crois que je parle presque plus pour moi que pour lui. Je n'ai pas envie d'en plus et pourtant, quelque part, je sens que les mots sont là, qui ne demandent qu'à sortir. Cela fait des semaines à présent que toute cette histoire d'Ombre à commencé, des années que je m'impose un vie et une pression phénoménale. Est-ce la blessure, ce lieu hors de tout, la fatigue? Je ne sais pas mais ce soir, il faut que ça sorte.

"- Je n'ai pas le droit... D'être une fille...."

-"Je serais plus naïf, ou plus optimiste, je te dirais que non, rien ne peu t'empêcher d'être ce que tu es. Mais le fait est que je ne connais rien de ta vie, ce ce que tu a traversé, et du pourquoi du comment. Tout ce que je peu t'offrir, c'est la certitude que ton secret sera bien gardé avec moi, que jamais personne n'en entendra parler, et qu'à partir de maintenant, tu es et sera à nouveau et à l'inspecteur Naoto, un type chiant mais admirable par bien des points."

Inspecteur Naoto? Pour le coup, j'étouffe un léger rire. Je n'aurais jamais un tel grade et je ne le vis nullement. Minato oui, mais pas moi. Et au moins, il était capable d'être réaliste. En effet, nous ne savons rien l'un de l'autre et pour le moment, je ne compte pas en dire plus, j'en ai déjà trop dit. Beaucoup trop même. Mais au moins, il n'a pas l'air de se mettre à me juger plus que ça. C'est toujours ça de gagné.

"- Un type chiant hein? T'as pas de bol alors, vu que le chaton est passé me voir aussi, tu risques d'être obligé de me supporter encore un sacré moment."

Maigre tentative d'humour alors que je me redresse, m'appuyant contre le mur et remontant lentement. la douleur s'est atténuée mais est toujours bien présente. Et la nuit commence à tomber, ce qui ne me plait pas plus que ça, surtout dans ce quartier. Je pousse un léger soupir avant de relever le regard vers Aliester. J'espère qu'il saura tenir sa langue car sinon, ce n'est pas avec moi qu'il aura des ennuis mais avec ma Famille et ça, je ne le souhaite à personne.

"- Même si ton Kekkaï est efficace, on ne devrait pas trop traîner dans le coin. Le quartier n'est pas des plus sûrs."

-"Comme tu a pu le voir, une sortie du kekkai nous fait apparaître dans la réalité, alors toi qui t'y connais mieux que moi, on a plus de chance de voir du monde dans l'usine, ou dans la rue? En fonction de ça je verrai où couper ma barrière."

Je prends le temps de réfléchir quelques instants, la main sous le menton pour mieux prendre en compte toutes les données possibles. Ce quartier n'était pas celui que je connaissais le mieux mais il était assez facile d s'en faire un topo logique. Et cela ne me prit pas plus d'une minute avant d'avoir pesé le pour et le contre de toutes les options.

"- Il vaudrait mieux apparaître dans un autre bâtiment. Car les bruits du coup de feu et de la vitre ont pu attirer des curieux. Ou au moins, à l'arrière de ce bâtiment-là, la partie donnant sur l'entrée de service. Pour éviter de se faire remarquer."

Le mieux aurait été de partir très loin mais visiblement, ce ne devait pas être possible alors autant au mieux avec les moyens du bord. Et puis, Aleister savait mieux que moi comment fonctionnait son Kekkaï. Alors que je me prépare à me rendre vers la face arrière de l'usine, je finis par lâcher une question qui me brûle les lèvres.

"- Les Ombres, je ne peux rien leur faire sans avoir signé de contrat, c'est bien ça?"

-"Pour autant que je sache, aucune arme conventionnelle ne peu leur faire de dégâts, seul nos pouvoirs, et l'arme que l'on obtient en signant le contrat, peuvent blesser une ombre. Mais d'un autre coté, j'ai déjà vu une ombre gênée, et son attention attirée, après avoir reçu un vulgaire pot de fleur sur la tête. Était-ce parce que le pot de fleur était considéré comme un composant du kekkai, ça pas la moindre idée en revanche"

Ainsi donc, je pouvais voir ces monstres mais rien leur faire. Alors que pour eux, j'étais semble t'il devenu une proie facile. Depuis quand est-ce que je les voyait d'ailleurs? Jamais je ne les avais vu ni même aperçu, je ne les ressens vraiment que depuis quelques semaines. A peu près depuis.... Que ce drôle de chat m'était apparu sur cette plage.

"- C'est étrange, j'ai un peu l'impression que l'on me force la main et pourtant, pour une fois, ça ne me gêne pas plus que ça."

J'avance dans la bâtisse, me dirigeant vers la sortie arrière de ce dernier. Une fois devant la porte qui nous ramènera dans la rue et avant qu'Aleister ne dissipe son Kekkaï, une autre question m'échappe, plus ou moins volontairement.

"- Cela a changé beaucoup de choses dans ta vie? Je veux dire, de devoir combattre les Ombres?"

-"On va dire qu'il faut savoir composer, trouver du temps pour tout, et apprendre à dissimuler les blessures que l'on récolte. Mais sinon pour l'instant ça va, je n'ai jamais été un grand sociable alors mes parents et mes connaissances ne voient pas trop la différence.
Bon, après ceci, retour réalité."

Visiblement, d ce qu'il me laisse entendre, cela n'a pas l'air si compliqué que cela. Pour l'absence d sociabilité, ce ne sera pas un souci pour moi non plus et les blessures pourront trouver de nombreuses explications suite à mon travail. Alors, au fond, rien ne me retenait plus vraiment. Et cette histoire de vœu serait comme un cadeau de compensation.

Enfin, le retour à la réalité se passa de manière plutôt étrange. En effet, les sons et les odeurs habituels nous revinrent soudain de plein fouet, comme par surprise. Mais agréablement. Avant qu'un invité surprise ne nous fasse la joie de sa présence, apparaissant sur la tête d'Aleister.

- On a toujours le choix voyons. Tu devrais vite appeler ton médecin, ton corps ne tiendra pas longtemps dans cet état.

"- Tu devais arrêter d'écouter aux portes, c'est très malpoli. Et merci du conseil, je n'y manquerais pas."

- Alors as-tu réfléchi à ton vœu ?

"- Oui. Et je suis prête à passer un contrat avec toi."

Une légère pause. Oui j'hésite. Simplement parce que le dire comme ça, devant Aleister, cela me fait étrange, j'aurais préféré que personne ne le sache. Mais après tout, chacun sa vie, son éducation, ses aspirations et ses rêves. Alors, je me redresse et fixe le drôle de félin droit dans les yeux.

"- Je souhaite être acceptée et reconnue pour celle que je suis réellement. "

Oui, je ne tiens plus à n'être que l'ombre de mon frère. Les Ombres, c'est moi qui vais les éliminer à partir d'aujourd'hui et ainsi, moi aussi, je pourrais avoir droit au moins à brin de lumière, un de ces jours.

En échange de ton voeu, Naoto Shirogane, je fais de toi une Seraph ! A partir d'aujourd'hui, tu devras combattre les Ombres qui menacent les humains dans le plus grand secret. D'autres pourront t'épauler dans ta tâche et t'apprendre à manier tes nouvelles capacités.

Kyu semble soudain tenir en apesanteur devant moi alors que les longs appendices de ses oreilles viennent littéralement me transpercer la poitrine pour atteindre mon cœur. Une immense lumière nous entours l'espace d'une seconde et déjà, tout est fini. Je ressens rien de spécial, mais il y a cette marque qui brille au creux de mon poignet droit avant de s'estomper jusqu'à disparaître. La même que celle d'Aliester. Un ébauche de sourire étire alors mes lèvres.

"- Tu pourras compter sur moi. Tout compte j'apprendrais à devoir compter sur les autres."

C'était un aveu de faiblesse dans un sens car oui, j'étais tout bonnement incapable de faire confiance aux gens, trop longtemps rejeté et dénigré à cause de ma naissance. Mais maintenant, la donne avait changé et j'avais hâte, comme un peu peur aussi, d'en découvrir le résultat.

-"Je suis désolé d'avoir été là pour la signature, cependant sache que je garderai ton voeu aussi secret que les détails du mien.
Quoi qu'il en soit, bienvenu chez les seraph Naoto."

"- C'est moi qui ai choisi et accepter de le dire ici et maintenant alors tu n'as pas à t'excuser. J'assume pleinement mes actes.
Et merci Aleister. Pour m'avoir sauvé tout à l'heure."

Cependant, Kyu a raison. Je sens bien que je ne suis pas au mieux de ma forme et les soins de fortune que j'ai reçu ne seront pas suffisants. Alors déjà, je décroche mon portable, miraculeusement indemne et compose un numéro pré-enregistré. A la deuxième sonnerie, l'interlocuteur décroche.

"- Docteur Géro, Naoto Shirogane à l'appareil... Non, rien de bien grave mais je vais avoir besoin de vos services... Arme tranchante au flanc gauche... Oui, désinfectée et bandée mais cela semble s'arrêter difficilement... Très bien, je serais là d'ici 10 minutes... Oui, merci."

Je raccroche avant de ranger mon mobile et de me tourner vers Kyu toujours perché sur la tête de mon désormais collègue de combat secret contre les Ombres.

"- Le médecin de la famille va me prendre en urgence. Mais pour y arriver, il va falloir que j'y aille. Alors, je vous laisse.
A bientôt, sans doute."

Et déjà, je me mets en route, tâchant de me tenir le plus droite possible. Heureusement que j'ai laissé ma moto à l'entrée du quartier car je ne sais pas si j'aurais réussi à faire tout le trajet à pied. Une fois mon engin retrouvé, je grimpe dessus et me rend prudemment à l'adresse personnelle du Dr Géro qui me reçoit aussitôt. Ah ouais 7 points de suture, rien que ça. La prochaine Ombre paiera pour sa copine, elle peut en être certaine.

[ => Naoto quitte les lieux.]