East Park:

La jeune policière souffla en sortant du commissariat. Elle allait enfin avoir deux jours entiers pour se reposer; elle ne savait pas encore précisément ce qu'elle allait faire mais au fond ça n'avait pas vraiment d'importance. De toute façon elle allait avoir le temps d'y penser. Pour le moment un tour au parc la tentait assez. Tandis qu'elle déambulait tranquillement dans les rues en direction d'East Park, elle ne pouvait empêcher son esprit de la ramener aux évènements de ses derniers mois, surtout après les quelques révélations récentes du jeune homme. Rien ne serait arrivé si elle n'avait pas été muté pendant un mois à la prison; dire que tout avait commencé par une bavure!

quelques mois plus tôt...

Assise dans la voiture, la jeune policière s'impatientait comme en témoignait le tapotement aussi nerveux que régulier de ses doigts sur le tableau de bord. Mais qu'est-ce qu'il foutait cet abruti? Il avait déjà une demi-heure de retard et elle en avait assez d'attendre. Mark était pourtant du genre ponctuel, mais là, il semblait ne pas vouloir arriver. Ils était censé faire ça à deux. L'homme était armé, violent et avait déjà eu affaire à la justice plusieurs fois. Le commissaire avait pensé que la présence de deux policiers au lieu d'un seul serait plus dissuasive. D'autant qu'il allait falloir le ramener au poste pour qu'il réponde à quelques questions, ce qui risquait de ne pas lui plaire. Mais là elle n'en pouvait plus! Elle décida d'y aller seule. Ça ne pouvait pas être si compliqué; il suffisait de ne pas se montrer trop agressive. Elle traversa la rue et frappa à la porte, non sans une certaine appréhension.

-M. Miller? C'est la police! Ouvrez s'il vous plait, je dois vous parler!

Elle entendit des bruits de pas derrière la porte mais rien ne se passa. Elle insista frappant de nouveau.

-M. Miller? Ouvrez s'il vous plait!

Mais toujours rien. Elle le devinait en train de regarder par le judas, hésitant à ouvrir ou à faire le mort. Mue par un réflexe de prudence, elle porta la main à son arme, dont elle défit la sécurité, juste au cas où. La porte s'ouvrit enfin... sur deux canons pointés dans sa direction! Miller, un grand chauve balafré dans la quarantaine qu'elle avait reconnu grâce à la photo de son dossier, la pointait avec un uzi, tandis que l'homme à sa gauche, brun, la trentaine, utilisait ce qu'elle reconnu comme un colt python. Sans réfléchir, elle se jeta aussitôt sur le coté, tandis qu'une rafale d'uzi claquait, accompagnée des détonation plus sporadiques du colt, faisant fuir les rares passants. Autant pour la discrétion. Ce qui n'aurait dû être qu'une routine était d'ores et déjà raté! La jeune policière ne put s'empêcher de jurer.

-Et merde!!!

s'efforçant de garder son calme, elle sortit son arme et attendit la fin de la rafale tout en comptant les coups du python. Quatre...cinq... six, Elle fonça! Tout en apercevant du coin de l'oeil Miller qui s'engageait dans les escaliers, elle tira, logeant deux balles dans la poitrine du second tireur. Sans se poser plus de question elle se précipita dans les escaliers... pour être reçut au tournant par un coup de pied à l'estomac qui la renvoya en bas! Elle dégringola les marches à l'envers, recevant des chocs à la tête, au dos, aux jambes et aux fesses, tandis que Miller jurait contre la police.

-Putain de volaille de merde!

Lorsqu'elle pointa de nouveau son regard et son arme en direction des escaliers, ce fut pour voir de nouveau le canon d'un uzi pointé dans sa direction. Sans réfléchir, elle fit feu à trois reprises. Miller s'écroula, lâchant son arme au passage. Sarah se releva péniblement et, tandis que la tension redescendait, elle resta à observer le cadavre de Miller. Poitrine, gorge, front, trois coups mortels. Elle ne l'avait pas raté. Une voix qu'elle reconnu comme étant celle de son coéquipier Mark la tira de ses pensées. Il était bien temps qu'il arrive celui là!

-Putain, Sarah! Mais qu'est ce que tu as fait!?

-Le commissaire va être furax...

Fut tout ce qu'elle trouva à répondre.

De nos jours...

Elle secoua la tête. ressasser le passé ne servirait à rien. Elle était là pour se détendre, autant en profiter au maximum! East Park était quand même très joli et reposant; elle se promit d'y venir plus souvent. Même la zone pour enfants, bien que petite, restait très sympathique. Malheureusement, le hasard semblait avoir décidé de lui jouer un tour. Son coeur manqua un battement. Tandis qu'elle commençait à regarder les quelque enfants présents en train de jouer, elle venait de voir une personne qu'elle reconnaissait. Une personne qu'elle n'aurait jamais pu oublier.

Car elle avait hanté ses cauchemar pendant des semaines.

La femme qui avait débarqué à la prison pour tout régler en un claquement de doigts, celle qui pouvait certifier que la jeune policière n'était pas folle. Celle qui pouvait lui expliquer pourquoi elle était la seule à n'avoir rien oublié! Elle était là, tranquillement, accompagnée de deux jeunes enfants qui ne devait pas avoir plus de deux ou trois ans, alors que Sarah s'était posé des questions pendant des semaines, et même encore maintenant. Et elle était là, à quelque mètres d'elle! À cet instant, le reste du monde cessa aussitôt d'exister, rien d'autre ne comptait. Elle s'approcha et la saisit par le bras. Le geste avait été inconscient et elle s'en était à peine rendu compte. Elle l'apostropha, cherchant à moitié ses mots tandis que son visage et son ton exprimaient la même surprise totale mêlée de colère.

-Vous... vous... C'était vous à la prison! Ce chien qui disparait, cet homme nu bizarre, moi qui n'ait rien oublié, vous êtes au courant de tout!

Maintenant qu'elle avait commencé à parler, tout sortait en un flot ininterrompu, comme si quelque chose la poussait à lâcher tout ce qu'elle avait sur le coeur. Bizarrement, elle sentait qu'elle pouvait lui faire confiance.

-Ce monde occulte, cette guerre secrète contre une menace invisible, et vous... vous tous! Je veux tout savoir! Et puis, si c'est si important...

Après une légère pose et sans se rendre compte qu'elle la tenait toujours par le bras elle ajouta sincèrement.

-...je veux en être!

-Dans ce cas, si vous commenciez par me lâcher et par vous asseoir?

La voix de la mystérieuse femme eu un effet immédiat sur la jeune femme perturbée qu'était Sarah à cet instant, et la calma avec une surprenante efficacité. Elle prit immédiatement conscience de la situation et lâcha brusquement son interlocutrice, comme un enfant que l'on prend la main dans le sac, et s'assit sur le banc. Du même coup, le reste du monde recommença à exister et elle s'en voulu presque, en la voyant faire signe à son fils, de l'avoir abordée si brusquement, bien que cela n'ait pas été son intention. La jeune policière avait en effet été particulièrement perturbée en la voyant.

-Si nous commencions par le début? Cela serait plus simple. Par exemple, puis-je savoir comment vous vous appelez?

À nouveau, la voix de son interlocutrice fit son effet sur Sarah. Pas un instant elle n'envisagea de lui mentir ou de lui désobéir. Oui, elle allait tout lui raconter. Si elle voulait des réponses, il était normal de commencer par en donner. Bien plus sereine qu'une poignée de seconde plus tôt, c'est d'une voix calme qu'elle entama son récit, le regard dans le vide, droit devant elle.

-Je m'appelle Sarah Star et je suis policière.

Ça y était, c'était parti, elle parla, laissant les souvenirs remonter pour les raconter, presque de manière impersonnelle.

-Tout a commencé il y a quelques mois. J'ai fait une connerie. Les détails importent peu mais en gros, j'ai ignoré les ordres et ça à mené à la mort d'un homme que je devais impérativement ramener vivant au commissariat.

Elle marqua une légère pause, consciente en y repensant après coup qu'elle avait eu beaucoup de chance de ne pas avoir été virée. Elle reprit en évoquant la sanction qui avait suivie.

-Bien sur j'ai été sanctionnée. Ça peut paraître étrange comme pratique, mais j'ai écopé d'une mutation d'un mois à un poste chiant au possible à la prison. Mais ça a dérapé dès le premier jour.

Une légère appréhension s'empara d'elle au moment d'aborder la partie surnaturelle de son récit. Si elle avait raconté ça à n'importe qui d'autre, on l'aurait prise pour une folle. Heureusement, son interlocutrice savait qu'il n'en était rien.

-je revenais des toilettes quand j'ai assisté à une scène surréaliste : un chien me fonçait dessus, poursuivi par trois gardiens qui m'enjoignaient de l'abattre tandis qu'à l'entrée, un homme qui semblait être son maitre les y encourageait! Je n'ai pas obéi, jugeant que le risque de les toucher était trop grand. Mes collègues n'ont pas eu autant de scrupules et l'ont même blessé. À la place, j'ai voulu l’attraper. Malheureusement, ça a raté. Il m'a renversée comme un boulet de canon et est entrée dans le bâtiment par l'entrée administrative. Je l'ai suivi aussitôt grâce aux traces de sang et je l'ai rattrapé dans un long couloir. Et là...

Elle marqua une petite pause, autant pour laisser son interlocutrice digérer toute les infos que pour prendre une grande inspiration avant de prononcer les absurdités, pourtant vraies, qu'elle s'apprêtait à prononcer.

-...il a disparu! D'un coup! Pouf! Comme une lampe qu'on éteint! Je vous laisse imaginer ma réaction!

Elle tourna un moment le regard vers son interlocutrice, consciente qu'elles savaient toutes les deux que c'était l'un des points qui attendaient des réponses claires.

-Évidemment, je n'en ai rien dit, on ne m'aurait pas crue! Sur ma suggestion, toutes les portes ont étés verrouillées et tout les gardiens présents ont reçut l'ordre de chercher l'animal. C'est à peu près à ce moment qu'un collègue a surgit d'une salle adjacente en gueulant que le prisonnier qu'il interrogeait avait disparut d'un coup! Je m'y suis précipitée avec mes collègues sur les talons.

À nouveau elle marqua une pause, plus pour elle même cette fois. Les évènements de cette journée, elle en avait cauchemardé pendant des semaines. Et la mystérieuse femme qui se tenait à ses cotés en avait fait partie.

-C'était surréaliste! outre le prisonnier, qui était bien là même si je le soupçonne d'avoir en fait réapparut entre-temps, j'ai reconnu le maitre du chien! J'ignore encore comment mais il avait réussi à arriver avant nous et sans se faire remarquer! et au sol il y avait un homme blessé avec des oreilles et une queue de chien! Je me suis d'ailleurs souvent demandé s'il n'y avait pas un lien avec le chien étant donné la similarité de la blessure et le fait que je n'ai pas retrouvé l'animal.

Oui, elle n'avait pas percuté sur le coup, mais par la suite ces détails l'avaient frappée comme une évidence.

-Je vous passe les détails de la discussion qui a suivi, mais je me suis retrouvée accusée de complicité et on m'a arrêté. C'est là que vous êtes intervenue et avez emmené tout le monde avec vous. Me retrouvant seule, j'ai d'abord attendu, puis j'en ai eu assez et j'ai enlevé les menottes avec ma propre clé, vu qu'on avait oublié de me fouiller. Puis je suis sorti de la prison avec l'intention d'aller tout raconter au commissaire.

Et en y repensant, Sarah s'était rendue compte par la suite que cette décision était assez illogique. Elle aurait du aller trouver son supérieur à la prison, ou carrément s'évader, mais n'en avait rien fait. Preuve s'il en fallait qu'elle avait été ébranlé

-Je n'ai eu aucun mal vu que vous aviez interrompu les gardiens avant qu'ils préviennent tout le monde de ma situation. J'ai conscience que ce n'était pas le réaction la plus logique, mais je pense que j'étais, sans m'en rendre compte, assez perturbée par ce qui c'était passé. Sur le chemin,j'ai reçu un appel de mon supérieur à la prison qui s'étonnait de ne pas me trouver à mon poste. Je ne comprenait pas mais j'ai obéi et je suis revenue. J'ai alors pu constaté que tout le monde avait oublié. J'aurais presque pu le croire aussi, sans cette paire de menottes que j'ai toujours conservée

Elle les sortit brièvement de sa poche, juste le temps de les montrer et termina son récit.

-J'ai eu une poignée de réponses il y a quelques jours d'un garçon que j'ai surprit en pleine guérison accélérée. J'ai compris que se jouait en secret une guerre invisible au gens ordinaires, et dont nous ne somme les victimes qu'involontairement. Et même si j'ignore comment je peux aider, je veux le faire! je suis flic, c'est ma vocation!

Elle se tourna vers son interlocutrice et la regarda fixement. À son tour de parler maintenant!

-Voilà, je vous ai tout dit. Maintenant c'est votre tour...

- Je serais curieuse d'avoir le nom de votre source. Car suivant son identité, peut-être que les informations qu'il vous a déjà données pourraient se révéler erronées. Alors avant de vous répondre, puis-je connaitre son nom aussi?

La jeune femme eu un bref instant d'hésitation en entendant la question. Le jeune homme avait été réglo et elle l'avait même trouvé sympathique, bien que le fait qu'elle l'ait surpris à tenter d'arrêter un kidnappeur y était indéniablement pour quelque chose. Il ne lui avait pas appris grand chose mais avait joué le jeu de bonne grâce plutôt que de s'enfuir, ce dont, Sarah n'en doutait pas, il aurait été parfaitement capable. Il aurait même sans doute pu échapper à son arrestation, même si cela lui aurait sans doute compliqué la vie. Mais il n'en avait rien fait. Elle ne savait pas grand chose sur lui mais ce n'était pas un ennemi.

Pourtant, il était hors de question de renoncer si près du but, alors qu'elle était sur le point de tout savoir, même si ça ne lui plaisait pas. C'est donc d'une voix aussi neutre et dénué de toute émotion que possible qu'elle répondit après un bref silence.

- ...Aoba Murasaki...

Ce fut tout. Elle se garda bien d'ajouter quoi que ce soit qui ne lui aurait pas été demandé. De toute façon, si elle se fiait à ce qu'elle avait vu de l'influence de la femme dans la prison, le nom seul lui serait bien plus que suffisant pour retrouver la trace de "cheveux bleus".

- Si vous voulez vraiment nous aider, oubliez tout cela. C’est le mieux à faire dans votre cas. Vous n'êtes en aucun cas atteinte par toute cette histoire, vous êtes encore libre de mener votre vie alors ne gaspillez pas cette chance...

Sarah ne put réprimer un léger sourire de désapprobation. Laisser passer sa chance de comprendre enfin ce qui l'avait hanté durant des mois? D'enfin avoir toutes les réponses qu'elle cherchait désespérément depuis lors? Quelles était les chances qu'elle refuse? Elle comprenait que son interlocutrice prenne ses précautions, mais elle-même n'avait pas l'intention de reculer si près du but, même si elle avait conscience que sa vie telle qu'elle la connaissait prendrait fin dès que la femme commencerait à parler.

- Une guerre offre toujours un espoir de paix. Nous n'avons même pas cela. Et participer à tout ceci revient simplement à signer son arrêt de mort prématuré. Je suis flic, j'ai la vocation mais ça... C’est au-delà de tout ce que l'on peut imaginer.  Alors avant d'aller plus loin, soyez véritablement certaine de ce que vous voulez. Il n'y aura aucun retour en arrière possible, aucune reconnaissance pour votre travail, pas le moindre avantage à tirer de cette situation. Juste vous... contre le reste du monde.

La jeune policière garda le silence un instant. Elle s'était visiblement mal faite comprendre de son interlocutrice et allait y remédier. Est-ce qu'elle la prenait pour une idiote naïve? Elle ne savait pas grand chose mais ce que cette femme disait, plus ce qu'elle savait déjà, lui suffisait pour comprendre qu'elle se lançait dans une guerre sans merci! Elle se tourna enfin vers son interlocutrice, s’efforçant de rester calme malgré ses paroles, ne serait-ce que par respect pour ses enfants.

- Me prendriez-vous pour une idiote naïve? Pour votre défense, je me suis sans doute mal faite comprendre, alors je vais reformuler. Quand je parle de vocation je ne parle pas de guerre. Parce que oui, contrairement à ce que vous semblez croire, j'ai bien conscience que c'est de ça qu'il s'agit. Je parle de ce qui m'a poussée à devenir policière! Et puis vous parlez de chance, mais quelle chance? Celle de renoncer à mes réponses si près du but? Celle de faire semblant d'ignorer qu'une menace mortelle plane sur l'humanité? Celle d'oublier que j'ai eu l'opportunité de contribuer, à mon niveau, à lutter contre cette menace et que je l'aurait refusée? J'ai bien conscience que ma vie ne sera plus jamais la même et que tout ce qui m'attend ce sont les combats et la mort. Mais maintenant que je sais, je ne peut plus renoncer. C'est ÇA que je ne pourrais pas supporter.

C'était désormais un regard déterminé qui se posait sur l'énigmatique inconnue. Mais avant toute chose il y avait une question que la jeune policière devait poser.

- Mais avant que vous répondiez, il y a une chose que j'aimerais savoir.

Elle marqua une brève pose avant de terminer.

- Votre nom.

- Si vous êtes vraiment flic, le Petit Prince fera parfaitement l'affaire...

La surprise marqua un instant le visage de la jeune policière, juste avant un léger rire. Effectivement, ça faisait parfaitement l'affaire! Si elle n'avait, personnellement, jamais rencontré le petit prince, elle en avait entendu parler comme n'importe quel flic de la ville. Elle était pour le moins célèbre dans les commissariats. Elle n'avait jamais pensé la rencontrer de cette façon mais s'expliquait mieux, du coup, sa facilité à entrer dans la prison; pas besoin d'artifice, sa notoriété seule avait suffit.

- Ah d'accord... je comprends mieux du coup!

- Et j'ai parfaitement compris vos paroles. C'est vous qui refusez d'écouter les miennes. Je ne fais que vous mettre en garde en vous donnant un avis de concerné. Pour le reste, vous serez seul juge et décisionnaire de l'usage que vous en ferez. Si votre but reste de vous joindre à cette guerre, ma foi, je ne vous en empêcherais pas. Je pourrais même vous y aider... Par contre, choisissez bien votre camps. Les alliés d'aujourd'hui deviennent vite les ennemis de demain. A la guerre comme à la guerre.

Une mise en garde... Oui, Elle s'était sans doute un peu énervée. À sa décharge, elle en avait cauchemardé pendant des mois, et maintenant qu'elle commençait à comprendre et qu'elle était si près du but, il serait rageant de renoncer. Mais force était de reconnaitre qu'objectivement, prendre une décision maintenant, à chaud, n'était peut-être pas une très bonne idée. Mieux valait prendre le temps de la réflexion, même si elle n'entendait pas partir sans ses réponses.

Elle prit le temps d'une profonde respiration avant de s'excuser.

- Pardon... vous avez raison, je ne devrais pas m'énerver ainsi contre vous alors que vous avez la gentillesse de me répondre bien que rien ne vous y oblige. Je suis bien consciente que vous pourriez juste m'effacer la mémoire. Et il vaut sans doute mieux que je prenne le temps de la réflexion plutôt que de répondre sous le coup de l'émotion. C'est juste que...

Elle marqua une pause, comme pour chercher la meilleure façon de formuler ses idées.

- ...Vous pourrez toujours m'effacer la mémoire si je change d'avis mais...

Elle se tourna vers la légende vivante qui, forcément, l’impressionnait toujours un peu, avec un air décidé sur le visage

- ...Je veux savoir.

...Je veux savoir.

Oui, elle voulait savoir. Ne serait-ce que pour avoir tous les éléments pour décider quoi faire, quitte à choisir d'oublier par la suite. Elle avait trop cherché la vérité, trop cauchemardé pour renoncer maintenant. Et puis elle avait toujours ce désir d'aider, de se battre pour l'humanité à sa façon, surtout si la situation était aussi grave que le peu d'indices dont elle disposait lui laissait penser.

Et d'un autre coté, il y avait ce danger contre lequel le petit prince tentait la mettre en garde depuis tout à l'heure. Si elle s'engageait la dedans, sa vie changerait à jamais. Il serait sans doute plus difficile et risqué d'avoir une vie sentimentale; sans parler d'enfants! Ne serait il pas plus raisonnable de renoncer? Elle pourrait au moins avoir une vie à peu près normale et il y avait sans doute une façon pour elle d'apporter sa contribution quand même.

- Si manipuler la mémoire des gens était si simple, croyez-vous réellement que nous laisserions autant de traces de notre passage?

Non, sans doute pas. Elle y avait déjà pensé. De toute évidence cette technique, quel que soit son fonctionnement, avait ses limites. Le monde ne commencerait pas à prendre connaissance de l’existence de ce monde si c'était si efficace. Elle même avait commencé à savoir comme ça. Mais ça restait possible. Sur une seule personne c'était faisable, surtout si elle s'y soumettait de son plein gré. Une raison supplémentaire de continuer.

- Si vous voulez vraiment savoir, dans ce cas, voici mon numéro.
Dans trois jours, envoyez-moi un message avec votre identité et la citation inscrite au dos de la carte. Si je ne reçois rien, je considèrerais que vous abandonnez vos recherches à ce sujet. Sinon, je vous donnerais rendez-vous en un lieu plus approprié à ce genre de discussion.

Elle lui tendit une carte que la jeune policière saisit sans rien dire. Celle de son agence visiblement. Sarah eu un léger sourire à la lecture de la petite phrase tiré de l’œuvre de Saint-Exupéry. Le parallèle avec son surnom était amusant, même si elle se garda bien de faire la moindre remarque. Elle ne put s'empêcher d'y trouver également une pointe d'ironie étant donné les évènements actuels!

- Et si j'ai un conseil à vous donner, rester discrète au sujet de tout ceci. Car aujourd'hui, simplement du fait d'être consciente de cette autre guerre, vous êtes déjà une proie pour certains...

Cet avertissement laissa la jeune femme pensive. Une proie? Elle savait déjà la situation dangereuse mais cette simple mise en garde la révélait plus compliqué qu'une simple guerre contre un ennemi invisible. Ou bien était-ce l'ennemi en question le danger? Oui, il était décidément nécessaire de bien y réfléchir avant de répondre et 3 jours ne seraient pas de trop.

- Prenez le temps de bien réfléchir. Vous avez 3 jours.
Passez une bonne fin de journée et peut-être à bientôt.
-Okaasan !!!

Le cri de la fillette détourna l'attention de la jeune policière qui ne put retenir un sourire en s'adressant à la détective. Pas question de la déranger d'avantage, surtout avec la façon dont elle l'avait abordée. Elle se leva, prête à partir.

-Oui, vous aussi, je vous laisse.

La jeune femme rentra aussitôt chez elle pour réfléchir. Sa première envie fut d'ouvrir un livre, mais son esprit était bien trop occupé pour ça. elle se contenta de s'allonger sur son lit, les yeux rivés sur un plafond qu'elle ne voyait pas, plongée dans ses pensées. tout bien réfléchit, la décision s'avérait plus difficile à prendre qu'elle ne l'avait pensé. Elle passa le reste de le soirée à peser le pour et le contre et fini par s'endormir sans s'en rendre compte.

Et la nuit lui porta conseil. Elle rêva de monde ravagé et d'ennemis invisibles. La nuit ne fut pas plus paisible que le réveil qui suivit, mais elle lui avait permit de se décider. Si elle prit le temps, durant le reste des trois jours, de bien réfléchir ainsi que la détective le lui avait conseillé, elle ne changea pas d'avis. Le délai écoulé, elle prit son téléphone et la carte et laissa un message avec les termes convenus.

Je m’appelle Sarah Star. Et si l'essentiel est invisible pour les yeux. j'utiliserai mon cœur pour m'éclairer