Commissariat:

Pouf, les fesses sur le canapé, et une serviette sur les cheveux. Regardant le ciel depuis son appartement de luxe, elle constata que la pluie était bien enragée aujourd'hui. Quelle plaie de finir pile à l'heure où elle avait commencé à tomber. Résultat, elle était trempée jusqu'aux os. Heureusement qu'elle avait la meilleure des gouvernantes pour l'aider à se sécher correctement, lui apportant des serviettes et des vêtements propres.
Une fois avec ces vêtements sur elle, elle se remit sur le canapé, décidant juste de se détendre les nerfs un peu. Fermant les yeux, elle se concentra uniquement sur le bruit des gouttes de pluie qui frappaient violemment contre les vitres. Hormis ça, c'était le silence complet. Sa gouvernante qui était sensée faire le ménage à l'autre bout de l'appartement ne fit aucun bruit. Faut dire, si quelqu'un arrivait à entendre les frottements d'un bout de chiffon sur un meuble au fin fond d'une pièce depuis là où était Alice, et bien il était très fort – ou alors avait juste un super pouvoir.

Elle passa lentement sa main sur le visage. Elle avait beau être contractante, avoir une bonne endurance de vie, ne pas avoir besoin de dormir, elle sentit quand même un peu de fatigue après une bonne journée de travail chargée. La différence entre le siège de bureau et de son canapé était flagrante. Bizarrement, la pression sur les épaules n'étaient pas la même.

La sonnerie du téléphone cassa alors toute l'harmonie qui avait finalement réussi à s'installer dans ses pensées. Un sursaut l'accompagna au moment où la première sonnerie retentit dans la pièce, et un soupir suivit. Pitié, pas le boulot. Elle avait assez donné aujourd'hui.
La jeune femme se leva du canapé pour aller répondre au téléphone.

Un inspecteur de commissariat ? C'était assez étrange de recevoir un coup de fil de ce bonhomme, surtout à une heure aussi tardive de la journée. C'était alors qu'il lui parlait d'un jeunot qui avait besoin d'aide, d'un toit pour cette nuit.

- J'arrive, disait-elle sans vraiment réfléchir.

C'était probablement le moyen le plus efficace pour voir ce qui se cachait derrière tout ça. Elle raccrocha rapidement une fois avoir terminé, et se dirigea vers l'entrée pour enfiler un manteau, écharpe, le tout suffisant pour sortir affronter la tempête.

- Franchement, y a "marqué auberge de jeunesse" sur ma tête ?

Bien sûr, le nom d'Edward ne lui revenait pas en mémoire à ce moment-là. Elle rêvait plus d'un bon chocolat chaud devant un film hollywoodien plutôt que d'aller repêcher un ado' au commissariat qu'elle devait à peine connaître. Maybe un gosse d'un client, ou de riche. Dans le doute, elle préféra aller voir. Ça ne lui coûtait rien.

Arrivée devant le fameux jeune homme, elle le reconnut de suite. Le physique parlait plus que le nom apparemment. Elle l'avait vu il n'y avait pas si longtemps que cela. Mh. Est-ce qu'elle accepterait vraiment de l'héberger chez elle ? Après tout, un voleur sans papier et puant était déjà venu chez elle avant lui. Dire, qu'elle venait fraîchement d'insulter son copain dans ses pensées. Haha. En même temps, c'était ce qu'il était avant. Il s'était bien amélioré le bougre. Aussi, elle avait décidé d'aider John parce qu'il était Nephil. C'était une tout autre histoire. Bref, voyons ce qu'ils allaient lui raconter pour essayer de la convaincre.

La jeune femme accepta volontiers la tasse que lui offrait le flic en guise de bienvenue et surtout pour s'excuser de l'avoir appelé aussi tard. Au moins, par précaution, il lui avait mis du chocolat chaud dedans. Pourquoi pas. Il avait bien fait, Alice n'était pas fan du café. Ou alors, elle se forçait à en boire pour garder les yeux ouvert, quand elle n'était pas contractante.
Elle entra alors dans la pièce où se trouvait Edward, et ce dernier fut capable d'énoncer son nom de famille. Tout n'était pas perdu. Après ce qu'avait raconté l'autre gros guignol, pas étonnant qu'il soit sous cet état de choc. Franchement, elle avait beau être l'une des pires races de la haute société, elle n'allait pas à ce point-là dénigrer un nouvel orphelin. Ressentant le manque d'affection de sa mère parce qu'elle habitait trop loin, et celui de son père parce qu'il était toujours plus préoccupé par son travail que par sa propre fille. Autrement dit, elle ne pouvait que s'imaginer cette douleur en pire pour tenter de compatir avec Edward. Elle ne pourra jamais comprendre exactement ce qu'il ressentait, juste légèrement.

- Il ne fait pas partie du show-biz. J'avais juste besoin de quelqu'un comme lui pour un accord non-officiel. Je vais m'occuper de lui.

Elle fit signe à l'autre trouduc de s'en aller avant de s'installer sur la chaise en face de l'adolescent.

- Alors comme ça, on aime tellement mon visage qu'on se met à parler ?

Elle accompagna sa pointe d'humour pour détendre l'atmosphère avec un léger sourire chaleureux. C'était assez bizarre pour elle d'agir comme ça. Mais avoir quelqu'un qu'on aime, avoir beaucoup plus de responsabilités lui avait fait ouvrir son cœur petit peu par petit peu. Merci John.

- Tu veux peut-être discuter un peu ? J'ai fait le chemin depuis le quartier nord, tu sais.

En fait, ce qu'elle avait envie d'entendre, c'était si ses parents avaient vraiment des raisons d'en arriver là. Un double suicide, d'un couple, en laissant leur gamin derrière eux, il y avait peu de chance que ce ne soit pas l'œuvre d'une ombre ou même plusieurs. Il suffisait juste de lui donner quelques indices pour qu'elle puisse facilement deviner que leurs morts n'étaient pas naturellement. Peut-être qu'elle pouvait même amener ce jeunot à se venger en l'invitant dans la team des rouges. Il sera forcément un bon Nephil, s'il avait la rage de venger ses parents, de ces êtres noirs horribles. Au moins, il sera un bon Traqueur d'ombre, dans le meilleur des cas. Ça valait le coup d'essayer.

Il pouvait aussi oublier toute politesse liée au vouvoiement, elle ne lui en voudrait pas s'il ne pensait pas à lui montrer un tel respect. Disons, qu'elle n'était pas ici en tant que patronne ou en tant que la future directrice des Nightrays.

Tout en l'écoutant parler, et laissant planer un léger silence de plusieurs secondes, elle en profita pour boire un petit peu dans la tasse généreusement offerte. Alice se mit alors à fixer le jeune homme, le regardant droit dans les yeux. Elle était là pour lui montrer qu'elle était prête à l'écouter, à lui parler et à lui offrir de son temps. Mais bon, ça c'était uniquement parce qu'elle trouvait la situation intéressante, qui pourrait l'amener vers un nouvel allié. Son attitude pouvait effectivement apparaître assez étrange puisqu'elle avait l'air un peu trop gentille.

- Les choses arrivent trop vite, n'est-ce pas ?

Et elle savait de quoi elle parlait. Elle non plus n'avait pas vu la mort de John arriver, et cela avait assez mal fini. La jeune femme ne remercierait jamais assez les personnes l'ayant aidé à remonter la pente. Rekor, c'est pour toi.

- Du jour au lendemain, j'avais aussi perdu la personne avec qui j'étais. Je sais ce que ça fait.

Les deux n'étaient pas vraiment comparables. Perdre ses parents, et perdre son amour était deux choses différentes même si la souffrance se révélait assez similaire, causé par la perte d'une personne proche.

- Quand tu dis que ça n'a pas de sens… Tes parents allaient bien et n'avaient pas de problème ?

En fonction de la réponse, elle pourra probablement déterminer s'il y avait des répercussions de bestioles noires dans cette histoire. Et pour la première de sa vie probablement, elle priait intérieurement pour que cela soit le cas. Déjà, parce que ça serait « moins triste » pour lui et qu'il pourrait se venger, et ensuite, pour qu'elle puisse mieux introduire Edward dans ce monde de tuerie. Dis comme ça, Alice pouvait presque apparaître comme le petit diable qui allait emmener ce jeune en enfer.

Il n'y avait pas vraiment à être désolé puisque maintenant, cette fameuse personne a été ressuscité par l'intermédiaire de sa sœur. Sœur qu'elle devrait normalement remercier et chérir pour avoir ramené son copain à la vie. La jeune femme écoutait attentivement le jeune homme, chaque mot qu'il prononçait était analysé. Et à la fin, il posa une question assez triste. Peut-être qu'il était normal de douter de l'amour de ses parents quand on avait un problème, mais c'était toujours assez désolant de voir ça. Même si dans le monde, il y avait des enfants indésirés, c'était assez rare selon elle. Car même si certains parents ne montraient pas leur amour, ils les aimaient.

L'héritière tendit un peu le bras pour attraper la main d'Edward. Elle tentait le contact physique pour pouvoir renforcer le sens de ses mots, pour le réconforter un peu mieux.

- Tu sais, je ne pense pas que ça soit à cause de ça. Je suis sûre que tes parents t'aimaient beaucoup et étaient heureux d'avoir un fils comme toi. Tu n'as pas l'air d'être méchant et loin d'être un rebelle en pleine crise.

Quoiqu'avoir un gosse en plein âge de rébellion ne poussait pas jusqu'au suicide non plus.

- S'ils te portaient tant d'attention que ça, c'est qu'ils tenaient à toi. Je suis loin d'être mère, mais si j'avais un enfant malade, je ne pourrais pas le détester pour ça. Je le chérirai et lui montrerais que la vie est belle, même cloîtré dans un fauteuil roulant avec la pire des maladies. Je n'irai pas me tirer une balle pour avoir donné naissance à un malade.

Alors là, elle s'impressionnait elle-même. Jamais elle n'aurait pu tenir ce genre de discours avant, et c'était peut-être même la première fois. À croire qu'elle finissait par devenir mature et responsable. À 22 ans, il serait temps. Elle lâcha alors doucement la main d'Edward, ayant fini sa réplique pour tenter de prouver à ce jeune homme qu'il n'avait pas à s'en faire sur ça, que ses parents ne s'étaient pas suicidés par sa faute.

Alice ne savait pas vraiment quoi lui répondre. Pourquoi ? Elle n'en était pas sûre et elle était loin d'être détective privée ou psychologue. Elle, elle était spécialiste de l'argent. La jeune femme avait bien sa petite idée, mais elle ne pouvait pas y aller maintenant, sûrement dans quelques jours en fait. Elle avait besoin que les choses se tassent, et que surtout, personne ne soit à proximité de la zone de suicide. Là, il devait y avoir peut-être quelques flics. C'était trop récent pour qu'elle puisse agir sans son nom de Nightray.

- Je m'arrangerai pour te trouver une réponse.

Elle ne savait pas vraiment encore comment lui demander de l'amener jusqu'à là-bas. Après tout, qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire de voir son ancienne maison ? En soit, elle n'avait aucune intérêt à faire ça du point de vue d'Edward. Et pourtant, elle devait bien amener le sujet, et de la façon la moins bizarre possible. Elle avait plusieurs jours pour ça.

- D'accord. Tu vas rester chez moi quelques jours. Va falloir que j'en touche deux mots à ma gouvernante.

La jeune femme se leva de sa chaise, terminant par la même occasion son chocolat chaud. Elle déposa alors la tasse sur la table juste à côté et s'approcha légèrement du jeune homme. Elle lui indiqua alors l'heure de partir avec une petite tape dans le dos et un petit sourire.
Sur le chemin, elle allait bien sûr devoir passer un petit coup de fil à Cassandra, sa gouvernante, pour qu'elle puisse préparer une chambre pour le garçon. Elle avait bien le temps de faire ça, vu l'horrible météo, ils allaient mettre un peu plus de temps pour rentrer.