Hopital:

James Cronin est sur ses jours de congés d'après ce que j'ai pu chopper de ses horaires. Et aucun autre contractant ne semble squatter l’hôpital. Pourtant, ct'un terrain de chasse prolifique. Avec son lot de dépressifs majeurs. Que ce qoit du coté des patients ou du personnel. Alors j'en profite pour faire le ménage avant que l'autre Seraph n'ait le bon gout d'envoyer l'énergie à Kyu. Ca en fera toujours assez pour nous.

Je prends la dernière gorgée d'un café en face de l’hôpital. Ma main cherche quelques pièces en pourboire avant de se souvenir que je suis trop à sec pour offrir davantage. Un soupire s’échappe de mes lèvres; Je m’apprête à partir. Le temps d’émerger de ce brouillard étrange dans lequel je suis plongée depuis plusieurs jours. J'ai probablement besoin d'un peu de combat. Ça va fixer mes pensées sur quelque chose qui parait bien plus réel que de simple angoisses diffuses.
Je me lève pour partir en direction du parking blindé. Je fais le tours pour chopper le local à poubelle désert. Personne à l'horizon. D'un effort mental, j'englobe le bâtiment d'une barrière verdâtre opaque. D'une simple pensées, ma silhouette discrète s'efface de cette réalité.

Me voilà, je défonce la porte à coup de guitaxe. Le couloir désert m'offre une vue sur la pharmacie et les locaux du personnel : Cantine, vestiaire, truc à la con pour les badge. Hum... Je remonte. Traverse un complexe de radiologie désert avant de remonter à l'étage.
Aux urgence, une petite ombre m'agresse la première. Quelques échanges suivent. Une danse d'acier et de griffes s'entame. Le ballet s'enchaine sur une même respiration. Ma partenaire de danse fait un faux pas, un second même. L'acier vole, perfore sa carcasse de ténèbres une première fois. Une deuxième. Très vite, elle tombe et se dissous bientôt dans l'air. Mes pas fouillent l'accueil, avant d'aller du coté du service administratif. Hum... Rien. Je suis déçu. Aurait on fait le ménage avant moi ?

Comme pour répondre à ma question, des taches d'encre mouvantes m'attendent au détour d'une porte. Leur yeux imbécile me fixent sans une once de réflexion. Je m'accorde un sourire ravi.

Et maintenant, quoi ? J’ai envie d’arracher ces perfusions, de jeter cette couverture et de m’enfuir à toute enjambée. Vers où ? Je sais pas. L’ancien QG, le nouveau, quelque part. Loin de cette chambre, de ce souvenir rémanent de mon échec en tant que Protecteur qu’est ce blanc aseptisé.
Ça ce serait idéal, hein ? Que tout soit aussi simple ; qu’après des balles de sniper, je puisse me relever comme si de rien n’était et rentrer chez moi les bras dandinants ? Sauf que non, ça c’est fantasmé. La vérité c’est que je suis une merde. Bibi est mort, Aeson probablement tout autant – et sans oublier tous les Seraphs que ces putains de connards ont massacrés.  
Beau tableau de chasse pour celui qui prétend être l’exemple des Protecteurs : un superbe zéro pointé, à en faire pâlir de jalousie l’organe de trahison du plus pourri des Solitaires.

Je vois déjà les gros titres. Howard Evans, Contractant, arrogant, et raté. Pire, légume. Parce que je peux faire quoi de ce lit, bordel ? Mes deux bras refusent de bouger, ma face est presque paralysée ; et je crois que j’ai perdu la commande de mes jambes. Qu’est-ce que je suis ridicule. Je sais même pas pourquoi j’ai survécu à ça, pourquoi Cissnei m’a pas achevé quand elle est venue m’annoncer la chute de tout ce qu’on avait créé.
En fait, c’est tout aussi bien qu’elle m’ait laissé là. Si je rentre, qui peut deviner quelle autre connerie je serais capable de faire ? Bientôt je vais tuer un nouveau en l’entraînant, c’est ça ?

J’aimerais rire jaune, mais je sais pas comment faire. J’arrive rien à diriger, juste mes pensées, et encore. Ouais, je peux lever mes paupières et lutter pour que mes lèvres se mouvent un peu ; voilà tout. Je ne sers à rien.

Alors, je rate de m’étouffer. Quelqu’un vient de déployer un Kekkai autour de moi,  de m’y enfermer. Ami, ennemi ? Va savoir. C’est pas comme si je pouvais me défendre, de toute façon. Je lève les yeux au plafond, et découvre une forme sombre qui le transperce, se déplace tout bonnement. L’Ombre continue sa route, atteint le sol, puis enfin se retourne. T’as compris que je pouvais te voir, hein ? Et donc, on va se battre ?
Allez viens, je t’attends. Au bout de ma main dont seuls les doigts obéissent, se courbent quelques   fils de réalité pure et en résulte une nouvelle forme ; une dont les humains n’ont pas le secret.

Sauf que je ne peux pas me battre. Je tiens mon arme, mais j’ai même pas la force de presser la gâchette, et encore moins de viser. Dans un effort épuisant je soupire, et attends. Bute-moi, monstre. J’ai quoi à faire d’autre, de toute façon ? Je ne guérirai pas. Pas à temps, pas quand on aura besoin de moi. Et puis, qui voudrait d’une merde ?

[Ombre de niveau 7]

Un simple échange d'une poignée de seconde et je déchante en voyant la mort de la créature arriver si vite. Juste le temps d'une respiration. Pas de challenge, a peine ce qu'il faut d'adrénaline. Tss

Je remonte en vitesse commence à entamer le premier étage. J'ouvre les portes méthodiquement jusqu'à tomber sur des chambres qui ne sont pas vides. La pèche est relativement bonne. Même si les prises sont aussi minimes que la premiere créature. Mais je me satisfais tout de même de les buter en nombre. C'est des tumeur de l'humanité en moins. Ces bestioles cancéreuses meurent une a une sous mon arme.
Je me satisfais de ces prises. Le temps passé dans l’hôpital se dilate au point que je ne sais pas réellement depuis combien de temps je squatte. Peut être une heure qui sait ? Mais cette pensée disparait. Et au détour de l'oncologie quelques monstres plus gros trainent sur les lieux. Mais toujours faibles. Preuve s'il en est que l’hôpital est encore régulièrement nettoyé par James machin. Il doit avoir survécu a l'attaque. Hmm..
Et lui ? Serait il difficile à tuer ?
Ça se tente.

Je suis au troisième étage quand une porte de plus s'ouvre. Laissant place a une chambre pas particulièrement inhabité. Une immense silhouette noirâtre se dessine au milieu de la place. Dos à moi. Je n'hésite pas. Même si elle est de plus gros gabarit que n'importe quelle bestiole que j'ai croisé dans le genre. La créature se tourne partiellement vers moi en m'entendant entrer. Trop tard. Je lui arrache quand même une bonne partie de son bras. Mais ce n'est pas assez pour elle...

J'admets. Je déchante. Le combat dur bien plus d'une respiration. L'enchainement s’appesantit sur des parades et des esquives. Des serrages de dents et des légers éclats carmins ponctuent nos cordialités. A chaque échange, ma hache contre attaque férocement chaque blessure, comme une injure a l’intégrité de mon corps que je lui fait payer. Plusieurs fois, l'acier mange la chair noirâtre de la bête sans jamais être létal.
Les muscles d'encre de la créature se redessinent, elle se régen doucement et son second bras est bientot disponible. En lieu restreint, je donne pas cher de ma peau si l'autre manchote arrive a se remettre de sa blessure. C'est le seul garant de mon état de grâce.

Alors je sers les dents. Revient à la charge. Mon arme dessine un arc de cercle qui passe sous sa griffe, creuse brutalement l’abdomen. Un rugissement bestial répond à ma frappe. Alors je m'approche. Saisissant Melusine comme une lance. Mes pas prennent appuie sur le sol comme jamais pour perforer lson corps. La hache s'enfonce paresseusement dans le tronc, remonte, plus profondément que n'importe quel coup. Je sens sa griffe restante se figer dans mes reins. Puis plusieurs longues entailles caressent les abords de ma colonne vertébrale
Apres quelques secondes d'incertitude, la pointe de mon arme se fige dans le cœur de mon adversaire. Les griffes qui ravagent mon dos s'estompent avant de creer davantage de dommage et la masse noire se dissous dans l'air ambiant.

Je soupire d'aise après ce combat. Moi qui voulait du défie. Mais quelque chose m’empêche de savourer mon petit exploit de la journée. mon regard se pose sur un type étrangement familier. Avec un flingue.

" Yo"

[Pèche de Luna : 6 Ombre Niveau 1, 3 Niveau 2 + L'ombre de Howard ]

Si mes orbites pouvaient faire des rotations complètes, je les ferais tourner jusqu’à ce qu’elles prennent feu. Je m’en fous qu’elle se batte bien, que son arme soit assez tranchante pour me couper net en deux ou bien qu’elle soit assidu à sa tâche de Nephil ; bordel, qu’est-ce que fous Luna, ici ? Elle est venu terminer le boulot, pour prouver à sa gentille Élue qu’elle est d’une fidélité à toute épreuve ? Oh, ouais, merveilleux. Alors va y, fais ton taf, comme ça ma mère aura servi à quelque chose, au moins.

Elle me salut. Et je reste muet. Par choix, peut-être ; par contrainte, sûrement. Je force sur ma gorge pour qu’un soupire rauque s’échappe, mais rien d’autre. Je suis incapable de parler, de former la moindre addition de syllabes – alors, impolitesse ou volonté, j’en ai rien à foutre.
Et elle non plus, je me doute. Elle  parle par principe, mais quand elle va réaliser que je suis incapable de refiler la moindre information, elle va tourner court au sang.

De toute façon, je peux lui servir à quoi ? Je sais rien des survivants, que dalle sur l’emplacement du futur QG ; et puis, bordel, elle est peut-être en train d’achever les derniers survivants. Alors c’est comme ça, on a perdu la guerre, définitivement ?
Non, je refuse de croire à cette idée. Kyu ne nous a pas abandonné, pas encore.

Oh, et puis merde, je sais foutrement rien de rien. Parle, déblatère, raconte moi ce que tu veux. De toute façon, je suis emprisonné dans ce corps rongé par les balles du connard sur le toit. Il a voulu m’abattre comme un chien, et m’a traité comme tel ; alors, je ferai de même. Je te retrouverai, enfoiré. Et je te buterai.
Si je survis à cette discussion. Ce qui est hautement improbable.

Je penche un instant ma bouche de travers en le voyant réagir à ma salutation. Faut dire. Je m'attendais a tout, sauf a ca. Je parcours son corps maltraité avec une grimace douloureuse.

- Mais bordel. Qu'est ce que tu fous là ?

Je crois que sur les maigres probabilité que l'ont puisse invoquer. Y'a vraiment aucune chance de croiser un contractant a l’hôpital du coté patient. Les contractants sont soit en bonne santé. Soit mort. Y'a rarement des entre deux. Et parmi ces maigres chances de chopper un type contractant, il y en a encore moins qui s'accorde que ce dernier soit un ex petit ami seraph.
Alors oui. Je suis étonnée. Mais très vite. Le naturel revient au galop pour m'épauler. Histoire que je flotte pas dans une mélasse mentale.

- Hum... Je t'avais pas dis quand on était ensemble que si jamais tu me posais un lapin tu le regretterais ?

La touche d'humour est pas particulièrement bienvenue j'pense. Mais je m'en fiche cordialement. J'ai bien compris qu'il pouvait pas faire grand chose. Si ce n'est que d'émettre un râle qui était désagréable a l'ouie. Alors je change de coté pour être opposé a sa main qui tient son arme d'âme. Je doute vraiment qu'il puisse s'en servir au vu de son état. Mais je ne suis jamais trop prudente.
Je prends une chaise, m'assied a coté de lui. C'est drôle. J'ai l'impression de lui faire le visite

- Fin' c'triste pour toi. Obligé de m'écouter déblatérer pendant des heures comme un prof de fac psychotique. J'suis sûr que ca s'apparente à de la torture. Nan ?

Je bloque un simple instant en phasant. Mon regard se redresse sur le visage de Howard avant de simplement ajouter d'un ton presque agréable.

- Et je t'interdit d'approuver c'que je viens de te dire ! Même dans ta tête. OK ?

Sous les coups de sa voix, je ferme les yeux. Peut-être pour tenter vainement de me réveiller, ou bien pour m’évader dans un rêve, va savoir. Et pourtant, j’aime bien l’écouter, l’entendre ; mais pas aujourd’hui. J’aimerais juste être seul, ou bien qu’elle s’arrange que ce soit elle qui lui soit.
Pas qu’elle me rappelle que ce jour-là, quand je lui ai posé son lapin, je me suis vautré comme une merde dans ma mission. Qu’à cause de ça je suis tétraplégique, incapable de pointer la moindre arme dans sa direction – condamné à subir les assauts répétés de ses phrases bien pensantes.
Alors je rouvre les yeux, et hausse un sourcil à son trait d’humour.

« - Connard. »

Virant à l’encontre de mes pensées, j’ai envie de sourire. Une chance que j’en sois incapable, j’imagine ; mais toujours est-il que j’arrive pas à me faire à cette idée. Celle que je dois la haïr, entièrement, totalement. Elle est ici en tant que Nephil, qu’ennemie, mais je vois autre chose derrière. Que je ne devrais plus apercevoir depuis des semaines, que je m’entête pourtant à préserver.
Qu’est-ce que je suis con.

J’aimerais faire quelque chose. Quoi que ce soit, mais participer à cet échange – ne pas me contenter de prêter l’oreille, et de déplacer aléatoirement mes pupilles d’un bout à l’autre de leur orbite. Parler, bouger. Me battre s’il le faut, tant est qu’elle soit vraiment venue m’assassiner.
Parce que ça aussi, je commence à en douter. Elle ne savait pas. Et n’a encore rien fait. Je la suis du regard, la toise, n’arrive pas à m’en détacher. Va y, continue à parler, je veux savoir la suite. Pourquoi faire ? Encore et toujours, je n’en sais rien. Juste une envie, ou une ultime demande.
Un truc de cette trempe, ou un reliquat bien plus inquiétant. Oh, fait chier.

Un haussement de sourcil. Seul acte de défiance qui atteint encore mon petit kokoro. Alors oui. L'injure s'échappe de mes lèvres avec un naturel presque effrayant. Mais ca me fait rire. C'est rassurant que l'on a réussit a conserver un brin d'humour. Malgré les situations dramatiques qu'on a traversé ces derniers temps. Je sais pas dans quel état il est. Mais j'admets que de mon côté. C'est devenu vital de rire.
D'une pensée, Mélusine disparait. Et je me leve, pour squatter le miroir de la salle de bain, constate les blessures de mon dos avec résignation

- Dommage, j'aimais bien c'tee-shirt.

Bon. Ca fait aussi mal. Même si au final. La douleur ca reste de plus en plus abstrait. Une gêne. Même si c'est vrai que c'est aussi vachement désagréable l'impression qu'une ombre a joué du xylophone sur mes côtes. M'enfin. Je prends une longue inspiration avant de simplement saisir le sujet sensible que j'essaie d'éviter le plus possible. Simplement parce que je ne sais pas trop par quel bout le prendre. J'ai pas vraiment assisté au rapport de mission. J'ai juste entendu de John qui l'a entendu d'Alice qu'Howard était sur les lieux pendant le kidnapping d'Adonis. Il a donc été préservé de... De ca.
Je doute qu'il soit au courant des détails.

- Tu es au courant de l'attaque de votre QG ?

Je reste dans la salle de bains. Hors de sa vue. A constater les dégâts et le sang qui s’échappe de cette plaie pas particulièrement superficielle. Je réapparait dans son champ de vision pour noter sa réaction. Face a son incapacité a parler, je continue de déblatérer pour combler le silence. Il est assourdissant.

- J'ai repensé à ce qu'il s'est passé la veille. Au Pianos's Corner. Et je me suis dis qu'on devrait arriver a se haïr cordialement au lieu de rester dans cette ambiguïté confortable. C'est moins compliqué a gérer.

Passons la dernière phrase qui sonne totalement comme un sarcasme. Je m'adosse au mur face a lui. Laissant une trace carmin sur le mur.

- Je suis devenue une Tueuse Howard. Et contrairement a ce que tu penses. Il n'y a pas de dissociation a faire entre la Luna Nephil et de Luna Humaine. Tout comme je te considère pas qu'il y a une partie de toi humain et une autre contractant. Il y a juste un légume bg

J'ai un instant de bug avant de constater d'une voix a demie riante :

-Merde. J'parle de moi a la troisième personne. J'suis devenue Donald Trump

Bordel. S’il y a un truc que j’arrive pas à cibler chez toi Luna, c’est si je dois te haïr et dégueuler à tes vannes et autres remarques, ou sourire à la candeur de notre échange. Tu parles du massacre des mes frères, puis me fais un compliment avant de vanter tes exploits sanguinaires. Vraiment ? Tu ne peux pas non plus enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie, me faire figurer que la femme que j’ai aimée a probablement tué une partie des gens auxquels je tenais ne suffisait pas ? Il fallait que tu le confirmes, hein ?

Oui, je veux rompre. Plus proprement, plus définitivement. J’en sais foutrement rien d’où je suis dans mes sentiments, mais je ne peux pas durer. Il y a une semaine on dansait, et je voulais t’embrasser ; et le lendemain, tu t’es baignée dans le sang des miens. Tandis que moi, je me noyais dans le mien. Et pourtant, tu as tenté de m’éloigner de ça, parce que tu savais.
Putain, tu pourrais pas être plus simple, non ?

En fait. Tu sais ce que j’aimerais faire ? Me lever, et répondre. Aucune idée de quoi, mais quelque chose ; simplement, montrer que mon existence ne se limite à celle d’un pot de fleurs. Pas par politesse, ni par respect envers toi. Juste, parce que j’ai envie de tout te dire. Ce que je pense de toi, ce que je ne pense pas, tout.
Est-ce que je t’aime encore ? Peut-être. Est-ce que ça une quelconque importance ? Non. C’est toi qui le dis, c’est toi qui a raison – tu es Nephil, je suis Seraph. Rien d’autre ne compte. Sinon, ce serait vouer à notre destruction mutuelle.
Et crois-moi, là dedans, tu as déjà pris un train d’avance. Alors, par souci d’équité, autant arrêter les frais là.

Toi et moi, c’est fini. Et c’est moi qui l’ai décidé, nah.

Il a pas l'air de réagir a l'évocation de l'attaque. Il doit être au courant. Est ce qu'il me déteste ? Peut être. Je me fais pas d'illusion quant a ce qu'il pense de moi. Ou plutôt j'espère qu'elles ne soit pas trop fausses.
J'espère vraiment qu'il me hais pour deux. Parce que si tout ça ne tenait qu'a moi... Je ne sais vraiment pas ce que je ferais.


- Je suis désolée.

Pour une fois. Les paroles sont froides. Mes yeux sont secs. Mais le remords est là. Presque insidieux dans chaque syllabes que je prononce.

- Si j'avais eu le moindre espoir d'un avenir à deux. J'aurais peut être... Je...

Je soupire ça ne menait à rien ce que je dis. Mais je dois avouer que je n'ai pas d'autre interlocuteur. Je crois que je ne me suis jamais emmurée à ce point dans le silence. Alors je parle. Quand bien même c'est égoïste. C'est narcissique. C'est dangereux. Je m'en fiche. J'en ai besoin. Comme certains ont besoin de respirer. C'est un réflexe incontrôlable pour continuer de vivre.
Le silence semble assourdissant. Alors je prends une grande respiration pour ordonner mes paroles.

- Au plus bas. J'ai envisagé le plus sérieusement du monde de me faire arranger la mémoire par un contractant. C'aurait été lâche.  De renoncer aussi facilement aux bon moments et aux coups durs. De faire taire tous les "Et si..." qui hantent encore le crâne.

Je reste interdite. Me remémorant de ce que j'ai découvert avec Russel. Le formidable moteur morbide qui rumine encore dans mon cerveau

- Tu sais ce qui m'a poussé a tout détruire sur un coup de tête cette semaine là ?

Je tais difficilement une émotion trop forte pour être exprimée a l'oral. Une émotion entre la peur et le dégout. Un truc viscéral greffé a mon corps. Quelque chose qui ne part pas. Un genre de mur porteur mental. Un parasite de ma psyché. Qui ne meurt pas même après plusieurs mois enterré au fond de mon cerveau. Ca continue de me travailler au point de teinter chaque instants de silence d'une couleur assourdissante.

- Quand j'ai compris que Terry était seraph. J'ai eu peur que nous... Que tout cela ne soit qu'un mensonge. Alors... J'ai... préféré finir bourreau. Par prudence

Je soupire.

- Je regrette. Tellement. Je n'ai eu besoin que d'une parole de mon élue pour emballer la machine et me changer en bonne petite soldate Nephil. J'ai fait des conneries. Des immenses conneries.

Mon ton s'éteint. Un soupire vient s'écraser comme une vague sur la parois des murs. Un sourire triste borde mes lèvres

- Mais, maintenant que c'est passé et gravé dans le marbre. J'imagine bien que je suis obligée de jouer mon rôle jusqu'au bout. Hein ?

C’est ridicule. C’est insensé. Et pourtant, ça croule sous la logique. De but en blanc, je comprends Luna ; même, je ne vois pas sous quel astre je pourrais jurer que mon comportement aurait différer sans blasphème. Alors, encore et toujours, c’est le bât blesse : je ne peux pas pardonner, seulement entendre et admettre la justesse du raisonnement.
Je sais qu’elle a rencontré un connard. Un vrai de vrai, le genre à la faire cauchemarder, à lui avoir pourri une partie de ses souvenirs, à l’avoir marqué au feu blanc ; et cet enfoiré, c’est Terry. Et puis, un jour, elle a découvert qu’il était Seraph, donc ?
Sa réaction est logique. Avant, elle ne connaissait des miens que l’homme qu’elle aimait – et puis, soudainement, elle a réalisé qu’il y avait aussi des déchets parmi nous. Et aussi patriote que je sois, je ne peux pas me porter garant des conneries de tous mes camarades. Si elle dit qu’il a fait ça, je la croirais.

Tout ça, mon cerveau l’a assimilé. Toujours est-il qu’il se refuse à pardonner. Sa haine est justifiée, mais elle a tuer mes propres frères, sans détailler entre les monstres et ceux qui méritaient simplement le meilleur. Et à ce titre, et à rien d’autre, je dois la détester. Traîner son nom dans la boue, le piétiner, le massacrer.
Sauf qu’au mieux, je ressens une bribe de colère. Comme si une force muette et absurde venait balayer mes griefs, peut-être moins efficacement qu’il y a encore un mois.

Dans mon œil, une once de compassion naît. Un instant, un simple instant, je laisse transparaître la peine que j’ai pour elle. Que ce monde l’ait bouffée, soit en train d’arracher l’humanité qui était si précieuse chez elle.
Peut-être en est-ce mieux ainsi, tout compte fait. Les lois de notre monde voulait qu’on s’oppose, et à la seconde où elle quittera cette pièce, nous ne serons plus jamais de gentils batifoleurs trop embrigadés dans leur romance.
Encore faut-il que je sois encore là pour la voir sortir, évidemment.

Je sais pas comment qualifier sa réaction. Bardé de pleins de machines calculant des données de son cœur, sa tension, l’oxymétrie de son sang. Je n'arrive pas a capter ce qu'il semble vouloir exprimer. Mais au fond. Je m'en fiche probablement. J'ai pas vraiment besoin de compassion. A défaut d'une écoute attentive ou bienveillante, je me contenterai d'un silence. Et force est de constater que Howard à la qualité requise pour me voir vider mon sac. Celle de ne pas pouvoir bouger ou émettre de bruit.

- M'enfin. J'imagine que je te saoul. Oublie ce que je viens de dire. C'est le délire d'une weirdo demeuré qui essaie de se donner bonne conscience.

Le sarcasme revient. Envolé cette sérieuse confession arrachée de mon petit kokoro fragile. L'humour est revenu pour brouiller savamment les pistes entre ce que je pense et ce que je dis.

- J'imagine que même si mon offre de disparaitre loin de Palema tient toujours. Elle n'est plus d'actualité. Je crois que l'on est trop embourbés de responsabilité et salit pour se rejouer une fin alternative de Roméo et Juliette...

Je m'accroche a ce ton décalé qui me sert a continuer de parler sur un air détaché. Presque joueur. Au fond, ca me parait dramatique. Je guette la moindre réaction venant d'Howard. Parce que même si la logique s'y oppose. Une partie irrationnelle de moi à envie de me donner tord. De le voir hocher la tête en maigre signe d'approbation.

- Et l'histoire de jouer les informateurs ?

Ma voix est plus terne. Je ne crois moi même pas a ce que je dis à mesure que les mots défilent dans ma gorge. Je sais pertinemment la réponse à ces deux questions. Et pourtant, j'ai cet espoir a la con. Je n'ai aucune envie de voir ce qui va se produire. Et pour tant, je reste là. Prostrée. A guetter un effort de communication de la part de l’intéressé.

Ouais, bien sûr, évidemment. Je ne quitterai pas cette ville. J’y ai trop à faire maintenant, ou bien plus rien. Mais c’est là que je dois être, nulle part d’autre – et même m’enfuir avec toi ne me décideras pas. Tu le sais, tu l’as deviné ; et tu le penses aussi. J’échoue à hocher la tête pour te montrer mon accord avec tes mots, mais je continue à te regarder.

Alors, l’autre proposition tombe. Que tu te serves de ma tétraplégie pour tout me livrer, je crois que je l’apprécie dans le fond ; que tu me prouves qu’il nous reste encore des points d’accord, j’en suis friand. Mais que tu m’offres de trahir les miens, ça, je ne peux pas l’accepter. Mon corps reste de marbre, puis, lentement, difficilement, un bruit court le long des mes cordes jusqu’à dépasser la porte de mes lèvres.

« - Naa »

Le mot est incomplet, mais compréhensible. Je préfère crever ici et maintenant que de livrer le moindre de mes frères – ou sœurs. Fais ce que tu as à faire Luna, mais laisse ma conscience tranquille. Mourir en tant que raté, crever en tant que merde, j’accepte. Mais pas en tant que vendu à l’ennemi ; et plus encore, je me refuse à provoquer la mort d’autres Seraphs. Bibi, Aeson, tous les autres, c’est déjà tout ça de trop. Et quelques noms peuvent aussi se rajouter. Shizuo m’a promu par pitié pour la pauvreté du grade, mais je n’ai jamais été à la hauteur. J’ai fait tellement de conneries pendant ces dix-huit mois que Thorgrim s’en arracherait la barbe à les noter dans son Livre.
Merde, voilà que mes pensées tentent d’aligner un trait d’humour. A croire que je suis toujours incapable d’effacer ta présence, hein ? Putain d’humanité. Peut-être que Lenna a raison, dans le fond.

Je suis triste de le voir galerer a émettre le moindre son. Du moins. Rien que voir dans l'état ou il est me fend le coeur. Alors je hoche les épaule d'un air attristé. Je m'y attendais au fond. C'est juste dommage. Que je ne puisse pas tenter de... Je sais pas. En même temps, je sais pertinemment que rien ne sera plus jamais comme avant. Quelqu'aurait été l'issue de cet échange.
Pourtant. Voir notre séparation formulée a vive voix est peut être une pièce de puzzle qui me manquait pour aller de l'avant. J'imagine bien que rien ne pourra effacer cette amertume. Cette envie d'aimer Howard pour ce qu'il aurait pu représenter pour moi. Pour nous.
Et pourtant, j'ai la tête froide. Les pensées claires

- Bon. Dans ce cas. J'imagine que je peux pas me casser sans rien faire

Je soupire. Je soupire parce que je n'aime pas ce que je m’apprête a faire. Surtout au vu de son état. Il est ncapable de se défendre. Ca fait de moi une authentique charognarde. Mais tous les contractants encore en vie sont un peu de cette espèce

- Désolée

Alors, on y est, cette fois-ci. Je vais vraiment crever ? Au moins, je verrai son visage, cette fois. Pas comme celui du connard qui m’a fusillé depuis son toit, me perçant de ses balles sans vraiment s’interroger sur l’identité du type qu’il a tenté de buter. Ou bien, peut-être le savait-il pertinemment ; dans le fond, je m’en fous. Je veux juste pouvoir l’insulter à loisir, sans chercher à le comprendre. Je pourrais l’appeler Russel tiens, ça collerait bien au connard.
Bref. J’arrête de cligner des paupières, laisse mes yeux s’assécher tandis que je fixe durement Luna, prêt à y passer. Viens, va, plante ta lame dans mon torse et achève-moi. Tu veux que je fasse quoi d’autres ? Si on vient me chercher un jour, je saurais tout de toi.

Et cette fois, je n’oublierais pas par un hasard total de te livrer. Je suis un danger pour toi ; je suis un Seraph pour les tiens. Et quelque part, j’apprécierai presque que ce soit qui prenne ma vie. Tu l’as enjolivée, tu l’as sublimée. Tu l’as pourrie, tu l’as détruite. J’imagine que me l’arracher est la suite logique de tout ça, celle que tu prévois.

Aussi, ne me rate pas. Si je peux avoir une ultime demande, ce sera celle-ci. Mon corps est déjà assez massacré pour que tu le détruises davantage – donc, fais ça propre. Décapite-moi, perce-moi le torse, mais abrège ta réflexion.

Une dernière phrase, peut-être. Je t’aime et je te déteste Luna. Mais je crois que je mourrai en nourrissant davantage de haine, malheureusement.
M’enfin, ce sera un trépas plus honorable que si j’avais cédé à ta proposition. Au moins, je serai un martyr.

Je regarde Howard un brin amusée par son over réaction. J'veux dire. Sérieusement quoi, je sais que ça fait opportuniste de se comporter comme ça. Je le sais pertinemment. Mais de la a me mater comme si j'étais un agent de Belzébuth. Y'a une limite.
C'pas comme si y'avait mort d'homme là. Fin' pas encore

M'enfin. Je révoque le kekkai sans particulièrement prévenir le blond. Personne n'est dans la chambre. Cool.
Je m'empare de son téléphone presque distraitement.

En passant. Je lui pique aussi un vêtement dans l'armoire. Nettoyer mais parcouru de part et d'autre de petit troue que j'identifie sans peine comme des impacts de balle. Ca pourrait cacher la blessure mastoc que m'a infligé ma copine ombre au dos.

"J'te pique ça Howie"

Passé l'air désinvolte et le surnom ridicule. Je reste un bref instant dans la contemplation du tissus. Essayant de me visualiser les blessures qu'il s'est prise. Je retiens une grimace sous l'effort. M'enfin. Je suis dos a lui, donc je peux me le permettre. Un enfilage de vetements trop grand pour moi plus tard et je me tourne a demie vers lui pour le saluer avec un clin d'œil presque trop enjoué.

"Bonne soirée à toi Blondie"

La porte se refermée. Je soupire en prenant l'escalier. Nez plongée sur l'écran de ma nouvelle acquisition. Bonnet couvrant l'intégralité de mes cheveux grenat. Le vetement d'howard couvre tellement mes maigres forment que même mon genre doit être dificile a évaluer.

Mon regard check les contacts et découvre plusieurs nom et numéros. Il faudrait faire le tri entre ses anciens potes humains et les contractants qui auraient pu survivre à l'attaque. Éventuellement leur envoyer tous un message sous prétexte de nettoyer mes contacts des personnes "perdu de vue" aka morte. Essayer de prendre des nouvelles par SMS. Ou mettre sur écoute tous ces téléphones.
On verra pour la suite.

Je pense que ça me sera précieux de pouvoir me faire passer pour lui. Juste le temps qu'Howard reste hospitalisé sur place. J'pourrais facilement gratter quelque noms avec ce numéro. Voire tendre des pièges ou parler enfin directement a cette halo. Je ne doute pas qu'elle sait pas mal de chose sur Blake.


M'enfin. Je range ma trouvaille dans ma poche pour lever le nez. C'est mon élue qui va être contente.

Putain. D’un œil inquisiteur, je fixe l’ombre de Luna qui s’étire et se dissipe à travers la commissure de la porte. Je sais ce qu’elle a volé, ce qu’elle vient d’attraper – et qu’on se le dise, j’en ai rien à foutre de ma veste trouée. Tout comme cette feinte ridicule qu’elle vient de me faire, celle de s’apprêter à me buter, puis de me laisser vivre. Par pitié peut-être, va savoir.
Non, ce qui me laisse sur les nerfs, c’est mon téléphone. Elle vient de s’en aller avec mon portable, et comme un abruti je n’ai codé aucun nom dessus ; tout comme je n’ai rien changé du mot de passe qu’elle connaît bien.

Moi qui refuse d’être traître, voilà que je le suis quand même. Bordel. Ce connard pouvait pas trouer cet appareil au passage, pour m’arranger ça ? Mon sang pouvait le noyer et le détruire ? Non, évidemment ç’aurait été trop pratique.
Un râle m’échappe, et une infirmière débarque dans la pièce, inquiétée par l’emballement si brutal de mon cœur – tu m’étonnes, une machine qui passe de zéro à cent-vingt en un instant, ça a de quoi surprendre. Mais, je vais bien. Non, les gens dont il faudrait se soucier, ce sont ceux dont je viens de livrer l’identité. Juste à cette pensée, j’enrage, fait chier.

Après quelques vérifications, la soignante s’éclipse et m’abandonne à ma contemplation du mur. Propre, je dois le reconnaître.
Et puis, sans crier gare, le barrage de ma colère se fissure légèrement, fragilisé par une autre sensation. Une réconfortante, une chaleureuse, une que je ne peux pas expliquer. Si d’habitude un organe imaginaire me hurle la violence, là ce serait son antithèse ; c’est presque une caresse qui tente de me calmer, de me convaincre que je ne suis pas … Seul.

Mon regard se fige dans le visage d'un visage familier. Mes sourcils se froncent légèrement en scrutant ce visage. Il me dépasse doucement. Je me retourne. Mais la foule qui squatte l'accueil l'englobe jusqu'à ce que le doute me fasse flancher.

C'était Bibi ?

Le silence me répond. Et je me casse mentalement la gueule. Sous mon crane. C'est bagdad. Je guette dans mon cerveau tous symptômes de folie. Mais rien ne répond. Le calme plat psychotique. Je suis toujours un être névrotique apparemment.
J'interroge le vide du regard. Mais la seule réponse à ma question muette se choppe dans le regard méfiant d'un sécuritas de l’hôpital. Je sors, comme si j'avais vu la mort. Et en fait. Est ce si éloigné de la réalité que ça ?

Merde. Il est mort. Il avait au moins le pancréas et les intestin troués. Et un pouls qui jouait les calmes plats. Alors... Est ce que ? Est ce que ca vient de moi ? Est ce que les Seraphs ont un moi-like ? Nan. Son corps a disparu via le kekkai ? Nan ?

Merde. Je crois que je deviens dingue. Un blondinet qui lui ressemble un peu et je commence a délirer.  Dans ma poche. Je serre le téléphone. Comme si je pouvais le prendre a témoin de la scène. Pour me rassurer.

A l’instant où son visage pénètre mon champ de vision, la fissure de ma haine se retrouve brutalement transformée en faille absolue ; et puis, une joie immense, incommensurable se déverse dans tous les pores de mon esprit.
Bibi. Il est là, devant moi, vivant. Je l’ai vu se faire trancher, et pourtant il se tient au pied de mon lit. Parlant, bougeant, respirant.

J’ai l’envie folle de sourire, de rire, de laisser ce torrent de soulagement marquer mon visage, mais rien. Mes traits restent immuables, et mon corps, épuisé par l’effort, se porte pâle quant à mes doigts.
Bordel. Laissez moi parler, lèvres ! Gorge, arrête tes bruits ridicules, et prononce des mots ! Je veux communiquer, je veux dire quelque chose.
Alors, des tas de phrases s’emballent dans ma tête. Tout ce que j’aimerais prononcer, du plus ridicule au plus intime ; du plus sérieux au plus délirant. Et parmi tous mes cris intérieurs, un remporte l’arène.

Oh con. Tu jouais Nains toi aussi ?

Mes iris se contractent soudainement. Ça, ce que je viens de penser, je l’ai dit. Pas à haute voix, pas par ma bouche ; mais, je sais qu’il l’a entendu. C’est sorti, je le sais. Comme si mon esprit avait décidé de discuter directement avec le sien, sans plus passer par la voie normale.
Ainsi, c’est maintenant que j’en suis digne. Aujourd’hui, à cette heure, après plus de deux ans de Contrat, Kyu m’a doté de cette capacité. Celle que possède Aleister, comme de rares autres – et désormais, moi aussi.
Plus lentement, je rembobine le chemin que mes songes viennent d’employer et recommence, plus précautionneux.

Je peux … Parler ?

Oui. Ça a fonctionné, je le sais. Et déjà mon crâne m’élance d’enchaîner tant de syllabes ; un épuisement d’un autre type vient me guetter. Ah, une dernière fois, peut-être ?

Je suis heureux que tu sois en vie.

La visite de Luna attendra. La vol de mon téléphone aussi, et la situation des autres encore plus. Qu’on me laisse profiter de cet instant encore un peu avant de m’asséner à nouveau mes responsabilités. Voilà tout ce que je demande.

Tu l’as dis, con. Je t’ai vu baigner dans ton sang, gésir sur Alice ; et voilà que tu te tiens face à moi, frais comme un gardon. D’un autre côté, tout paraît très vivant à côté de moi, mais l’idée est là.
Honnêtement, je n’ai pas une foutue idée de comment tu as survécu, comment tu t’es remis de tes blessures – quoique, après avoir vu Zeit à l’œuvre, je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il n’est pas le seul dans le milieu.
Mais bref, arrêtons de tergiverser un instant pour se concentrer sur l’action. La télépathie, c’est pas des plus simples, en fait.

Oui.

Allez, c’est une blague. Bien sûr que non j’entends que dalle à ce qu’il se passe dans sa caboche, mais juste pour voir sa tête après ce faux aveu, ça vaut le coup de gâcher de mes restes d’énergie là-dedans ; de toute façon, c’est pas comme si je pouvais en faire autre chose.

En fait non. Mais je ne peux pas beaucoup parler. T’as pas de séquelles ?

Les détails, on verra plus tard – pour le moment, aller droit à l’essentiel me suffit. Parce que ce qui m’importe le plus est de le voir ici, et non de découvrir l’intégralité des secrets qui gravitent autour de lui.
Et aussi, parce que je sens que la caresse mentale commence à se tarir, à se faire discrète ; pour laisser sa place à mal de crâne indescriptible. Je découvre à peine mon pouvoir, et voilà que j’en abuse déjà. Cette capacité est faite pour des urgences, des situations particulières. Pas pour tenir une discussion comme si de rien n’était.

Alors, maintenant, quoi ? Où va-t-on aller ? Peut-il me soigner ? Je sais pas. Mais peut-être que j’ai déjà envie de le laisser parler, puis seulement ensuite je réfléchirai. Ouais, faisons ça.

Je déteste ça. Encore pire que d’être incapable de communiquer, à cause de cette putain de paraplégie ; être en mesure de le faire, mais ne pas avoir assez de force pour maintenir le contact. A chaque mot que j’imprime dans son esprit, un mal de crâne vient me déchirer les neurones. Et ça me pousse à bout.
En fait, j’ai la terrible impression d’être un déchet. Pire qu’un raté, simplement un poids pour Bibi – lui qui a survécu par je-ne-sais quel miracle, voilà qu’il est contraint de s’occuper d’un handicapé qu’il aurait pu abandonner à son sort dans cet hôpital. Cissnei serait venue me chercher un jour, non ? Peut-être qu’une Ombre ou Nephil chanceux serait passé avant, va savoir.
Alors je lui en suis reconnaissant. Profondément. Inconscient probablement, mais Orunitia est en train de faire énormément pour moi : il ne m’oublie pas.

Il m’arrache à mon lit avec quelques difficultés, et je vois les perfusions sauter de mes bras à chaque centimètre que nous franchissons. Puis, il me pose sur un fauteuil et commence à le pousser, sortant du service par un heureux hasard.
Et doucement, je sens qu’un sourire mauvais s’étire sur mes lèvres auparavant inamovibles. Mes doigts se mettent à pianoter lentement sur roues, suivis de légers mouvements de poignets. Finalement, brutalement, arrive la raison de ma moue – une douleur naît le long de mes nerfs supérieurs, et s’emballe. De simples prémisses que l’absence de dose me laisse entrevoir, mais annonciatrices de la souffrance qui m’attend.
Putain de corps. Il ne pouvait pas complètement se bloquer, au lieu de me laisser des sensations dont je me passerais bien ? Et c’est pas comme je gagnais des avantages en échanges ; je peux à peine incliner le canon de mon arme, au mieux me tirer dans le genou.
Quel déchet, bordel.