Il fait plutôt beau pour un jour de novembre, je crois. Enfin, des personnes se baladent sans non plus s’emmitoufler totalement, et les nuages font place à un grand ciel bleu. Non, vraiment, c’est un temps qui me donnerait presque envie de sortir tiens – quoique, c’est exactement je suis en train de faire, le côté rencontres humaines en moins.
Tranquillement, je porte mon café à mes lèves pour en laper une gorgée, tandis que du bout des yeux je surveille l’écran de mon téléphone. Toujours éteint le bougre, mais j’ai aucun doute quant à la venue d’Aleister – après tout, je l’ai convoqué de toute importance ici, et sous plus bref délai. Sans motif évidement, vu que j’en ai aucun de sérieux, mais le geste demeure néanmoins. En fait, j’ai juste envie de le voir dans sa vie plus reposée, moins contractante. En somme, découvrir un peu le roux caché derrière Super Rouquin, et peut-être devenir ami avec.

Parce qu’une vraie vie, ça me manque. Certes, il y a Luna, mais … On ne peut pas résumer une existence à une femme. J’ai besoin de voir des gens, de discuter, de m’amuser quoi ; et pas simplement être un Seraph le jour, un barman la nuit, puis parfois même le premier tout le temps. J’aime être Protecteur, ça me donne un sentiment d’importance, mais … Ah, bref, je m’égare trop quand je pense tout bas et tout seul. On dirait un certain personnage brun d’un vieux manga – au passé sombre, bien sûr.

Donc, voir Chase, je disais. Et savoir où il en est de sa progression dans la faction, ainsi que du déroulé finale de sa mission contre Blackbird. D’ailleurs, quelle gloire cette opération ! Pas un Seraph intéressé n’en a pas entendu parler, mais à l’inverse les aboutissants sont mystérieux ; et moi, bien curieux de les découvrir. Alors, je vais essayer d’en savoir un peu plus. Pas que ça, bien sûr, mais entre autres, oui.
Je me demande quand est-ce qu’Adonis va promouvoir le gaillard. Et aussi, jusqu’à quel point il va l’élever… Simple Protecteur – ou Traqueur dans mes plus sombres cauchemars-, ou plus haut ? Ha ha, suspense, comme on dit.

Je repose ma tasse tout aussi lentement que j’ai levée, puis je m’étends un peu sur ma chaise, balayant l’horizon du regard. Il ne va pas tarder, je le sais. Sinon, je m’arrangerai pour qu’il soit de corvée de plonge à l’occasion … Ça lui apprendra à esquiver mes tentatives de socialisation, ha !

Aleister venait de sortir d’un cours, l’un des derniers avec les partiels qui approchaient, quand il reçut un étrange SMS d’Howard, lui demandant de venir, et indiquant l’adresse d’un petit bar du quartier est. L’accompli, intrigué mais surtout un brin inquiet pour son supérieur, se dépêcha de réunir ses affaires et parti sans même lui répondre, une erreur de débutant.

Par chance, vu l’heure, la circulation était fluide, et visiblement aucun kekkai ne couvrait la zone… bonne ou mauvaise nouvelle ? Le fait qu’un seraph était présent dans le secteur de l’adresse indiqué par le protecteur était en tout cas une bonne nouvelle, quoique a la portée limitée.

Finalement, hésitant sur la façon de faire, le seraph opta pour la façon simple : il entra dans le bar en question, sur ses gardes et près au combat, et observa les alentours… pour trouver Howard assis à une table, tranquillement, en train de siroter un café. Il ne pur s’empêcher de laisser partir un message mental envers son supérieur.

=>Howard*Quel est la mission au fait ? *

Et sans attendre la réponse, il commença à se diriger tranquillement vers le protecteur, ses yeux à la recherche de la moindre chose qui pourrait clocher dans ce bar.

Ah, le voilà. Je souris en entendant son message mental, puis vide tranquillement ma tasse de café avant de ranger mon téléphone dans une poche. Vraiment, le professionnalisme d’Aleister est certain – il est là en train d’approcher à pas feutrés de ma table, scrutant chaque visage en quête qu’un quelconque danger. Une démarche qui serait louable en toute circonstance de mission, mais qui est malheureusement tout à fait inutile aujourd’hui. Parce que c’en est pas une, tout simplement.

« - Salut !»

Le visage toujours grimé agréablement, je me lève et me dirige vers mon camarade, lui tendant une main pour la lui serrer tandis que de l’autre je lui tapote chaleureusement l’épaule, comme pour le déstresser un peu.

« - Rien de grave, rassure-toi. Je voulais juste te faire venir pour discuter un peu tous les deux, voilà tout… Faut bien que mon rang me donne des passe-droits, non ? Ha ha. »

Allons, si même un Protecteur ne peut pas s’amuser à faire stresser un peu ses congénères, et obtenir d’eux des rendez-vous plus rapides, je vois pas l’intérêt de le devenir. Bon, si ok, mais laissez-moi dans mon délire encore un, d’accord ?

Relâchant la poignée, je retourne m’assoir à ma place et désigne l’autre siège, paume levée.

« - Viens, tu as du temps devant toi ? D’ailleurs, je te paye à boire. Tu veux quoi ? »

Et qu’il ne refuse pas, ah ça non. J’ai quand même des manières voyons : si je dérange quelqu’un, je me rachète d’une façon ou d’un autre – et on va dire qu’un café, thé, ou quoi que ce soit du genre devrait faire l’affaire.
Bon, d’un autre côté, j’espère qu’il va pas commander leur alcool le plus cher. Mais quelque chose m’intime qu’il n’est pas un grand buveur, pas que je le juge.

Aleister fut un brin surpris par la façon de saluer très… susceptible d’attirer l’attention qu’utilisa Howard. Le protecteur qui cependant s’en expliqua bien vite, en avouant… qu’il n’y avait rien d’urgent. Les français n’avaient pas une histoire pour ce genre de situation, une histoire de mouton et de loup ? Le seraph ne savait pas trop, il faudrait qu’il retrouve le livre qui en parlait… ou pas d’ailleurs.

Du coup, Aleister haussa les épaules. Les privilèges du grade, et ne pas se prendre de réplique plus ou moins désagréable de son subordonné en faisait partie… fichu Kyu qui avait sans doute fichu en l’air son avancement en sauvant BB… enfin passons.

Du coup Aleister força un léger sourire, et suivit Howard alors qu’il revenait à sa table.

-« Je viens de zapper un cours, enfin c’est loin d’être le premier, et rien de prévu après du coup… un thé ? »

Aleister se dirigea vers la chaise que lui montra Howard et s’installa.

-« Je devine que tu as quand même un sujet de discussion en tête pour m’avoir appelé, non ? »

Aleister se forçait à être souriant, mais son agacement et son stress retombait vite. Pour peu qu’Howard ne se montre pas trop lourd, ils pourraient passer un bon moment, sans doute.

Oh, merde. J’étais tellement dans mon idée que j’ai même imaginé une seule seconde qu’il puisse avoir cours aujourd’hui – sinon, je l’aurai invité ce soir. Ah, ça me plait pas trop ce que je viens de faire … Je veux dire, m’amuser un peu en le dérangeant dans sa vie de contractant, oui. Mais venir handicaper celle humaine, alors, non. Je fais une petite moue gênée, puis interpelle un serveur pour recommander un thé et un autre café. Aussitôt qu’il s’en va, portant la commande, je me retourne vers le rouquin retrousse quelques instants mes lèvres, bouche fermée.

« - Ah, désolé, je pensais que t’étais à la faction. Je t’aurais pas dérangé sinon. »

Bon, il attend de moi quelque chose. Je peux pas juste m’excuser et rester sur ce ton plus longtemps, sinon c’en sera plus ridicule qu’amusant. Récupérant progressivement ma bonne mine, je reprends la parole.

« - M’enfin, le mal est fait. Du coup, c’était pour faire un peu plus ta connaissance, étant donné que j’ai dans l’idée que l’on va être amené à se côtoyer de plus en plus souvent. Et parce que j’aimerais en savoir plus sur Blackbird, je te l’avoue. Mais commençons d’abord par toi, tu fais des études dans quoi ? »

Après avoir foutu en l’air sa journée à l’université, autant être franc sur mes intentions. On invite pas quelqu’un que l’on connait peu à partager un verre sans raison – et celle de simplement faire connaissance, sans séduction aucune, n’est que très rare. Alors, qu’il sache que ça a à la fois un intérêt quant à la faction, et aussi par rapport à ma curiosité vis-à-vis de sa dernière mission. De toute façon, j’imagine qu’il s’attendait à ce que j’aborde le sujet tôt ou tard ; alors, autant que ça soit tôt.

-« Ne t’en fait pas, je ne suis pas à un cours près… enfin pas trop, il faudra juste que je récupère des notes d’un autre. »

Ce qui ne devrait pas être trop compliqué non plus, Aleister était au moins parvenu à sympathiser avec quelques-uns des élèves de sa fac.

Puis Howard invoqua vouloir sympathiser… était-il seulement au courant de l’offre que lui avait fait Adonis ? Sans doute pas, au vu de la rivalité qu’il existait entre les groupes de spécialistes. Enfin dans tous les cas, et peu importe la suite, un peu de sympathie et de cohésion ne faisait pas de mal.

-« Perso je suis étudiant en économie, 3éme année de fac. Et toi, tu fais quoi dans la vie ? »

Une question pour une question, ça paraissait raisonnable.[/color]

En… économie ? Ça me parait rudement chiant, sans vouloir être vexant. M’enfin, venant d’un type qui voulait faire avocat, j’ai l’impression d’être l’hôpital qui se fout de la charité. Et puis, si ça fait trois ans qu’il est dessus, c’est que quelque part ça l’intéresse, non ? On y manipule de l’argent, plein de chiffres, et sûrement d’autres choses du genre ; qui ne sont plus de mon langage courant depuis la fin du lycée. De toute manière, j’étais plus un littéraire qu’un scientifique.

Quoi qu’il en soit, c’est à mon tour de répondre. Je dodeline légèrement de la tête, cherchant une manière d’enjoliver un peu mon taf avant de le présenter. Bah oui, tout de même, si j’peux avoir un peu de panache, ne serait-ce que cinq secondes, ce serait cool. Même si bon, je fais genre, mais mon boulot est tout à fait respectable. Et gare à qui dirait le contraire.

« - Oh, ok !  Je suis … Hmm … Un peu dans le social on va dire. Je suis garant du bien-être de mes clients, veillant à ce qu’ils ne manquent de rien et les rassemblant autour d’une cause commune. Et tout ça dans une ambiance chaleureuse, et peu festive, je dois l’avouer ? »

Mes bras levés, il n’est pas compliqué de saisir que je raconte de sacrées carabistouilles. Attends, je viens vraiment d’utiliser ce mot ? Mazette. Bref, je repose mes mains autour de ma tasse vide et continue sur ma lancée, cette fois-ci plus terre-à-terre.

« - Non. Je suis barman dans le coin, c’est un taf plutôt sympa à faire. D’ailleurs si jamais t’as envie de sortir un soir, t’as conso gratuite chez moi, donc hésite pas. »

Un petit sourire, et un clin d’œil sous-entendu ; oui, je fais un peu de pub pour ma bâtisse. Pas qu’elle en ait besoin, mais c’est toujours bon à connaître un lieu où l’on boit sans ardoise.

En réponse à sa question, Howard sorti une bien belle réponse… surtout pour un barman. Et il lui offrait les consos gratuites ? Sympa, même si cette idée tira un léger rire à Aleister.

-« Jolie présentation de job, je ne suis pas sûr que j’aurais fait aussi bien en parlant de mes études. Et pour le verre sympa, même si tu ne te mouille pas trop en disant ça. »

Le serveur passa à ce moment, amenant sa tasse à Aleister, dans laquelle il plongea l’infusion qui allait avec. Puis quand l’homme s’éloigna, Aleister repris.

-« Je préfère éviter l’alcool, encore plus maintenant en sachant ce que je peux matérialiser. Et de toute façon, je ne suis pas du genre à sortir… enfin pas dans un bar en tout cas, désolé. Et toi, tu bosse ici ou tu alimente la concurrence ? Ça me ferait rire de savoir que tu m’a invité sur ton lieu de travail. »

C’est pas tout le monde qui peut inviter des amis à son lieu de travail mine de rien.

Je souris lorsqu’il me congratule sur ma présentation avec un peu d’hyperbole. Allons, allons, tu me gênes Aleister voyons. Quoi, j’en fais un peu trop pour juste une remarque d’un type amusé ? Non, pas du tout. Je m’apprête à répondre, mais l’arrivée soudaine du serveur me coupe dans mon élan. Tiens, j’ai bien envie de boire mon café avant de reprendre la parole. Je le porte à mes lèvres, pus réalise ma connerie à l’instant où un mince filet du liquide bouillant s’immisce sur ma langue. Oh, c’est chaud – genre, très très chaud. Faisant mine de rien, je repose tranquillement la tasse et écoute le rouquin continuer à sur sa lancée, avalant le plus vite possible cette torture liquide.

Enfin, je reprends mon sourire naturel et ris un peu.

« - Je te comprends totalement, c’est bien une de mes craintes quant à mon taf ça. Qu’une de nos amies se pointent lors de mon service… Pas que ça soit jamais arrivé, mais elles étaient pas très fraiches en général. M’enfin, passons ce détail. Donc non, je bosse pas ici, ha ha. Je me baladais juste dans le coin, puis j’ai trouvé la devanture sympathique et je me suis dit que c’était un endroit parfait pour discuter tranquillement. »

Non, et puis on est dans un café, pas un bar. Bien que certains fassent les deux, le mien possèdent une terrasse assez ridicule. De toute manière on ouvre à 17h, donc les gens s’en fichent d’être dehors, sauf quand c’est juste pour fumer une clope, bien sûr. D’ailleurs, j’ai bien envie de m’en griller une, là. Je sors le nécessaire, puis l’allume de mon fidèle Zippo avant de le ranger dans ma poche.

« - Mais toi, un petit taf en parallèle ? Ou alors, parle-moi un peu plus de ta fac … Ça amène à quoi ? »

Bientôt, je passerai aux sujets sérieux. Mais on a tout notre temps, je crois.

Aleister rigola un brin : il n’avait pas forcément pensé à ça tiens.

-« L’avantage de bosser en bureau : à moins qu’elle bosse avec moi, je ne devrais pas la voir débarquer où je bosse… enfin ça ce sera quand je travaillerai, soit pas avant 2 ans et demi dans le meilleur des cas. »

Enfin quoique, avec Aria comme petite amie, on pouvait s’attendre à tout, mais bon.

-« Et du coup tu n’as pas honte d’alimenter la concurrence plutôt que de soutenir ton employeur ? Enfin je dis ça mais tu as bien trouvé, l’endroit est assez agréable. »

Aleister ne pouvait en revanche pas en dire autant de l’extérieur, n’ayant pas vraiment fait attention à la beauté du bâtiment en entrant… enfin affaire classée.

-« Comme beaucoup d’étudiant, je bosse dans un fast-food du coin, certains soirs et le WE, ça fait de l’argent de poche et ça aide pour les études. Et pour l’économie, ça dépend un peu de ma spécialisation, que je choisirai l’année prochaine : finance, ressources humaines, management, analyse économique, recherche… c’est assez large, c’est le gros avantage je trouve. Enfin large dans le domaine économique on se comprend. »

Aleister remua un instant l’infusion dans sa tasse avant de poursuivre.

-« Et toi, comment tu es devenu barman ? Simplement comme ça, ou il y a une histoire derrière ? »

Mon regard se plisse, tandis que j’écoute un peu distraitement le reste de ses paroles. Il n’y a pas d’ombres dans un bâtiment dédié à la finance ? Du genre, il y a une aura de protection et tout un tintouin du même acabit autour ? Eh bien, je me demande pourquoi on a pas ça au QG, ce serait drôlement pratique – vu qu’apparemment, on peut librement se faire attaquer.
Ou alors il y a quiproquo, je sais pas.

Cette vague conclusion atteinte, je secoue rapidement mes yeux avant de récupérer la discussion sur le fil – ou le fil de la discussion, au choix. Intéressant comme son panel de filières est développé, en fait. Je pensais que faire ces études-ci n’offraient que de possibilités en tant que comptable, mais tout porte à croire que je me suis planté. Et c’est tant mieux. Parce que n’avoir qu’un seul débouché en bout de diplôme, ce serait bien ennuyeux. Comment innover si on nous enferme dans une voie ?

« - Je savais pas que ça offrait autant de perspectives, c’est pas mal en fait. Bon, je vais pas pour autant partir là-dedans, mais c’est bon à savoir. »

Surtout parce que j’ai le niveau d’un pigeon en maths. J’veux dire, je maîtrise bien l’usage de la calculatrice quand je dois faire les comptes de la bâtisse, mais qu’on ne me demande pas de résoudre des équations. Non, vraiment pas.

« - M’enfin, non, j’aime bien partir prendre un verre dans d’autres endroits parfois. Ça me change un peu, et puis comme ça je vois des faces qui sont pas celles que mes collègues, ha ha. Bref, comment je suis devenu barman tu veux savoir, donc. Longue histoire, tout ça… »

Peut-être que lui raconter toute ma vie, là tout de suite, ne serait pas des meilleures idées. Je veux dire, ça va probablement le blaser. Parce que bon, c’est gentil tout ça, mais écouter un type qu’on connait pas vraiment déblatérer sur son passé pendant trente ans, y a mieux comme activité.

« - … Mais je vais la faire en bref. J’ai arrêté mes études au bout de six mois de fac, j’ai fait le tour du continent Nord en stop et j’ai atterri dans ce trou qu’on appelle Palema un peu au pif. J’ai mené un peu ma vie, fais une rencontre que t’imagine, et puis en parallèle un type que j’ai aidé a proposé de m’embaucher. Ni une ni deux, j’ai accepté. Ça doit bien faire deux ans maintenant, et je regrette vraiment pas. Genre, vraiment, pas. »

Parfois Bunker Hill me manque. Mais j’aime ce taf, et l’ambiance qui y règne ; enfin, quoi, j’suis pas épanoui dedans. Si on oublie la menace extérieure, évidemment.

Aleister sourit face à l’enthousiasme d’Howard, même s’il reconnaissait qu’il ne ferait sans doute jamais ce genre de formation.

-« Il faut aimer les théories assommantes qui se vérifient moins d’une fois sur deux dans la réalité, et dans la plupart des cas il faut aimer se flinguer les yeux sur des écrans d’ordinateurs ou dans des listes de chiffres à longueur de temps. Enfin ça dépend aussi de mon orientation finale bien sûr, mais il n’y a pas tant que ça de débouché hors-bureau… pas que ça dérange vraiment l’ancien geek que je suis cela dit. »

L’idée devait d’ailleurs faire rire pas mal de monde aujourd’hui au vu du côté plus dynamique que le caractère du seraph avait pris, sans même parler de son physique, même si ça ne l’empêchait pas d’encore apprécier un bon livre de temps à autre.

Puis Howard répondit à la question d’Aleister par une sacrée histoire. Comme quoi, il n’y avait de profils simples chez les seraphs.

-« Pour les bars je comprends, j’avoue qu’en y pensant ce serait triste de toujours être au même endroit… enfin bon. Je ne sais pas pourquoi, ça ne me surprend pas du tout, je ne te voyais pas simplement être devenu barman à la fin de ta scolarité comme ça... même si je serais incapable de te dire pourquoi. »

Aleister haussa les épaules avant de tremper son doigt dans la tasse… ça va, il était juste bien.

-« Tu penses faire ça toute ta vie comme tu dis que tu n’as pas de regrets, ou tu envisage de changer un jour ? »

C’est vrai que j’ai pas la moindre idée des études que j’aurais dû faire. La plupart des tafs demandent un diplôme, et je pense pas que celui-ci échappe à ça, non. Déjà, ne serait-ce qu’avoir le droit de vendre de l’alcool doit nécessité un petit papier – d’ailleurs, le fait qu’un des rares papiers que je ne signe pas soit quant à nos paiements de livraisons corrobore mon idée. Et puis, d’autres choses aussi. J’ai eu beaucoup de chance d’obtenir cette place de la sorte, sans la moindre expérience ni connaissance ; mais j’ai la prétention de penser ne pas si mal m’en sortir.

« - Je sais pas ce que je vais faire du reste de ma vie, en fait. Tôt ou tard ma vie dans ce bar sera trop compromise, et je devrais faire autre chose ; d’ailleurs j’hésite à négocier son installation au QG. Bien que je sache pas vraiment si c’est une bonne idée d’offrir autant d’alcools à nos compatriotes… Ça pourrait créer quelques accidents. »

Bah, j’ai pas trop envie de découvrir la version contractante d’une bagarre entres ivrognes. Non, vraiment pas. Je prends une gorgée de mon café un peu moins brûlant, puis adresse un petit sourire amusé à mon camarade.

« - En parlant de ça … Des nouvelles de ton ascension ? Un grade en vue ? »

Et voilà, on met un pied dans le vif du sujet. J’ai hâte de savoir quand je le verrai à mes côtés en tant que Protecteur ; car je pense bien qu’il sera assez bon là-dedans pour me ridiculiser. Et c’est bien un endroit où découvrir bien plus fort que moi me rassure plus que m’effraie.
Enfin, s’il n’a toujours pas de nouvelles, faudrait peut-être que j’aille rendre une petite visite à Aeson. Parce que laisser moisir éternellement d’aussi bons éléments n’est vraiment pas une piste souhaitable.

Aleister retint un frisson en pensant à des seraph saoulé… dangereux et explosif, clairement.

-« Peut-être en faisant des cocktails sans alcool ? Il doit y avoir moyen de faire des trucs sympas sans risquer des explosions et des morts non ? Enfin on ne peut pas non plus se priver entièrement de vie humaine de toute façon, ça deviendrait invivable. »

Même si, à la réflexion, c’était peut-être l’idée : vivre au QG tout le temps en dehors de sorties régulières pour nettoyer les ombres et éliminer des nephils… Aleister finirait peut-être par s’y mettre un jour ou l’autre.

Puis Howard interrogea Aleister concernant ses promotions… il venait d’éviter une belle déception en fait.

-« Ascension compromise je dirais : l’opération qui était censé me valoir mon grade ne s’est pas exactement terminée comme prévu, et le silence d’Adonis depuis lors est assez révélateur… enfin qui vivra verra, mais je pense que j’ai le temps, ce qui n’est peut-être pas plus mal. »

Je reste volontairement silencieux sur l’hérésie que m’avance Aleister. Un bar, sans alcool ? Allons bon ! Ce serait comme un commissariat sans policiers, une bibliothèque sans livres ou un roux avec une âme ! Enfin, pas la peine que je lui crache ma bile au visage ; il ne connait simplement pas grand-chose du monde de la beuverie, j’imagine. Et puis, quel intérêt de me prendre la tête avec lui maintenant ; après tout, si je l’ai fait venir ici, c’est bien pour l’inverse total. Bon, allez, souffle un peu Howard, il le pensait pas vraiment. Il faut juste que je m’éloigne du sujet.

Et une perche, ah ça, il m’en tend une, là. Une ascension compromise à cause d’une récente mission ? Tu m’intéresse, là. Je reprends une nouvelle gorgée de mon précieux breuvage noir, comme pour réprimer la précipitation qui s’empare de moi, puis j’embraye sur la mystérieuse affaire.

« - Hmm ? C’est secret, ou je peux en savoir plus ? Parce que toi qui rate une mission, ça m’étonne assez, en fait. »

A vrai dire, j’ai une idée de ce que ça pourrait être ; et ça expliquerait le secret sur le déroulé de l’opération autour de Blackbird. Un échec ? La perte d’un Seraph avec ? Ou pire, des révélations à faire hésiter les gestes du rouquin ? Là, vraiment, ma curiosité est piquée à vive. Peut-être un peu plus qu’elle ne devrait l’être d’ailleurs, mais il n’y a personne pour me juger, ici.

Aleister haussa les épaules à la question d’Howard. Secret, bonne question.

-« On va dire que la cible a eu une aide assez imprévue, qui a forcé à avorter la mission alors qu’elle était en bonne voie. »

Doux euphémisme alors que Blackbird était au sol, à moitié KO et son pouvoir de régénération éteint faute d’énergie. Enfin le succès restait, les élèves avaient terrassés le maitre, même s’ils avaient dû s’y mettre à deux pour y arriver.

-« Et ne me surestime pas trop, il reste bien des adversaires plus fort que moi, et des défis qui me dépassent de loin… ce serait trop facile sinon. »

Aleister haussa les épaules, fataliste : au final, ce qui comptait réellement, c’était de survivre au final.

-« Et toi, niveau mission, ça avance ? Tu comptes aussi monter davantage en grade un de ces jours ? »

Mon regard se durcit un peu, témoin de ma perplexité. Qui a pu venir en aide à Blackbird ? Melkyor ? Non, Aeson nous a bel et bien assuré qu’elle était morte ; et je ne pense pas que des gens reviennent de ce genre de choses aussi facilement. Non, même, je dois dire que je n’ai jamais vu personne réaliser de pareils tours de passe-passe.
Et avec un vœu ? Sûrement, en fait. Mais quel humain demanderait à ranimer cette folle ?

Pas si vite le rouquin, tu changes trop vite de sujet. Et ne sois pas si modeste. J’esquisse un petit sourire pour tenter de détendre mes neurones qui cogitent à grande vitesse, puis je reprends une nouvelle gorgée. Ça fait genre, à ce qu’il parait.

« - Je fais des missions, j’en monte d’autres, mais j’ai pas vraiment de prétentions. Je veux dire, je sais pas comment les Commandants sont sélectionnés, et je me dis que plus je chercherai à en devenir un, moins j’en serai proche. Ou peut-être que c’est l’inverse, en fait. J’en sais rien, et j’y accorde pas grande importance, pour tout te dire. Déjà, ma priorité c’est de jouer au mieux mon rôle de Protecteur. Le reste, on verra plus tard. »

Pas d’humilité de façade ou quoi que ce soit du genre ici. Je pense tout ce que je viens de dire, et je le clame haut et fort : si jamais on me promu, ce ne sera pas parce que je l’aurai demandé. Je lève un doigt, le glissant lentement vers le gauche, toujours dans les airs.

« - Mais, tu as parlé juste avant d’une aide surprise… Tu fais référence à quoi ? »

Pas Melkyor s’il te plaît. Je veux pas qu’on ait de nouveau à faire face à cette assoiffée de sang.

Modeste et pas ambitieux, Howard était vraiment un protecteur idéal, même si au final, tout s’arrêtait au fait de se faire repérer par un supérieur… enfin c’est ainsi qu’Aleister le comprenait.

-« Je suppose que la meilleure manière d’y arriver, c’est de faire correctement son boulot, et j’ai l’impression que tu te débrouille bien là-dedans. Et ce y compris dans ton art d’aider à faire monter en grade tes subordonnés… tes protégés peut-on dire ? »

Aleister sourit à cette idée : après tout c’était le rôle des protecteurs de préserver les troupes de la faction, dans ce sens-là aussi non ?

Puis Howard se montra interrogatif concernant cette mission envers laquelle Aleister se montrait un brin mystérieux, même s’il se doutait qu’Howard avait compris pas mal de choses.

-« Désolé, mais j’aimerais d’abord être sûr que l’information est parvenue à Adonis et qu’il a eu le temps de réagir, il est plus doué que moi pour gérer les informations… et c’est son boulot il me semble. »

Aleister haussa les épaules. Désolé Howard, mais pour cette fois tu en sais le maximum, il faudra voir avec Adonis, ou convaincre Naoto, pour connaitre le détail.

Est-ce que je fais correctement mon boulot ? Hmm, il me manque des choses encore pour en arriver là. Je fais finalement assez peu d’opérations de protection ou de sauvetage, et me concentre principalement sur les Seraphs de la base ; je pense que je suis loin d’être assez polyvalent pour prétendre à viser plus haut. Peut-être que le jour où j’obtiendrai des capacités similaires à celles d’Aleister, j’en serai en mesure – mais d’ici là, il faut simplement que je continue mes recherches quant à cette fameuse télépathie.
En toute réponse, je lève doucement les yeux au ciel, un sourire grimé sur mon visage. Oui, j’aime bien me faire mousser aussi ; surtout quand nier ne ferait que renforcer l’idée que le rouquin à en tête.

Néanmoins, j’empêche ma mine déçue de prendre place quand il place son barrage d’information. Quelque chose de si inattendu qu’Aeson lui-même ne serait pas au courant ? Eh bien, vraiment ? J’aurais cru que c’est en l’apprenant que tout aurait stagné, mais apparemment c’est encore plus gros que ça. Et merde, voilà que je suis beaucoup trop curieux là-dessus…

« - D’accord, je comprends. Juste une question alors, si tu le permets. Est-ce que Melkyor est revenue ? »

Son regard m’en dira long sur mon interrogation, et j’imagine bien qu’il ne me mentira pas. Si c’est bien elle, il gardera le secret ; mais si je me plante là-dessus, il me le confirmera.
N’empêche, un détail m’amuse. Il appelle l’Élu par son prénom – je ne les savais pas si proches, ha.

Melkyor… ha, il craignait qu’elle soit revenue à la vie ? Oui, dis comme ça, ça pourrait être quelque chose à craindre… mieux valait ne pas y penser.

-« En fait, ce serait presque simple si ça avait été Melkyor. Mais non, ce n’est ça, c’est plus imprévu on va dire. »

Aleister haussa les épaules. Kyu qui sauvait une cible désignée par l’élu… comment expliquer ça sans créer de troubles dans la faction ?

Puis pour changer de sujet, Aleister s’intéressa à nouveau à Howard.

-« Mais dis, tu m’interroge, mais toi de ton côté, rien d’original, ou de nouveau au sein de la faction, à raconter ? En tant que protecteur, tu dois voir plus de monde que moi, non ? »

Plus simple si ç’avait été Melkyor ? Mais dans quel bordel monstrueux est-ce qu’il s’est retrouvé ? Je le regarde un peu, presque stupéfait ; et plongé dans mes pensées. Si c’est encore plus étrange que la résurrection subite de notre ex-antagoniste préférée – tout en sarcasme, évidemment -, je comprends mieux pourquoi Aleister préfère garder le silence.
Même si d’un côté, j’aurais quand même préféré savoir. Et je me serai tu, allons. M’enfin, définitivement, je ne peux pas lui en vouloir… J’aurais agi de la même façon, à sa place.

Tandis qu’il change une nouvelle fois de sujet, et cette fois à raison, je détourne les yeux un instant, pour leur rendre leur forme normale. Puis je les fais revenir à leur place, récupérant une mine plutôt souriante – après tout, la discussion retourne à un thème plus classique, à moi de ne pas perdre le ton adéquat.

« - Eh bien, honnêtement … J’ai pas grand-chose à te dire. Ça stagne un peu à la faction, en fait. Un bail que j’ai vu aucun nom tourner du côté des nominations – à part celle de Washington, évidemment. Je sais pas ce qui se trame là-haut, mais j’espère qu’il s’y trame quelque chose. M’enfin, hormis ça, rien, désolé. »

Oui, vraiment, j’ai aucun ragot dont parler. Et j’me vois mal lui exposer ma vie sentimentale, ce serait déplacé. Assurément déplacé.

« - En parlant de Protecteur… Rassure-moi, il est toujours question de ça ? Tu … Ne t’es pas égaré ? »

Pitié, dis-moi que cette fameuse mission visait à protéger la personne chargée de tuer Blackbird, et non de l’éliminer de tes propres mains. Sinon je te déshérite, gamin.

Aleister ignorait si Adonis avait des plans, ni même ce qu’il faisait de ces temps-ci. Enfin dommage qu’Howard n’ai rien de plus à raconter.

-« Si rien ne se passe, ne reste qu’à faire bouger les choses à notre modeste niveau. Tu comptes aider quelqu’un d’autres à bien paraitre aux yeux du commandement ? »

Puis Howard posa la question piège. Aleister laissa son regard s’échapper un instant, un rien gêné.

-« Hé bien… dis-toi que l’échec de cette mission donne un petit délai à tes espoirs… j’ai malheureusement une mentalité plus rentre-dedans que défensive au final. »

Faire bouger les choses … J’aimerais bien pouvoir en faire davantage, tiens. Mais avec ces larves qu’on a en haut, soit très discrets, soit inertes, je sais pas si c’est vraiment possible. Des mois que je leur souffle un nom, et ils ne font rien ; alors, quoi ? Un coup d’état serait ridicule, une demande de promotion tout autant j’imagine, ne me reste qu’à continuer de balancer des propositions. Peut-être qu’un jour ils les ouvriront, qui sait ?
Ah, j’ai comme l’impression de m’épancher un peu trop sur mes chefs ces derniers temps – il vaudrait mieux pour mes nerfs que je me calme. A la fin, je vais commencer à prendre Aeson entre quatre yeux et poser les choses au clair ; et ça pourrait mal se terminer. Pour moi, j’imagine.

« - J’ai bien un nom en tête, Marguerite Banks. Une des nôtres qui a fini transformée en chat, ce qui lui donne de rudes capacités en termes de filature ou d’assassinat. Mais bon, je sais pas vraiment si j’arriverai à la faire grimper bien haut avec mes petits mots. »

Et lui, est-ce qu’il en serait en mesure ? M’enfin, maintenant qu’il est en train de me dire qu’il a fait l’erreur de préférer les Traqueurs aux Protecteurs, voilà qu’il est plus calé pour l’aider, je suppose.

« - Mais bon, ça m’ferait encore pistonner quelqu’un qui se plante de promotion, hein ? »

Un petit sourire en coin, je le taquine. Evidemment que je joue un rôle en stimulant cette gueguerre, mais ça m’amuse pas mal, à vrai dire.

-« Heu, attends, le chat noir dont j’ai entendu parler, qui se promènerait au QG tranquille, c’est pas le chat d’un contractant, c’est un contractant ? »

Aleister était pour le moins surpris. D’accord, en termes de vœux ou de pouvoirs étrange il en avait déjà entendu de belles, mais là.

-« Rassure-moi, son état de chat n’est pas permanent tout de même ? Enfin j’avoue en terme d’espionnage elle serait très forte… mais tu chercherais à offrir une promotion à une parfaite traqueuse ? Enfin ce qui compte c’est de faire repérer les talents et de les aider à s’améliorer, je sais. »

Il le savait, mais Howard était-il à ce point porté sur l’entraide entre spécialiste ? Si c’était le cas, l’accompli devrait revoir encore un peu à la hausse l’idée qu’il se faisait de son supérieur.

D’ailleurs, sur le ton de la blague, il en rajouta un peu à ce propos. Aleister laissa échapper un léger rire gêné avant de répondre.

-« Haha on va dire que je suis un peu trop changeant niveau point de vue… et que certains éléments m’ont donné des envies de faire autre chose que défendre. Enfin je ne sais pas où en est cette Marguerite à ce niveau. »

Le seraph avait fini sa réplique sur un ton qui laissa à penser qu’il voulait en savoir plus, sa curiosité piquée au vif.

Je comprends sa surprise – moi aussi ça m’a fait ce coup-là quand je l’ai rencontrée, quoique le petit stress de l’instant m’a bien aidé à accepter l’affaire. Après tout, personne ne demande à devenir un animal lors de son contrat, et j’imagine que très peu d’animaux puissent faire un contrat. Quoique, je me demande s’il y a une faction emplie de contractants de ce genre ; ce serait bien amusant. M’enfin, les vœux doivent toujours tourner autour des mêmes choses, que ce soit la bouffe ou l’accouplement, alors Kyu se lassera bien vite. S’il peut se lasser de quelque chose, du moins.
Parce que lui, je me demande d’où il vient, et ce qu’il est. Un croisement hasardeux entre un chat et un écureuil ? Ça expliquerait le physique, mais pas les pouvoirs. Bah, ce mystère ça fait son charme, aussi.

Un peu amusé par l’armada de questions d’Aleister, je reste quelques secondes muets, l’écoutant simplement. Je devine certaines de ses paroles – moi aussi, dans un sens, j’ai eu parfois l’envie d’aller encore plus loin dans cette guerre. Abandonner mes principes, tuer des Nephils comme s’ils n’étaient pas humains, et ainsi croire écourter cette gigantesque bataille insensée. Mais j’ai fait le vœu d’avoir de quoi défendre, alors j’ai du mal à me faire à l’idée d’aller à son encontre. Peut-être un jour, malheureusement ?

« - Ah … Je suis déçu Aleister Chase ! »

Le ton complétement à la rigolade, je transpire l’ironie par tous les pores de ma peau. M’enfin, aussitôt le mince écho de ma voix retombé, je reprends.

« - Sinon, Marguerite est bel et bien chat en permanence. J’ai pas tous les détails, je sais juste qu’elle arrive à parler comme un humain et à soulever de drôles de choses, ce qui est sacrément pratique pour un félin. M’enfin, toujours une Choisie à ce que je sais, et même si tu déconnais mon dédain du mauvais côté des promotions, je dois reconnaître qu’elle ferait une merveilleuse Traqueuse. Dans son genre, bien sûr. »

Plus bas, je durcis un peu mon regard sur le rouquin.

« - Et puis, vu qu’il serait absurde que stagne à ton rang à vie, j’imagine bien où tu vas atterrir. Alors, si jamais t’avais la voix de l’aider une fois là-bas, vois ça comme un service envers-moi. Je l’aime bien la petite. »

Voilà que je commence à m’investir davantage dans elle. Son côté fluffy qui me joue des tours, peut-être.

Aleister, qui sentait bien l’ironie de la première réplique d’Howard, se laissa aller à lui tirer un instant la langue, avant de faire comme si de rien était tandis qu’Howard poursuivait en parlant plus en détail de cette Marguerite.

-« ça ne doit pas être facile à vivre tous les jours n’empêche, même en sachant se faire comprendre. Et oui clairement, en termes d’espion on a pas dû très souvent avoir mieux, sans parler des surprises qu’elle pourrait faire à ses adversaires… enfin je serais curieux de voir comment elle se débrouille, de fait. »

Puis Howard demanda presque un service à Aleister, ce à quoi il répondit sur le ton de l’humour.

-« Howard, voyons, si un jour je deviens traqueur, je me ferai un devoir de te piquer les recrues prometteuses, donc y compris cette Marguerite. Et plus sérieusement je note, ça sera sur ma liste des choses à faire. Ne me dis quand même pas que tu es tombé sous son charme félin ? »

Puis, repensant à autre chose, Aleister devint plus sérieux, et se pencha légèrement en avant vers Howard.

-« Pour changer complètement de sujet, je pourrais avoir besoin de toi ou de ta collaboration : au vu de ton arme, tu t’y connais un peu en tir et en arme à feu, non ? »

Oui, c’est sûr que la vie de Marguerite ne doit pas être évidente tous les jours. Les gens doivent la regarder sans cesse avec celui qu’on porte à un simple chat ; et le recul qu’ils ne cherchent même pas à cacher quand elle parle doit être encore plus dérangeant. Même si j’imagine qu’elle s’est quelque peu habituée à sa vie, ça ne doit pas tout résoudre. Et les quelques avantages que ça apporte ne doivent pas totalement contrebalancer – je me demande bien si elle parviendra un jour à forcer sur ses capacités pour inverser le processus. En soi, connaissant un peu l’ami Kyu, ça ne me paraît tout à fait incohérent comme cheminement de pouvoirs.
Je souris, riant un peu à sa blague. Allons, on dira que je pense à une autre femme, non ?

« - Pour sûr, sa vie doit pas être simple ; mais merci beaucoup de noter son nom. Je suis sûr que ça arrangera un peu son quotidien que d’avoir l’intime conviction de faire des choses vraiment importantes pour la faction… Même, si ça signifie la voir partir loin de mon camp, ha. Et non, je te vois venir, c’est purement une relation de patpaté à patpateur. »

Les termes sont moches et ridicules. Mais je les aime bien, alors tant pis.
M’enfin, je hausse un sourcil, un peu surpris par le brusque changement de ton. Le sérieux est de mise, et la question me trouble un peu. C’est un katana son arme, non ?

« - Hmm, je sais tirer on va dire. Mais c’était la première fois que je touchais à un pistolet, je crois. M’enfin… Presque. »

J’ai déjà dégommé des bouteilles, complétement torché, pendant mon voyage. Mais c’est pas le genre de détails que je raconte aux gens.

-« Tu sais, pour la faire se sentir utile à la faction, il n’y a pas forcément besoin d’être gradé, déjà là maintenant il doit y avoir moyen de lui confier des objectifs intéressant… enfin ça implique de se débrouiller à notre niveau, mais on doit déjà pouvoir faire ça, non ? »

Aleister laissa échapper un sourire amusé en posant cette question, avant de redevenir plus sérieux.

-« Tu penses que tu saurais m’apprendre à tirer ? Avec une arme humaine s’entend. »

Aleister connaissait certes deux personnes qui pourraient lui apprendre ça, et sans doute même lui fournir un arme, mais le premier était précisément la cible de ces cours de tirs, et la 2éme la mère des enfants de la première personne… donc valait mieux éviter, et chercher d’autres personnes qui pourrait lui assurer ces cours.

C’est vrai, on peut être utile à faction sans grade. Mais obtenir une position particulière facilite l’organisation de choses, et ça, ça fait déjà une grande différence. M’enfin, je lui ai dit que je l’aiderai à trouver sa voie et l’entraînerai, alors je compte bien tenir ma parole. Je me contente d’hocher la tête dans un peu tous les sens, signifiant à la fois mon acquiescement, et ma réflexion. Ou rien du tout en fait, je sais pas vraiment. Mais dans tous les cas je m’arrangerai pour suivre la progression de Marguerite.
Non, je garde ma salive pour la question suivante. Simple, en fait – je me débrouille au tir, et j’imagine qu’une arme humaine se gère à peu près de la même manière.

« - Si tu prends un truc d’un calibre similaire, je pense que y a bien moyen, tiens. Après faut en trouver une, mais bon, on est aux Etats-Unis… Alors, j’me fais pas trop de soucis pour ça. »

Des vendeurs d’armes, y a pas que ça, mais … C’est presque plus facile à choper que de l’alcool, tiens. M’enfin, qu’on me laisse pas divaguer si longtemps là-dessus, je vais finir par donner mon avis politique sur la chose. Puis me heurter au cas des contractants. Et … Oh, qu’il l’achète, je l’entraînerai à tirer. Un Kekkai, une cible au QG, et on peut tenir longtemps comme ça – vive les tirs sans fatigue, une véritable innovation.

Aleister haussa les épaules à la réplique d’Howard.

-« Il faudra que tu me dise à quoi correspond à peu près ton arme dans ce cas, je n’y ai pas fait assez attention que pour savoir quel genre de calibre c’est. Et une fois que je sais ça… enfin un vendeur pourra me conseiller je pense, j’ai un peu de côté… même si je ne pensais pas que ça me servirait à ça. »

Aleister laissa échapper un léger rire, qui pouvait paraitre franchement malsain vu le sujet de discussion, avant de poursuivre.

-« Enfin merci de l’aide, ça devient un brin nécessaire. »

Dans un écho de son léger rire, je soupire doucement. J’ai eu de la chance de ne pas faire mon contrat plus tôt – parce que si j’avais perdu toutes mes économies là-dedans, et non dans mon voyage, je pense que je serai quelqu’un de différent. Frustré probablement, et toujours sous le joug de ma mère. Nan, franchement, je pense que je serai carrément moins épanoui dans ma vie si mon argent était passé là-dedans.
M’enfin, je ne relève pas davantage. Lui comme moi savons toutes les retombées négatives qu’ont tout ça, quoique dans le fond, c’est pour le bien de l’humanité. Je crois.

« - Un peu après le début de tout ça, j’ai chopé des tas de photos de pistolet et de révolver sur le net, histoire de savoir à quoi ressemble mon arme. Après quelques recherches, l’Ami se serait pas vraiment foulé – un Beretta 9mm, apparemment c’est le plus classique. J’imagine que si tu prends un truc dans les environs, on devrait tirer à peu près de la même façon. Même si j’imagine que la mienne sera un peu plus performante. J’espère, en fait. »

Sinon, belle arnaque, ha. Je contemple un instant ma tasse vide, presque satisfait de ne pas l’avoir oubliée, puis je laisse mon regard remonter vers celui d’Aleister.

« - Sinon, pourquoi cette question ? Tu te lasses des katanas ? »

Dans le fond, j’aimerais bien me mettre à autre chose, aussi. Un truc plus corps-à-corps, peut-être.
Relâchant un peu le mouvement de mes sourcils, j’attends tranquillement sa réponse – mais, à l’instant où ses lèvres commencent à remuer, mon portable se met à vibrer. Levant une main gênée, je sors l’appareil et découvre un message du mythique Seraph maladroit, j’ai nommé Andrew. Succinctement, il m’expose ses nouvelles emmerdes et me supplie d’aller le chercher, histoire de lui sauver un peu la face.

« - Ah, merde. Une urgence. Bon je suis désolé, je dois y aller, on reprendra cette discussion une autre fois ? »

Et sur ces bons mots, je m’éclipse du café, non sans avoir déposé le change sur la table au passsage.