Quartier de Bunker Hill:

C’était reparti pour les traques. John se sentait de plus en plus fort dernièrement, ses entraînements semblaient porter leur fruit. Il était plus endurant, plus rapide, plus précis. Il était possible qu’il soit désormais un vrai allié pour Leeroy et non plus un boulet à transporter.
Alors, maintenant c’était à lui d’indiquer des ombres à son ami. Ce soir, il ne cherchait plus une ombre qu’il pouvait vaincre ; mais une qui serait un véritable défi pour les deux ensembles. Bon, il espérait tout de même ne pas tomber sur une assez puissante pour les tuer – ce qui serait dommage, et que Leeroy ne lui pardonnerait jamais. Enfin, il n’aurait pas le temps de le faire, mais tout de même.

Donc il se percha en haut des bâtiments du Sud, et passa de toits en toits à la recherche d’une présence assez puissante pour le faire frémir. Au bout d’un moment, son regard s’arrêta sur un petit quartier. Il semblait y avoir de l’agitation, et John envoya aussitôt un message à Leeroy. Peut-être un faux signal, mais il valait mieux être sûr. Une fois l’adresse indiquée et l’accusé reçu, le Nephil descendit de son promontoire, observant de plus près la scène.

Deux hommes étaient en train de se battre, l’un visiblement armé et l’autre shooté. John ne savait pas vraiment quoi faire, devait-il agir ? Les laisser faire ? La scène s’accéléra, et d’autres personnes firent leur entrée… L’obscurité de la nuit n’aidait pas beaucoup à saisir tous les mouvements, mais globalement il y avait des prémices de baston.
Il patienta encore un peu, laissant les habitants faire. Puis, au bout de quelques minutes de luttes, le troupeau se dispersa. John fronça les sourcils, et avança un peu plus.

Et il regretta son inaction. Il restait un homme, debout, le poignard à la main. Le sang tombait, un homme gémissait dans ses derniers soupirs à ses pieds. Et le pire, une forme monstrueuse s’agitait sur l’assassin, tirant presque des ficelles invisibles.

John avait laissé une ombre agir en toute impunité. Et de sa faute, un homme était décédé ce soir… Le monstre ne semblait pas avoir saisi la présence du Nephil pour le moment, trop occupée à peut-être savourer sa victoire. John recula et se tapis dans un coin, observant toujours la scène ; l’ombre était grande, imposante. Plus que toutes celles qu’avait vues le jeune homme dans son passé, et il était plus sage d’attendre que son ami arrive pour l’épauler.

Et quelques minutes plus tard, Leeroy arriva. Les cheveux au vent, le regard fier, la tenue impeccable et la démarche princière. John ne laissa pas ce stéréotype d’héros faire son œuvre plus longtemps, et s’approcha tranquillement de lui, pour lui indiquer la situation. Il lui pointa du doigt l’Ombre.

« - Elle est là-bas. Je pense qu’elle est forte, très même. Alors va falloir qu’on soit plus prudent cette fois, je pense. »

Il valait mieux prévoir d’une stratégie avant d’agir, car rien n’assurait la survie des deux compères face à un tel monstre.

Ces derniers temps, il était resté cloîtré chez lui. Il fallait dire qu'avoir ce genre sur le visage n'était pas des plus simple à vivre, surtout dans ces temps-là, où les gens avaient tendance à juger sur le physique. La plupart du temps, adultes comme adolescent qu'il croisait, le dévisageaient presque à chaque fois. Heureusement qu'il arrivait depuis longtemps à faire abstraction de ce qu'il y avait autour de lui pour éviter d'avoir des pensées parasites, sinon il l'aurait bien évidemment encore plus mal pris et serait rester chez lui sans même sortir ou même répondre aux sms de John.

Le point positif, c'était qu'au moins, il n'était plus suivi par cette Lulu à la fac. Bizarrement, cet amour fragile et superficiel qu'elle s'était vite fait évaporé une fois une maladie infantile apparu. Il avait gardé cette excuse de la maladie, en même temps, il ne pouvait pas expliquer à tout le monde que c'était naturel pour lui et qu'il avait des pouvoirs.

Soupirant un peu, après avoir reçu un message de John, ce dernier ayant trouvé une ombre au quartier Sud, il sortit de chez lui. Tout comme à leur rencontre, il portait cette veste à capuche, mise sur la tête pour cacher son visage dans l'obscurité. Cela permettait au moins de cacher vulgairement ses écailles sur le visage. Comme il faisait nuit, et que la rue était très peu éclairée, il pouvait cacher tranquillement son visage. Mais lorsqu'il se battra, sa capuche s'en irait évidemment.

Une fois arrivé devant John, celui-ci commença à lui parler de l'ombre qu'il avait repérée au loin. Difficile d'analyser une ombre quand elle n'était pas au mouvement. Ces derniers temps, il pensait évidemment que John s'était amélioré, alors s'il disait qu'elle était vraiment forte, alors peut-être que cette fois, il allait devoir se battre sérieusement pour sa survie.

- N'oublie pas que c'est toi qui dois l'achever.

Il espérait qu'au moins John serait capable de tenir jusqu'à la fin du combat. Il se souvenait de leur dernière collaboration où Leeroy fut obligé de tuer une ombre lui-même, car son partenaire avait endommagé son arme et était totalement hors combat.

- Je pense qu'il va falloir faire gaffe sur celle-ci, si tu dis qu'elle est forte.

Leeroy fixa alors l'ombre avec ses deux yeux dorés qui se reflétaient bien dans le noir. Se cachant, il observa alors les mouvements de l'ombre, captant les ondes du sol pour savoir de quelle manière elle se déplaçait et agissait.

- On y va comment ? Ça va être délicat.

Légèrement, il se mordit la lèvre. Il pouvait rester caché sans avoir besoin de regarder l'ombre pour la surveiller grâce à son pouvoir. Il n'y avait pas trop de monde dans le coin, alors il ne pouvait pas confondre l'endroit d'où venait l'onde qu'il ressentait.

Une fois que le Seraph commença à lui parler, John fixa aussitôt l’ombre des yeux pour étudier ses mouvements. Apparemment, elle ne les avait toujours pas repérés – tant mieux, de cette manière ils auraient encore un peu de temps pour se préparer.

L’important était de fixer une stratégie, une bonne cette fois-ci. Pas de tentative d’acupuncture sauvage ou de sauts spontanés ; il fallait prévoir quelque chose de fiable. Ses carreaux étaient plus précis, ses tirs plus puissants – et de son côté Leeroy devait être lui aussi plus fort. Enfin, il faut dire que John n’avait jamais vu ses limites, et il espérait ne pas les découvrir aujourd’hui. Sinon, cela serait un mauvais signe. Genre, un très mauvais.

La technique de la projection n’était pas tant à jeter que cela – il fallait juste que cette fois il fasse attention à conserver son arme intacte. Et une autre idée avait porté ses fruits, par erreur surtout : planter des carreaux dans le corps de l’ombre et laisser son ami flanquer des tatanes pour les enfoncer.
Deux façons de faire, ce n’était pas suffisant ; il lui fallait innover.

« - Je vais lui planter des carreaux dans le corps à de bon endroits pour que tu puisses les frapper, ça lui fera déjà un peu d’effet. Après, la technique de la projection m’a bien plu, je devrais mieux m’en sortir cette fois… Quant à la commencer… Si je lui tire dessus en plein torse, que je me dévoile et que tu l’attrapes sur la route pendant que tu concentres son attention, ça te va ? Je vais essayer de ralentir ses gestes en plantant ses membres mobiles. »

Il avait l’étrange impression que ses carreaux ne coinceraient pas l’ombre au sol cette fois-ci. Etonnant.

« - Ou alors l’inverse, tu l’attrapes et je tire. A toi de choisir. »

Eviter au maximum ses sauts, c’était là l’idée ; l’endurance était la clé de sa victoire. Avec un bon coup, déchirer la tête de l’ombre grâce à Leeroy et ses carreaux devrait être envisageable.

Donc c'était encore à Leeroy d'aller au corps-à-corps. En même temps, il ne voyait pas vraiment John y aller avec son arbalète. Le Seraph hocha alors doucement la tête.

- D'accord, ça me va pour la première.

À ces mots, Leeroy invoqua alors son fouet, et enroula une partie autour de sa main gauche pour éviter que celui-ci traîne par terre et se fasse repérer par la bestiole noire qui était maintenant leur cible. Doucement, il se baissa alors, essayant d'équilibrer sa position à ne pas être ni trop haut, ni trop bas par rapport au sol. Il était un peu près accroupis et fit le tour, tout en essayant d'être le plus discret possible. Pour le coup, il avait volé le métier de John, étant presque aussi discret qu'un voleur.

Il se cacha dans un coin, entre l'ombre et John, et était prêt à intercepter l'ombre. Il comptait donc laisser John tirer, et attirer l'ombre vers lui. Leeroy mettra alors un coup de fouet horizontal dans la direction contraire de celle de l'ombre, ce qui intensifiera l'attaque. À partir de ce moment-là, Leeroy se mettra au corps-à-corps avec l'ombre, pour la contenir pendant que John tirera avec son arbalète. Il espérait tout de même que son ami se soit amélioré au niveau de ses tirs, il n'aimerait pas se retrouver avec des carreaux dans les parties de son corps, bien que certaines, soient maintenant protégées par de viles écailles.

Tout doucement, et sans faire de bruit, Leeroy déroula son fouet qui était autour de sa main et se mit en position pour pouvoir se tenir prêt à asséner une attaque à l'ombre pendant que John la divertira. L'erreur n'était pas permise, il ne pensait pas vraiment que le Nephil puisse contenir une ombre telle que celle-ci en corps-à-corps. Il avait sa téléportation pour l'esquiver, mais l'ombre était certainement plus rapide que Leeroy à la course, alors il allait avoir dû mal à les rattraper.

Le solitaire n'avait même pas besoin de regarder l'ombre pour savoir quand elle allait partir de l'endroit où elle était. Avec les ondes, et en comptant les secondes de décalage, il arriverait à savoir le moment où il devra lancer son fouet pour l'envoyer balader de l'autre côté dans un mur et la rejoindre aussitôt.

Pour le moment tout se déroulait comme ils l'avaient tout deux prévu. Sans regarder la scène, il était capable de savoir quand agir grâce à aux ondes sur le sol, mais aussi à sa vue qui lui permettait de voir par-delà les murs et obstacle ne possédant aucune chaleur. Alors que John ne pouvait pas voir Leeroy, lui, il pouvait parfaitement le distinguer du reste, et voir le moindre de ses mouvements. L'action commençait alors enfin, et Leeroy se concentra, prêt à partir au quart de tour.

Lorsque les mouvements du combat commença et quand la bête s'approcha de John, réagissant à son attaque, le solitaire sorti alors de sa cachette pour lui asséner un coup de fouet horizontal, frappant la bestiole et l'envoyant dans le mur bien derrière. Il jeta un coup d’œil vers John avant de courir vers l'ombre. Comme d'habitude pour combattre une ombre au corps-à-corps, il garda le manche dans la main droite tandis que la main gauche attrapait une partie du fouet, qu'il tendit directement après. Maintenant sur le devant, il faisait confiance à John pour ne pas le toucher avec ses carreaux, espérant qu'il se soit quand même un peu mieux améliorer. L'ombre et Leeroy seront tous les deux en mouvement, alors il devait se concentrer à viser.

La bête noire commença alors le combat entre les deux d'un coup de papatte qui pouvait faire mal, si ses griffes venaient à le toucher. Heureusement la première attaque, il réussit à la parer avec son fouet, mais John pouvait bien voir que Leeroy avait du mal à contenir la force qu'elle avait puisqu'il glissait un peu sur le sol, reculant légèrement. Le Seraph riposta avec un coup de pied sur le côté, un coup que l'ombre réussit à parer. Elle était plus rapide que Leeroy, et cela se ressentait. Il l'avait remarqué, elle ne prenait même pas de mal à parer ses coups. En restant au corps-à-corps, il aura beaucoup de mal. Les deux s'enchaînaient alors plusieurs coups, bougeant évidemment dans tous les sens. Maintenant blessé au niveau de la hanche gauche que très légèrement, Leeroy commença à reculer un peu pour mettre de la distance entre eux deux. Il avait réussi à lui mettre quelques égratignures, mais pas quelque chose de grandiose où de suffisamment entravant pour réduire sa mobilité.

Encore une fois, la bête bondit en direction de Leeroy assez rapidement. De peu, il réussit à esquiver son attaque, mais elle répliqua assez rapidement avec son autre patte griffue. Elles auraient dû se planter au niveau de son cœur, et le tuer instantanément, mais heureusement, les écailles qui étaient apparues il y a quelques jours ne finissaient pas le sauver. Elles étaient légèrement abîmées, mais Leeroy réussit à s'échapper et à reprendre une distance suffisante entre lui et l'ombre pour pouvoir la tenir à distance. Sa capuche, cachant son visage, était toujours en place pour le cacher, et de là où il était tout ce que John avait pu voir, c'était les griffes qui se plantaient dans le torse de Leeroy.

Pendant que les deux s’affrontaient plus loin, John mettait en œuvre sa stratégie – il était peut-être plus adapté de dire au point. Après quelques réflexions, il avait décidé de tendre un piège à l’ombre ; enfin, même si c’était une drôle de façon de nommer ceci. Il voulait plomber le dos de l’ombre de carreaux, puis la lâcher d’une grande hauteur pour la laisser se faire empaler par la gravité. Pour une fois, son plan semblait tenir à peu près la route, même s’il ne savait pas si cela suffirait pour vaincre la bête.

Enfin, avant même qu’il ne puisse commencer ses manœuvres, son esprit capta une image qu’il n’aurait jamais voulu voir. Leeroy venait de se faire perforer le torse par les griffes aiguisée de l’ombre, et John ne pouvait plus qu’assister au spectacle, les yeux écarquillés. Voilà ce qu’il advenait quand on invitait un ami à joindre un combat incertain et qu’on l’envoyait au premier rang : il mourrait. Malgré cette évidence tragique, le jeune homme n’en était pas plus rassuré ; il refusait d’accepter l’image qui s’imposait à lui.

« - LEEROY ! »

Prenant appuis sur ses pieds, il allait s’élancer en direction de l’ombre, vengeur, quand le corps prétendument inanimé du Solitaire se mut, sans pour autant être désarticulé. Ses mouvements avaient un sens, et sa poitrine n’était pas ensanglantée – quoique sur ce dernier détail, l’imagination de John travaillait plus que sa vision. La première idée du jeune homme fut de rejoindre son allié pour lui porter main forte, mais il se ravisa. Il ne serait qu’une gêne supplémentaire, alors il fallait agir différemment.

Et justement, celle-ci venait de lui donner une occasion en or de se rattraper. Alors que l’ombre levait sa mandibule griffue dans le but d’asséner une nouvelle blessure à Leeroy, John banda son arbalète et décocha un carreau. Celui-ci alla heurter le bras levé et dévia sa course, de façon à donner une ouverture au contractant ; et aussitôt son action accomplie, le Nephil se déplaça de façon à faire face au dos de l’ombre.

Un premier carreau dans le dos.

Il fut assez étonné lui aussi que ces écailles soient aussi résistantes. Par contre, elle ne supportera peut-être pas deux coups, et chacune de ses plaques avaient l'air d'avoir sa propre résistance. Il avait tourné son regard légèrement vers John après l'avoir entendu crier son prénom. Tout comme lui, il avait cru que sa vie allait se finir ici. Même si ses pouvoirs étaient bien en combat, il préférait ne pas en posséder et ne pas avoir à combattre ces sales bêtes. Alors qu'il regardait John, l'ombre à son corps-à-corps avait levé sa patte pour asséner un autre coup à Leeroy, mais grâce au carreau de son partenaire, le coup fut légèrement dévié et donna largement le temps au Seraph de se reculer.

- P'tain..., jurait-il.

Cette ombre était vraiment énervante et d'ailleurs un peu trop forte. Leeroy préférait rester loin de ce genre d'ombre, mais si celle-ci rapportait plus d'énergie, alors John devait la tuer pour apporter le maximum d'énergie à Bey. Il ne devait oublier son principal objectif de sa collaboration avec le Nephil.

Pendant qu'il occupait l'ombre, John se faufila derrière elle pour lui planter un carreau dans le dos. Le Nephil, étant plus faible que Leeroy, attira l'attention de la bête noire. Cette dernière se retourna alors pour commencer à courir vers ce jeune homme. Armé de son fouet, le Seraph le lança pour l'attraper par l'une de ses pattes et l'empêcher d'aller attaquer le partenaire de combat. En gardant le fouet de cette manière, John allait pouvoir rester à une distance pour pouvoir lui donner d'autres blessures.

L'ombre revint alors plutôt vers Leeroy et les deux commencèrent alors à se donner des coups en corps-à-corps exactement comme au début, mais cela ressemblait plus à des coups donné par l'ombre et Leeroy qui ne pouvait qu'esquiver, ou parer les attaques avec son fouet ou ses écailles. C'était plutôt délicat pour John. Le solitaire devait absolument trouver un moyen de l'immobiliser, sauf si le tireur était assez confiant pour viser une cible en mouvement assez rapide.

Pour lui donner une petite pause, il finit par invoquer son serpent à leur pied. Celui-ci commença alors à attaquer l'ombre, tandis que le maître s'éloigna, reprenant un peu son énergie. De toute manière, cela n'allait pas lui laisser beaucoup de temps, puisque l'ombre n'allait pas s'attarder sur une simple invocation.

Sans l’intervention de Leeroy, John aurait probablement essuyé un sale coup – l’ombre s’était terminé si vite et si soudainement qu’à part quelques réflexes de survie, le jeune homme se serait pris quasiment le coup de plein fouet. C’était ainsi la force qu’elle était capable de déployer, il fallait donc agir vite pour l’éloigner de leurs corps ; ce n’était pas même certain que le Nephil puisse la tenir plus de dix secondes en combat rapproché. Alors, tandis que le serpent de son camarade s’occupait de leur ennemie, il allait planter un nouveau carreau dans le dos de l’ombre.

Quatre, c’était le nombre de projectiles qui étaient plantés dans le corps de l’Ombre. Pas assez pour accomplir la stratégie finale de John, mais c’était déjà un début ; surtout qu’elle ne semblait pas daigner les retirer. Un détail était pourtant bien intéressant, c’était que la cible primordiale du monstre semblait être lui, alors il pouvait en profiter pour lui tendre quelque piège.

C’était l’heure de tenter quelque chose. Une technique que le jeune homme avait en tête depuis déjà quelques temps, mais qu’il n’avait jamais vraiment essayée – plus par flemme qu’autre chose, mais ce soir se prêtait bien à l’occasion.

Profitant d’une attaque du serpent, John couru en direction de l’ombre, tenant dans sa main gauche un carreau en guise de couteau et de l’autre son arbalète. A l’instant où il entra dans le cercle des 1m de sa cible, celle-ci força le serpent à reculer et se retourna brusquement sur le jeune homme ; et à son tour, il fit en sorte de trébucher tout en forçant son tronc à se retourner. La mandibule griffue se rapprochait dangereusement du contractant qui chutait, puis à un instant du moment fatidique, la griffe broya de l’air tandis que dans le dos de l’ombre quelque chose s’agitait. Maintenant à un mètre de l’ombre, l’espace d’un instant le corps de John défia les lois naturelles en conservant un équilibre parfait dans une position pour la moins étrange, à mi-chemin entre la chute et la rotation.

Mais la gravité reprit son cours, accélérant le mouvement que le Nephil ordonnait à ses muscles, et il planta à main nue un carreau dans l’espèce de bas du dos de l’ombre pendant que de l’autre membre il traçait un petit sillon un peu au-dessus. Sauf qu’il n’avait pas prévu l’étonnante agilité de l’ombre qui saisit son poignet, l’efforçant à trouver une solution rapidement.

En une seconde, il révoqua son arme et se retrouva quelques mètres au-dessus, au bord d’une balustrade. Grâce au rebord de celle-ci, il put forcer l’ombre à lâcher prise, le laissant chuter lourdement au sol tandis qu’elle avait une position de choix trois mètres au-dessus de lui.

Le poignet endolori, le torse quelque peu entaillé par les longs ongles de l’ombre, John se reconcentra péniblement, jusqu’à ce qu’il aperçoive la masse noire qui lui plongeait dessus. Il leva aussitôt son arbalète, décochant un carreau qui percuta l’ombre dans son ventre ; et il se téléporta sur la dite balustrade, n’évitant que de peu une mort assurée.

Voilà donc sa situation, en équilibre précaire au bord d’une chute, le dos et le poignet douloureux. Il était dur de définir s’il avait réellement réussi son objectif, mais voilà que l’ombre avait désormais six carreaux dans le corps. Les choses avançaient bien, mais le prochain aurait quel prix ?

Alors qu'il s'était mis dans un coin pour se reposer un peu, il observa tout de même la scène de loin grâce à ses sens du serpent. Il restait tout de même caché à la vue de John et de l'ombre. Son serpent tint bon, mais ce n'était pas un guerrier et il n'était clairement pas fait pour être envoyé de la sorte au combat. Il fallait qu'il soit subtil, et qu'il attaque d'un seul coup sans que l'ennemi ne le voit. C'était la base de la chasse pour les serpents. Sur ce coup-là, il avait complètement envoyé son serpent à la mort. Comme il était le plus faible des trois ennemis présent pour la bête noire, c'était normale qu'elle concentre uniquement sur lui.

John commença alors à faire une action, Leeroy, qui le voyait agir fronça un peu les sourcils. Que voulait-il faire pour s'approcher autant de l'ombre ? Il sortit alors la tête de sa cachette pour un peu mieux voir la scène. Il finit alors par se lever et se mettre à courir vers les deux, tout en ordonnant dans cette autre langue à son serpent de se cacher.

Lorsque l'ombre commença à tomber vers le sol. Leeroy sauta alors sur le dos de l'ombre pour l'accompagner dans sa chute, et appuyer les dégâts qu'elle venait de se prendre en tombant. Le poids fit plus lourd, alors l'ombre se fit complètement écrasé et les carreau plantés dans son dos finirent par étendre les blessures en s'enfonçant un peu plus. Avant qu'elle ne puisse réagir, le solitaire se dégagea et reprit son fouet exactement comme tout à l'heure, une partie tendue entre ses deux mains pour pouvoir parer les attaques supposées de l'ombre. Or, celle-ci fut évidemment plus intéressée par John ; à croire qu'elle avait complètement oublié la présence du serpent. C'était parfait, car à cet instant-là, l'invocation finit par bondir sur l'ombre et planter ses crochets dans le flanc droit de l'ombre.

Malheureusement, elle riposta, tranchant la tête sur serpent. L'invocation disparut alors complètement et Leeroy se mordit les lèvres. En même temps, le serpent avait déjà subi pas mal de dégât pour permettre à son maître de se reposer. C'était donc presque évidemment qu'il allait finir par mourir à la prochaine attaque. Si le combat s'éternisait, il allait de toute manière pouvoir l'invoquer à nouveau sans problème.

Comme tout à l'heure, il préféra emprisonner le bras droit de l'ombre pour pouvoir la tenir à distance de John et la forcer à attaquer le Seraph. Il leva alors son fouet d'un seul coup pour attirer l'ombre dans les airs et la faire retomber sur le sol. L'ombre évita de subir le maximum de blessure en plus en se rattrapant comme elle pouvait sur le sol. Cette sale bestiole était bien résistante, mais avec ce que John et Leeroy lui avaient infligé, cela se voyait que ses mouvements étaient déjà moins rapides.

Un pas, puis l’autre, doucement. Les bras en balance, le poids surtout vers la gauche. Oui, pendant que le combat faisait rage plus bas, John luttait difficilement pour ne pas perdre l’équilibre sur cette balustrade ; et c’en était presque plus dur que le véritable combat.
Après quelques secondes d’effort, il parvint enfin à se stabiliser, et lança son regard vers le bas. Leeroy affrontait l’ombre non loin, tandis que le serpent avait disparu. Etrange, mais John n’y tint pas vraiment compte ; il avait une idée. Il dissipa son arme – en veillant à récupérer un carreau avant-, et saisi celui-ci à deux mains. Il recula un peu, puis s’élança de son abri de fortune, au-dessus de l’ombre.

Apparemment, elle ne l’avait pas vu plongé, et il arriva à planter son carreau sur le crane de l’ombre ; en filant au passage un petit coup de pied à son camarade. Celle-ci releva brutalement la tête, envoyant valdinguer le jeune homme deux mètres plus loin. Aussitôt, elle lâcha sa proie actuelle et se rua sur John, dont le corps semblait se couvrir de plus en plus de contusions.

Sans trop savoir pourquoi, dans son mouvement pour se relever il percuta de l’épaule la griffe qui devait se planter dans son torse, déviant sa course et s’ornant alors d’une belle entaille. Alors, ses cours de natation lui offrirent une porte de sortie ; il élança ses deux mains pour attraper les jambes de l’ombre et s’enfuit en passant sous ses jambes, recevant en guise de position une nouvelle griffure sur les fesses. Sorti de l’embarra, il sprinta jusqu’à dépasser Leeroy, et lui cria, sans s’arrêter.

« - J’ai besoin de trente secondes ! »

La suite était sue : téléportation de l’ombre aussi haut que possible, et largage du colis, laissant la gravité empaler celui-ci. Mais d’ici là, il lui fallait allonger son délai.

Alors qu'il avait écrasé l'ombre avec son poids et la blesser encore plus, un pied lui arriva aussi sur la tête pendant qu'il se sépara de l'ombre. Il s'agissait de John qui avait très certainement foiré quelque chose. Tâtonnant l'arrière de son crâne, il vérifia tout de même qu'il n'avait rien de grave et soupira un peu. Il leva alors son regard tout de même pour vérifier que tout allait bien pour le jeune homme et afficha un petit sourire avant de lui lancer un petit pique :

- Fait attention tout de même, tu pourrais te casser quelque chose.

La bête noire avait décidé de se ruer dans la direction de John et de s'occuper de lui. Ce dernier revient alors vers lui en courant. Leeroy se mit alors en position pour couvrir son partenaire de combat. Au moment où John croisa le Seraph et qu'il ne fut plus à portée de son fouet, il repoussa la bête avec et enchaîna sur un autre coup de fouet. Pour sécuriser un certain périmètre, il attrapa une des pattes arrières de l'ombre. Elle pouvait quand même bouger comme elle voulait avec le solitaire, mais le Nephil était sauf.

Les trente secondes qu'il voulait allaient être bien longues, mais Leeroy pouvait tout de même tenir ce temps-là sans avoir trop de problèmes. Il pensait évidemment en ressortir avec une blessure en plus. Puisqu'il avait des écailles résistantes, il voulait en prendre avantage pour parer des attaques. C'était un peu comme un entraînement dur pour réussir à utiliser ce nouveau pouvoir. C'était vraiment compliqué.

Finalement, au bout du temps que John avait demandé, l'ombre avait réussi à donner un coup de pattes griffues au niveau de son bras droit, près de l'épaule. Sur ce coup-là, il fut vraiment forcé de reculer, il préférait ménager sa blessure et en vint à révoquer son arme.

Le moment était venu de porter un dernier coup à l’ombre ; d’en finir avec sa stratégie étrange. Alors John couru vers l’ombre, profitant du recul de son ami pour se frayer un chemin, puis agrippa le bras de l’ombre. Il leva la tête vers le ciel, projetant son regard le plus loin possible, et se téléporta.

Cinquante mètres, c’était beaucoup. Il faisait plus froid, et l’espace d’un instant ils flottaient tous deux, insensibles à la gravité. John relâcha son étreinte, cherchant à se séparer de l’ombre.
Et une magnifique griffe lui déchira la hanche gauche, rouvrant la brulure d’Alice. C’était assez violent pour ralentir fortement ses mouvements et lui infliger une douleur mémorable, mais pas assez pour lui découper l’os. Néanmoins, la mandibule finit son mouvement après avoir traversé sa chair, et il se retrouva dans le vide au côté de l’ombre, sans contact entre eux.
Aussitôt, il se téléporta à nouveau, un simple mètre au-dessus de l’ombre. Il était à l’abri, et il hurla de douleur, la blessure étant tout de même profonde.

Ils chutaient tous deux, c’était long. En vrai, même pas cinq secondes, mais cela semblait tellement plus longs quand on le vivait. Enfin, le sol approchait, et John usa d’une ultime téléportation pour se retrouver au sol, juste à côté de l’ombre. Le choc entre le monstre et le bitume avait été puissant, bruyant – un être humain n’y aurait jamais survécu.

Les deux ne bougeaient plus, mais l’ombre semblait encore vivante. Quoique que ses blessures devaient être assez importante pour dépasser ses pouvoirs de régénérations ; il fallait l’achever.

« - Tues-la avec un de mes carreaux, ça va marcher j’suis sûr. J’vais faire dodo moi. »

Et sur ces mots, John se retourna sur sa jambe saine pour se reposer un peu, le corps complétement vider par son trop plein de sauts.

À vrai dire, avec une blessure, Leeroy en avait déjà marre. Il était déjà légèrement blessé à la hanche tout comme John. Dans le feu de l'action, il regardait John se téléporter avec l'ombre, mais comme 50 mètres, c'était beaucoup trop haut, le seraph ne savait pas où il était parti avec la bestiole. Puis assez rapidement, quelque chose retomba lourdement sur le sol, fracassant tout ce qui se trouvait là. C'était sûr que s'il s'agissait d'un autre humain, il serait complètement mort par la puissance de ce coup-là.

Après les instructions de John, Leeroy se dirigea vers l'ombre et frappa l'ombre à l'endroit où un carreau pouvait définitivement la tuée. Après ça, elle disparut lentement, se désintégrant dans les airs. Enfin terminé, il soupira bruyamment de soulagement. Bien que sa nature réduisait les douleurs, il avait tout de même mal au niveau de l'épaule.

Au bout d'un certain temps, il finit par rejoindre John et s'écroula lui aussi par terre, dos sur le sol. Il était mort de fatigue. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas battu de la sorte. À vrai dire, il aurait préféré s'occuper des petites ombres. Celles qui étaient fortes n'étaient pas sa tasse de thé. Risquer sa vie à tuer ces bestioles ? Ce n'était pas pour lui, mais au moins celle-ci avait rapporté de l'énergie à ce cher Bey.

- Je suis mort.

Doucement, il enleva sa capuche qui emprisonnait ses yeux de toutes lumières de la lune et se mit à regarder le ciel. C'était ce qu'il voyait en premier, il était en face. Les étoiles étaient bien trop brillantes pour le contexte.

- Elles sont graves tes blessures ? Je ne sais pas si on peut aller soigner ça quelques parts. A l'hôpital, je présume.

À vrai dire, les blessures avaient l'air bien trop grave pour les deux personnes pour que Leeroy puisse s'en charger lui-même à la maison. De toute façon, il avait son épaule droite à moitié handicapée par la blessure.

Et voilà, c’était vraiment fini. John se retourna à nouveau sur le dos, soupirant bruyamment. Il n’avait pas envie – ni la force-, de repartir pour le moment, alors il préférait demeurer encore un peu allongé pour discuter avec son ami. Après l’effort le réconfort comme certains disaient, et pour le coup le Nephil était bien d’accord. Il était meurtri de partout, griffé de plusieurs endroits : ce combat avait repoussé ses limites, blessé son corps. Le résultat était un peu différent du dernier avec Leeroy ; pas d’arme endommagée, mais un véritable essoufflement. Au moins, il était fixé maintenant : cette ombre était trop forte pour lui.
Il y avait un peu de vent dehors, mais il ne faisait si froid ; quoique l’action avait pas mal réchauffé leur corps. John trouvait sa position plutôt agréable, et il ne prenait même pas la peine de tourner pour faire face à son futur interlocuteur.

« - J’ai envie de rester un peu ici… Et si on discutait un peu ? Quoi de neuf Leeroy ? »

En fait, il ne laissa pas même le temps au jeune homme de répondre qu’il embraya de lui-même sur sa réponse ; comme s’il s’était posé une question tout seul.

« - De mon côté, j’ai un boulot maintenant. Ça fait bizarre… »

Il bossait pour Alice maintenant, comme garde du corps… C’était un bien grand chemin qu’avait parcouru le jeune homme depuis sa rencontre avec Leeroy, dans la rue. De voleur au passé trouble il était devenu quelqu’un d’amicale, puis un contractant. Quoique, le début tranquille s’accéléra très vite, passant sans transition à une espèce de quête de son identité puis à vrai un travail. Sans oublier qu’il était maintenant contractant. Et tout cela – en grande partie-, grâce à Leeroy ; voilà bien une rencontre singulière qu’avait fait le jeune homme ce soir-là…

Au moment où John lui demandait du neuf, même s'il lui avait laissé le temps de répondre, il aurait sûrement gardé le silence. Alors le fait qu'il renchaîne directement sur sa propre vie l'arrangea en quelques sortes. Il tourna son regard sur le côté, en restant toujours de face au ciel, et regarda John du coin des yeux. Lui aussi était sur le sol après ce combat de plus en plus dur. John progressait vite et cela se voyait à vue d’œil. Excepté ce coup de pied qu'il lui avait mis, il avait plutôt bien géré. Ce n'était pas impossible qu'il devienne aussi fort que lui, il devait sans doute combattre plus que lui. Leeroy faisait très vite sa chiffe molle à rester dans son studio d'étudiant.

- Je vois, la méchante patronne dont tu m'as parlé ?

C'était peut-être dur à croire, mais Leeroy se souvenait presque de tout ce que lui racontait John. C'était presque les seules fois où il se montrait attentif, sans compter ses cours à la fac de biologie. Leeroy lui avait conseillé d'aller voir cette jeune femme pour se faire, engager et enfin avoir un boulot stable. Il ne savait pas vraiment si John avait écouté ses conseils, mais il avait enfin pris une décision, et c'était ce qui avait de mieux pour lui.

- Et j'espère qu'avec ça, tu arrêteras de voler les gens, n'est-ce pas ?

Il afficha alors un petit sourire en coin, se montrant un petit peu sarcastique. En même temps, cette situation ne lui faisait pas vraiment plaisir. Même s'il était Nephil, il ne voulait pas qu'il aille en prison, surtout en sachant qu'il y avait un homosexuel Seraph là-bas. Si Leeroy pouvait éviter une expérience assez bizarre à John, c'était le mieux à faire.

Quant à lui, il n'avait pas vraiment de nouvelle. Tout ce qu'il faisait, il préférait le garder pour lui. Moins une information était partagée, moins elle mettra Leeroy en potentiel danger. Ce qu'il avait fait en ce moment était un peu dangereux puisqu'il essayait surtout de récupérer des informations pour les Nephils, pour le compte de Juliet. Et surtout, il ne devait pas parler de sa relation avec Juliet avec quelqu'un.

Leeroy avait esquivé la question ; et cela n’étonnait pas vraiment John. Il commençait à être habitué ce réflexe du jeune homme de ne jamais parler de sa vie – qui était d’ailleurs étrange, car si quelqu’un devait tard son histoire, c’était bien le Nephil. Enfin, voilà que le sujet du futur de John était lancé, et il n’allait pas que le couper dans son œuf pour poser une question à laquelle il n’allait pas avoir de réponse. La façon dont son ami avait qualifié Alice le fit sourire, et il repensa à cette étrange soirée pendant laquelle il avait été embauché.
En fait, il ne savait plus vraiment ce qu’il pensait de cette jeune femme ; il la haïssait, et l’appréciait. Mais lequel l’emportait sur l’autre ? C’était à cette question qu’il n’avait pas encore de réponse finale.
Il leva ses deux bras au ciel, et s’en servi pour dessiner une sorte d’affiche imaginaire, le ton pompeux allant avec.

« - Et ouais ma gueule, je suis le garde du corps d’Alice Night-ray maintenant ! Je suis sûr que ça va faire de l’effet sur mon cv, et j’dois t’avouer que le salaire qui va avec et drôlement bien garni. J’avais déjà quitté toute intention de voler, mais là je t’assure que c’en est vraiment fini de ces saloperies. »

Mais pas sa lutte contre les forces riches et sadiques qui contaminaient le monde et asservissaient les pauvres ; elle n’était que dans un suspend temporaire.

Une fois ses bras retombés, il prit une voix un peu plus sérieuse, et lâcha ce qui devait être dit tôt ou tard.

« - J’ai parlé avec Luna. »

En soit, il n’avait fait que tout lui raconter en la prévenant des dangers et lui demandant de choisir ce qui était le plus sécuritaire pour elle. Et à bien y réfléchir, c’était peut-être bien là la meilleure des choses à faire s’il voulait que la jeune femme soit le plus à l’abri.  

Leeroy avait déjà entendu des Nightray quelques parts. En même temps, ils avaient quand fait de grands films et des tubes qui s'étaient énormément vendus. Si John avait réussi à devenir un garde du corps pour la jeune fille de Cameron Nightray, c'était certes une bonne chose à mettre sur son cv. Elle avait en quelques sortes sauvé sa vie professionnelle.

- C'est vrai, c'est plutôt pas mal. Mais ça m'étonne de te voir garde du corps.

Comme tous les autres, il pensait plutôt que tous les gardes du corps étaient des gros tas de muscle, capable de virer n'importe qui avec le petit doigt. Après John avait l'avantage d'être contractant alors il pourrait effectivement repousser n'importe quel humain comme il le voulait. Alors qu'il comptait réagir encore une fois de plus là-dessus, le ton de son ami fit un peu plus sérieux et osa dire une phrase qu'il n'aurait jamais aimé entendre.

- Qu'est-ce que tu lui as dit ?

Il voulait clairement les détails. Que lui avait-il dit au final ? Connaissant John, il avait dû tout lui déballer, lui faisant même une démonstration de pouvoir. Leeroy avait pris une voix plus sérieuse aussi et légèrement plus froide. Évidemment, il pensait des autres que n'importe qui accepterait de réaliser ce contrat s'il était possible d'obtenir un vœu. Il suffisait de voir combien de personnes tombaient dans le piège à cause de l'avidité de pouvoir réaliser un de ses souhaits.

- Tu viens tout de même de l'exposer à un danger considérable. Je t'aurais prévenu.

Même s"il disait cela comme si la situation ne le concernait pas, il se mordit un peu la lèvre inférieur, agacé. C'était impossible que cette nouvelle lui fasse plaisir et John en avait très bien conscience après la discussion que tout deux avait eu après le départ de la jeune femme l'autre fois. Leeroy se redressa pour se mettre assis en tailleur et baissa les yeux sur son ami, montrant dans son regard à quel point il était dérangé par ce que le Nephil venait de faire. En tant que contractant il n'avait pas à parler de tout cela.

- Ne parle plus jamais la vie de contractant à un humain.

La réaction était attendue, et John força un silence après le sermon léger de son ami. Répondre trop vite allait enchaîner sur un débat, il était à peu près persuadé qu’aucun d’eux n’avait ni la force, ni l’envie de partir là-dessus.
Pour autant, s’arrêter là-dessus serait presque faible, même hypocrite – John avait réfléchi à cette question avant de tout dévoiler, et il était arrivé à une conclusion qui allait dans son sens. Certes, c’était simple de faire cela, mais cette fois-ci il avait des arguments ; et de véritables. Assez pour finir leur petit différent sur un statuquo suffisant.

« - C’est peut-être pas ton avis, mais j’ai fait ça justement pour l’éloigner du danger. Maintenant, si jamais elle croise un chaton, elle saura les risques qui vont avec – et elle ne choisira pas le blanc, j’espère. Je ne lui ai jamais demandé de s’engager ou une connerie du genre, je lui ai juste dit comment sont les choses. Le reste est son choix, mais au moins elle sait à quoi s’en tenir si jamais cela doit arriver… »

Comme pour essayer d’en finir là-dessus, il força son corps endolori et fatigué à se relever pour se mettre en tailleur. Sa hanche le lançait – elle était vraiment très douloureuse, mais il fit cet effort. Et il découvrit quelque chose qui l’aurait ébahi s’il en avait eu la force, mais son visage était trop fatigué pour s’étirer.
Leeroy avait des écailles sur une joue, et John commençait à comprendre pourquoi le coup de l’ombre ne l’avait pas tué : il devait probablement en avoir un peu partout sur le corps. Voilà donc une nouvelle raison pour l’étudiant de détestait son contrat – et une bonne.

Sauf que le Nephil n’avait pas vraiment envie d’accroître le malheur de son ami, alors il força son bras droit à se lever pour s’approcher de la fameuse excroissance, et congestionna ses muscles faciaux afin de forcer un sourire.

« - C’est classe ça, j’adore ! Ça donne un genre guerrier légendaire, c’en est presque bad-ass. »

Et le pire, c’était qu’il le pensait réellement. Il n’avait jamais été bon acteur, alors être honnête lui avait finalement semblé être la meilleure solution.

Même si John trouvait ses écailles plutôt stylées, Leeroy ne les aimait pas. Lui sauver la vie lors d'un combat, c'était certes cool, mais pour vivre sa vie de tous les jours, il n'y avait rien de pire. Et puis, s'il n'avait pas ce pouvoir, il n'aurait pas à combattre les ombres, alors il ne pouvait que se plaindre de ne pas les vouloir. Leeroy ne souriait pas spécialement même s'il voyait la bonne intention de son ami.

- Je te remercie, mais même si j'ai l'air bad-ass, je n'en veux pas. C'est chiant à vivre.

Il avait tous les droits de dire cela après la journée horrible qu'il avait eu même si elle s'était terminée bizarrement après le passage de Louise. En tout cas, il avait été à l'hôpital, car l'infirmière de la fac avait cru que Leeroy était infecté par une quelconque maladie. Il s'était trimballé à droite à gauche pour que quelqu'un l'analyse. Comment un jeune homme de son âge pouvait contracter une maladie infantile ? Disons qu'ils avaient réussi à rapprocher ça à une maladie appelé l'ichtyose. Elle transforme la peau en écaille. En résumé, il avait loupé une journée entière de cours pour examiner ses écailles dont il connaissait déjà la provenance, cependant, il ne pouvait pas leur dire que cela venait de son pouvoir donner par un stupide chaton. Qui l'aurait cru ? Personne. Et pourtant, c'était sans doute la meilleure explication qui pourrait expliquer ce qui arrivait à Leeroy.

- Et puis... Tu sais Lulu, elle ne s'approche plus de moi. C'est bizarre, mais au moins je n'ai pas besoin de faire semblant d'être désagréable pour être asocial. Kyu s'en est chargé pour moi en quelque sorte.

Il n'y avait aucun humour qui se dégageait de ses paroles, et il s'agissait bien de la haine ; cette haine qui n'arrêtait pas de grandir chaque jour. Elle nourrissait son désir de vengeance et il donnait presque sa vie pour cela alors qu'il pourrait très bien faire autre chose. Leeroy était sans doute trop rancunier puisque même en sachant qu'il gâchait sa vie, il continuait. En même temps, il ne pouvait plus vraiment faire marche arrière.

En fait, John regardait d’un air presque tendre Leeroy – on pourrait même dire paternel. Ce soir, les rôles étaient inversés : le Seraph était au dépourvu, désolé et perdu face à ses pouvoirs ; et John, lui, s’en sortait bien. En quelques mois ce dernier était passé d’un pauvre et asocial à un type aisé et au train de vie rempli… Tandis que Leeroy n’avait connu que la déchéance de tout ce qu’il avait connu.
Certes, il ne s’intéressait pas vraiment à une quelconque vie sociale – mais ne plus avoir le choix quant à cela était une toute autre chose-, et John comprenait que ces écailles puissent plus détruire le moral du jeune homme que l’inverse.
Le Nephil souffla, l’air tout aussi préoccupé, puis dévia son bras lourd vers l’épaule de son ami.

« - Ce sont des enfoirés, voilà tout. Je comprendrai vraiment jamais pourquoi les gens rejettent les autres pour des détails physiques ; ça fait quoi que tu ais des écailles ? Surtout que tu les as pas choisi, alors c’est complétement con d’enfoncer encore plus le couteau dans la plaie… »

La prochaine phrase allait lui coûter cher ; et surtout, cela briserait la promesse qu’il avait faîte. Mais pour Leeroy, il y avait bien des écarts que le jeune homme pouvait faire – il lui devait bien cela.

« - Tu veux que j’aille les voler ou leur casser la gueule ? Ça leur apprendra à s’attarder sur des conneries de ce genre. »

S’il en avait eu la force, John aurait probablement été énervé.
Retirant son sa main, John se rallongea, fatigué. Il ne fallait peut-être pas tarder à partir à l’hôpital – sinon, il allait vraiment finir par s’endormir ici. Enfin, avant toute chose, il fallait faire sourire Leeroy : la santé de son ami passait avant la sienne.

Tout le monde n'était pas forcément content de leur pouvoir, et d'autres s'en fichaient pertinemment, mais en général lorsqu'ils ruinaient la vie sociale de quelqu'un, ce n'était pas vraiment la bonne chose à garder même si aucun choix de ce côté-là était possible. Il eut aussi ce petit moment nostalgique où il repensait à ses parents, à sa petite sœur. Il ne les avait pas vus depuis trop longtemps, combien de temps ? Des mois peut-être ? Il ne savait pas trop, il avait arrêté sûrement de les contacter bien avant que les événements de la fête foraine ne se produisent. De toute façon, comment pouvait-il aller les voir maintenant ? Il avait déjà assez supplié les médecins pour ne pas prévenir sa famille et heureusement que Leeroy avait le physique pour se faire passer pour quelqu'un de majeur.

Alors qu'il était dans ses pensées, il n'avait pas trop prêté son attention à John, excepté au moment où il commença à lui parler pour tenter de lui remonter le moral. Leeroy ne réussissait pas tellement à sourire comme son ami le voulait. Il pensait à lui et ses pouvoirs qui lui avaient sauvé la vie et qu'il ne détestait pas par-dessus tout. Leeroy était en quelques sortes un peu jaloux. Agacé, il finit par se rallonger, dos à John.

- Je pense qu'au niveau des critiques et des jugements il n'y a pas mieux que les humains.

Il devait peut-être finir par aller à l’hôpital. Si cela continuait, il s'endormirait sans doute sur le sol, tout comme John.
Lorsqu'il proposa de leur casser la gueule, il s'imaginait presque John contre tous les humains, il finit par lâcher un petit pouffement qui pouvait paraître assez ridicule. Il avait failli presque rire tellement s'en était ridicule.

Et voilà, ils partaient dans un délire philo-dépressif ; c’était le signal du départ. Sinon, ils allaient finir par demeurer à jamais dans ce Kekkai, pleurant sur la misère du monde et la malchance de leur condition, noyant leur sang dans leurs larmes. Non, vraiment, c’était le moment de décamper.
John avait pu récupérer un peu de ses points de côtés et autres fatigues exacerbées pendant la courte pause qu’ils venaient de s’accorder, ce qui devrait être suffisant pour d’abord faire un trajet jusqu’à chez lui. Une fois ce relai effectué, ils pourraient repartir en quête de l’hôpital le plus proche – ce qui leur laisserait le temps de trouver une excuse assez crédible pour ne pas trop attirer l’attention sur eux.

« - Ah, si on part là-dessus on aura pas fini… Il vaut mieux qu’on parte tout de suite en direction de chez moi, on pourra se faire quelques petits bandages et se reposer un peu pour aller après à l’hôpital. »

Une longue phrase, et John reprit un peu son souffle après l’avoir prononcée – il n’avait pas tant récupéré que cela, en fin de compte.
Rassemblant ses forces, le jeune homme entreprit de se lever, et se fut quelque peu long. Finalement, transvasant la majorité de son poids sur sa jambe encore à peu près valide, et commença à faire quelques pas. Cela allait être long, mais dans le pire des cas il pourrait bien utiliser à nouveau sa téléportation tôt ou tard, ce qui devrait tout de même accélérer leur petite promenade.
Dès qu’ils seraient à l’ombre, John comptait révoquer son Kekkai – même si c’était bien pratique, il fallait en sortir tôt ou tard. Sinon, la route risquait d’être quelque peu bouchée.

Leeroy n'était vraiment pas bien mentalement en ce moment, et cela, même si John avait réussi à lui arracher un petit sourire précédemment. De toute façon, il n'avait pas pu le voir parce qu'il était allongé, dos à lui. En tout cas, il eut la bonne idée de se relever. Cela avait donc permis à Leeroy d'avoir le courage de faire de même, se redresser pour regarder un peu autour de lui.

- On va chez toi donc.

Doucement, il se leva complètement avant de mettre les mains dans les poches. Leeroy connaissait déjà le chemin pour aller jusque là-bas. Il avait déjà fait un petit séjour chez lui après un combat comme une ombre d'un peu plus bas niveau. Il avait pas mal progressé. Même si John lui avait promis de ne jamais l'attaquer, si Manori comptait se retourner contre Leeroy, il n'était pas certain qu'il tienne sa promesse. S'il venait à devenir plus fort que lui... Enfin, il s'arrêta de suite, ne voulant simplement pas y penser.

Sans rajouter quelque chose, laissant le silence planer entre les deux, il commença alors sa marche, bien qu'un peu difficile à cause de sa hanche blessée. Il attendit quand même se lève à son tour pour le suivre, et marcher ensemble.