Fac:

Le professeur s’appelait donc Rekor Veroth. Maintenant, la vraie difficulté arrivait : il fallait se repérer dans la fac et trouver cet homme ; et ça, ça faisait peur à John. Son sens de l’orientation dans un quartier qui lui été connu était déjà très faible, alors dans un lieu qu’il n’a côtoyé qu’une seule fois… Il en relèverait du miracle si le jeune homme réussissait à arriver à ses fins. Et après la coïncidence au bar, son quota de chance du mois était épuisé.
Alors il s’en remit à la solution qui était probablement la meilleure : appeler Ash et l’y retrouver pour qu’il l’emmène au bureau qu’il cherchait. Certes, Leeroy était là depuis plus longtemps et connaissait probablement mieux le campus – en plus de potentiellement être une connaissance de Rekor, car après la fiche écrite sur l’étudiant, c’en était presque un ami des Nephils-, mais John voulait voir un peu son vieil ami. Il ne se voyait jamais en-dehors des cours et du sport, alors cela leur donnerait l’occasion de partager quelque chose d’autre.

Une fois leur petit rendez-vous fixé, le retard de John patienté et les deux comparses face à face, John se décida à expliquer le pourquoi de sa demande d’aide.

« - Salut Ash ! Est-ce que tu connais un certain Rekor Veroth ? Apparemment c’est un prof’ d’ici, mais je sais pas de quoi. »

C’était très peu précis, même plutôt vague en fait. Restait à espérer que l’étudiant en connaisse plus sur la faculté qu’il l’avait laissé penser au jeune homme lors de leur première rencontre. Pour être plus précis, John aurait pu parler du côté Nephil de l’homme, ou d’autres détails du genre ; mais il y avait peu de chance que cela aide vraiment Ash.

John était heureux que son ami lui dise qu’il était devenu plus sociable. Enfin, c’était pas tout à fait le terme, mais ce qui était important c’était qu’il avait décidé de se renseigner d’avantage sur la fac ; et à bien y réfléchir finalement c’était le rendre moins enclin à rencontrer des gens. Après tout, c’était en se perdant qu’il avait croisé le Nephil et Leeroy, alors ce n’était pas tant un défaut… Trop d’idées contraires agitaient John, et il préféra lâcher ce sujet.
Il serait plus simple de répondre à son ami sur les raisons de sa venue ; ça, au moins, il en était sûr.

« - Ça marche, je te suis, merci ! En fait je viens le voir parce que je reprends des études comme je t’avais dit, et on m’a dit qu’il pourrait me conseiller… Alors me voilà ici ! »

Parler de Juliet serait inutile. Enfin, si, mais plus tard : il faudrait que le jeune homme pense à signaler sa source une fois qu’il serait en compagnie de Rekor. La jeune femme ne lui avait pas parlé du tempérament de celui-ci, et John ne savait pas vraiment à quoi s’entendre : il pouvait être sympathique, ou être un total enfoiré. Une énigme de plus, quoique pas si palpitante que cela.

Enfin, ils étaient arrivés dans le bureau du fameux Rekor Veroth. Le enfin était certes à nuancer, car John avait pu visiter d’autres coins de la fac ; mais sa curiosité de la première fois commençait à s’amincir à force de couloirs identiques et sans charme. Bref, avant toute chose le jeune homme commença à scruter la salle. Le meuble principal semblait quelque peu désordonné et le professeur bien occupé avec toute sa paperasse. Il les avait déjà laissés entrer, c’était un bon début. Le Nephil prit les devant et se présenta en premier.

« - Bonjour, Rekor Veroth je crois ? Juliet m’a dit de venir vous voir… En fait je suis à la recherche… d’études ? Je veux dire, j’ai arrêté il y a longtemps les cours, et elle m’a dit que vous pourriez peut-être m’aider à m’orienter. Si ça ne vous dérange pas, bien sûr. »

En même temps qu’il parlait, il alla s’assoir. La discussion n’allait probablement pas s’arrêter à une simple orientation, étant donné qu’il avait donné le nom magique. Quoiqu’il ne fallait pas que ce soit très poussé dans le domaine, car sinon Ash serait mis au courant ; et autant John avait consenti à en parler à Nylian, autant il ne prévoyait pas vraiment de tout dévoiler à l’étudiant. Celui-ci n’avait pas vraiment besoin de ce contrat aux yeux de John, et ils n’étaient pas assez embourbés ensemble pour être mis en danger par les activités quelques peu étranges du Nephil.
Bref, le jeune homme espérait vraiment que Rekor allait pouvoir l’aiguiller – sinon, cela n’aurait été que de le déranger pour rien. Une triste perspective, en soit.

John leva la tête, guettant du regard une sorte de signal divin qui saurait répondre à sa question à sa place. Mais rien ne semblait venir, alors il se décida à faire travailler ses méninges ; il lui fallait trouver une filière. Sauf qu’il était à peu près aussi nul dans toutes les matières – alors cela ne lui facilitait pas la tâche.
Il avait fait un peu de manuel avec le jardinage et sa journée d’homme à tout faire. Il savait bander des plaies – sans pour autant savoir les traiter. En revanche, il était assez sportif… Mais devenir un éboueur infirmier qui taille des haies et les saute lui semblait être relativement compliqué. Pour ne pas dire impossible, évidemment.

Alors il se décida à être franc – de toute façon, c’était pour cela qu’il était venu.

« - Pour faire court, je suis un abruti. Je peux me débrouiller en manuel avec de l’entraînement ; genre, j’ai déjà fait jardinier ou homme à tout faire. Par contre, niveau théorique je suis une vraie bille… Quoiqu’Ash tente depuis genre une dizaine de jours de m’apprendre les B.A.B.A en sciences, mais pour le moment ça vole pas très haut. J’dirais que j’ai pas loin d’un niveau quatrième, un truc du genre je pense. Et encore, j’suis gentil avec moi. »

Au moins, c’était clair. Il se demandait si une école correspondait vraiment à ses attentes, ou s’il allait devoir finalement se contenter de petits boulots sous-payés. En soit, ce n’était pas si mal comme plan – mais il espérait mieux, tout de même.

Alors, un lycée professionnel. Cela semblait intéressant sur le papier : peu de théorique, surtout de la pratique et un boulot à la clé… Vraiment, c’était un bon plan. Bon, peut-être choisirait-il une autre voie que le jardinage tout de même, ce n’était qu’un exemple. Mais pour s’assurer de la bonne voie, là il aurait sûrement à se renseigner en amont – de toute manière, rien ne lui indiquait qu’il pourrait rejoindre en cours d’année. Le premier semestre devait déjà être terminé à cette date, alors s’y insérer serait probablement compliqué.

« - Un lycée professionnel donc… Ça me parait vraiment pas mal ! Vous savez où je pourrais aller pour m’y inscrire ? »

Néanmoins, un détail paraissait un peu dommage : le fait qu’il ne se limite qu’à une seule boîte. Lui s’était imaginé en quelque sorte autonome, allant d’entreprises en entreprises au gré de ses envies ; mais apparemment le monde du travail ne fonctionnait pas ainsi. Dommage, il allait devoir s’y faire.

« - Pour les inscriptions, vous pensez que c’est faisable en ce moment, ou il vaudrait mieux que j’attende la prochaine rentrée ? »

La réponse, il la connaissait de toute manière. Commencer une année avec six mois de retard et un niveau frôlant le zéro absolu, c’était du suicide. Au moins, il avait un plan pour le futur, et ça c’était nouveau : jamais auparavant il n’avait réfléchi aux choses plus d’un mois en avance. Et encore, en général c’était pour des vols – rien de bien glorieux, donc.

Ash était resté silencieux, mais cela n’étonnait pas vraiment John. Il savait son ami timide, et celui-ci souhaitait probablement laisser avancer John tranquillement sans intervenir dans la discussion. C’en était presque louable de sa part, en fin de compte.

C’était regrettable, mais son pressentiment était donc correct : rejoindre en cours d’année s’avérait très difficile. Quoique la proposition de Rekor de faire un peu forcing pour lui permettre d’entrée était très louable ; mais malheureusement, John imaginait que ce serait quelque peu inutile. Déjà qu’il n’était pas sûr de passer ses années sans redoubler, alors voilà qu’il aurait à faire deux semestres en un seul ? C’était difficilement envisageable pour quelqu’un avec les capacités du Nephil. Enfin, il en restait que Rekor avait été très clément de lui faire une telle offre.

« - Hmm… Merci beaucoup de votre proposition, mais je crois que je vais attendre l’an prochain alors en fait. J’ai pas un assez bon niveau pour me permettre de suivre deux semestres en un seul, donc ce serait une perte de temps je pense. Mais merci encore ! »

Donc, le lycée Est Jefferson. John ne le connaissait pas – il faut dire qu’il allait rarement trainer de côté de la ville, mais cela pouvait devenir intéressant. Il n’était pas forcé de poursuivre ses études au Sud ; et qui sait, allait-il peut-être même en déménager ? Enfin, il avait encore quelques mois pour régler tous ces détails, les délais pour l’inscription n’étant probablement pas encore clos. Quoique, le jeune homme n’en savait pas grand-chose à vrai dire.

« - Mais je vais aller me renseigner du côté de ce lycée alors. Est-ce que vous avez une idée du délai pour l’inscription ? Je veux dire, j’ai encore du temps avant de devoir remplir tout un tas de paperasse, ou c’est à faire genre… ce soir ? »

Vraiment, il espérait de tout son être que l’empressement ne soit pas de mise. En effet, tant que son existence n’avait pas été officialisée, toute inscription en-dehors des ghettos pourris du Sud était tout bonnement fortement compromise – pour ne pas dire impossible. Enfin, en ce moment, la chance avait tendance à être de son côté.

Il avait donc encore un peu de temps devant lui – tant mieux. Il pouvait alors trouver un travail, et de l’argent ainsi, pour pouvoir payer ses frais d’inscription… Et trouver quelqu’un pour bien lui expliquer toute cette paperasse. Quant à se sous-estimer, c’était peu probable : déjà que quand il allait en cours, il n’était pas brillant ; alors sept ans après les avoir arrêtés… il était inenvisageable qu’il ait un nouveau convenable.
Le but était d’obtenir un diplôme, n’importe lequel. Il n’était pas vraiment regardant sur la profession qu’il allait avoir à l’avenir, en fait ; tant qu’elle était légale. S’il fallait être à nouveau jardinier pour s’en sortir, alors il le ferait… Et si jamais il n’aimait pas son travail, il trouverait bien un moyen de s’en sortir différemment. Mais le plus intelligent était de s’ouvrir le plus de portes possibles, quitte à les refermer plus tard.

« - Je vous remercie beaucoup Rekor. Je pense avoir fait le tour de mes questions, c’était vraiment très gentil de votre part d’avoir pris de votre temps pour m’aiguiller. Quant à Ash… »

Il se tourna, vers son ami, souriant.

« - Tu as une question ? »

Il est vrai que John n’avait toujours pas indiqué à Rekor que l’étudiant n’était pas Nephil, mais cela pouvait attendre ; si jamais le professeur aidait le jeune homme le méprenant pour un contractant, ce ne serait pas grave. Rendre un service à quelqu’un n’était pas quelque chose de foncièrement mauvaise – au contraire-, alors au pire cela ne ferait que compter pour le karma du Nephil. Façon de parler, évidemment.

La faction était vraiment pratique, même pour les choses de la vie humaine ; le jeune homme ne regrettait pas son choix. Enfin, même s’il n’avait pas tout à fait pu décider à tête reposée, cela valait le coup.

Enfin, malheureusement, aussitôt la question posée Ash se leva un peu gêné, et s'excusa. Apparemment, il avait oublié un cours qui était censé être déjà commencé - et il ne voulait pas être refusé, alors il se pressa de partir afin d'éviter ce petit dérangement.

Après le départ de son ami, John se tourna à nouveau vers Rekor, levant un peu les bras.

« - J’imagine que ça voulait dire non, ha ha. »

L’idée d’une véritable entraide entre Nephil plaisait bien à John. A vrai dire, il ne savait pas vraiment si les Nephils se considéraient comme une véritable famille, ou si c’était une lubie de Juliet pour tenter d’en former une à partir des nouveaux ; mais quoiqu’il en soit, l’influence de la jeune femme était bien réelle. Rekor avait consenti à l’aider – et Ash aussi, quoique ce fut plus… discret – à la simple évocation de son nom.
John sourit au professeur, et se demanda s’il fallait mentir sur la nature d’Ash pour lui octroyer de l’aide quelconque dans le futur. Quoique, après réflexion, le jeune homme décida que ce fut une mauvaise idée : si jamais Rekor comptait sur l’étudiant pour l’assister contre une ombre – ou un Seraph-, ou lui parlait ouvertement de ses pouvoirs, cela finirait mal. Vraiment, il valait mieux être honnête et franc.

« - Un humain, tout ce qu’il y a de plus normal… Je vous retourne la politesse alors, si jamais vous avez besoin de quelque chose, je serai aussi là pour vous. D’ailleurs, je peux vous tutoyer ? »

Parler sur ce ton et de ce genre de choses ne pouvait pas se faire en la présence d’Ash – il ne comprendrait pas comment un jeune homme qui voulait devenir étudiant pourrait rendre service à un professeur déjà expérimenté ; et c’était normal. Sauf que John était plein de ressource, et tôt ou tard Rekor pouvait tout à fait être en mesure d’avoir besoin de lui au front.

Et puis, le Nephil était curieux de découvrir les capacités de son interlocuteur.

Que Rekor soit aussi curieux d’en découvrir plus au sujet de John aviva un peu de joie chez le jeune homme : à force de côtoyer des Nephils qui semblaient ne s’intéresser qu’à leurs pouvoirs, il avait commencé à s’imaginer que la curiosité disparaissait avec le contrat. Ce serait donc un sujet de discussion que pourraient avoir les deux disciples de Bey tôt ou tard – une nouvelle raison de retourner à la fac, donc. Pas de quoi déplaire au jeune homme.

Sentant néanmoins – et surtout, entendant – que l’heure de se quitter arrivait, le jeune homme se leva et tendit la main au professeur.


« - Je vais te laisser alors, bon courage ! On s’arrangera pour une nouvelle discussion, sûrement au QG ou un truc du genre… J’ai aussi hâte d’en savoir plus sur tes pouvoirs, ha ha. »


Une fois la politesse faite – ou non, personne n’est à l’abri d’un recoiffage furtif -, John se dirigea vers la porte et la franchit.


Plus les jours passaient, et plus les choses s’arrangeaient pour lui : les études lui tendaient le bras, il avait eu un petit boulot, il commençait à avoir un carnet d’adresses de Nephils et même son niveau au combat s’améliorait de jour en jour. Tout cela était très beau, surtout étant donné d’où il venait ; et son côté pessimiste – si si, il en possède un – se disait que quelques arriverait tôt ou tard pour gâcher ses réjouissances. Mais d’un autre côté, il pensait surtout à profiter de sa situation actuelle d’ici ce moment.