Ce que j'étais venue faire ici, je n'en savais trop rien. La curiosité peut-être de revoir cette étrange forge. Mais aujourd'hui, elle ne m'est pas visible. Sans doute n'est-ce pas le moment pour moi d'y retourner. Alors, je marche le long des falaises, parmi des familles en promenades ou des couples venus profiter du temps certes frais mais agréable pour la saison. Les fins embruns remplissent l'air d'un parfum iodé rafraîchissant, bien loin des effluves traditionnelles de Palema.

Mais au détour d'un chemin, je l'aperçois. Cet homme, si près du bord. Qui fixe le vide avec une certaine avidité. Et sur son dos, cette forme sombre que je ne peux pas ignorer. Une Ombre, elle veut le forcer à sauter. Instinctivement, je crie, en direction de l'homme, priant pour que le vent porte assez ma voix dans sa direction afin qu'il m'entende. Et m'écoute surtout.

"- Attendez !!!"

L'homme s'arrête dans son mouvement et tourne la tête vers moi. L'Ombre aussi et aussitôt, elle bondit. Mais déjà, mon Kekkaï est levé. Je sens la présence d'un autre Seraph pris dans ses filets, mais à sa périphérie, soit assez loin, trop pour me voir encore. Alors je n'ai pas le choix et je ne laisserais pas de toute façon cette Ombre faire de cet homme sa prochaine victime. Elle n'est pas très forte, j'invoque même pas ma persona, juste mon arme. Un premier tir la touche à l'épaule, le second la rate alors qu'elle recule pour se dissimuler. En direction de l'autre Seraph. Si elle ne l'a pas encore vu, il pourra la tuer sans même qu'elle ne comprenne ce qui lui arrive.

Je garde l'Ombre en vue, alors qu'elle se prépare à repartir à l'assaut mais, comme ma Nature me l'a fait ressentir, l'autre Seraph était plus près et dans son dos. Un premier tir, un second puis un dernier pour achever la créature. Je reste en retrait tandis que l'autre Seraph se manifeste. Akiro, je m'en souviens. Je ne l'ai pas croisé beaucoup, même plus du tout depuis qu'il venait de signer son contrat. Mais je n'ai pas de temps à perdre. Je le salue rapidement alors que je lève mon Kekkaï.

L'homme semble perdu, au bord du précipice. La falaise n'est pas des plus hautes à cette hauteur mais une chute aurait de très grandes chances de lui être fatale. Je l'interpelle de nouveau et il me fixe, hagard et perdu. Je m'approche, lui parlant calmement pour qu'il ne fasse surtout pas de mouvements brusques et il semble me comprendre, même faire un pas léger en avant.

Je me suis rapprochée de lui, je suis presque à portée de main de l'homme qui semble cependant réaliser soudainement ou il se trouve. Et il panique. Il va pour s'écarter de moi mais trébuche et, avec un coup de vent soudain, se retrouve emporté vers l'arrière. je ne réfléchis pas plus d'une demi-seconde et me jette sur lui, l’attrapant violemment par le poignet et le tirant de toutes mes forces vers la terre ferme et Akiro.

"- Attrape-le !!!"

Il n'y à que nous, cette partie des falaises est vide à cette heure, on ne viendra pas nous aider. Trop à l'écart, et excentrée. Je réussi à la dernière seconde à empêcher l'homme de basculer définitivement dans le vide mais en se relevant brutalement, il fait contre poids avec moi. Je retrouve un équilibre précaire sur le bord de la falaise, soufflant un instant de soulagement. Trop tôt. Mon pied dérape et je me sens être avalée par le vide derrière moi sans rien pouvoir faire.

Akiro avait rattrapé l'ex suicidaire qui mettrait sans doute encore quelque temps à retrouver ses esprits. Le mien d'esprit, se met à tourner à une vitesse vertigineuse. Je suis arrêtée, au bord du précipice. non, mon pied glisse, inexorablement, sur la terre meuble, m'emportant avec lui dans sa chute. Je sens la gravité faire son effet et m'attirer à elle avec une force inéluctable. Même le bras tendu de mon comparse n'est pas assez proche, je tente de le saisir mais mes doigts ne se referment que sur de l'air alors que je réalise que ma vitesse de chute augmente.

Non, je ne peux pas. Les jumeaux. Il faut que je trouve une solution. Le temps me parait s'étirer alors que le sol se rapproche déjà dangereusement. Si je survis, ce qui n'est pas certain, eux ne le pourront pas. Pas ça, non. Il faut que je fasse quelque chose. N'importe quoi. Le cri d'une mouette au loin résonne alors que je donnerait n'importe quoi pour pouvoir user d'un voeu en cet instant. Rien ne les sauvera, rien ne me sauvera. A part un miracle.

Ou des ailes. L'idée est saugrenue, idiote mais c'est la seule qui me vient. Et soudain, une sorte de douleur dans mon dos, un freinage puissant qui m'envoie heurter le bord de la falaise avant de finir au sol. Ou finalement je m'écrase presque doucement, n'étant plus qu'à 3 mètres de ce dernier lorsque j'ai perdu tout contrôle et compréhension de ce qu'il se passait. Tout ce que je sais à présent, c'est que j'ai la tête qui tourne, violemment. Et que les ténèbres qui m'entourent sont moins sombres que ceux que j'ai déjà connus.

J'ai les yeux fermés. Je sens mon cœur battre à un rythme soutenu. Mes mains se venues avec mes bras se plier contre mon ventre, ou je peux sentir remuer les jumeaux. Donc, je ne suis pas morte. Du moins, en théorie. Je me décide à ouvrir les paupières mais tout reste sombre autour de moi. Je viens tâter mon visage mais pas la moindre trace de sang ou de blessure. Mes yeux n'ont donc pas été touchés. Je respire toujours. Tout va bien. Mais je n'arrive pas à être rassurée. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là mais soudain, quelque chose de nouveau.

Une sensation légère mais bien présente. Comme une pression sur ma peau mais trop loin de mon corps pour l'être réellement. J'entend les pas, il y a donc quelqu'un. Et je me souviens de l'homme sauvé du suicide et d'Akiro, l'autre inspecteur Seraph. Ce serait lui? Je bouge enfin, lentement, réalisant que la lumière revient à mesure que je me redresse. Me voici assise et toute trace des ténèbres a disparu. Par contre, je sans que tout mon côté droit est douloureux. Celui qui est entré en contact violent avec la falaise. Beaucoup d'éraflures et d'hématomes, à peine une vraie plaie à l'épaule. Mais qui me permet de distinguer un détail qui n'a rien à faire dans mon dos.

Une plume, blanche comme de la neige. Plusieurs mêmes. Nombreuses. Tellement qu'elles forment... Une paire d'ailes dans mon dos. Ce seraient elles qui m'auraient sauvées la vie en ralentissant a chute et en me protégeant de cet atterrissage forcé? J'avoue que je suis encore sidérée par leur présence et, pouvant noter que nous sommes à présent seuls et isolés dans un kekkaï, je m'adresse à Akiro, une main sur mon épaule blessée en lui désignant les ailes de ma main libre.

"- C'est vous... qui avez fait ça?... Merci... "