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Depuis que Papa était mort, Curse ne savait pas vraiment quoi faire de ses journées. Avant, on lui donnait plein de trucs à faire, mais là tout le monde semblait l’avoir oublié. Et puis chasser les chats du quartier ça va bien 5 minutes, d’autant plus qu’il commençait à avoir rudement faim, et Papa n’était toujours pas revenu de la mort. Il n’aurait pas pensé que c’était aussi long de faire les courses dans le ciel.
Il errait comme un enfant en peine dans les rues, profitant de ses nouveaux pouvoirs pour échapper aux méchants du coin. Alors qu’il approchait de l’église, il avisa une poubelle qui lui semblait judicieusement remplie. Le môme s’approcha et sur la pointe des pieds pour y voir clair et atteindre le plus de choses, se mit à fouiller avec application. Il dégotta un rognon de pomme qui sentait encore la pomme ainsi que des restes de chips, et un tour de pain de mie. Son repas terminé, la soif se rappela à l’ordre, mais il n’y avait pas de fontaine ici.

Le garnement se dit que dans l’église là, il devait bien avoir de l’eau. Et puis c’est toujours ouvert en plus, là-dedans.

VMMMMMMMMM !

L’avion décolla, et le môme courut jusqu’à l’intérieur, bras étendus. Il s’amusa de faire résonner le bruit de l’avion dans le bâtiment, avant de tomber sur de l’eau à disposition, dans une petite vasque en pierre, juste devant l’entrée. Parfait. Il en prit dans ses mains et en avala quelques gorgées, éclaboussant son haut déjà bien sale, et le sol dans ce geste.
Des bruits de pas arrêtèrent son manège, et il se retourna brusquement faisant apparaitre son ours en peluche dans ses bras pour se rassurer comme par magie. L’ours était son nouveau copain, et il venait quand il voulait ! Si c’était pas chouette ça. Il était prêt à courir, mais peut-être que la personne venait juste remettre de l’eau dans le trou ?

Un homme s’approcha de lui, il n’avait pas l’air content. Curse faillit partir mais il n’en eut pas le temps que l’adulte l’avait déjà soulevé dans ses bras. Il serra son ours, pensant qu’il en avait peut-être après son copain.

Petit, il ne faut pas boire cette eau! Elle n'est pas là pour être bue!

Il ne s’était pas trompé. Il avait bien fait une bêtise. Il prit son air innocent et penaud qui marchait la plupart du temps. Et puis, il n’était pas puni, pas besoin de sortir la crise de larmes. Il ne releva donc pas cette remarque sur sa taille, sentant qu'il était en faute. Il ne faudrait pas en rajouter. Le mioche répondit donc aussitôt à la question du prêtre pour entrer dans ses bonnes grâces et se faire pardonner. Il oublierait peut-être la punition comme ça.

Mon papa l’es parti y faire des courses. L’es fort mon papa t’y sais. Comme twa.

Il agita ses jambes dans le vide, commençant à trouver cette situation quelque peu désagréable. Il dévisagea l’homme, le fixant de ses yeux sans gêne et plein de candeur. Un petit détail l’intrigua et il tendit le doigt vers la joue de l’homme, prêt à la toucher.

T’as un bobo là. C’pasque t’a pas été sage ?

Lui aussi quand il était pas sage il se prenait des fessées. C’était normal, c’était comme ça. Et c’était d’ailleurs la seule chose qu’il comprenait à l’heure actuelle.

Ben… Papa. M’appelle pas moucheuuhron, m’appelle Curse !

Quelle question, quoi. Papa c’est papa. Il lui a déjà dit son prénom pourtant, non ? Il aimerait vraiment être posé là, maintenant. Il se frotta les pieds pour trouver une sorte de point d’appui. Peut-être que cet adulte pourrait lui répondre. C’était le premier qui ne voulait pas l’attraper ou le frapper qu’il rencontrait depuis la mort de Papa.

Le ciel ci loin ?

Le morveux se gratta le nez, avant d’adresser un sourire plus qu’angélique à l’homme qui le tenait toujours en l’air. Il lui trouvait un air sympathique, allez savoir pourquoi. Il commençait à se tortiller comme un ver de terre dans ses mains.

Papa y met du teeeemmps !

Il appuya ses paroles par un hochement de tête vigoureux et des yeux qui exprimaient toute l’exagération de son dernier mot. L’ours glissait dans ses bras, il le serra plus vigoureusement pour qu’il ne lui échappe pas.

Ah, enfin il le pose par terre. Ce n’est pas trop tôt. Le gamin fit quelques pas rapides pour s’échapper, mais l’attitude du monsieur l’arrêta dans son geste. Quoi, qu’est-ce qu’il avait encore fait ? Il prit un air contrit, passant son ours derrière son dos. Si l’adulte décidait soudainement de le frapper pour le punir, il préférait encore mettre son copain à l’abri de toute véhémence.

Il hocha la tête en réponse à la première question.

L’es mort mon papa. Y revint quand ?

La mort était un concept totalement abstrait. Cela ne semblait qu’une destination parmi une autre dans l’esprit de Curse. Personne ne lui avait dit que c’était éternel. On lui avait simplement dit qu’il était parti. Et quand on part, on revient, logique.

Qui s'occupe de toi, Moucheron?

Le morveux brandit son ourson devant lui à deux mains, pour le montrer au monsieur, le tout assorti d’un large sourire. La vie était toujours belle quand on était petit.

Ci lui. Ci Toudou !

Ils font suer ces adultes à ignorer sa question. Et en plus il en pose une autre. Vraiment.

Nan.

Il secoua la tête pour appuyer son mot, faisant disparaitre l’ours par la même occasion. Cet homme n’était pas une menace. Il n’avait pas encore voulu lui piquer son gouter ou le fouiller.

Les autres grands, hé ben,… hé ben, y font que m’embêter ! Et pis, tu sais, hé ben, et pis, y sont pas gentils, hein, et pis y sont méchants !

Toi t’es gentil pensa-t-il. La confiance naturelle des enfants. Tellement évidente que c’en était parfois dangereux pour eux. Eux qui n’ont pas la même conscience des risques que nous.

T’y sais pas quand Papa l’y revint ?

Allez maintenant c'est toi qui répond à ma question ! C'est ton tour !

Il fait plus petit le monsieur, par terre. Le gamin mit quelques secondes à comprendre ce qu’il lui expliquait. Papa ne reviendra plus jamais. Jamais. Il secoua la tête, perdant son sourire un instant quand l’homme lui demanda si quelqu’un d’autre s’occupait de lui. Non, il était tout seul pour de vrai, et c’était sa faute. Il restait cependant quelques points obscurs.

Ci quoi yéversile ?

Il n’eut pas le temps de s’attarder sur ce mot qu’il lui demandait s’il avait faim. Ce à quoi le gamin fit un large en sourire en sautillant sur le côté, oubliant cette histoire de mort qu’il ne comprenait pas tout à fait.

Ouais !

Il tendit sa minuscule main vers celle de l’adulte, totalement prêt à le suivre, pour l’inciter à se lever et à lui montrer où il cachait sa réserve de bonbons.

On y va ?

Ah bon.

Yéversile c’est qu’on peut plus rien faire alors. Le mioche trottina derrière l’adulte pour rester à sa hauteur. C’est qu’il était grand et qu’il avançait vite. Mais ils finirent par arriver dans un endroit plus petit qui ne résonne pas pour faire l’avion. Il s’assit sur ses genoux à une chaise, regardant avec délectation l’homme en train de cuisiner. Hmm, ça sent bon.

T’y t’appelles comment ?

Lave-toi les mains avant de manger. Hum. Le visage aussi.

Curse avait trop faim pour discuter les ordres, et il sauta de sa chaise pour aller à l’évier. Sur la pointe des pieds, il ouvrit le robinet un peu trop fort et passa rapidement ses mains sous l’eau, en s’aspergeant le visage aussi. Il prit le torchon, s’essuya le tout, avant de le poser sur l’évier, avant de refermer l’eau.

Vala !

Il recourut vers la chaise, faisant un tour complet autour de la table. Il grimpa sur la chaise et s’assit à nouveau sur les genoux. La bonne odeur provoqua un gargouillement supplémentaire.

C’est quooii ?

Pendant qu’il lui coupait la viande, même s’il sait presque faire, il entama déjà les pâtes avec un plaisir ravi qui se lit sur son visage comme dans un livre ouvert. Le monsieur sourit, il doit aimer les pâtes lui aussi. La bouche à moitié pleine, le môme se pâma d’un commentaire.

Ci boon !

Avant de terminer son assiette, avec tout autant de délectation. Il faillit tremper le doigt dans l’assiette pour récupérer le jus mais jeta un œil interrogateur à Cole, tout à coup pris d’une inspiration subite, l’index en suspension au-dessus de l’assiette.

Ton prénom, on peut y dire Coco.

Amusé par lui-même, un pouffement lui échappa, avant qu’il ne précise :

Comme li noix d’coco !

Un nouveau rire, yeux plissés, et sa main finit par atterrir dans l’assiette dans le mouvement. Il la retira surprise, avant de trouver la solution en se mettant à lécher ses doigts collants avec application.

Coco Brian.

Comment ? Le gamin cherche des noises ? Non, non c’est son état naturel. Il lui afficha un grand sourire, trouvant que cela s’assortissait bien avec son prénom.

L’ofeli… quoi ?

Le mioche haussa les épaules. Non il n’avait jamais rien entendu de tel. Et puis il fuyait tous ceux qui s’avisaient de l’attraper.

J’y veux pas aller avec les méchants. Papa l’a dit, faut y faire attention. Pasque les grands hé ben souvent t’y sais, hé ben y font des bobos.

Il se mit à se contorsionner sur sa chaise pour se retourner et souleva son T-shirt pour lui montrer son dos.

Comme là ! Alors hein, moi j’y sais. Suis pas bête.

Il se rassit dans le bon sens, un peu plus débraillé qu’avant, puisque son haut crasseux ne redescendit pas tout à fait jusqu’à la limite de son pantalon.

Pis t’y sais, moi j’y cours vite vite vite ! Comme les navions !

Oh des jolis bouts de pomme. Tous beaux, tous propres. Un sourire apparut sur le visage de l’enfant qui se satisfaisait de très peu. Il prit le premier et croqua dedans avec plaisir, écoutant les paroles de l’adulte, qui parlait beaucoup. Trop presque.

Une maison pour de vrai ? ‘vec ma chambre ?!

De chambre il n’en avait jamais eu, dormant sur le canapé quand aucune connaissance de son père ne s’y était réfugié. Il avait dormi partout sauf dans son lit à lui. Cole éveillait son intérêt.

Pou’quoi faut j’y aille dans l’ofelina… j’y veux la maison tout suite !

Il se renfrogna sur sa chaise en entendant le mot école. Pff. Quelle drôle d’idée. Il avait déjà entendu ce genre de phrases « tu ne devrais pas être à l’école » ayant l’âge pour aller en Kindergarden. Il déplia ses genoux, et son menton s’enfonça peu à peu en-dessous de la table.

Veux pas travailler à l’école. Ci plus bien de jouer !

J’y suis pas crassé.

Il ne savait pas ce que ça voulait dire. Mais en tout cas ce n’était pas lui. Il n’était pas joli ce mot, il ne voulait pas qu’il le décrive.

Le mioche soupira sous l’air moralisateur de l’adulte. Apprendre. Apprendre quoi ? Il savait déjà tout ce qu’il avait besoin de savoir. Il ne protesta cependant pas, attiré par le sujet suivant. Son visage s’éclaira tout à coup et il sauta de sa chaise vers le sol. Le mioche fit le tour de la table vers l’adulte pour discuter de ce sujet très sérieux.

Ouais ! Même j’en ai un petit mwa.

Il sortit de sa poche un papier tout froissé qui avait du pouvoir voler un jour, avant d’atterir comme reliquat de souvenir dans ses poches. Un playmobil sans tête s’enfuit sur le carrelage dans ce geste. Curse était trop absorbée par l’histoire d’avion pour s’en préoccuper.

Même t’sais, ça vole vite, vite, vite ! Pasque l’a des… des…

Son front se plissa alors qu’il cherchait le nom de l’engin collé sous les ailes là. Mince, comment ça s’appelait déjà.

Des acteurs !

Il contempla son avion de fortune un instant et lui tendit avec un large sourire.

C’pour toi !

Ne vous y trompez pas, ce cadeau avait une grande valeur pour le gamin. Il ne le faisait pas à la légère et était très sérieux.

Ouais des racteurs !

Encore un p’tit effort, on y est presque… Le mioche s’approcha du prêtre, pour lui vérifier qu’il le tenait correctement.

T’sais, ça vole di fois.

Là, ça ne volait plus trop. Il manquait quelques acteurs pour faire tourner la boutique… euh des réacteurs pour faire décoller la machine. Le morveux secoua la tête, le ventre bien calé. Il avait eu sa dose, et débordait maintenant d’énergie, à moitié entre l’excitation, la fatigue, et le besoin de lui coller une bonne sieste.

On’y joue ?

Il sautillait à moitié sur place, pressé de se mettre en mouvement. Épuisant petit monstre.

Curse glissa sa main dans la grande du prêtre, et y resta accroché à peine quelques pas à l'extérieur, avant que le monde extérieur ne se rappelle à lui. Vous pouvez comparez le trajet à ce que ferait un chien de compagnie, courir devant, courir derrière, s'arrêter, repartir, sauter dans une flaque, ramasser un caillou ou une feuille...

Mais finalement les larges murs de l'orphelinat se découvrirent à eux. Juste au moment où Curse commençait à se plaindre de fatigue, et d'une envie pressante.

[Fin du RP pour moi. On peut poursuivre à l'orphelinat si tu le souhaites ]