Le fossoyeur ne s'interrompit pas. Pas plus qu'il ne se retourna, ou ne démontra la plus élémentaire politesse envers son affable visiteur.

Après quelques instants de silence, que seul le bruit rêche de sa bêche creusant le sol venait ponctuer, l'ancêtre lâcha abruptement :

" Nan... J'me coltine c'te pelle pour l'plaisir de v'nir creuser et taper la causette aux bigleuses ducon... "

Il avait craché ces mots d'un ton acerbe, nullement impressionné par le statut de détective que l'individu lui avait servi.

Il arracha d'un morceau de ciment - qui crevait le sol comme le croc d'une monstrueuse créature souterraine - d'un rude coup de botte, qui l'envoya valdinguer à quelques mètres de là.

Il enficha sa bêche d'un seul coup sec de sa main gauche dans le remblais qu'il venait d'extraire. Il se retourna à demi, sans se presser, jetant un regard à son interlocuteur du coin de l'œil.

Il s'essuya les mains sur son pantalons, avant de les fourrer dans ses poches.

" Sinon, y veux quoi l'pingouin d'mes deux ? "

Un sourcil broussailleux se releva, alors qu'un œil inquisiteur se fixait sur Blake. Si on causait business, c'était autre chose.

"M'avez l'air de valoir peau d'balle comme pandore, hmmm ? D'jà, m'sortir qu'on a du plomber vot' gonze avant de m'le r'filer, ça m'semble assez simple a imprimer, c'plutôt rare qu'j'enterre des pécores qui r'muent encore, Blake."

Sont ton était sec et cassant, et avait accentué le nom de "Blake" comme s'il s'agissait d'une menace. Ses yeux désormais vissés à ceux de l'enquêteur, il se tenait un pas trop près pour ce que la bienséance considère comme acceptable...

" 'suite, t'fais pas 'core plus con qu't'es, si c'est possible... Tu t'doutes bien qu'si des portes-flingues se sont ram'nés la gueule enfarinée, avec un macchabé à faire disparaitre, ils m'auront pas filé ses papelards ..."

Nialcen renifla, comme pour ponctuer sa diatribe, le visage crispé sur un rictus au sein duquel régnaient autant le mépris, que l'agacement le plus profond.

Il toisa encore Russel quelques secondes, avant de se retourner et ramasser sa bêche, qu'il épaula. Avant de se diriger vers le petit bâtiment en tôle à l'arrière plan, d'un pas trainant.

Le vieux fossoyeur s'arrêta dans sa "course", et poussa un soupir emprunt d'une très grande lassitude.

" de dieu... Tu sais qu'tu commence à m'les gonfler sévère ? " Il se tourna à demi vers son interlocuteur, sans pour autant lui décrocher le moindre regard " Tu viens d'me caler l'portrait d'la moitié d'la populace de c'bled foireux !! " tansa-t-il le détective, en embrassant le panorama d'un large geste de la main.

" Vu qu't'as pas l'air d'avoir l'cigare qui fume niveau comprenette, j'vais t'facilité la tache tocard... J'ai deux lascars qui m'ont largué un colis à foutre en terre, y a trois jours d'ça. Le gars avait ravalé sa chique d'puis que les deux gonzes y avaient taillé une nouvelle boutonnière. "

Il ralluma un moignon de cigarette, qu'il coinça entre ses dents.

" Z'ont dé'oulés 'ans un 'hevy G20 V8 8L1 d'9. Noir. 5AJD726. 'ausses plaques. 'eux 'ectons, guè'e p'us d'30 ba'ais, taillés et sapés co''e 'eux 'outus 'RP d'mes couilles. " Il parlait avec la clope au bec, rendant son discours peu clair.

Il saisi son mégot entre son médius et son pouce, l'observant une seconde, avant de reprendre.
" m'ont largué l'paquet et une liasse de biftons. J'ai ramassé l'grisbi et j'ai foutu la viande froide dans un trou. Là bas.",  il pointait son index vers l'un des bord du cimetière.

"Maint'nant, t'vas arracher tes miches d'ici sinon j'te taille les tibias en pointes,  salopard..."

Le ton n'était plus celui d'un homme agacé et lassé d'être harcelé. Mais belle et bien celui d'un homme prêt à mettre ses menace à exécution dans la minutes qui suivait ses paroles. Ses yeux bleus fixaient Russel, plus froid que l'acier de sa bêche.

Traductions:

Après la nuit mouvementée de la veille, Lenna n’avait pas l’esprit totalement clair et maudissait en secret l’importuné voleur. En fin d’après-midi, juste à la sortie de son travail, elle se décida à tout de même passer à la gendarmerie de son quartier pour signaler les faits. Le matin même elle avait noté l’adresse et l’itinéraire en bus pour s’y rendre, café à la main. Son esprit était quelque peu brumeux, et elle peinait maintenant à se relire, d’autant plus qu’on arrivait en plein coup de barre de l’après-midi. Elle était habillée en tenue de travail, tailleur, jupe, chignon serré, maquillage léger, son sac à la main et déambulait comme un automate jusqu’à l’arrêt de bus.

Un bus s’arrêta devant elle et elle y grimpa sans se poser de question, payant le ticket requis pour son aller-retour. Ce n’est que quand elle quitta les bordures du Quartier Est qu’elle se mit à se poser des questions. Heu… Ce n’était pas la bonne route ça. Elle jeta un œil sur son papelard : ligne A. Puis sur celui du bus. Ligne B. Merde. Elle allait droit vers le Quartier Sud, et n’avait aucune envie d’y mettre les pieds. Elle fouilla dans son sac, cherchant un plan de la ligne pour voir si le bus allait effectuer un tour complet pour la ramener à son Quartier plus sûr. Elle était en train de se débattre avec le plan pour l’ouvrir au bon endroit quand un homme s’approcha d’elle.

Hé, m’dame, z’auriez pas une p’tite pièce !

Il puait et sentait la vinasse à plein nez, sans doute dégagée par la sueur qui lui collait ses cheveux sur son crâne déjà dégarni. Lenna plissa son nez, essayant de rester polie malgré tout. Dans quoi s’était-elle encore fourrée…

Désolée monsieur, je n’ai pas de monnaie.

Ce qui était la stricte vérité puisqu’elle n’utilisait que la carte bleue. Elle détourna le regard, espérant que l’homme et ses odeurs allaient chercher un autre client. Sauf qu’il s’approcha d’elle, l’œil lubrique.

T’es sûre p’tite sal*** ?

Les autres passagers avaient déjà détournés le regard quand la jeune femme chercha une aide auprès d’eux. Heureusement le bruit du frein du bus la sauva. Il fit basculer l’homme qui perdit quelque peu l’équilibre, aviné comme il l’était. La porte s’ouvrit, amenant une vague d’air frais saluteur aux narines de la jeune femme. Elle suivit cet appel lancé par le destin, et sauta hors du bus, voyant se fermer les portes avec soulagement, juste à temps pour que l’homme reste à l’intérieur. Il lui adressa un geste obscène qui ne pouvait être mal interprété. Où était-elle maintenant ? Bien plantée sur ses talons, elle couvrit les lieux du regard, tentant de se repérer. Cela avait tout l’air d’être un cimetière décrépit. Elle croyait discerner au bout, derrière une palissade en bois branlante ce qui avait l’air d’être un arrêt de bus. N’ayant aucune envie d’attendre 55min le bus suivant, elle se décida à aller voir de ce côté ci. Sac tenu au poignet par son anse, plan levé devant elle pour trouver les lignes qu’elle devait emprunter, Lenna se mit à marcher au milieu des gravats et de la terre encore apparente, tentant de conserver un équilibre précaire. Toutes à ses observations, elle ne faisait guère attention à son environnement, d’où ce qui se produit juste après.

Son pied ne trouva rien en dessous de lui, mais dans l’élan, tout son corps se fit aspirer dans le vide. Elle chuta dans un cri de surprise, et cogna violemment un sol fraichement retourné. Sonnée, plan sur la tête, un ver de terre la nargua de sa cache. De la terre s’effrita et acheva de la salir complètement. Un profond découragement s’afficha sur son visage. Ce n’était décidément pas sa période. Le sort s’acharnait. Elle leva la tête vers la percée du ciel, se disant qu’elle devait être bien à deux ou trois mètres de profondeur. Ses fesses avaient quelques peu amorties le choc, mais un nouveau bleu était en train de s'ajouter sur son genou gauche déjà bien amoché la veille. Tout son corps lui hurlait sa douleur, et son sang battait à ses tempes. Sa tête lui lançait, elle avait dû cogner une paroi, et elle avait du mal à bouger son bras droit qui avait réceptionné la plupart du choc. Râlant après le mauvais sort, elle réussit à se redresser tant bien que mal, les talons s’enfonçant dans la boue, plan froissé abandonné à terre.

Héééhooo ! Y’a quelqu’un ?!

Le vieil homme n'était vraiment pas commode, reprochant, dans un premier temps, des détails trop vague dans la description du client de Russel, puis dans un second temps son manque de jugeote, néanmoins suivit d'information plutôt précieuse pour le détective. Il avouait avoir enterré un homme mort dans son cimetière sans le reporter aux autorités. C'était un crime, il devait s'en douter, non ? Quoique, le fossoyeur ne semblait pas être portée sur ce genre de détail administratif.

Dans tout les cas, la suite fut, relativement difficile à comprendre à cause de la clope qu'il s'était fourré entre ses lèvres. Mangeant des voyelles, voir des syllabes dans ses propos. Russel arrivait à peu près à comprendre l’argot, mais là, c'était relativement difficile.

Ce fut lorsqu'il enleva son mégot de sa bouche que la suite fut compréhensible. Il était bavard, impoli mais drôlement bavard. On pouvait presque le trouver charmant si on omettait les insultes qu'il proclamait toutes les secondes. C'était avec une reconnaissance mitigée que l'ancien inspecteur écoutait le vieil homme expliquer l'endroit où il avait enterré le corps. Apparemment, il n'avait pas été payé pour rester silencieux. On pouvait voir que l'entreprise coupable n'était pas forcément très futé. Un rapport à la police serait certainement suffisante pour les accabler.

Il termina sur une note qui signifiait que Russel ferait mieux de s'en aller en y ajoutant une petite insulte. L'ancien inspecteur avait bien quelques questions supplémentaires mais il préférait ne pas jouer sur la patience du vieil homme. En soi, les informations qu'il venait de récolter était amplement suffisant. Il resta donc silencieux, gardant un visage neutre.

Soudain, une voix féminine se fit entendre. Un appel à l'aide dont la détentrice lui était familière. Le détective posa son regard vers l'endroit d'où provenait le cri mais n'aperçut aucune silhouette. Il s'approcha vers elle prudemment pour finalement distinguer un trou. Il se pencha et aperçut finalement les traits familiers de Lenna.

*Lenna ? Qu'est-ce qu'elle fait ici ?* se demanda aussitôt Russel en commençant à tendre sa main vers la jeune fille pour l'aider à sortir.

« Lenna ! ? Est-ce que ça va ? » demanda-t-il, inquiet.

Le vieux croque-mort était sur le point de voir rouge, lorsqu'une visiteuse imprévue vint rompre la tension ambiante. Cette gourde avait réussi à s'étaler de tout son long dans une cavité qu'il avait creusé la veille.

Le détective commençait à se baisser, manifestement pour aider la demoiselle à sortir de son trou. Nialcen soupira, avant de cracher de coté, en se dirigeant vers le théâtre du "sauvetage". Il saisi le bellâtre par l'épaule, et le tira fermement en arrière.

Il fit ensuite le tour de l'ouverture béante, se saisi d'une vieille échelle, qu'il fit tomber sans se soucier de la position qu'occupait la jeune godiche.

Cette dernière manqua de peut de se faire estropier par le lourd assemblage de bois.

"Casse toi d'là fissa gamine, ou j'commence à combler c'trou avec ton joli p'tit cul au fond.", de sa voix sourdait encore les restes du coup de sang avorté envers Blake.

Sa bêche toujours épaulée, il tira une longue bouffée de sa cigarette, sans se servir de ses mains. Il continuait d'observer la vandale involontaire, lorsqu'il se remit à insulter ouvertement l'inspecteur.

"C'te dinde doit bien taper ses 55-60kg, Don Juan à la con... Vu sa taille et la profondeur du trou, tu t'attendais à quoi, hmm ?.." Il tira une nouvelle bouffée de sa cigarette "Simple effet d'contre poids, et tu r'trouvais ta sale gueule de rat estampillée au fond ... Bon, elle va s'grouiller la pétasse, ou elle veut je descende y pousser au derche ?"

Le vieil homme faisais ses commentaire, sans pour autant esquisser le moindre geste pour essayer d'aider la jeune femme à s'extraire delà, spectateur grossier distillant son humeur exécrable.

Une ombre s’avança devant le trou, masquant la luminosité du soleil un instant, et plongeant la jeune femme dans la pénombre. Elle plissa les yeux pour tenter de distinguer les traits de la personne mais ce fut à sa voix qu’elle le reconnut.

Russel ? C’est vous ?

Il lui semblait voir une main tendue, et elle voulut la saisir, mais celle-ci disparut tout à coup, l’homme étant bousculé par une silhouette plus imposante. Une échelle atterrit dans le trou, manquant lui fracasser le crâne au passage, et de lui écraser le pied. Une remarque parvint à ses oreilles, aux accents rocailleux d’homme de la rue.

Casse toi d'là fissa gamine, ou j'commence à combler c'trou avec ton joli p'tit cul au fond.

Gamine ? Il la traitait de gamine ? Et avec un de ses langages en rapport avec son derrière. C’était sans doute une remarque normale pour lui, mais Lenna n’en entendait pas de pareil tous les jours. Et puis les évènements de ces derniers jours commençaient à s’accumuler sur sa patience pourtant incommensurable. Elle réfréna sa hargne, et tâcha d’abord de sortir de ce maudit trou. Elle se saisit de la garde de l’échelle avec son bras gauche intact, sentant trop de douleur encore dans le gauche. La jeune femme commença à monter deux barreaux alors que l’autre vieux recommençait à pérorer. Il disait qu’elle pesait son poids, et que le don juan de pacotille serait tombé avec. Cette remarque lui arracha un sourire, ne voyant pas du tout le détective dans la peau d’un Don Juan. Mais plus il parlait, moins Lenna l’appréciait. Son talon ripa sur un des barreaux et on l’entendit marmonner. Elle redescendit les quelques barreaux et ôta ses talons avec difficulté, puisqu’elle avait du mal à plier son genou gauche, se cognant contre un des bords du trou qui lui accorda un certain équilibre. Elle n’avait plus de main pour les monter avec elle, et il était hors de question de rentrer pieds nus en passant par tous ces gravas. Ce fut la dernière remarque de l’homme qui lui donna la solution.

Bon, elle va s'grouiller la pétasse, ou elle veut je descende y pousser au derche ?

Pétasse ? Non mais ça allait bien là ! Déjà qu’à cause de l’autre ivrogne du bus, elle avait dû descendre à cet arrêt, l’autre se permettait d’en rajouter une couche. Elle décida de jeter ses talons vers l’endroit où elle avait aperçu sa silhouette pour la dernière fois, pensant que si l’un deux lui atterrissait sur la tête, ce serait bien fait pour sa pomme. L’énervement de la situation donna assez de force à son bras, et ses chaussures disparurent de sa vue. Elle recommença son ascension avec peine, barreau par barreau, deux pieds par deux pieds. Sa tête continuait de la lancer comme si un marteau cognait à rythme régulier contre son crâne. Son visage atteint enfin le haut du trou et elle put voir la tête de Russel qui la regardait. Elle lui adressa un sourire soulagé : au moins n’était-elle pas seule avec ce rustre. Elle finit de sortir du trou difficilement, sa jupe de tailleur étant décidemment peu recommandée pour ce genre d’action.

Merci pour l’échelle.

Elle se retint d’ajouter un « vieux con » à la fin de sa phrase, se pinçant les lèvres pour éviter de s’attirer sa foudre. Il serait capable de la rejeter dans le trou.

Alors que la jeune femme faisait son possible pour sortir bon an mal an, le fossoyeur l'observait du haut du sol. Après un infructueux essai, et sous la diatribe du vieil acariâtre, la jeune femme en vint à s'essayer au lancer d'escarpin. Un lancé convenable, mais l'on voyait à son geste imprécis qu'il s'agissait d'une novice... ceinture jaune, probablement.

Nialcen n'eut qu'à faire un rapide pas en arrière, regardant passer la paire de chaussures volantes, les yeux écarquillés. La trajectoire se termina dans une flaque d'huile de moteur derrière lui. Il fit claquer sa langue, en songeant qu'elle pouvait les balancer, l'huile de vidange ça pardonne pas.

Il revint à la fosse, d'ou sortait une jeune demoiselle dépenaillée, quelque peut agarde. Elle adressa un sourire au détective, avant de le remercier pour l'échelle, d'un ton qui ne manquait pas d'achever la phrase qu'elle avait eut les bonnes manières de ne pas prononcer.

L'ancêtre renifla ostensiblement : "Faites la paix, roulez vous une pelle !", citation d'un film qu'il appréciait. On aurait cru la scène sorti d'un mauvais film de série B.

" Sauf qu'le héro c'te fois, il à moins d'balloches qu'Miss escalade-et-jupette ici présente!"

Il avait achevé sa pensée à voix haute, ne se souciant pas une seconde d'être compris, voir même écouté.

Il planta sa bêche dans le sol, s'appuya dessus avant d'enchainer, se retournant a demi :

"Par contre, tes grolles tu peux les benner, vu l'jus dans l'quel y marinent."

Il ramena son regard amusé sur le duo de choc. Autant il trouvait l'homme aussi fadasse qu'un plat de navet bouillis, autant la jeunette avait le mérite de faire montre d'un peu de caractère.

" Penserez à fermer l'portail, j'dois v'nir garnir c'trou avec l'bon cadavre, vu qu'la locataire s'fait la malle... J'vous raccompagne pas, vu qu'j'en ai foutrement rien à s'couer. Barrez vous..." son ton n'était plus que celui d'un homme las et de passablement mauvaise humeur.

* ... con de mimes. * songea-t-il

Lenna se mit à constater l’étendue des dégâts. Elle était couverte de terre, comme si elle sortait justement de sa tombe au clair de lune. Ses mains tentèrent d’ôter la terre qui la recouvrait, mais celle-ci était bien trop humide et collait à ses vêtements. Un soupir lui échappa plutôt que les jurons qui se battaient dans son esprit.

« Vous n'êtes pas blessée ? »

Blessée ? L’était-elle ? Elle se pencha vers son genou qui l’avait peiné pendant sa remontée. Il était en train de prendre une belle couleur violacée pétante. Elle grimaça d’effroi devant la taille du bleu.

Un bleu là…

Sa tête lui lançait toujours, et elle voulut tâter son front mais son coude l’arrêta par un élan de douleur. Elle fronça les sourcils en sentant l’a coup.

Ah, je crois que mon coude a pris un choc.

Elle le replia contre elle pour éviter de le bouger à nouveau par mégarde.

Est-ce que j’ai une bosse sur le front ?

Elle espérait n’être pas défigurée pour aller travailler le lendemain. C’était presque pire qu’un bouton sur le milieu du nez. Le bossu de notre front.
L’autre vieux continuait de maugréer dans son coin. A croire qu’il passait sa vie à râler.

"Par contre, tes grolles tu peux les benner, vu l'jus dans l'quel y marinent."

Ses grolles ? Ah, ses chaussures. Oh non… Elles avaient atterri dans une jolie flaque dégueulasse. Elles étaient bonnes à jeter. Lenna afficha une mine profondément découragée.

Ce n’est pas mon jour.

Elle contempla ses pieds nus recouverts de terre, et agita un peu les orteils dans le coin d’herbe qu’elle avait trouvée, se demandant bien comment elle allait faire pour traverser ce champ de débris et d’immondices. En volant ?

« Toujours plus qu’ta mère d’vait en avoir pour elle-même quand elle a eu enfanté une flaque de merde comme toi, ducon ! » Sa voix s’était faite grondement.

Il n’avait pas modifié sa position, mais son visage arborait désormais une expression de sourde colère.

Il se redressa, ralluma son mégot éteint, est releva sa mine patibulaire en direction de Blake. Il tira une brève bouffée, avant de reprendre le reste de cigarette rougeoyante entre son pouce et son majeur.

« C’tte merde, c’tait du r’ssort d’l’aut’ fumier qu’on a r’trouvé plein comme une outre, après trois jours d’fermentation en plein cagnard… » Derrière son intonation sèche sous-tendait une cruauté qu’il aurait eu plaisir à appliquer à l’ancien responsable des lieux, si ce dernier n’avait pas fini ivre-mort. Au sens propre.

« S’tu t’sens une âme d’fée du ménage, va chercher tes ailes, ton balais et une paire de burnes, pis tu m’fileras un coup d’main pour r’taper c’te poubelle à ciel ouvert, Monsieur Propre… »

La porte d’un abattoir eut semblé celle d’un monde de poney licorne arc-en-ciel choupinou à nœud-nœud, comparée au visage fermé, au regard noir et au ton de tronçonneuse ralentie du vieux Fossoyeur.

Russel la rassura quant à la bosse qui devait lui pousser sur le milieu du front. Il lui conseillait de refroidir la zone, mais elle n’était pas vraiment sûre d’avoir des glaçons au fin fond de son congèl. L’hopital ? Cet endroit froid et glauque qui ne faisait qu’accueillir la mort des gens dans son antre ? Il voulait qu’elle aille s’y faire soigner ? En soi c’était logique, mais l’établissement répugnait à Lenna qui n’y avait mis les pieds que pour des malheurs.

Un médecin ne suffirait pas, vous croyez ?

Cependant le détective harangua le vieil homme. Il avait presque l’air… énervé. Lenna le contempla d’un air surpris, se demandant pourquoi il réagissait ainsi ? C’était vrai que ce cimetière ci n’avait rien à voir avec celui où ils avaient résolus l’affaire du poseur de rose, mais elle ne fut pas étonnée le moins du monde que le fossoyeur prenne la mouche. Il rembarra Russel comme un vieux torchon qui serait venu se coller trop près de ses affaires. Et il avait presque raison. Oui, presque, parce qu’elle ne tolérait pas vraiment les insultes et devant la véhémence du type, eut un mouvement de recul. Elle préféra s’approcher de Russel, au cas où il lui faudrait s’en servir comme rempart. Il avait l’air plus costaud qu’elle.

Personne dans le coin n’a envie de vous aider ? C’est leurs morts aussi.

Elle tentait de désamorcer la situation par sa remarque anodine, espérant que les deux hommes n’allaient pas se mettre à se taper la figure, s’empoigner et se battre dans le trou…

Sur le coup, Russel s'en voulut d'avoir poser cette question déplacée. Il avait jugé trop rapidement le vieil homme et avait crut à cause de l'âge de ce dernier qu'il tenait ce cimetière depuis déjà pas mal d'année. Il observa la vieil homme quelques instants. Au vu de son comportement pas très sympathique, le détective se voyait mal s'excuser. En revanche, répondre à la demande du fossoyeur de l'aider à nettoyer ce taudis... Pourquoi pas ? Il avait une excellente connaissance qui était une véritable fée du nettoyage. Mais tout d'abord, répondons à Lenna.

" Si vous avez eut un choc à la tête le mieux est d'aller à l'hôpital. Un médecin généraliste n'a pas l'équipement nécessaire pour établir un bon diagnostique."

La remarque que fit la jeune femme fut très juste. Mais ici, on était au Quartier Sud. Les habitants de cet endroit avait certainement autre chose à faire que d'aider bénévolement un fossoyeur.

Dans tout les cas, le message du vieil homme avait été clair, pas plus de question, ni même de dérangement quelconque dans son travail. Russel prit son portable et composa un numéro comme si de rien n'était. A l'autre bout du fil un cri aiguë lui attaqua les oreilles dont le sens lui échappait encore et toujours. Pourquoi l'avait-il appeler déjà ?

"ルッセル兄様！！お元気でしたか！？(Grand frère Russel ! Est-ce que ça va ?)
-Liz...Anglais s'il te plait et j'ai besoin de tes compétences de nettoyage, et une paire de chaussure aussi."dit-il en ignorant complètement les propos qu'elle avait tenu. De toute façon, comment répondre à quelque chose qu'on ne comprend pas ?
-うん、わかった！じゃなくて、(Ok ! bien compris, ah non c'est pas ça,) Compris, j'arrive tout de suite ! Tu es où ? Dans ton agence ?
-Non, à un cimetière, l'adresse est ****. Pointure 38 au niveau des chaussures. Je compte sur toi Liz."

Il raccrocha sans attendre de réponse avant de dévisager le vieil homme une seconde fois. Son visage était neutre, déjà il regrettait ce qu'il allait entreprendre. Néanmoins, il ne pouvait pas partir en laissant un lieu aussi sacré dans un tel état. Ne serait-ce que pour enlever cette flaque de vidange, et les quelques mauvaises herbes.

"Je vais vous aider à nettoyer ce cimetière, comme vous l'avez demandé. Compter moi et ma collègue qui arrive pendant quelques jours. Pas besoin de paie." Finit-il en exprimant un large sourire.

Le doute. Ce sentiment étrange, comme d’avoir le cul entre deux chaises, et les méninges impropres à décider celle sur laquelle s’assoir. Généralement, ça se termine par une espèce de déhanchement, semi-assis, les bras battant l’air, et une assise que l’on doit assurer. Ou par le coxis fêlé, sens littéral de l’expression se casser l’cul.

Bref.

Le détective semblait sérieux… Ok, vu le personnage, on pourrait parler de pléonasme, mais passons. Le cerveau de l’ancêtre était en mesure de souffler les deux éléments suivant à son hôte bipède :

- Soit cet enfoiré avait le meilleur jeu d’acteur qu’il n’ait vu depuis longtemps : Flippant.
- Soit il était sérieux, et avait réellement l’intention de s’attaquer à la merde environnante après le discours que le fossoyeur lui avait servi : Flippant.

Qu’il s’agisse d’un détraqué maniaque de la manipulation… Hmmm, peu probable.

Un foutu boy-scout avec moins de discernement que la grande faucheuse ? Plausible, mais à ce stade, on était en droit de parler de cas clinique.

Le temps de cette réflexion avait d’une part suspendu l’agressivité couvrante du fossoyeur, et laissé place à une expression d’incrédulité désabusée. Reprenant contenance, le vieux visage retrouva son rictus de perpétuelle mauvaise humeur.

Nialcen songea que ce « Russel Black, détective », était un homme de ressource, ou le pire imbécile qu’il n’ait jamais croisé. Laissant passer un silence, il renifla avant de répondre.

« Mon pote, si tes aile de fée peuvent remplacer un tripotée d’karsher, d’sac à gravat et deux-trois bennes, tu d’vrait t’faire embaucher par les municipaux, y a une palanquée d’terrains à déblayer par ici… Mais s’pas mon genre d’cracher dans la soupe….» sur ces mots, il avait récupéré son outil et contournait la fosse.

Moqueries ? Admiration ? Incrédulité ? Difficile de dire.

« Mamzelle… » fut la seule excuse qu’il prononça avant de la jeter sur son épaule. Il s’assura de sa prise, et se dirigea sereinement vers un coin abrité du cimetière, à proximité de l’entrée. Le sol n’y était pas des plus reluisants, mais au moins, elle ne risquerait pas d’attraper le tétanos en attendant la paire de chaussure salvatrice.

Lenna entendit les paroles de Russel, mais n’en ferait qu’à sa tête. D’abord le médecin, puis l’hôpital vraiment si nécessaire. Il avait certaines manies du contrôle ce détective, et voilà que sans même lui demander son avis il faisait rappliquer des chaussures pour elle. Comment avait-il deviné qu’elle mettait du 38 ? La jeune femme contempla ses orteils se demandant si cela tombait sur le sens, mais il n’y avait qu’un cordonnier pour savoir tout sur les pieds. Russel était peut-être fétichiste des pieds qui sait, elle haussa les épaules : cette paire de chaussure ne serait pas de refus, parce qu’elle voyait mal quelle autre solution aurait pu s’ouvrir à elle.

"Je vais vous aider à nettoyer ce cimetière, comme vous l'avez demandé. Compter moi et ma collègue qui arrive pendant quelques jours. Pas besoin de paie."

Quoi ? Il avait réellement pris au mot le fossoyeur et allait vraiment le faire qui plus est gratuitement ? Le vieux eut un visage des plus comiques, tant l’incrédulité était grande. Il ne devait pas avoir l’habitude de tomber sur des personnes de cette sorte, surtout dans ce quartier qui ne valait pas grand-chose, enfin du point de vue de Lenna. En tout cas, toute agressivité avait disparu du visage de l’homme qui s’approcha brusquement d’elle.

Que…

Elle n’eut pas le temps de protester qu’elle se fit empoigner comme un sac bien rempli de pommes de terre et jetée sur l’épaule du type. Il la tenait comme un vulgaire objet, bien loin de la position de la demoiselle en détresse qu’affectionnaient les passionnés du romantisme.

Hé ! Mais qu’est-ce que…

Elle sentait toute la rugosité de l’homme par ses gestes, et à son contact. Il la tenait par le bas du dos et les jambes. Un peu plus et il aurait touché son derrière, et il l’aurait sans doute fait si ça avait été la façon la plus pratique pour la transporter. Elle n’eut pas le temps de protester que déjà, il la reposait sur une surface dégagée. Comprenant alors son action, Lenna tut les insultes dans sa gorge et en profita pour réajuster sa jupe sur ses jambes.

Ah… heu. Merci.

Elle ne savait trop quoi dire d’autre, gênée par cet élan quelque peu généreux. Plutôt… elle était étonnée que cet homme soit capable de faire pareil geste. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux premières apparences rustiques, car sous chaque pierre brute se cache un diamant qu’il faut tailler.

Russel écouta la remarque du fossoyeur qui était on ne peut plus juste. Néanmoins, les mots étaient largement plus sympathique. Prenant l'affaire à part, le détective avait eut l'intention de demander à Lenna ce qu'elle faisait ici. Néanmoins le vieil homme l'emportait déjà avec lui sous les yeux surpris de l'ancien inspecteur. Enfin tout ces questions pouvaient attendre.

L'homme proche de la trentaine observa le cimetière scrupuleusement. Ce lieu avait besoin d'un bon coup de nettoyage mais il était hors de question de le retaper à neuf. Dans un premier temps, il n'avait pas les moyens et il n'avait pas l'intention de faire dépenser un seul centime à Liz dans ce nettoyage. Tout au mieux, il allait débarrasser du cimetière de ce qui ne lui appartenait pas. Les pneus, les mauvaises herbes, et tout autre objet qui donnait des allures de déchetterie.

Devant la tâche qui s'annonçait conséquente, il s'alluma une cigarette d'un paquet relativement transformé par les soins de sa colocataire, Origan. Il inhala son poison avant de le recracher d'un souffle. Le temps que Liz arrive, cela allait demander quelques minutes. En attendant, retirer les mauvaises herbes lui semblaient un bon point. Russel, clope au bec, commença à utiliser ses mains dans une tâche qui s'annonçait sans fin.

Ses pensées vagabondaient. Pourquoi déjà avait-il entreprit ce nettoyage ? Plusieurs raisons lui parcouraient le crâne mais la seule justifiable était le fait que si l'un de ses amis reposaient dans un tel lieu, il ne pourrait pas dormir la nuit. Le respect des défunts, des anciens ayant quitté ce monde en premier, est-ce qu'on peut les laisser se décomposer doucement dans un lieu qui sent l'huile ? Surtout qu'en soi et au vu de ses finances. Ce cimetière pourrait très bien être le lieu où il allait reposer, lui-même. Enfin, dans très longtemps, espérons-le.

Liz arriva finalement, de sa petite taille, elle portait un sac qui chuta lorsqu'elle vu le cimetière. En tenue de Lolita, avec ses petits talons, elle observa le lieu en avalant sa salive. Elle commença à faire attention à ses pas jusqu'à rejoindre le détective.

« 汚い！！(C'est Sale !) dit-elle, concrètement dégoûtée.
- Anglais, s'il te plait. »
- Qu'est-ce que tu fais ?
- J'enlève les mauvaises herbes.
- Ça sert à rien, j'ai ramené des patates, tu as faim ? »

Le détective soupira, avant de se lever, il hocha la tête. Dans d'autres cas, il n'aurait pas écouté Liz. Mais en ce qui concerne le nettoyage, il était son subordonné. Ils se dirigèrent vers le vieil homme et la jeune femme. La lolita fit une légère courbette pour les saluer.

« Bonjour, Liz Springfield, Je serais à vos soins pour le reste de la soirée. As-t-on de quoi faire cuire une grosse marmite de patate ? Me manque juste le feu et l'eau. » demanda-t-elle avec un large sourire. Puis, elle observa les pieds nues de la jeune femme avant de s'exclamer.

"Ah, c'est pour toi la pointure 38 ? Tu fais la même pointure que Maria-onee chan !" Finit-elle en déposant le sac en plastique contenant les chaussures.

Un bain de foule. Bon, ok, il s’agit là d’une version peu objective, mais le résultat restait le même. Si Nialcen n’était pas ochlophobe, ses tendances sociopathes ne lui offraient pas vraiment l’occasion d’apprécier les meetings improvisés de ce genre.

La nouvelle venu eut tôt fait de consterner le responsable des lieux. S’il s’agissait de l’arme secrète de Blake en terme de nettoyage, le fossoyeur aurait eu meilleur compte de régler ça seul.

Ce dernier offrait un visage désabusé empreint de consternation. La gamine vint les saluer, geste auquel il n’accorda aucun intérêt, l’observant comme on fixe un crayon dont on vient de casser la mine pour la seizième fois de la journée.

Il releva les yeux vers le détective et lâcha :

« C’te blague, c’ça tes renfort ? Qu’est c’ça fout là, ça ? » Pointant la demoiselle du doigt.

Il ramena son regard sur Liz, son habituelle expression renfrognée ayant repris sa place.

« S’tu fous là, toi ? T’t’es cru dans un camping, morveuse ? S’tu veux faire un feu, t’vas y allumer toi-même, comme une grande, pis pour la flottes, c’est la même : t’as une putain d’fontaine à 3-400 mèt’es, ça t’f’ras les cuisses…. » son ton charriait des glaçons, et son animosité n’était pas en passe de s’apaiser.

Il entreprit de contourner le petit groupe, se dirigeant vers la sortie, s’expliquant sans se retourner.

« Va nous falloir d’quoi transbahuter toute c’te merde. M’occupe d’trouver d’quoi. » Il s’arrêtât devant le portail, tourna la tête à demi, avant de lancer « Faudrait voir à pas s’fout de moi, poulaga, moi fumasse, y f’rait pas bon trainer dans l’coin… »

Russel se mit à arracher les mauvaises herbes, sous le regard surpris de Lenna. Ah, il était jardinier en plus d'être détective ? Intéressant. Soudain une petite asiatique surgit en talons dans le cimetière, et qui se trouvait être le renfort attendu. Lenna demandait à voir ce qu'elle était capable de faire avec ses vêtements de lolita. Le fossoyeur avait l'air aussi dubitatif qu'ellle. Liz était très expressive et ne tarda pas à venir auprès de la jeune femme.

"Ah, c'est pour toi la pointure 38 ? Tu fais la même pointure que Maria-onee chan !"

Un soulagement traversa le visage de Lenna, ravie à l'idée de mettre ses pieds dans un abri plus confortable. Elle déballa le sac trouvant des chaussures de sport communes à l'intérieur. Elle voulut plier ses genoux pour les enfiler mais le gauche répugnait à la tâche. Elle se contenta de le faire en se baissant, bras tendus, espérant que personne n'en profiterai pour matter son... Bref. Elle se redressa ensuite, en tenue pour le nettoyage. Elle se voyait mal planter tout le monde en prétextant une urgence. Lenna était quelqu'un qui aimait aider les gens. Et puis ils l'avaient sortis de ce trou, c'était donc la moindre des choses à faire. Elle largua son sac à main dans le coin relativement propre et s'avança vers le détective, pendant que le vieux semblait partir chercher une brouette.

Le cimetière devient notre lieu de rencontre privilégié on dirait.

Un mince sourire étira ses lèvres, amusée par la situation. Dire que le détective lui avait pourtant dit qu'il allait rarement dans les cimetières pour ses affaires, elle le retrouvait quelque peu de temps après dans un lieu du même genre.

Merci pour les chaussures, c'est gentil.

[Hrp: Liz est américaine, elle a des traits caucasiens. xD]

La réaction du fossoyeur était prévisible en soi. Russel avait parlé de renfort et ce qui se présentait devant lui était une femme de 19 ans qui en faisait 14 physiquement et 10 mentalement (selon Russel). Il ne pouvait donc que comprendre cette déception de la part du vieil homme. Liz quant à elle souriait niaisement ne comprenant absolument pas qu'elle était insultée. Néanmoins, elle tilta sur un mot, le mot 'morveuse' qu'elle reprit aussitôt.

" Je suis pas une morveuse ! J'ai 19 ans !" répondit-elle fièrement, ignorant le reste des insultes et de l’agression du fossoyeur. Probablement qu'elle n'avait rien à redire sur ce sujet.

Le détective, quant à lui, observait la scène légèrement dépité. Peut-être que le vieil homme avait raison et que demander à Liz de venir ici était un peu trop optimiste de sa part. Il connaissait les talents de jardinage et de nettoyage de la jeune lolita. Elle était très douée mais sans doute que le nettoyage du cimetière était une tâche trop hardi ? Sur ce léger doute traînant dans son esprit, le fossoyeur avec son humeur sympathique habituelle les prévint de ne pas se moquer de lui. Russel profita de cet instant pour lui redemander son nom.

" Je me le demande depuis un moment mais vous vous appelez comment ?"

Ce qui suivit fut Lenna mettant ses chaussures, son regard se porta involontairement sur le décolleté de cette dernière. Il détourna aussitôt son regard, une légère teinte rosâtre apparaissant sur ses joues, qui s'en alla aussitôt lorsque la jeune femme lui adressa la parole avec une réplique qui lui fit décrocher un petit rire amusé.

"Ah ah ah, en effet. Répondit-il simplement dans un premier temps. D'ailleurs, pourquoi êtes vous ici ?" demanda-t-il dans un second temps.

Il préférait ne pas imaginer le cas le plus pire. Celle de rendre visite à un défunt qui est enterré dans ce lieu. Elle les remercia pour les chaussures. Ce que Liz s'empressa d'accepter tandis que l'ancien inspecteur se contenta d'un petit sourire approbateur.

" De rien ! Bon, si y a pas de feu, ni eau, va falloir que j'aille en chercher ! Je reviens !"

Sur ses mots, elle s'éloigna, toute joyeuse, en courant.

Le vieux revint ¾ d’heure plus tard, accompagné de deux types incommodant, taillés comme des camionneurs. L’un d’eux avait le côté droit du visage tuméfié.

« Ces deux lascar vont s’occuper trimbaler tout ça ailleurs, hein les gars ? » aucune des deux armoires à glace ne broncha « Par contre, va falloir ‘oir à ‘es pa’er, les ‘rais d’e’’en’e tout ‘a… » acheva-t-il, une nouvelle cigarette au bec, mimant des doigts l’afflux monétaire attendu à l’attention de Russel.

Il se tourna vers les deux patibulaires « Vous chargez les plus grosses saloperies, l’agence d’nettoyage Blacke et moi au va s’charger du reste. »

Le vieux partait trouver de l’aide, Liz partait chercher de quoi cuire ses patates, et donc Lenna se retrouvait seule avec Russel dans un cimetière désert. Je vois venir les petits coquins, mais nos personnages sont des personnes morales.

Tandis qu’ils déambulaient à travers le cimetière pour identifier les différentes choses qui étaient la priorité à débarrasser, Lenna expliqua sa mésaventure du jour à Russel. Ils en profitèrent également pour parler de tout et de rien et faire un peu plus ample connaissance. Une amitié naissait peu à peu, quand le vieux revint enfin. Lenna n’avait pas vu le temps passer, et s’étonna de voir que le vieux avait eu le temps de défigurer un type pour le convaincre de venir. Le reste de sa phrase se perdit avec l’entrée de la cigarette dans sa bouche et elle se contenta de hausser les épaules.

Lenna n’avait pas l’âme d’une commandeuse, et ne savait donc pas ce que le reste voulait signifier.

C’est-à-dire, je fais quoi ?

Elle pourrait commencer à jeter ses talons bousillés, et s'avança vers eux dans l'attente d'une réponse, s'éloignant à regret de la conversation passionnante qu'elle venait d'avoir avec le détective.

Deux foutues journée. Ou deux journées foutues, selon l'angle de vues. Dans tout les cas, si le fossoyeur était désormais bien en mal de supporter ses visiteurs plus longtemps, la satisfaction de voir les lieu délabrés désormais propres était bien réelle.

Il gratifia ses hôtes d'un grognement ostensiblement mécontent, et se retira dans sa cabane.

Le nettoyage était enfin terminé. Lenna avait des courbatures partout, ainsi que quelques bleus récoltés. Son coude était partiellement remis désormais. Elle tourna sur elle-même pour découvrir le travail accompli avec un soupir de soulagement.

Russel la remerciait, et remerciait aussi le fossoyeur. Cela ne l'étonnait pas vraiment, il avait toujours des manières gentleman.

Je vais rentrer.

Le vieux était déjà reparti dans sa cabane, elle n'avait plus que Russel à saluer. Après ses deux jours à se cotoyer la réserve intialement présente entre deux inconnus s'étaient légèrement dissipée et elle s'avança pour lui faire la bise.

Au revoir Russel. Espérons que la prochaine fois nous nous croiserons ailleurs que dans un cimetière.

Sa main se posa sur son bras tandis qu'elle tournait ses joues de chaque côté de son visage. Elle avait une sensation étrange, comme une légère chaleur, sans doute dû au fait qu'elle n'avait fait la bise à personne ces derniers années, et encore moins à une personne du sexe opposé. Elle lui adressa un léger sourire en coin, avant de tourner les talons et de rejoindre l'arrêt de bus. Celui qu'elle avait voulu rejoindre deux jours plus tôt, vous vous souvenez ?

Le vieil homme sans dire plus de mot s'en alla dans sa cabane. Probablement qu'il recherchait le calme dont il avait été privée ses derniers jours. Son impression sur le fossoyeur était simple, un type rustre mais qui n'avait pas mauvais fond. Juste, il fallait respecter un espace vital assez conséquent. Lenna quant à elle, annonçait simplement qu'elle allait rentrer. Le détective se contenta d'acquiescer avec un petit sourire. C'est alors qu'elle s'avança vers lui. L'ancien inspecteur mit un certain temps à comprendre le sens derrière ce geste et ce fut lorsqu'elle prit son bras puis avança son visage vers le sien qu'il réalisa ce que la jeune femme voulait.

Il resta inerte et silencieux, légèrement choqué par cet acte soudain. Il la regarda s'éloigner sans dire un seul mot, simplement, il colla sa main sur sa joue. Depuis combien de temps n'avait-il pas reçu de bise ? Il tenta de retrouver ses esprits en expliquant la raison de cette coutume. Une tradition latine pour dire au revoir ou saluer une personne. Dans notre pays, n'était-ce pas un moyen aussi de dire que socialement les deux individus étaient amis ?

Sur cette pensée rassurante et agréable, il appela un taxi afin de rentrer chez lui. Un léger sourire parcourant son visage.

[RP fini. Merci Nialcen et Lenna pour le rp ^_^ ]