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L'hôpital du quartier Nord est très moderne et dispose des dernières technologies de pointe en matière de soins. Beaucoup de riches viennent se faire soigner ici, mais il arrive parfois que des habitants des autres quartiers, surtout l'Est, soient également reçus ici. Très spacieuse, il dispose de plusieurs ailes et de tous les services adéquats.

Il avait accepté ce contrat un peu par hasard. Le cachet était bien supérieur à la moyenne pour ce genre de mission et c'était principalement ce qui l'avait motivé à accepter. Il n'avait pas de goûts de luxe mais il couvrait de cadeaux ses enfants qu'il aimait au delà des mots. Leur anniversaire approchait et c'était donc une occasion rêvée de voir les choses en grand. Le contrat n'était pas bien compliqué et Aaron n'était même pas sûr de savoir pourquoi il y avait besoin d'un chien de garde dans cette histoire.
Une jeune femme avait été sauvagement agressée par une belle bande de lâches et ces pleutres lui avaient brûlé le visage à l'acide, ils avaient trouvé ça drôle. Qu'est-ce que cette jeune femme avait fait pour mériter une telle attention ? Rien, à part peut être d'être Afro-Américaine. Et même si ces fils de pute avaient tous été arrêtés et inculpés gagnant un aller simple pour la prison du comté, la pauvre femme devait vivre avec la honte d'avoir un visage à moitié fondu. Ce n'était pas elle qui devait avoir honte et pourtant, elle n'osait plus sortir de chez elle, elle ne voulait pas affronter le regard des autres. Ses proches avaient organisé une collecte qui avait rapporté très gros pour permettre à cette femme de tenter une réparation du visage par opération esthétique. Seulement voilà, on allait pas à une clinique dans ce genre les mains dans les poches en sifflotant la mélodie du bonheur après un tel traumatisme, le seul moyen qu'il restait, c'était d'engager un garde du corps pour veiller à ce que rien ne lui arrive et c'était là que le contrat qu'avait signé Aaron entrait en jeu.
Il devait escorter cette pauvre femme à l'hôpital, attendre le temps de l'opération (aussi longue soit elle) et la raccompagner chez elle sans que rien ne lui arrive. Secrètement, Aaron espérait que quelque chose arrive. Il voulait que des partisans racistes essayent à nouveau de s'en prendre à elle parce que l'homme mourait d'envie d'écraser son poing dans la gueule de types comme ça.

Comme d'habitude, il arriva un quart d'heure avant mais ne descendit pas de sa voiture. Il regarda la rue puis la maison. Il calcula toutes les brèches par lesquelles ils pourraient se faire agresser, estima des chemins divers et variés en fonction des situations, des abris potentiels en cas d'attaque armée tout un tas de données statistiques dans le genre. L'homme ne laissait jamais rien au hasard et assurait du mieux qu'il pouvait son job pas seulement pour la VIP mais aussi pour lui, pour qu'il puisse continuer à serrer ses enfants dans ses bras aussi longtemps que possible. Il descendit finalement de son véhicule et s'approcha de la maisonnette. Il sonna à la porte et s'annonça. La jeune femme entrouvrit la porte et le baraqué aperçu un tisonnier dans sa main. Il se présenta, désigna son véhicule mais ne fit aucun geste, il ne tendit pas sa main, n'avança pas d'un pas et ne croisa pas le regard de la jeune femme plus que nécessaire.
Elle referma la porte et le garde ne bougea pas. La porte s'ouvrit finalement à nouveau, en grand et la femme qui devait être d'une beauté incroyable avant son agression sortit et referma la porte derrière elle sans jamais perdre Aaron de vue. Le grand brun ne bougea toujours pas. La femme verrouilla la porte et s'avança encore, Aaron pivota pour lui laisser le passage et les deux adultes remontèrent l'allée. Un gamin passa à vélo, les regarda bizarrement mais continua sa route. Il repassa alors qu'Aaron ouvrait la porte arrière de sa voiture à la jeune femme et le gosse qui devait avoir dans les quinze ans leur jeta une pierre en hurlant quelque chose comme "terre toi sale monstre". Aaron attrapa la pierre en vol, l'écrasa dans sa main et referma la porte de la femme qui regarda son gardien, visiblement lasse et habituée à ce genre de conneries.

Aaron se garda de tout commentaire, prit la place du conducteur et démarra. Le chemin fut silencieux et devant la clinique, au moment d'entrer, la jeune Afro-Américaine remercia Aaron. A l'accueil, une femme aux cheveux bleus attendait.
_ Bonjour madame, je vous amène madame White pour une opération.

Aaron s'était naturellement placé entre la double porte vitrée automatique et sa cliente afin de faire bouclier, ça aussi c'était son métier.

La bleue et le rouge
ft. Aaron Dragonheart

C'était une journée comme les autres, une journée où les clients se succédaient à un rythme lent et beaucoup trop régulier, tu t'ennuyais et tu rêvais d'un peu d'aventures pour égayer ta journée déjà bien ennuyeuse. Tu avais déjà nettoyé le parquet deux fois, compté la caisse et remplie les étalages qui trônaient près de la caisse enregistreuse derrière laquelle tu te situais, tu avais accompli toutes les tâches possibles et imaginables, tu comptais maintenant les secondes qui te séparait de ta pause, même si tu savais que ton ennuie serait tout aussi grand lors de ta pause.

Alors que tu envisageais sérieusement l'idée de nettoyer les fauteuils de cuir qui formaient la salle d'attente, histoire de faire quelques choses de tes dix doigts, ta patronne passa devant toi en coup de vent pour te rappeler qu'une cliente importante devait arrivée sous peu et que dès le moment où elle poserait un pied dans la boutique, tu devrais refuser toute nouvelle clientèle et l'appeler directement grâce au téléphone posé près de toi. Prise d'un soudain regain d'énergie, tu recommença a nettoyé la boutique de fond en comble pour offrir la meilleure impression possible à cette cliente qui semblait être relativement influente, si on en croyait l'excitation de ta patronne.

Lorsque la sonnette au-dessus de la porte sonna, tu fis ton plus beau sourire à la nouvelle arrivante, qui était accompagnée d'un grand homme brun au visage relativement sévère. La femme, qui se trouvait entre toi et l'homme, dégageait une grande prestance malgré son visage à moitié défiguré, elle était sans doute une magnifique femme avant son accident dont tu ne connaissais point les détails. La voix de l'homme résonna, te faisant presque sursauter:

Bonjour madame, je vous amène madame White pour une opération.

Tu hocha la tête, te doutant bien que cette madame White était la cliente tant attendue par ta patronne, chose que tu ne comprenais pas tellement, car madame White, outre son physique étonnant, semblait être une femme plutôt banale en son genre. Tu désignas les sièges en cuir du bras et téléphona à Madame Coderro, ton employeur, avant de tourner la petite affiche qui signifiait que la boutique était maintenant fermée. Lorsqu'enfin l'heure de l'opération arriva, tu pus souffler un peu et tu regardas l'homme brun qui semblait toujours aussi sévère.

Excusez-moi Monsieur, mais vous devez rester ici durant l'opération de madame. Voulez-vous un café ou un thé pour patienter?

Codage par Libella sur Graphiorum

Tout s'était enchaîné plutôt vite. La VIP d'Aaron fut prise en charge immédiatement, comme si elle était la Présidente du pays, l'homme ignorait que lorsqu'on bénéficiait d'une chirurgie grâce à la générosité de gens un tant soit peu doués de jugeote, on nous traitait avec autant de soin ! Les reportages TV au sujet de cette affaire n'avaient pas été si nombreux que ça, comme si on avait honte d'en parler, comme si cela allait déterrer quelque chose que personne ne voulait voir resurgir. Allons Amérique, crains-tu une nouvelle apogée de ces crétins complets au nom aussi stupide que ridicule qu'est le KKK ? As-tu peur que ces hommes fussent finalement néo-nazis et que l'ombre d'Hitler pèse à nouveau sur les gens ne faisant pas partie de l'idéal de cet abruti complet (qui ne répondait pas lui même à ses propres critères de perfection) ? Cette femme n'était personne, juste une victime qui gardera cette terreur au fond d'elle jusqu'à la fin de ses jours. Elle ne portera pas plainte contre le pays, ses agresseurs ne sortiront jamais de prison et avec un peu de chance, elle pourra même retrouver partiellement son visage. Mme White n'était personne mais ce jour là, elle était la personne la plus importante de cette clinique semblait-il et ce n'était pas plus mal après tout, elle méritait qu'on s'occupe d'elle avec sérieux et dévotion ! Un contrat simple déjà à moitié accompli mais son avis personnel ne faisait pas partie des règles alors il se le gardait.

Soudain, la femme à l'allure si singulière lui adressa la parole alors qu'Aaron regardait le personnel de l'hôpital emmener sa cliente vers les entrailles de l'hôpital. Il ne valait mieux pas que l'un d'eux soit là avec l'intention de finir le boulot des crétins racistes car si jamais il entendait sa cliente hurler, il démonterait l'hôpital brique par brique s'il le fallait !
_ Je comprends, ce sont les règles. J'attendrais là. Je préfère un café s'il vous plait, avec deux sucres.

Aaron s'approcha des sièges du hall d'accueil et s'assit. Il ne quittait pas la porte des yeux comme si les choses allaient être différentes s'il se détendait juste deux secondes. L'opération risquait de durer des plombes, rien que pour son genou ça avait duré une éternité alors pour une reconstruction faciale... Et tendit qu'il pensait à cela, il se massa machinalement le genou, toujours cette vieille douleur sourde qui devenait aiguë lorsqu'il faisait orage. Se remet on totalement d'une telle blessure ? Il pouvait à nouveau courir sans avoir une douleur innommable sous la rotule, c'était déjà bien. Il évitait de sauter par contre !
_ Combien de temps va durer l'opération selon vous ? J'imagine que ça ne va pas se faire en deux temps trois mouvements !

Le voilà qui entretenait la conversation, ce n'était pas dans ses habitudes lorsqu'il travaillait... mais bon, une fois n'était pas coutume disait on !

Tu écoutes la demande de l'homme et suis son regard, qui lui suivait la femme que Madame Coderro ammenait plus loin dans l'Hôpital afin de lui faire son opération; Opération qui, tu l'espérais tout du moins, saurait redonner un peu d'espoir à cette femme qui semblait avoir bien souffert. Tu prépara deux cafés, l'un pour toi et l'autre pour le brun, tu te surpris à te demander pourquoi cet homme était présent. Après tout, il semblait totalement étranger à cette femme, mais celle-ci semblait tout de même avoir un peu confiance en lui, comme si elle avait confié sa sécurité entre ses mains. Peut-être était-ce même le cas? Tu déposas le café devant lui avec un petit sourire discret, un sourire que tu espérais rassurant malgré la situation. La question qu'il te posa ne te surpris pas plus que cela, après tout, tu avais l'habitude que l'on te demande combien de temps les interventions prenaient, mais même si tu avais l'habitude, tu regrettais de ne pas avoir de réponses précises à lui donner. Effectivement, c'était la première opération du genre qui se déroulait à la clinique depuis que tu y travaillais.

Je suis navrée monsieur, mais je n'ai pas de réponses précises à vous donner. La seule chose que je peux vous dire, c'est que vous en avez pour plusieurs heures.

Tu retournes derrière ton comptoir et bois tranquillement ton café, vérifiant la paperasse que tu avais déjà vérifié plus de six fois aujourd'hui. Trop concentrée sur les questions qui tournaient en boucle dans ta tête pour travailler correctement, tu retournas près de l'homme avec un sourire gêné sur les lèvres

Excusez moi de vous déranger, mais je me demandais...Qu'est-ce qui est arrivé à cette pauvre dame et pourquoi l'accompagnez-vous? Sans vouloir vous manquer de respect, vous ne semblez pas très proche d'elle...Vous ressemblez plus à un garde du corps!

L'homme regardait la femme s'affairer. Elle dégageait quelque chose de mystique, presque surnaturel, comme si sa présence ici n'était que fantasme. La couleur si singulière de ses cheveux était vraiment à l'opposé de tout ce qui pouvait être attendu du personnel médical et cela rendait le tout très improbable. Toutefois l'homme ne s'y méprenait pas, c'était juste une femme qu'on remarque mais qui n'a rien de dangereux, du moins l'espérait il. De toute manière, il était prêt à lui tordre le cou si elle devenait dangereuse... ou du moins, il se pensait prêt à le faire. Sans être misogyne, il préférait ne pas avoir à s'en prendre à une femme. Il ne doutait pas un seul instant qu'une femme pourrait être autrement plus balèze que lui, mais il avait ses valeurs et on lui a toujours dit qu'un homme ne tapait pas les femmes, qu'elles étaient toutes un peu notre mère et qu'un bon garçon ne levait pas la main sur sa mère.

Comme il s'en doutait, la durée de l'opération était indéterminable. C'était ennuyeux mais soit, il attendrait.
Il prit une gorgée de café. Il était plutôt amer mais pas mauvais. La jeune femme reprit sa place derrière le comptoir et avait ce regard, celui qu'on a lorsqu'on se pose des questions et bientôt, elle y mit des mots. Cela était presque légitime qu'on se demande qui il était et ce qu'il foutait là. Mais est-ce réellement une question à poser ?
_ Cette pauvre femme a été lâchement agressée par une belle bande de baltringues racistes qui lui ont brûlé le visage à l'acide pour le laver de sa noirceur. Ces chiens galeux ont l'incroyable chance d'être en prison jusqu'à la fin de leurs jours ! J'aurais aimé leur présenter mes salutations... Bref, toujours est-il qu'un geste solidaire est né à l'égard de cette pauvre Mme White et cette opération lui a été offerte. Seulement une agression de la sorte laisse des traces et la terreur d'être à nouveau la proie de racistes a conduit à ma présence. Je suis effectivement garde du corps. Aller la chercher chez elle, l'amener ici et l'attendre jusqu'à la fin de l'opération et la raccompagner chez elle. Si pendant ce temps sa vie était menacée, j'irais écraser mon poing dans la gueule de ceux qui auraient la folle idée de vouloir lui faire du mal. Et je vous garantie que je ferais cela par pur plaisir que par contrat !

Nouvelle gorgée de café.
_ Pardon, je me suis un peu emporté. Excusez moi si je vous ai effrayée. C'est juste que je ne supporte pas qu'on s'en prenne à des innocents. Cette femme n'a rien demandé à personne, n'emmerdait personne et comme ça, on l'agresse juste parce qu'elle est noire. Cela me rend malade.