Le narrateur a écrit:

L'hôpital du quartier Nord est très moderne et dispose des dernières technologies de pointe en matière de soins. Beaucoup de riches viennent se faire soigner ici, mais il arrive parfois que des habitants des autres quartiers, surtout l'Est, soient également reçus ici. Très spacieuse, il dispose de plusieurs ailes et de tous les services adéquats.

La demoiselle gara son véhicule dans le parking à vélo, et en ferma l'antivol, avant de s'étirer. Déjà trois mois qu'elle avait obtenu son diplôme, et comme tous les jeunes sortants de l'école, elle galérait un peu, enquillant remplacements et CDD. Et parce que elle avait volontiers envie d'un poil plus, elle venait ce jour postuler pour un essai clinique. Ce n'était pas son 1er, probablement pas son dernier non plus.

Elle avait aujourd'hui le premier rendez vous, avec visite médicale, explication détaillée du protocole (en tout cas, ce qu'elle avait le droit d'en savoir), et compagnie. Le chef de projet était assez peu connu de sa part. Oh, elle l'avait certainement déjà croisé. Après tout, elle avait fait une bonne partie de ses stages dans l’hôpital, et dans les services de chirurgie notamment. Pour autant, le nom ne lui rappelait pas grand chose, à part un grand type « poursuivi » par ses internes, croisé dans les couloirs. Elle, elle avait surtout eu affaire aux internes, et à des ordonnances.

Saluant la secrétaire de l'accueil, vieille connaissance, l'ex étudiante se dirigea nonchalamment vers le second étage de l’hôpital, où elle savait se passer régulièrement les études cliniques. Après avoir vu la secrétaire, elle fut envoyée attendre dans une salle d'attente à moitié vide, ou elle attendit quelques minutes, avant qu'on ne l'appelle. La secrétaire l'introduisit dans un petit bureau, l'archétype du bureau de consultations, avec murs blancs, affiches de produits médicaux, lit d'examen...

« Le médecin arrive. »

Oui, elle se doutait qu'il ne se cachait pas sous le bureau...

La journée d'Actée serait un peu différente : il allait s'occuper des candidats à la place d'un collègue et allait devoir changer de bureau pour ça et il n'aimait pas trop, mais c'était le protocole lorsqu'ils recrutaient, de toujours le faire dans un bureau neutre.

Une infirmière vint le chercher pour qu'il s'occupe l'une des candidates un essai, une certaine Myriam Boyer. Il regarda son dossier médical, qui était plutôt remplit, la jeune femme n'avait pas du vivre des moments très faciles. Une fois le CV lui aussi parcourru, il entra dans le cabinet. Il sourit à la jeune femme et lui tendit la main.

"Bonjour mademoiselle Boyer, je suis le docteur Vasilis, c'est moi qui vais me charger de votre consultation en vue de l'essai pour lequel vous vous êtes proposée. Si cela vous va nous allons commencer tout de suite"

Il la regarda en souriant : insuffisance rénale effectivement, quelques petits problèmes bénins habituels et des irritations au crâne, il se demandait pourquoi. Peut-être qu'elle portait une perruque ou avait de eczéma, mais ce n'était pas le plus important.

"D'abord comment allez vous? J'ai pu lire votre dossier, comment vous portez-vous ces derniers temps?"

A l'arrivée du chirurgien, Myriam eut un sourire poli, qui devint rapidement amusé, chose qu'elle dissimula par un hochement de tête alors qu'elle lui serrait la main, un bref appui, et relâcher aussitôt. Il ne se souvenait bien sur probablement pas de l'étudiante, lui non plus.

L'envie de sourire revient, et les commissures de ses lèvres se redressent légèrement en l'entendant expédier les banalités et rentrer de suite dans le vif du sujet. Elle ne se souvenait pas qu'il était si direct. La plupart des médecins qu'elle avait rencontré (pour de vrai, hein pas dans un couloir) n'avouaient pas (en tout cas pas devant elle quand elle était patiente) au patient qu'ils avaient lu le dossier d'emblée... Dommage, elle ne pourrait pas le faire bisquer par sa propre connaissance de son dossier (toujours se tenir informée!), et voir sa réaction...

Haussant les épaules, la jeune femme répondit de son perpétuel ton un peu moqueur.

« Je marche, je parle et pire, je pense, c'est que ça ne doit pas aller si mal... »

Ben oui, ça restait un peu sa philosophie. Pas demain qu'elle se plaindrait de douleurs, comme certains patients qu'elle avait eu,, qui accourraient au premier pet de travers.

« Plus sérieusement, ma fonction rénale est stable, pas de température, tension ok, pas de traitements en cours, à part du dexeryl pour le cuir chevelu, un le protocole de rétention hydrique de la dialyse. »

En clair : ben ça va, j'ai juste des irritations, je mets de la crème hydratante, et vu que je suis sous dialyse, je bois pas beaucoup. Rien de plus donc que ce qui était dit dans le dossier, avec un ton assez factuel. De toutes façons il avait lu le dossier, il devait tout savoir...

« Quand au moral, il va bien, et ira encore mieux si je peux mettre du beurre dans les épinards ».

Ben quoi, les essais étaient payés, elle allait pas cracher dessus !

Plus Actée voyait la jeune femme, plus il se disait qu'il l'avait déjà croisée quelque part. Il n'était pas rare qu'il croise des infirmières étudiantes, et ce dès le moment ou il avait commencé son internat ici. Il éclaircirait le point plus tard.

La jeune femme lui répondit d'un air un peu ironique, moqueur même. Ce n'était pas ce qui plaisait le plus à Actée, mais au moins elle allait bien visiblement, bien qu'il ne comprenait pas son sourire.

"Pour ma part je préfère que vous pensiez; si ce n'était pas le cas, vous ne seriez pas entrain de de discuter avec moi dans ce cabinet mais avec mes collègues de la morgue, et je ne vous le souhaite pas"

Autant aussi répondre par du sarcasme. Il lui sourit et nota ce qu'elle disait. C'était un bon signe que rien ne lui avait échappé, et il en était content.

"Très bien, dans ce cas je vais d'abord vous parler du produit que nous allons tester sur vous aujourd'hui, mais j'imagine que vous le connaissez déjà?"

C'était un traitement pour diminuer significativement les symptômes liés à une insuffisance rénale, moins lourd que ceux existant déjà sur le marché, et surtout plus accessible niveau prix.Ce serait une excellente chose qu'il soit approuvé. La phase I avait déjà donné de bons résultats, et la phase II venait de commencer.

Si elle pensait pas elle discuterai avec les collègues de la morgue... Alors soit ça signifiait que les dit collègues n'avaient pas d'esprit, soit elle risquait pas de parler avec... Parce qu'un truc qui parle et marche et pense pas, ça s'appelle un zombi...

Chasser le petit film mental d'elle en zombie fut assez difficile, mais il fallait se recentrer. Est-ce qu'elle connaissait le produit... En soit pas tant que ça. Elle n'avait pas forcément accès aux publications médicales, et il n'y avait pas eu d'article dans les magazines infirmier, précisément parce que le produit n'était pas encore sur le marché...

"Si j'ai bien compris, c'est supposé permettre de passer de 3 à 2 dialyses par semaine. La fonction rénale est légèrement améliorée, les symptomes annexes sont atténués... Ce qui, même si le produit est remboursé par toutes les caisses, permettrai une sacré économie et d'argent et de piqures."

Non parce que QUI était fan des piqures? Elle ignorait cependant comment ça se passerai. Vu que le but c'était de diminuer le nombre de dialyse, est-ce que même les testeurs sous placebo y auraient droit? Ou est-ce qu'ils passeraient outre l'effet placebo pour ne pas courir le risque de diminuer les dyalises d'une moitié du groupe?

Actée l'écouta, c'était tout à fait ça, les détails en moins. Elle semblait s'être bien renseignée sur ce qui allait lui arriver, en même temps ce n'était pas étonnant pour une infirmière.

"C'est le but recherché oui, mais pour le moment nous allons seulement mesurer votre fonction rénale et les symptômes liés à la prise du médicament sans pour autant changer la fréquence de vos dialyses. De plus je dois vous préciser que cette étude est "à double aveugle", et donc le traitement de base des patients testeurs ne sera pas modifié. Le nombre de dialyses sera modifiés dans une des étapes suivantes plutôt"

Il avait donné toutes les informations importantes, du moins il le pensait. Maintenant il ne lui restait plus qu'à lui donner le formulaire à lire et signer, et ils pourraient commencer, ce qu'il fit.

"Voilà, je vous prierais de lire attentivement ceci et de le signer si vous souhaitez toujours participer"

Bien. Derniers doutes levés. A présent, elle n'avait plus qu'à signer son accord, remplir les informations. Ce qu'elle fit, annotant certaines questions plutôt que de juste cocher les croix: Comme celle qui demandait si elle supportait bien ses dyalises. Oui, sauf nausées 1s/4. Un beau paraphe et voilà l'affaire menée.

"Voilà, docteur. Quand et où commenceront les tests?"

C'était le dernier point important à ses yeux.

Actée la laissa remplir tranquillement le dossier. Ils n'étaient pas pressés et elle devait prendre le temps de bien réfléchir et ne rien omettre, c'était important.

Une fois qu'elle eut finit il récupéra le papier, le parcouru rapidement et le mit dans le dossier de la jeune femme.

"Ici même. Je vais vous faire une injection et nous allons attendre quelques minutes pour voir s'il y a une réaction immédiatement. Mais j'aimerais d'abord prendre votre tension, et quand avez-vous fait pour la dernière fois une mesure de vos fonctions rénales?"

Actée la regarda faire, un peu surpris et déboussolé. Il ne comprenait pas du tout son attitude, c'était si soudain. Mais il ne pouvait pas la retenir, si elle décidait de se retirer. c'était son choix et il ne pouvait pas le contester.

"Ah....eh bien....bonne continuation"

Il se leva et ferma la porte du bureau. Il allait avoir moins de paperasse à faire, mais aurait du mal à expliquer à son collègue ce départ. Enfin bon, l'affaire était classé et il allait pouvoir passer à la personne suivante...en espérant qu'elle soit un peu plus coopérative.