Les mains dans les poches, je reste là, face à sa tombe. Elle est magnifique, avec sa forêt d’orchidées blanches et violettes. Je me racle un peu la gorge, et prends une grande inspiration. Par où commencer ? Et puis, est-ce que ça a vraiment un sens que je fasse ça, à chaque fois ? Ça m’étonnerait que t’entendes vraiment quelque chose de là-bas – et pour le coup, je parle un peu en connaissance de cause. Bref.

Salut Nylian. J’ai perdu le compte des mois, mais sache que je suis encore et toujours désolé pour cette petite absence. Mais je crois que tu connais déjà l’histoire, alors autant te l’épargner. J’ai pas envie que des fantômes animés par la force de ton trash-talk viennent hanter mes nuits ; surtout que je doute qu’ils aient ne serait-ce que le dixième de ton talent. Merde. Je te fais des compliments maintenant ?

Je secoue un peu la tête. Comme à chaque fois, je tombe trop vite à court de phrases. J’ai jamais été doué en discours, en monologue passionné. Et apparemment, ça non plus, ça n’échappe pas à la règle.

Oh, et puis, à quoi bon hiérarchiser mes pensées quand je suis devant toi ? Soit tu entends tout, soit rien. Alors, je vais faire simple. J’espère que là où tu es, si t’es bien quelque part, t’es bien. Que tu peux laisser aller ton sarcasme à volonté, et que t’as prévue de rendre une petite visite à nous, les impies de ton cynisme. Bordel, je sonne trop religieux, hein ? Alors que toi et moi on sait ce qu’il se passe, après la mort. Ça ne se décrit pas avec des mots, ils ne sont que taillés pour la vie.
Mais Nylian, j’ai une question. Qui te dorlote sans cesse, à t’offrir des fleurs jusqu’à recréer une mini Amazonie ? Elles n’ont pas toujours été là. Enfin, si, au début, après ton enterrement, quand je t’ai retrouvée, il y en avait une. Mais maintenant, c’est une vraie colonie, presqu’un royaume qui cherche à conquérir les pays voisins.

…

Je sais que tu ne peux pas me répondre. Ce serait trop facile, sinon. Donc j’ai pris une décision, un truc pas très important si tu veux savoir. Je vais t’infliger la souffrance de me côtoyer encore un peu plus longtemps, le temps que ton admirateur secret se pointe. J’ai envie de le remercier. Il a posé des fleurs pour toi, de la part de tous.
Voilà. Je vais rester debout, à me perdre dans les teintes violettes de ces petits trésors, et attendre. Quelqu’un finira bien par arriver. Et je peux rester très longtemps ici, tu sais. Je crois que plus grand-chose d’humain ne vit encore en moi. D’ici, de là, je sens des Nephils errer, simplement passer.

Allez, discutons encore un peu. J’ai toute la journée, et celle de demain. Et si tu voyais la réserve de blablateries que j’ai à te balancer, tu frémirais à l’idée de tout ce trash-talk que tu vas pouvoir m'asséner.
Waw. J’ai quand même sacrément changé ma façon de parler. Et j’suis toujours aussi mal à l’aise, ici. Bon. Alors, je raconte.

J'emprunte la barrière du cimetière. Ok. L'heure avancé de la nuit rend bien hommage a tous les films de film d'horreur que j'ai pu bouffer dans ma jeunesse. Mais j'ai besoin qu'il n'y ai personne aux alentours pour entretenir la tombe. Et puis... pas de clown en vue. De toute manière. Je pense que je suis vacciné de ça. Les monstres n'ont plus vraiment d'impact sur moi...
L'allée est éclairée de la faible  lueur d'un réverbère. Je regarde la zone en quête d'une tache noire dans mon champs de vision. Une habitude que j'ai maintenant pour traquer les ombres. D'ailleurs, il y en a une. Mais pas la bête que le pouvais espérer gratter aux alentour du lieu glauque.

Nan. Au lieu de cela. Une silhouette humaine se tient immobile au milieu des tombes. Et pas n'importe quelle tombe. Précisément clle où je me rends.
Mes pas crissent sous le gravier. La silhouette a un mouvement vers moi. Trop tard. Je suis vue de toute maniere. Et j'aurais beau courir. Je suis moins rapide qu'un déploiement de kekkai... Je savais bien qu'a force d'avoir une routine quotidienne. Je serais attendu un jour. Les seraphs sont rapides a la longue. Trop peut être ? Je les aurais sous estimer ?

Mais... Mais j'ai parlé de Nylian a personne. A peine Tommy vu qu'il vient parfois quand l'occasion se présente... Mais... Nan. Personne connait ce petit truc.

Alors je m'approche nonchalamment vers lui. Puisque de loin, l'ombre est un homme. Je réajustant fébrilement mon écharpe épaisse jusqu'à ma bouche pour couvrir ma marque. Prête a combattre s'il le faut.
Pendant ce temps. La distance entre l'homme et moi rétrécie. Et a mesure de cette progression. Je suis tentée de sortir mon arme d'âme. Je me contiens. C'est peut être un humain...
Une fois a porté de mots. Ma voix arrive a se poser sur des notes calmes qui ne me ressemble pas.

- Vous me faites pas peur. Vous savez.

Dans la semis obscurité, je perçois confusément les traits de l'homme qui se tient en face de moi. Mon cerveau bug un instant avant de dire d'un air qui trahis ma surprise :

- Attends... John... ?
Fiuuuu...Si tu savais tous les films que je me suis fais en voyant quelqu'un m'attendre de manière parfaitement creepy.

Passé la surprise. Une autre question arrive a mes lèvres.

- Mais qu'est ce que tu fous la bordel ?

Je sais pertinemment qu'il ne me stalk pas vu le nombre de conneries que j'ai faites dans son dos. Mais j'avoue que je m'attends probablement plus a un appel d'Howard pour qu'on quitte la ville ensemble que John sur la tombe de Nylian.

Un léger craquement me surprend, et je tourne la tête vers l’entrée du cimetière. Il fait encore nuit. Qui pourrait venir à une heure comme, sauf un type malavisé ou un poivrot perdu ? Une Ombre aussi, peut-être. Je scrute l’horizon, l’obscurité se défilant à ma vue pour extraire des détails du paysage. Je vois très clairement les détours des tombes, l’allure des fleurs – mais, je ne peux pas lire. J’entends les pas se rapprocher, mais je ne réagis pas brusquement. Il y a un Nephil dans les parages, et tout ça pourrait être un quiproquo. J’espère juste qu’il n’ouvrira pas le feu le premier.

Et, une voix familière sonne à mes oreilles. Je hausse un sourcil, reliquat de la connexion subite de mes neurones ; tandis que nos regards se croisent. Oui, c’est bien elle. J’esquisse un léger sourire, soulagé de ne pas avoir à me battre dans cette place, puis j’avance un peu dans sa direction.
Je me demande bien ce qu’elle fait là. L’endroit pour la chasse est assez bon, mais je doute que se battre en profanant des sépultures soit à son goût. A moins qu’elle vienne chercher autre ici ? Qui sait, le père Nightingale est peut-être enterré non loin. Si c’est le cas, je lui serais reconnaissant de me le dire, alors.

« - Oh, salut Luna. Je passais saluer une amie, rien de plus. »

J’ai pas la moindre idée du temps qui s’est écoulé depuis que je suis arrivé ici. Mais ça fait bien longtemps que j’ai arrêté de lui parler, et que je me contente de laisser mes pensées vagabonder, compter le nombre d’alliés qui passent dans le coin. Je suis désolé Nylian, mais après la troisième répétition, j’ai décrété que c’était assez. Sinon c’est pas quelques fantômes hurleurs que tu m’enverras, mais directement le Croque-mitaine. Et j’suis pas pressé de le rencontrer, crois-moi.
Je mets mon menton encore davantage de coin, et continue, le ton léger.

« - Et toi ? Une visite, autre chose ? »

Pas la moindre once d’humour dans mes mots. A croire que j’ai tout épuisé dans mes racontards. Ça pourrait bien être le cas, tiens – t’as toujours eu le chic pour me pousser à balancer conneries sur conneries. Mais je t’entends rire d’ici. Les saltimbanques, c’était une bonne idée, j’te promets. Regarde, ça a fonctionné, nan ?

"A 3h du matin ? Remarque, je suis mal placée pour te faire la leçon."

En même temps. Je n'aimerais pas que quelqu'un me voit raviver les plantes de la sorte.
Mais néanmoins. Je suis rassurée. Je me mets en face de la tombe. Regardant avec un air inquisiteur les moindres détails. Hum... Le marbre est propre. Pas de terre. Le gel a emporté quelques fleurs et quelque feuilles. La couleur des pétales semble s'effacer. M'enfin. C'est normal. Les orchidées ne survivent pas l'hiver. Habituellement.

Nylian. Une vieille amie de Théojohn ? Je camoufle la surprise sur un ton de conversation.

"Moi aussi"

Force est de constater que oui. Nous avons apparemment la même amie commune. Celle qui baigne actuellement dans la marée d'orchidée blanches. Avec un coeur violacé. Ses fleurs préférées.

"Tu connaissais Nylian ?"

J'avoue. Je pense qu'il y avait plus de chance qu'howard m'appelle pour me dire qu'il  accepte de jouer les agents doubles pour moi et qu'on peut vivre ensemble heureux.
Pourquoi les stats improbables brillent souvent dans l'inutilité totale ? J'aurais préféré largement que blondie trahisse son camp plutôt que de croiser mon bro

"Tu permets que je m'occupe un peu pendant... Pendant... Pendant que tu fais ton truc creepy chelou ?"

Ma main rentre dans mon sac. Extorque une simple flûte traversière en bambou. Juste a coté de mon kit de soin et un ocarina. En temps normal. J'aurais sorti l'ocarina pour m'entraîner. Même jouer faux permettais de faire revivre les fleurs. Mais comme j'ai un spectateur. Je préfère quand même garder un brin de dignité. Ne sait on jamais. Ma main  tire nerveusement de ma bouche de l'épaisse écharpe qui l'encombre.

Puis je porte l'instrument a ma bouche. Ferme les yeux pour me concentrer. Inspire doucement et souffle dans la tige rigide. Elle vibre entre mes doigts crispés. Les notes s'alignent, jouent la seule chorégraphie que mes mains ont daigné à mémoriser. Une simple mélodie que j'ai dans mon registre.

Je reste muet, un léger sourire aux lèvres, tandis que Luna me dépasse pour s’arrêter devant la tombe. Que le monde est petit, mais j’aurais dû deviner que son sarcasme venait bien de quelques parts. Après tout, c’est toi qui m’y a presque formé, alors c’en est presque logique que tu t’occupes aussi de ma jumelle. Et je comprends mieux pourquoi j’arrive pas à suivre les duels – la petite veinarde, elle t’a côtoyée plus longtemps.

« - Ouais. Je l’ai cambriolée, en fait. Et puis on s’est revu. Et … On s’est bien entendu. ‘Fin, j’sais pas si cette phrase est cohérente en parlant de Nylian, mais ça se rapprochait d’une amitié. J’crois. »

Occulter notre dernière entrevue, ça c’est une idée. Je regarde ma sœur sortir une flûte de son sac, commencer à souffler une petite sérénade. Et, surtout, la rendre plutôt mélodieuse, en fait. A croire que ses talents musicaux sont à des années lumières des miens ; sauf mes capacités en claquettes, évidemment.

Presque involontairement, je ferme les yeux, me laissant simplement porter par la musique. C’est étrangement apaisant, comme son – comme si l’on m’offrait un doux massage, accompagné d’un bain bouillant. Sur mes paupières closent se dessinent quelques formes, colorées et changeantes. Un aperçu de rêve, une réminiscence d’une chose que je commence à oublier.
Et simplement, je me complais à observer cette petite histoire qui se trace, qui s’efface. De là les taches deviennent animaux, puis arc-en-ciel, et enfin eau. Une porte apparaît, s’ouvre, dévoile une montagne qui termine son périple en monument. Il n’y a aucun sens, hormis un bien-être qui s’accapare mon corps, et qui y laisse sa marque, plus agréable que quoi que ce soit.

Au bout d’un long moment, je recouvre la vision, et entends sonner encore quelques notes. La Lune porte sa lumière sur les pétales des orchidées, et je vois ses nuances éclater bien plus qu’elles ne devraient. Je me croirais dans un Disney, dans une parenthèse enchantée. Et c’est Luna, qui fait ça ? Peut-être. J’aimerais, en fait.
Doucement, toutes ces effusions merveilleuses se tarissent, et laissent place à la réalité. Je me sens toujours reposé, mais cette espèce de magie s’est envolée. Insuffler la vie aux défunts, et démultiplier celle de ceux qui ne le sont pas. Je veux croire que son pouvoir fonctionne ainsi.

Je respire un peu, me réappropriant quasiment mon corps. Je fais un pas, mais je ne lâche pas les fleurs du regard. Elles sont magnifiques.

« - Et toi. Vous vous connaissez d’où ? »

J’ai pris le pari que ça fait un bail. D’ailleurs, ça expliquerait le petit sobriquet préféré de Nylian. Tiens, j’avais jamais fait le rapprochement.

Toujours les yeux clots, je savoure l'onde calme avant de ranger ma flûte. Mes yeux couvent du regard les orchidées. Quelques fleurs supplémentaires se sont épanouis, le feuilles sont revenue, plus verte qu'a l'origine. Même le blanc parait récemment passé a la javel.

"J'ai pas du te voir a l'enterrement. Dommage."

Ce n'est pas un reproche. Juste une réflexion. Il n'y étais pas. J'ai pourtant fixé longuement le visage des gens présents. John aurait juré dans les lieux. Un peu comme jure du champagne dans un verre à whisky.

J'écoute la question de John avec un discret sourire. Ceux que j'accorde parfois a des souvenirs de temps révolus.

"Au lycée. On étais les soeurs Picassos. Je couvrais la période bleu du peintre. Et elle, c'était la période rose. On était... On était bien."

Meilleures années. Loin des obligations. On échappait encore au prisme de la réalité.
Et puis... Ca lui allait bien cette teinture. Même si je comprends pourquoi elle ne l'a pas garder. Pression patronale. Le secteur de la vente où rien de trop original n'est toléré...

Je perds mon regards sur les tombes alentours avant de me pencher a hauteur des fleur. Ma main effleure doucement le marbre froid.

"Je ne l'imaginais pas finir comme ca. Tu penses que c'est dû a une ombre ? Elle n'aurais jamais fais ça d'elle même. Elle ne s'abandonnerait jamais a ça. Elle avait déjà trop luté."

Tous les médocs qu'elle avait pris... Tout ces conneries de laquelle elle s'était sortie.
Si... Si seulement je pouvais te faire revivre ma vieille. Si je pouvais faire autre chose qu'entretenir les fleurs de ta tombe. Soit sûr que je l'aurais fait. Depuis presque un an.

Je hausse les yeux à sa petite remarque. Moi, à l’enterrement de Nylian ? Franchement, j’aurais aimé y être. Mais bon. J’étais probablement pas en état de supporter ça, à ce moment-là. Je sais pas. De toute façon, c’est pas arrivé. Et j’ai pas la foi de tracer des conjectures sur des passés hypothétiques.

« - Tu connais mes problèmes d’identités légales. Alors, on m’a pas vraiment prévenu. »

Allez, oublions ça. L’important, c’est que j’ai réussi à la retrouver, à force d’errer dans tous les cimetières de la ville, et de balader mes yeux sur chaque nom. Une chance qu’on l’ait pas incinérée et foutue dans une jarre, sinon je crois que je l’aurais perdue à jamais.

Revirement, je souris, en écoutant l’anecdote sur leur lycée. Je me demande bien à quoi elles ressemblaient toutes les deux, côtes à côtes et complices, là-bas. Et puis, les cheveux roses ? J’aimerais bien voir ça, tiens. Je lâche un peu les yeux de ma sœur, juste pour imaginer leur allure.
En fait, Luna ne m’a jamais parlé de son adolescence. Savoir qu’elle l’a partagé avec la reine du sarcasme, ça me rassure quelque peu. Impossible qu’elle se soit ennuyée, avec elle – et les cours devaient prendre une tournure bien amusante. A un tel point que je me doute que ces années lui manquent encore. Et je la comprends bien.

Brutalement, mon corps se crispe. Elle vient d’aborder le sujet. Celui délicat, celui où j’en sais trop, et n’en dis pas assez. Je ne sais pas la version qu’en ont tiré ses proches, même si je l’imagine. Et eux n’avaient pas le fin mot de l’histoire, comme je l’ai eu. J’inspire un grand coup, les yeux presque implorants.

« - Les ombres, elle les voyait, tu sais. Mais elle pouvait pas les combattre, parce qu’elle refusait de faire un vœu, de rentrer là-dedans. Ça l’a bouffée de fuir sans cesse, et tu connais la fin. »

Je baisse la tête. Je ne dis rien là, je n’incrimine que Bey, ou Kyu. Alors que, il n’y a pas que ça dans l’histoire. Alors, ouais, je n’ai pas tué Nylian. Mais j’ai pas été là quand elle m’a demandé de l’aide. Je retrousse mes lèvres, ensemble, et n’ose que fixer le menton de ma sœur.

« - Tu vas me demander pourquoi j’ai pas fait en sorte de la protéger. Et je te dirai que t’as raison. A un moment, elle m’a demandé de l’aider, de la retrouver. Et … A cet instant crucial, j’ai eu un contretemps. Le genre qui m’entravait tout à fait. Et quand j’ai pu enfin arriver, c’était trop tard. »

Crois-moi Luna, j’aurais aimé arriver plus tôt. Sauf que mon corps s’y refusait. Et venir sans enveloppe charnelle, c’était pas dans mes priorités du moment.

Je reste a perdre mes yeux dans les motifs hypnotiques du marbres. Laissant john me parler de Nylian de manière obscur. Comme a chaque fois. J'ai un élan de mépris qui me donne envie de lui dire de se la fermer. Un souvenir amer qui me souffle de l'accuser, lui. De lui casser une nouvelle foi du sucre dans son dos. De déverser mon sel jusqu'à reproduire une mini version de la mer morte morte. Mais je me contiens. John n'est pas la source de tous les maux du monde. Et il est plus facile d'être en colère que d'être calme.

- J'ignorais qu'elle était humaine spéciale.

On m'avait briffé sur les vœux. Qu'il existait parfois des gens qui refusaient le contrat et étaient condamné a mourir des ombres ou a faire des contrats. La vision de Nylian tenant tête aux bêtes me parait plus apaisante que... Que celle d'une femme se suicidant seule dans sa chambre.
Je réfléchis soigneusement a mes mots. Histoire de décharger la culpabilité que John se charge de porter en son honneur. Le deuil, c'est difficile a porter. Et si Nylian voyait John. Elle se foutrait de sa gueule. La culpabilité. Ca a jamais été son fort ces derniers temps.

- C'est pas de ta faute. C'est pas de la mienne non plus. C'est.. C'est son choix. Pas le tien, pas celui d'un autre. On ne peut que l'accepter.

Je pousse un soupir discret en perdant mon regard dans les ondulations figées de la pierre.

- T'en a déjà parlé à quelqu'un ?

J’étouffe un rire, figurant mon allure. Fais ton deuil, et voilà que tu ne l’as plus fait – c’est donc ça, Nylian ? A m’entendre, à me voir, n’importe qui penserait que je me torture toujours à longueur de journée pour avoir été absent à cet instant. Mais, j’ai accepté ton choix, tu le sais. Je ne suis pas ton meurtrier, je suis un ami qui a fait son possible … Et qui a rencontré ses limites trop tôt à son goût. Et qu’on ne me dise pas que j’aurais pu le voir venir. Déjà, j’ai jamais été réputé pour mon intelligence, et surtout, comment est-ce que l’on remarque ça ? Je n’y avais pas songé un seul instant, alors je devais y être aveugle.
Peut-être que mes mots sont abrupts, vides de toute douceur. Mais je suis intimement persuadé que tu ne m’en tiendras pas rigueur. T’as pas fait ça pour me détruire, me punir ; ta décision n’a jamais concerné que toi, et songer à mon pauvre sort à travers lui ne serait qu’égocentrique.

Je relâche quelque peu la tension qui m’enserre, et redresse mon dos. Je n’esquisse pas un sourire, mais je cherche à perdre cette mine fondamentalement triste et soucieuse.

« - Ouais. J’ai retourné l’affaire un sacré paquet de fois dans ma tête, et j’ai fini par conclure que c’était sa décision. Et pas la faute d’un autre. »

A moins que ce ne soit celle de Bey ? Je hausse mentalement des épaules à cette idée. Je ne peux pas tout rajouter à son fardeau, il y a un moment où je dois me mettre en tête qu’il n’est pas non plus le père de tous les maux de cette putain de planète.

« - J’en ai parlé à quelqu’un. Un Nephil, un médecin que j’ai perdu de vue. A l’époque j’étais persuadé d’être la raison de la mort de Nylian, et il a tenté de me faire entendre raison… Mais j’étais assez fermé à ses mots. J’ai pas vidé tout mon sac, mais ça m’a fait un peu de bien. »

Et puis je suis mort. Alors, j’ai commencé à voir les choses différemment. A me répéter ses paroles, à comprendre mon vrai rôle dans le suicide de mon amie – à savoir, pas le moindre. Peut-être que j’aurais dû en discuter avec Alice à ce moment-là, mais j’ai pas eu la foi. Je connais sa maladresse orale, et son inimité avec Nylian ; donc, j’ai craint qu’elle choisisse les pires phrases.

"..."

Je me tais. Essayant de refluer quelques pensées médiocres qui traversent ma tête du style "Et si j'avais Rez Nylian plutôt que ce type qui se prétend mon frere ?" Je hausse les yeux au ciel. Essayant de ne pas m'exaspérer moi même.

"Elle était toujours... Fidèle a elle même ? Je l'ai perdu de vue ces dernières années. Je regrette un peu..."

Pas de culpabilité de ce coté là. Des regrets, mais pas de remords. Fin' si, mais c'est plus elle qui a décidé de se refaire une vie sur Palema que moi qui l'ai perdu de vue. Mais si je me suis entiché a cette ville étrange c'est a moitié parce que je voulais me rapprocher de maman que... que je n'avais nulle part ou aller qu'a son enterrement. Mon pere venait de mourir. J'avais un van, un plein d'essence et plus aucune attache a ce troue perdu.
La petite Luna en roadtrip étrange d'ouest en est. C'était presque marrant cette partie là.
Fin' y'avait pompidou. C'est aussi en partie pourquoi c'était marrant.

Je retiens l'envie de m'allumer une clope. Je tiens pas particulièrement à dépenser mes 400$ mensuels en dans la cigarette. Mais d'une certaine manière. L'instant était plutôt bien trouvé... Nan ?
Une étincelle plus tard, la braise familière brille dans l'obscurité. Je me redresse, regardant les reliefs rectangulaires qu'offre le cimetière. J'inspire la fumée avant de lever la tête vers le ciel jonchés d'avions. Seul substitut d'étoile que la ville a a offrir

" Tu regrettes pas d'être contractant ?"

La question avait fusée. Presque naturellement. Mais pour une fois que j'ai l'occasion de parle a mon frère, et pas a mon Nephil. Je la prends.

Brièvement, je me passe quelques souvenirs de Nylian. J’sais pas ce que connait ma sœur d’elle, mais je pense que la version que j’ai en tête lui plaira. C’était une espèce de Luna, mais en plus drôle, pour faire court. Je quitte mon sourire presque nostalgique, pour faire atterrir mes yeux sur la tombe.

« - Ouais. Cynique, sarcastique et géniale. J’crois bien ça la résume bien. »

Oh, des défauts, elle en avait aussi. Mais on va dire que je préfère les occulter pour le moment, d’accord ?
Je reste silencieux à l’instar de ma sœur, l’observant s’allumer une clope. Bah, c’est pas moi qui vais lui faire la leçon que faire flamber des trucs, c’est mal. Mais sa question me surprend, et me désempare.

Si je regrette d’être contractant ? Oui, non, peut-être. J’sais pas. La réponse fluctue, j’imagine, au gré des mois et des événements. Et mes pensées sont trop nuancées pour qu’un seul mot les exprime. Je pousse un bref soupir, comme pour m’encourager dans cet appel au monologue.

« - Avant de rencontrer Bey, ma vie était merdique. Et je m’enfonçais là-dedans, parce que je m’y complaisais presque. Et c’est pour ça que j’ai jamais eu de vie humaine depuis, en fait. Tout ce que je fais est lié à la faction, même mes proches. Alors, rien que pour ça, je pense que je ne regrette pas. Mais… J’ai bien fui la ville pour retrouver mon humanité, alors j’sais pas quoi te répondre. Surtout que ça a échoué lamentablement. Peut-être bien que j’aime l’idée des Ombres et des Nephils. Mais je déteste le fait qu’il existe des Seraphs. Cette guerre ridicule me fout la nausée. »

Voilà, c’est à peu près le fruit de mes cogitations. Tout ça m’a remis à flot et me donne un cahier des charges à remplir quotidiennement. Mais ça m’a tué une fois, m’a volé mes principes, m’a corrompu. Et pourtant, je reviens inlassablement à la tâche, parce que, dans le fond, j’aime ça. C’est ma vie, et j’en ai plus d’autres ; donc j’en suis prisonnier, on peut dire ça/

« - Et toi. Tu regrettes ? »

Je sais que je n’aurais pas dû poser cette question. Parce que ce qu’elle va dire, je crois que c’est le genre de chose que personne ne veut entendre.

On esquisse de concerts des sourires étrangement doux. C'est rassurant de ce dire qu'elle n'a pas vraiment changé d'un iota. Quoique. Je l'imagine pas vraiment cynique. Je me doute bien d ce qui a pu la changer a ce point mais... Boarf. Pas le temps de penser. John commence a parler. Et je l'écoute d'une oreille distraite.
Ouais... Il a raison j'imagine. Mais...

- Peut être. J'en sais rien. J'étais aussi pas mal paumée. Je venais d'apprendre que John sénior venait de mourir. et que j'avais pas envie de reprendre mon boulot. Je me suis rabattu sur le job foireux de petite dealeuse locale. Tu parles d'une vie humaine...

Silence. J'aspire une nouvelle bouffée de fumée

- D'un coté, je n'aurais jamais pu protéger Tommy. De l'autre... J'ai l'impression que ma vie se résume a sacrifié tout ce que j'ai pu être. Et ca ne me plait pas.

Ma rétine oublie un instant ou nous somme et une image d'Howard berce ma pupille. Je retire a nouveau une bouffée.

- M'enfin. En faisant ce contrat, on a juré que notre vie n'avait peut être pas tant d'importance qu'on se l'imaginait. Alors pourquoi celles des seraphs vaudraient quelque chose ? De toute manière nous sauvons bien plus de vie en tuant des ombres que nous pourrions en ôter. Si la balance penche toujours vers le maximum de survivant... Et si cette guerre est inévitable... Elle vaut quand même la peine qu'on se batte pour elle.

Je soupire. Le nuage qui se forme dans ma bouche n'est pas du a une quelconque condensation. Mais c'est tout comme. Je n'ai pas de regret. Bien que ce soit bien parce que je n'ai pas encore eu a avoir le moindre remord

- Tant que Tommy va bien. Je n'ai pas a me plaindre... Je crois

Je réprime un sourire en entendant sa réponse, soulagé de ne pas avoir entendu ce à quoi je m’attendais. J’ai cru qu’elle allait me dire qu’elle regrettait, que sa vie était bien plus simple avant – mais ç’aurait induit autre chose, une idée difficile à prononcer. Alors, je lui suis bien gré de l’avoir esquivée.

Néanmoins, je laisse un soupir à filer. Sa vision de la guerre est arrangeante, mais bien déplaisante à mes oreilles. Statuer qu’un Seraph a une vie moins importante que celle d’un Nephil va dans le sens de Bey, participe à accroître cette tuerie ; mais oser prétendre que c’est faux revient à se planter un clou dans le pied. J’ai voulu tuer, je suis mort. J’ai voulu épargner, j’ai failli tuer. Donc, je suis censé faire comment pour m’y retrouver ? Penser comme Luna, mais en nuançant ?
Et puis, Tommy. La raison de s’engager pour ma sœur, probablement une qui vaudrait la peine que je fasse tout autant. Je suis bien moins proche de ce gamin qu’elle, mais je serais prêt à éliminer quelqu’un pour sa survie. Il existe parce que j’existe, est-ce que ça nous lie assez ? Quoique, c’est une idée qui fait un peu trop dramaqueen, peut-être.

« - J’imagine que je devrais voir les choses de ta manière ; ça donne plus de sens que de tout condamner. De toute façon, comme tu dis, c’est pas nous qui allons faire cesser le feu, hein ? Si on y va trop innocemment, on va se faire tuer. Et si on disparait tous les deux, qu’est-ce qu’il adviendra de Tommy ? »

Encore, je soupire. Lui aussi, il va finir par crever. C’est comme ça que tout fonctionne, dans ce monde.

« - Je me demande juste si tout ça a une fin. Parce que le prétexte des Ombres me paraît être de simples apparences. On n’en viendra jamais à bout, d’elles. »

Si tu savais, Luna. Mais je ne peux toujours rien te dire, j’imagine. Nous sommes rares à voir cet endroit, et tu es probablement trop récente pour faire partie de cette espèce de sélection.

L'idée que j'y aille trop innocemment me vexe. Tsss. Qu'est ce qu'il en sait qu'il ne survivra pas ? D'où il me parle de Tommy ? Ce type ne s'occupe presque jamais de son frère... Comment peut il essayer de faire mine de s'inquiéter de son sort ? Comment peut il parler en évoquant la mort de tommy et la mienne sans aucun complexe ?
Il est anxiogène.Mais qu'il se la ferme..
Mais nan. Je ravale ma colere. le laissant parler dans le vide en calmant mes nerfs. J'encaisse sa maladroitesse comme d'hab'.

- Tu sais john. Je me suis posé la question longuement au sujet des ombres. Et j'ai décidé de m'en ficher.

Je soupire consciente que ca allait pas suffire a expliquer mon point de vue.

- Les ombres, qu'elles soient l’œuvre des contracteurs ou pas. Elles tuent. C'est Bey qui m'a dit que ne pas les éliminer consumerai l'humanité en relativement peu de temps. Alors... Si ce n'est qu'une manière pour eux de forcer l'existence des contractants et de créer de toute pièce cette petite guerre artificielle. Je m'en fiche. L'important réside qu'on doit les tuer si on veut que l'humanité survive.

Je joue nerveusement avec ma flute. Comme s'il s'agissait d'un bâton de majorette.

- Quant à Tommy. On verra. Il est heureux dans sa bulle. Et c'est tout ce qui m'importe. On ne lui permettra pas vraiment de l'être dans le futur. Alors... Autant qu'il le soit maintenant.

Je m’arrête dans mes pensées.

"Au fait. Ne parle plus jamais comme ca de ma mort et de Tommy. Ou je te livre fissa un poing a l'adresse de ton nez. Merci."

Même si c'est de l'humour. Le ton est plus abrupte que ce a quoi j'ai habitué la bête

L’origine des Ombres, le véritable but de cette guerre, ou l’endroit où retrouver cette bûche si mythique ; voilà des choses que j’ignore. Mais s’il a y une certitude que j’ai, c’est que je déteste cette situation.
J’ai envie de hausser le ton, de prendre Luna par les épaules et de lui dire dans le blanc des yeux tout ce que je pense du Contrat. De lui révéler cet endroit, de lui répéter ce que m’a chuchoté Juliet – simplement, lui faire prendre conscience de tout ce qu’elle subodore vaguement, mais sur lequel son doigt ne peut pas s’échouer.
Parce qu’elle est trop innocente, trop politiquement correcte dans ses termes. Evidemment que, putain, faut parler de la mort, de ne pas craindre ce mot. Il symbolise tout dans notre monde, c’est la seule finalité que l’on connaît tous. Je suis peut-être con, mais pas au point de croire assister à la trêve de cette guerre. Pourquoi, moi, je serais différent ? Pourquoi notre « promotion » aurait cette chance ? Bordel, on est pas le centre du monde. On est juste des contractants, des soldats, des pièces, rien dans les plans de Bey ; on peut tout faire capoter quelques années, mais rien arrêter de définitif.

Peut-être que des gens se sont aussi occupé de ça par le passé. Je ne sais pas. Je ne sais rien. On ne nous dit rien, sauf une chose : on va tous y passer dans ce merdier.
Mais ça, elle veut pas l’entendre. Et je la comprends, malgré mes pensées contraires : à quoi bon se battre, si aucun de nos actes ne peut changer quelque chose ?
Va savoir. Ça s’pourrait bien que je me plante sur toute la ligne, et que Bey soit en vraiment en quête du salut de ce monde – et ce, pour bientôt. Alors, je ne serais qu’un connard prétentieux et plus égocentrique qu’il ne veut l’admettre.

En fait, j’ai envie d’avoir tort. Que Luna, Alice, Tommy survivent, ça, ça me plairait. Que dans trente ans on discute des Ombres comme d’une petite activité de jeunesse, dans une parodie ridicule d’un sitcom du coin, ce serait agréable. Cliché, mais tellement plus reposant.

Alors, je ne dis rien, et je me contente de soupirer, réprimant toute la condescendance dont je peux faire preuve. Ce silence dure trop longtemps pour les conventions, mais j’en ai rien à battre. Aussi peu qu’elle doit m’aimer, mon interlocutrice reste ma sœur – donc quelques passe-droits peuvent se négocier.

« - Comme t’imagines, j’viens de cogiter longtemps, là. Et je veux croire à ce que tu dis. Buter des Ombres jusqu’à ce que les gens soient tranquilles, croire Bey, et survivre. Je sais pas tout de cette guerre, mais sûrement plus que toi. »

Et voilà. Monsieur veut être aimable, et faut que je finisse sur un ton supérieur. J’arrange mes jambes pour être plus à l’aise, et me presse de reprendre la parole, pour tenter d’arranger ma maladresse légendaire dans l’usage des mots.



« - Et j’aimerais que tu m’aides, pour ça. Je ne sais pas si tu prends ça pour un compliment, mais t’es une Nephil prometteuse. Bien plus que je l’étais, crois-moi. »

Moi, j’suis mort comme un abruti. Toi, tu vas faire de grandes choses, je pense. T’as un instinct de survie, tu fais attention aux gens. Et puis, tu couvres tes arrières. Faut croire que dans le lot de deux, c’est bien toi qui a chapardé le plus de qualités.

J'écoute mon frère. Essayant de retenir des brin de haine pûr a l'entendre parler d'un ton professoral qui me vexe... Puis je me tais.  Et la naissance de ma colère est carrément douchée. Bon, il y a encore la logorrhée que m'explique que je ne suis pas encore apte a débloquer ce lieu. D'ailleurs, en l'entendant réciter ses conneries. Je reconnais le passage d'un livre en espagnol... Je devine son titre et... Vraiment ? Je sens vaguement que ma lignée est vraiment dysfonctionnelle.



Sourire amical.
J'enlace mon frère. Il doit être un peu dépité. Probablement un des rare geste affectueux que je lui offre de temps en temps. Je sais pas. Ça a quelque chose de rassurant d'une certaine manière. De se dire qu'il est honnête. Même venant d'un type comme mon frère. Pas éclairé dans toutes les pièces comme le veut la tradition familiale

- Merci de me faire confiance. Je crois... Je crois que j'ai juste besoin de ca en ce moment.

Aveu de faiblesse a demie dévoilé a voix haute. C'est peut être trop pour le moment. Alors je reprend mes distances en employant mon joker en tout instant : Je sourie Peut être un peu plus perfidement. Petit signe annonciateur d'une pique qui ne tarde pas à tomber.

"J'ai pas tout compris. Mais... Vraiment... T'as lu fifty shade of grey mec ? En espagnol ? C'est que t'as eu un passage weirdo qui parle d'une Anastasia inexpérimentée qui essaie d'oublier que..."

Quoi ?  Pourquoi je rigole du malaise de mon frère. J'imagine bien que si le QG est si propre, c'est parce qu'il se trimbale lui et sa copine toute une horde de balaie dans l’extrémité digestive. Peut être même l'aspirateur qui va avec pour sa meuf ♪

Je recule la tête, surpris. Attends. Quoi ? Cinquante Nuances de Grey ? La mystique de ces lieux a vraiment décrété que c’est de cette manière qu’elle coderait ce dont Luna ne peut entendre parler ? Je … D’accord.
Enfin, voilà quoi. Que Rekor ait dévoilé le sacrosaint secret à ma sœur, pourquoi pas – ça veut simplement dire qu’il lui fait confiance, et a aussi quelques espoirs en elle -, ou bien qu’elle m’offre un câlin inespéré, ça aussi ça peut arriver. Mais que ce livre moisi m’ait tant marqué l’esprit, ça, c’était pas prévu. Vraiment pas.

Je soupire. Longuement. J’vais pas avoir d’autres options que de tout dévoiler, je pense. Bon, c’est pas un drame non plus, et ça m’a bien occupé quelques soirées, j’dois l’admettre. Même, j’ai pu tenir des discussions enrichissantes avec quelques personnes dans la rue quand j’avais besoin de comprendre un mot ; mais en dehors de ça, voilà, quoi.

« - Hmm. Au Chili, j’ai voulu acheter un livre pour me familiariser avec la langue locale. Ben, j’ai pris le top vente du moment. »

Je hausse les épaules, rompu au fait. Je l’ai toujours d’ailleurs, il traîne quelque part dans ma chambre. Pas plus de détails par contre, j’ai pas encore osé fouiller le magma de mes affaires.

« - J’ai hésité à faire carrière en tant que scénariste pornographe après. Mais apparemment, j’étais trop prude dans mes scripts pour tenir la route. »

Je viens vraiment de lui dire ça ? J’veux dire, pas que ça me dérange de parler de cul, mais bon, autant pas tout dévoiler à ma sœur. Elle serait fichue de faire du sarcasme, tiens. Je lève les yeux au ciel, et pose le regard sur les orchidées bien vives de la tombe.
M’enfin. J’avais des qualités, j’suis sûr. Grave erreur, qu’ils ont faite là.

« - Bref. Je préfère changer de sujet, je m’égare un peu, là. Quand tu te sentiras prête, je t’emmènerai faire un tour dans un de ces endroits. J’ai quelque chose à te montrer. »

Ouais, je maîtrise l’art de juxtaposer des phrases sans rapports entre elle. Ça donne un ramassis difficile à comprendre, mais à force de me côtoyer, Luna va bien finir par saisir le fond de mon comportement. Quoique avec sa qualité de jumelle, je pense qu’elle l’a déjà, le décodeur.

- On verra... Peut être que d'ici là. J'aurais trouvé un moyen pour pouvoir renier notre lien de parenté.

Pas que je le pense sincèrement (Quoique). Mais j’admets que je me serais passé de ce genre de détail du Chilli. Je peux pas avoir... Je sais pas. Des infos intéressante sur la déforestation des lieux. Des détails sur la vie dans un pays si éloigné de notre réalité. Pas... Pas ça .
Je regarde le vide un instant. Réfléchissant a mes prochains mots en soupirant
- T'as vraiment aucun respect pour toi ou ca te semblait vraiment important de me partager un truc comme ça de manière aléatoire ?

Le regard est blasé ne témoigne d'aucun repere pour savoir si ce que je dis est sincère. Mais je change de sujet.

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-C'est un peu foireux. Mais je pense que je pourrais y réfléchir un peu plus longuement. Tu pourras demander a Rekor son avis sur le sujet. Puisque je lui en ai parlé et qu'il a peut être cogité dessus lui aussi

Parfois, c’est à croire que j’arrive pas à juguler le flot de conneries qui bave de ma bouche. Je veux dire, les gens sont habitués à ce que je dise des trucs absurdes, ou me perde dans des conjectures plus alambiquées que le laboratoire de Rekor. Aussi, je me rends ridicule, c’est par la manière dont je m’exprime, pas par le fond de mes mots – donc, aujourd’hui, j’ai fait fort. J’aimerais juste pas avoir dit ça, m’être arrêté juste avant. Je prends un sourire, gêné, et laisse mes yeux faire le tour complet de mes orbites avant de les aligner de nouveaux avec ceux de Luna.
Et miracle, voilà qu’elle est passé à autre chose, d’un peu plus sain pour l’estime qu’elle me porte. Quoique, bizarrement, j’ai l’impression d’être cynique en pensant ce bout de terme. Ce qui est, faut dire, assez triste. J’l’aime bien ma sœur.



« - Bon, quant à ma p’tite confession, oublie, veux-tu ? On va dire que … Oh, rien n’est arrivé. »

Ouais, mes mains ramaient dans les airs tandis que je parlais. Pourquoi je suis aussi étrange ?

[Les AVK et les hématie a bas poids moléculaires sont très mauvais pour les caries]


Pendant qu'il parle. Mes yeux relisent le nom gravé sur la pierre tombale. Elle est morte a cause d'eux. Alors. Peut être que moi aussi. J'ai mes raisons de leur en vouloir.

- De quoi tu parles bro ?

Je sourie dans le vide ur un air entendu. J'ai déjà repris la VHS qui a enregistré la scène pour dérouler toute la bandelette du microfilm. La détruire en démagnétisant ou je ne sais plus trop quelle connerie du genre et puis la brûler cordialement. C'est un choix que j'ai fais, histoire des conserver un peu d'estime pour mon frère. Ça serait presque utile pour le futur.

- Pourquoi tu te bats ?

C'est une question qui me taraude depuis trop longtemps a mon gout...

A l’instant où Luna reprend la parole, l’ambiance change quelque peu. Et j’esquisse un sourire, amusé par la complicité qu’elle vient de glisser entre deux échanges presque profonds ; mais je le perds l’instant suivant, lorsque résonne une nouvelle question.
Mes motivations, là-dedans. Je sais qu’elles existent, qu’elles sont nombreuses, mais je n’ose jamais les définir tout à fait. Peut-être par peur de les découvrir plus pauvres que je les imagine, ou bien grandement différentes. Va savoir.

Je piétine un instant, lèvent la tête comme pour faciliter le chemin des influx nerveux dans mon crâne – qu’on soit d’accord, c’est absolument inutile, mais au moins, ça me met en tête que c’est le moment d’utiliser cette dernière. Différentes images, différents songes se profilent derrière mes iris, mais je les élimine un par un.
Ah, ça va la faire rire. Qu’est-ce que je suis cliché quand j’y mets.

« - En savoir plus sur ça, mettre fin aux Ombres. Et tant que toi, Alice et Tommy seront embourbés dans ce merdier, je ne mettrai plus un pied en-dehors de la guerre. »

Evidemment, c’est le type qui s’est exilé au Chili parce qu’il était trop terrifié par ce monde qui prétend ça, comme s’il pouvait y avoir encore une chance qu’elle me croit. Je suis ridicule, pas vrai ? Souvent, je me dis. Et je crois que la réponse est un simple oui.

« - Et toi ? »

Simple logique, voire même manière. Quoique la réponse m’intéresse, aussi. Est-ce qu’elle fait ça pour aider les gens, protéger Tommy, ou simplement parce que ça lui donne un objectif grandiose.
En fait, je crois que je connais la réponse. Elle me l’a déjà donné. Mais … Je devais poser la question. Simplement.

"..."

La réponse n'est pas particulièrement évidente pour moi. Voir inexistante... Sacrifier ma vie pour les autres ne me plait pas. Je compose avec. Tout comme je compose avec la rupture avec Howard. Je l'ai provoqué cet évènement, certes. Mais au moins, je suis cohérente. Je ne peux pas me permettre de vouloir être auprès de la famille, et d'un autre coté. Reposer toute ma stabilité mentale sur un piliers branlants. un séraphs. Aussi génial puisse t-il être. Aussi important pour moi .

"Je sais plus trop."

Ca implique qu'un jour. J'ai su. Pourquoi je me battais. Pourquoi je continue a vivre. Quand ai je commencé à oublier ca ? Hum.. Je dirais probablement quand j'ai réalisé que je n'étais pas heureuse. Ca doit dater de plus loin que mon contrat. Une courbe déjà bien descendante qui a commencer a plonger depuis... Depuis la mort de Nylian. Où tout semble s'être accéléré depuis.

" M'enfin, je met un pied devant l'autre et j'encaisse en attendant de voir ce que me réserve le pas suivant. C'est déjà bien nan ?"

C'est pessimiste dit comme ça. mais au fond. Je ne me sens pas capable de mentir.

J’expire. Pas vraiment un soupir, non – plutôt, une espèce de moue bruyante et surtout triste. Parce que, aussi frère indigne que je sois et incapable d’avoir une relation normale avec les autres, je n’aime pas entendre Chanel parler de cette manière. Avec un ton aussi fataliste, défaitiste ; prétendre errer sans but autre que de poser un pied, et voir s’il tombera ou non sur une mine.
Je sais. Je suis peut-être le pire des idiots quant à ça, le moins bien placé pour faire des leçons sur les actions irréfléchies. Mais je tiens à elle, et ce à quoi elle aspire n’est pas sain. Pire, c’est autodestructeur.
Mes lèvres s’agitent un peu, et une mine contrariée mais à demi-souriante – ouais, c’est possible – se trace sous leur carbone ; et j’avance vers ma sœur, ouvrant mes bras pour lui offrir une étreinte. Mauvais pour les mots comme je suis, je ne perds rien à tenter les gestes, si ?

« - C’est … Ah, je sais pas comment dire les choses, hein ? Raccroche-toi à un objectif, trouve-en un. Pose pas un pied après l’autre à l’aveugle, mais crée un peu ton parquet, si tu vois l’idée. »

Pire métaphore du monde. Mais, on pouvait pas en attendre beaucoup plus de ma part, si ? Toujours figé dans ma posture, je cherche à étendre le u de ma bouche, sincère.
Et intérieurement, je soupire, réellement cette fois. J’ai une idée pour la guider, pour lui fixer une mission ; mais évidemment, elle ne comprendra pas. Pas encore, du moins. Mais je serai patient Luna, je te montrerai cet enfer un jour, quand tu pourras le voir. Même si une portion de moi désirerait que ta cécité y demeure à jamais présente.
Si cet endroit a provoqué ma mort, il a aussi entrainé mon retour ici. Alors, elle y est déjà liée, j’imagine.

"..."

Je l'écoute en silence en restant inexpressive. Faut dire... Ca a l'air si facile dit comme ca. Comme si lui suivait ses propres conseils. Tss.
Je sais pas ce qui m'embete dans ce qu'il dit. Mais clairement, ca me déplait. J'veux dire. Je cause quand même a un type qui m'a abandoné dans ce monde sans trop me laisser les clef pour survivre. Celui là même qui m'a dit "Osef des grades" et qui est maintenant en passe de devenir protecteur. Celui la même qui m'a dit de me méfier de tous mes prétendus amis seraphs et qui a admit a demi mot que lui aussi en avait. Et c'est lui qui me dit de pas avancer a l'aveugle ? Celui là même qui a connu Nylian, et qui la mené probablement ici avec ses conseils foireux

- A l'avenir. Je me passerai de tes conseils.

Pas de rancoeur visible en apparence. Mais mon ton calme parait trop sorti de nul part pour être amical ou simplement poli.

- Je me permet aussi de te déconseiller aussi d'en promulguer à Tommy

Sur ce, je me redresse de tout mon haut avant de simplement sortir en direction de la sortie

Muet, je regarde ma sœur sortir du cimetière, un léger goût amer en bouche. Je sais que tu ne m’aimes pas Luna, pas autant que l’aimerais ; et je sais aussi que tu regrettes ton vœu. Mais c’est pas pour autant qu’il faut me considérer comme le pire des abrutis, le moins habile des Nephils – si je te file un conseil, c’est pas pour faire joli ou me donner bonne conscience. C’est parce qu’il est véritable, et que je veux simplement te garder en vie.
Pourtant, je te le dirai pas, ça. Tu l’entendrais pas, parce que ce serait une autre de mes paroles.

Alors, si je veux t’atteindre, t’aider, il faut que je fasse comment ? Que je passe par quelqu’un d’autre, qui te répéterait à la place mes mots ? Qui veillerait sur toi sans être regardé par un œil inquisiteur ? Eh bien, d’accord. Je ferai ça, sans te prévenir ; et je sais à qui je le demanderai. Quelqu’un en qui j’ai confiance, à un degré tel que j’sais pas vraiment ce que j’ai envie de lui cacher sur ma vie, tant est que certains détails l’intéressent.
Et je ne parle même pas de Russel. Il a déjà bien assez d’emmerdes à gérer pour que je lui en rajoute d’autres.

Tournant la tête vers la tombe de Nylian, j’expire un grand coup, puis esquisse un sourire. Ça sert à rien que je me lamente sur le fait de ne jamais être écouté – je joue à l’idiot constamment, fallait bien que ça me retombe dessus à un moment. Aussi, je sais que Rekor sera complètement en mesure de la protéger, mieux que je ne pourrais jamais le faire.
Parce qu’en plus d’être fondamentalement gentil et attentionné, il est plus intelligent que moi. Et quoi qu’on dise, ça compte beaucoup, ce petit détail.

Ainsi, de longues minutes après le départ de Luna, mes talons pivotent et je m’en vais à mon tour, lui esquivant le déplaisir de me recroiser sur le chemin.