Magasin La Poudrière:

En entrant dans le magasin aux coloris de treillis militaires, la petite sonnette alarme le vendeur de la venue d'un potentiel pigeon qui passerait par la pour acheter sa camelote. Je reste un instant de trop sur le pas de la porte. Presque sonnée en comprenant l'architecture bipolaire du magasin. Je chuchote pour moi même un violent "C'est conceptuel"

Une manière classe pour moi d'affirmer a quel point l’architecture du bouzin est complétement inutile et profondément laide. Cependant, la partie de mon cerveau la plus adepte des argumentaires alambiqués essaie de faire des multiples parallèles foireux sur la dualité de l'endroit. Une manière comme une autre de s'entrainer à imiter les bobos des galeries d'art contemporains qui infestaient le quartier Nord comme des petites véroles.

Après ce moment de flottement, je laisse la porte vitrée se refermer derrière moi dans un bref courant d'air. Je traine dans les rayons. Hésitante sur la marche à suivre et infoutu de savoir pourquoi j'étais entrée.
A vrai dire, une autre partie de mon cerveau, elle, m’annonça mentalement que les armes avait su capter mon regard dans la vitrine du magasin. Et de là, mon humble fils de pensé m'avaient ressortie la VHS en accéléré de ma première confrontation avec des voleurs armés. il y a deux ou trois ans. Le genre de souvenir qui pop dans ta mémoire comme un diable en boite. Accessoirement, me rappelle avec agacement que je reste quand même toujours aussi prévisible.  

J’effleure les articles une dernière fois du regard avant de sortir de ma contemplation pour saluer un cran en retard le mec qui vient de se pointer au comptoir.
"Désolée du temps de latence, mais bonjour"

J'admet, j'esquisse l'ombre d'un sourire en entendant son petit récital. Bravos a toi noble boutiquier, tu as fait ma journée, même si je préférais qu'on m'arrache a la jugulaire avec les dents plutôt que de l'admettre. Pas que j'aime jouer les personnes complétement détachées (Quoique). Mais je préfère attendre en toute sécurité une petite décennie d'amitié solide avant de révéler la nature très ridicule de mes éclats de rire.
Je m'imagine brièvement faire un genre de coming out foireux du rire. Ce qui m’empêche de répondre totalement sérieusement.

"Ce sera chaotic good pour moi,sir"

Je replonge dans le rayon pour regarder les prix. Ca reste moins cher que des flingues lambdas et c'est en vente libre. Il n'y a pas de délais ou de paperasse.
L'idée d'en acheter un par sécurité me tente. Après tout, j'ai toujours eu tendance a allègrement cracher au visage de la mort. Par exemple en revenant chez moi seule a pied quand on sort d'une soirée un peu trop arrosée à trois heures du matin.

Pas que je soit radine pour payer le taxis, c'est juste que je refuse par principe de céder face à la peur. Et après des connard viennent me dire que je devrais pas me plaindre de me faire agresser. Comme si je donnais une excuse aux gens pour me faire violer. Je contiens miraculeusement cette montée soudaine d’énervement.
Finalement, acheter une arme, fut-elle à bille, ce serait pas prouver a tous que j'ai peur ? Mouais, quand je suis a jeun, j'ai toujours peur t'facon. C'est peut être ça, la clée qui fait que je suis aussi régulièrement bourrée.

Devant cette pensée aussi profonde que le regard d'une vache en train de paitre, je lance en direction du comptoir.

" J'aimerai savoir, je suis pas particulièrement calée sur le sujet. Mais ca désigne quoi exactement "Puissance : 300 Fps" ou "Energie : Gas" ? "

La le type me sort tout un ramassis de terme que j'arrive plus ou moins a saisir. On va dire que je comprends tous les mots mais dès qu'il faut trouver un sens général a la phrase, mon cerveaux se met a se bloquer en mode "You shall not pass". Allez ma belle, fait un hochement de tête l'air concerné en disant un simple "Ok". C'est bon ? Incroyable, j'ai l'impression de sortir tout droit des cours Florent, tant de maitrise soi.

Cependant, une partie de ce discours me fait tiquer. 350 fps ? Le maximum légal ? Bitch please, on est aux USA, les flingues sont en ventes libre si on remplis des critères et de la paperasse qui tiennes tous sur la surface d'une feuille de PQ. Ici on vend des armes blanches librement aux mineurs dans les conventions sur le thème du japon. Essaie pas de me faire croire qu'un flingue airsoft à 350 fps est le summum de la violence gratuite...

"Je connais des potes qui jouent en 400 fps ou du 600 en sniper sans problème légaux. il me sembles qu'il n'y a pas de législation précise dans cet état"

Oui, vous savez, le fameux pote que l'on a tous et qui servent allègrement de source sûre. Que ce soit un ami imaginaire, un mec témoignant a la télé ou un gars parlant de son expérience sur internet. On lui inflige un lien amical et on se sert de lui comme d'un ultime rempart protecteur. Allez, tente, insiste même Nyl' ! Comme ça tu pourras pas te reprocher d'avoir essayer.

"Ces même potes jouent même avec des balles en paille compressée. Ça donne l'effet d'un tire a blanc en restant inoffensives. Vous avez ça au passage ?"

Je sors du rayon pour venir m'accouder nonchalamment vers le comptoir. Quoiqu'il arrive, je ressortirai de cette boutique avec ce que je veux.

Derrière mes lunettes, j'ai comme un sourire un peu amère fasse a sa réponse. J'arrive toujours autant a me faire passer pour ce que je ne suis pas. Je trouve ça limite drôle si je n'avais pas cette impression constante d'être creuse. A la boutique, j'ai l’impression d'être adoubée par les clients car je ressemble aux gens de leur milieu. Ici, j'ai l'impression de l’être car j'ai lu une pathétique page Wikipédia sur l'air soft il y a un petit bout de temps. Dans les bars, je le suis par les hommes qui pensent avoir une midinette devant eux.
Et au fond, je n'ai jamais eu d'amis pour faire de l'airsoft, ni d'enfance dans une famille de classe moyenne, ni même riche. Quant à mes années de midinettes ? Hum... je préfère les gardée enterrée quelque part a coté de mon ancien skyblog. C'est plus sûr pour tout le monde. L'Humanité n'est pas prête.

Mais moi au milieu de tout ca ? Je suis quoi quand on gratte le vernis ? Ah... Le vendeur revient, je baderai dans mon introspection plus tard.

"Voici les billes de paille. Vous voulez quoi avec?"

"J'ai vu un beau Desert Eagle dans les rayons, mais je dois vous avouer qu'il est peut-être un peu trop lourd pour moi. Je vais donc probablement me contenter de vous voler un Crosman"

"Comment ça voler? Si t'es venue pour me voler, dégages de mon magasin!"

J'ai un brin d'étonnement, si j'avais eu un jour la capacité de hausser un sourcil, je l'aurais probablement fait. Juste histoire d'avoir la classe quand quelqu'un arrive a me décontenancer. Mais passé la surprise, je fait un petit sourire sarcastique.  Allez Nyl' cette après midi avait été plate de tout évènement marquant, si troll un type random pouvait faire ta journée, fait le. Entre dans son délire.

"Comment as tu deviné mon formidable plan ultra secret ?"

Je rentre dans son délire, je parle comme un mauvais acteur de théâtre qui tente de feindre la surprise et mes bras font des gestes chaotiques pour augmenter l'ampleur éloquente de mon texte.Je me transforme en méchant d'animés des années 80. J'essaie difficilement de ne pas éclater de rire de manière diabolique. Je voudrais pas que ce dingue est un moyen de pression phénoménal sur mon égo.

"J'avais pourtant tout prévus, Mamute !"

Sur le coup, je piochais allégrement ces réplique dans toutes ses souvenirs de doublage pourris. Toutes les perles de dialogues qui avaient émergées et proliférées dans les studios des années 80. Si le type captait pas, je crois qu'il serait de bon ton de l'emmener en HP.

Ok! Casses-toi! Casses-toi de mon magasin avant que ça finisse mal! Voleuse!

Je reste un instant presque sonnée, a vrai dire je m'attendais pas a ce qu'il me réponde sur ce ton. Donc soit c'est acteur talentueux soit ce type a pas l'air d'avoir assimilé certains concepts comme ceux de l’humour du sarcasme. Mais bon, j'avoue, il y a des avantages a cette situation : voir un type que je viens d’appeler Mamute, prendre la mouche avec un sérieux désarmant, ça sonne comme un spectacle unique, un genre "d'achievement Get" que je me dois de rayer de la liste des chose a voir avant de mourir. Mais j'avoue que la, j'essaie de me retenir de...
Trop tard, ca remonte ma gorge et ça soulève mes cotes. Tout mon souffle est réquisitionné et je m'accoude au comptoir pour ne pas me plier littéralement en deux.
Naaaaan, Nyl'... Tu me déçois, arrête cette agression auditive, n'éclate pas d'un fou rire là, comme ca, au beau milieu d'une conversation et comme une grosse demeurée. Merde choppe un brin de dignité. Tu as pas le droit de dévoiler un truc aussi dossier sur toi a un inconnu. Surtout que si encore c'était un truc a peu près classe comme un rire diabolique.
Nan, c'est un fucking rire d'otarie, et une otarie moche en train de crever d'un cancers de la gorge.

J'essaie de reprendre ma respiration. J'ai mal aux cotes et a la mâchoire, mais peut a peu, çà se calme, j'arrive a reprendre mon souffle, essayer de ne pas... trop tard, mon regard croise la mine du vendeur. Son air paumé et démunie en train d'osciller entre l'agressivité et la sidération me font...

"Euh ok. J'ai arrêté de comprendre quoi que ce soit là..."

Et c'est repartie.
Je sais pas si c'est sa tête, son ton quand il parle ou simplement un craquage nerveux monstre, mais je ris a en chialer de joie. Entre deux éclats et une respiration haletante, j'articule vainement du mieux que je peux quelques mots. Le tout doit ressembler a du charabia incompréhensible. Bon, au point ou j'en suis niveau dignité. On est plus a ca pres.
C'est bon, je respire un grand coup, mais malgré mes mains tremblantes et ma respiration saccadées, j'articule difficilement.

« Bon vous me le vendez? »

Si ce type joue toujours aussi bien le simplet et s'insurge. Je crois que je suis repartie pour un fous rire a la con

Apparemment, il était vraiment sérieux quand il prenait tout au pied de la lettre. Il ne me répond pas et se fige en me tirant la tronche la plus figé et interloquée que le monde ait jamais porté. Bref, il ne fait que m’achever davantage. Moi qui était déjà morte de rire. Fort heureusement, j'arrive rapidement au bout de mon souffle. Mon cerveau se met doucement a refaire surface et je redresse la tête en m'appuyant sur le comptoir pour pas que mes jambes flanchent.
Par contre, d'un commun accord avec moi même, je m'efforce de regarder trois centimètres a gauche de sa tête et de résister a la tentation de jeter un coup d’œil a son visage.  Ne pas regarder, ne pas regarder, ne pas regarder.

" You made my day bro. Plus sérieusement, j'ai utilisé le mot "volé" a la place de acheter par habitude. Je dis toujours ca quand je vais acheter un croissant ou une chocolatine a la boulangère. Ça la fait rire etc..."

Je reprends vite avant qu'il ne pense avoir affaire a la plus grande voleuse de viennoiserie que le monde ait porté.

" C'est une blague un peu absurde. Ca a pour but de faire rire et de déclencher la dopamine dans le cerveau. J'imagine que vous êtes très premier degrés, mais si j'étais une voleuse, j'annoncerai pas mais plans non ?

Je crois que si je me concentrais en regardant droit dans les yeux le vendeur, je pourrais presque percevoir qu’après la coupure brutale de courant, ses neurones se remettaient peu a peu en marche.

"Okaaaaaaaaaaaay... si vous le dites..."

Il a l'air d'être en plein redémarage là. Je crois que je pouvais presque voir le logo Windows 98 en train de spawn dans son cerveau. Y'a pas a dire, il a pas l'air vraiment vif d'esprit. Mais j'avoue, l’impatience jubilatoire passe outre. vous savez, c'est cette envie qui fait que plus rien n'a d’intérêt qu'un maigre caprice. Genre comme une gamine de 8 ans qui se dit "je veux ce bonbon"... Bah là c'est pareil. Mais avec des flingues.

"Ce sera... ?"

J'attends la sentence que subira mon porte monnaie comme une guillotine que l'on vient de lancer a pleine vitesse.

Et.... qui tombent.
Les minutes s'écoulent et la monnaie s’échange. c'est donc un peu délesté de cet argent que je quitte les lieux en décidant de revenir plus tard