Description du lieu:

Russel arriva avec sa voiture devant l'immeuble où l'appartement de Lenna se trouvait. Il se gara dans un endroit discret. Main sur le volant, il observait les alentours. L'endroit choisi offrait une bonne visibilité sur les va et vient de l'immeuble. Nul doute que s'il apercevait Lenna ou bien ce compagnon dont il connaissait le visage, il le remarquerait sans être repéré. Il sortit son paquet qui contenait des roulées déjà faites qu'il posa sur son tableau de bord. Il en alluma une puis s'empara de la bouteille de whisky involontairement. Il l'observa dans ses mains un moment. Il pondéra un instant avant de la remettre à sa place.

Il boirait, seulement, et seulement si des cauchemars venaient à le hanter. Il se contenta de fumer pour l'instant, gardant en vue l'immeuble et plus particulièrement son entrée. Il allait rester ici jusqu'à ce que ce fameux type arrive, puis l'accosterait lorsqu'il rentrerait ou sortirait de l'immeuble. Il n'aimait pas l'idée qu'il pouvait être à l'intérieur à battre cette pauvre fille mais il préférait ne pas se présenter directement chez elle. Si possible, il voulait s'occuper de cette affaire sans qu'elle ne l'apprenne d'une quelconque façon.

Tout d'abord, calmement, si nécessaire violemment mais il doutait sérieusement que ça aille jusque là. Il avait reprit son calme, il n'allait pas déraper et tabasser le type. Enfin, espérons-le.

Simplement, il faisait ça pour ne pas avoir une autre perte. Il en avait eut assez avec Liz et Origan. Si Lenna venait à quitter ce monde à son tour... L'ivrogne ne put se contenir et toucha une seconde fois sa bouteille de whisky dont il ouvrit le bouchon pour boire directement à la bouteille. Les souvenirs et les pensées désagréable s'envolèrent et il parvenait à se concentrer sur sa mission.

Il patienta, jusqu'à ce que sa cible apparaisse, de temps à autre, il goutait à son whisky. Finalement le type recherché apparut. On était le soir et il semblait vraiment pressé. L'ivrogne se hâta de sortir de sa voiture pour aller à sa rencontre. Il l'interpella tout en se dirigeant vers lui d'un pas pressé avant qu'il ne franchisse l'entrée pour rentrer dans l'immeuble

"Hey ! J'ai a te causer !"

Le ton de Russel n'était pas agressif pourtant sa cible lui cria en retour, complètement désintéressé.

"Ta gu*ule ! Conn**d !"

Surpris par cette réponse, l'ivrogne se retrouva inerte en laissant filer le gars dans son appartement. Il resta passif, mettant une main dans sa poche pour y retrouver un autre paquet dont il tira une roulée. En l'allumant tranquillement son visage se transforma en quelque chose d'un peu moins paisible.

*Tu veux jouer à ça petit con...*

Il marcha lentement, voyant que de toute façon, il ne rattraperait pas l'homme. Il gravit les marches, puis arriva finalement devant la porte de l'appartement. Il frappa copieusement dessus, attendant qu'on lui réponde. Clope au bec.

Lenna avait troqué ses vêtements trop chauds pour la saison pour une des nouvelles robes longues qui trainaient dans son placard. Au moins avait-elle la sensation d’avoir les jambes libres, et les bras découverts lui donnaient un peu d’air. Elle ne se regardait pas, sachant bien que sa peau avait pris des couleurs jaunes et violacés. Mais avec le temps, tout ça se dissiperait. Pour fêter l’évènement de leur vie qui pourrait redémarrer au grand jour, elle avait pris le temps de cuisiner son plat préféré, des crêpes. Basique oui, mais c’était l’effort qui comptait. La porte s’ouvrit violemment sur Julien qui avait l’air passablement énervé. Cela commençait mal… Qu’est-ce qui s’était passé encore ? Elle n’avait rien fait du tout.

- C’est qui l’con dans la rue ? Tu le connais ?

Il s’approcha pour lui voler un baiser, respirant profondément en sentant l’odeur des crêpes.

- Hmm… Tu as fait ça pour moi ? Tu es un ange ma puce.

Le soulagement la gagna. Elle l’avait échappé de peu. Merci les crêpes. La colère de Julien était retombée aussi vite qu’elle était montée. Mais soudain, quelqu’un cogna violemment à la porte.

- Ouvre s’te plait !

Cria Julien depuis la salle de bain. Sa peau était à découvert. Elle hésita un instant. Tant pis. Il valait mieux l’écouter que le contrarier après tout. Elle s’avança donc pour ouvrir la porte, soulevant sa robe pour ne pas marcher dessus, et tourna les clefs. Quand le battant dévoila leur invité, son visage devint livide et perdu toute couleur.

Russel ?

S'exclama-t-elle. Un nœud venait de se former dans sa poitrine. Que faisait-il ? Il n’aurait pas dû venir. Cela allait tourner au vinaigre. Elle ne pourrait pas les contrôler. Elle ne pourrait pas s’interposer. Elle ne dit rien de plus, se contentant de le dévisager la bouche semi-ouverte de surprise. Des pas dans son dos lui signalèrent que Julien venait à eux. Elle se raidit, s’attendant à un choc qui ne tarda pas à venir.

- Qui c’est ! Ton amant, c’est ça !

Il la bouscula pour l’écarter de la porte. Elle manqua tomber, mais se rattrapa de justesse au buffet qui se trouvait près de la porte. Son regard les fixait, apeuré.

- Qu’est-ce’t’veux, salaud ?

Les poings de Julien s’étaient refermés et semblaient prêt à frapper. Lenna frémit, sachant très bien la douleur qu’ils pouvaient provoquer. Mais aucun mot ne voulait sortir. Elle était tétanisée. Elle ne pouvait agir. Ses yeux allaient de l'un à l'autre, tandis que son souffle s'accélérait, comme si elle se préparait à courir loin de tout ça.

"Ça te dirait qu'on cause dehors ? Tranquillement ? Homme à homme ?"

C’était censé calmer l’ambiance ça ? Lenna devait néanmoins reconnaitre que Russel l’impressionnait par son froid glacial. Il avait toujours les mains dans les poches, alors que Julien s’échauffait devant lui comme un petit coq. Cette question le fit se retourner vers Lenna d’un bloc, titillant son esprit paranoïaque.

- Tu devais aller chercher mes papiers… Pas faire rappliquer ton amant à la maison. Qu’est-ce que t’es allé raconter hein ?

Elle ne put s’empêcher de reculer d’un pas en croisant les bras sur elle. Il se détourna du détective, soudain secondaire, s’avançant vers elle pour lui cracher sa hargne à la figure. Lenna se recroquevilla encore plus sur elle-même cherchant à atteindre sa bulle d’ignorance qu’elle avait construite pour se protéger.

- Que j’prenais pas soin de toi ? Après tout c’que j’ai fait pour toi ?

Il était presque sur elle, menaçant. Le deuxième Julien. Celui qu’elle avait en horreur avait resurgi à la surface.

Non… non je n’ai rien dit. Je… c’est la personne qui m’a donné tes papiers.

Peut-être qu’elle pouvait le calmer, l’aider à se canaliser. Si sa colère se concentrait dans ses paroles, peut-être s’arrêterait-il là. Un mouvement. Russel avait-il bougé ou c’était le chat ? Restée concentrée sur lui.

Il veut discuter… c’est… c’est tout.

Julien se retourna vers le détective.

- J’t’écoute.

Il ne comptait pas sortir dehors. Il devait surveiller sa femme, et surtout voir si elle le regardait comme elle l'avait regardé lui, fut un temps. Il souffrait de ne plus voir cette étincelle qui l'avait tant charmé au début de leur relation. Il souffrait de devoir la punir et la contrôler.

Ce type continuait doucement d'irrité l'ivrogne qui garda son calme néanmoins. Les propos qu'il prononçait envers Lenna était accusateur. M'enfin, il avait pas tort. Après tout, il avait couché avec elle. Mais, il allait pas lui dire une telle chose. Il était déjà assez chaud comme ça après tout. Le détective entre sans se faire prier plus longtemps. Il voulait pouvoir réagir si l'homme portait la main sur son amie. Néanmoins, Lenna parvint à lui faire rediriger son attention sur Russel. Il acceptait d'écouter.

*Pas trop tôt.*

Seul regret, la jeune femme était là. Mais bon, on n'y peut rien.

"Je suis Russel Blake, détective. Comme tu l'as bien deviner, je suis la personne que Lenna est allé voir pour tes faux papier. Tu es je crois, Julien Masset... Un homme mort."

Non, ce n'était pas une menace que faisait le détective, loin de là. C'était un fait. Il n'avait pas osé penser à cette hypothèse car elle lui était paru farfelu. Néanmoins, il ne pouvait pas le nier après avoir vu la relation entre eux. C'était un couple, même si certainement ce n'était pas un couple heureux. Il consulta son carnet de note dont il montra la page.

"Voilà l'emplacement de ta tombe, et la date de ta mort. Alors réponds moi, pourquoi as tu masqué ta mort et comment tu t'y es pris ?"

La colère glaciale de Julien transpirait par tous ses pores. Lenna resta à distance prudente, se contentant d’observer la scène. Que pouvait-elle faire de plus ? Elle ne voulait pas que cette colère se dirige vers elle.

"Je suis Russel Blake, détective. Comme tu l'as bien deviné, je suis la personne que Lenna est allé voir pour tes faux papier. Tu es je crois, Julien Masset... Un homme mort."

Mort il l’était bien. Le détective était plutôt doué, mais aussi il savait quelles tombes Lenna visitait tous les dimanches. Le chemin était facile à retrouver. Julien s’approcha de manière à toiser l’homme de toute sa hauteur – ce qui était relatif, puisque les deux hommes avaient sensiblement la même taille.

- C’est toi, l’homme mort, si tu ne pars…

Il s’apprêtait à lui dire de dégager de sa vue, de sa vie, ou alors il s’en prendrait à lui quand Russel sortit son carnet de note, montrant la tombe et la première date de sa mort. Il n’avait pas conclu à une étrangeté, à de la magie. Le vœu et sa Nature était en sécurité. Il ne savait rien. Il pensait à autre chose. Seulement Julien ne l’entendait pas de cette oreille : pourquoi protéger un secret qui le rongeait ?

- C’est à elle qu’il faut demander. C’est elle qui m’a fait revenir dans ce monde pourri.

Son regard se tourna vers Lenna, menaçant. Il lui en voulait. Oh combien il lui en voulait de l’avoir forcé à revenir, alors qu’elle ne l’aimait plus comme avant, qu’elle n’était plus la même, que le monde avait changé, que sa vie avait changée. Oh combien il la donnait responsable de tout ça. Une veine de colère palpita sur son front. Ses sentiments revenaient à la surface, grâce au couteau que remuait le détective dans ses souvenirs.

- Mais c’est MA femme. Si, tu...

Il levait le doigt vers lui, menaçant. Le concept de propriété était là aussi complètement tordu. Une personne ne peut appartenir à quelqu’un d’autre, sauf par un grand amour, chose qui n’existait plus entre deux.

Tais-toi…

Supplia Lenna. Elle ne voulait pas que Russel la voit comme un monstre, quelqu’un de moins humain. Et si jamais c’était un Seraph ou pire, un Nephil… il valait mieux que la confrontation ait lieu quand elle serait en position de force. Jamais plus elle ne voulait se retrouver dans la position du moment de son vœu. Seulement sa supplique fit retourner le regard mauvais de Julien sur elle. Elle aurait dû se taire. Elle le regarda s’avancer brusquement vers elle, levant ses bras pour se protéger le visage. Il allait frapper c’était certain.

- Tu n’as rien à me dire de faire, espèce de petite garce sans cervelle !

Le poing de Julien se leva pour lui « apprendre les bonnes manières ».

L'ivrogne écoutait les réponses belliqueuses du maintenant connu Julien. Apparemment, il était perdu lui-même. Il affirmait quelque chose d'irrationnel, puis ajoutait qu'il possédait Lenna.

"Eeeh..." s'exclama Russel, tirant sur sa taffe, irrité par ce propos machiste. Un être humain, femme ou homme, n'appartient à personne, ni même à ceux qu'ils l'ont conçu. Ils ont des devoirs et sont connectés entre eux mais jamais ils n'appartiennent à quelqu'un personnellement. La jeune femme lui fit prier de se taire et cette forme de déni était largement suffisant pour que l'ivrogne agisse.

Lorsque Julien se retourna pour frapper Lenna accompagné d'une insulte, l'ivrogne agrippa son tee-shirt et le tira vers lui, le forçant à faire marche arrière. Pendant ce recul forcé, Russel se décala, utilisant son pied pour le déséquilibrer et faire tomber le bourreau de la jeune femme au sol. Il dégaina ensuite son revolver colt python déchargé et le pointa sur la tête du type, histoire de faire redescendre sa montée d'adrénaline.

"T'as pas entendu la demoiselle ? Ferme ta gueule."

Il souffla sa fumée blanche, puis ajouta.

"Je te laisse 20 secondes pour filer prendre tes faux papiers et dégager. Ne remet plus jamais les pieds ici." Conclut-il d'une voix grave et menaçante.

Son regard ne laissait aucun doute quant à son mépris pour Julien sur lequel il braquait l'arme. Il semblait on ne peut plus sérieux si ce n'était que le revolver de l'ivrogne était simplement déchargé. Mais nul doute que sans savoir cette information, c'est toujours impressionnant d'être menacé par une arme à feu.

Le coup ne vint jamais. Au bout de quelques secondes, elle se résolut à baisser le bras, juste au moment où le détective sortait son arme et la pointait sur la tête de Julien. Non. Elle n’allait pas encore voir mourir.

Pas… Encore…

Elle regarda la fumée de la cigarette s’enrouler dans l’air environnant, puis disparaitre à leur vue, comme si l’instant était irréel, silencieux, impossible à saisir.

"Je te laisse 20 secondes pour filer prendre tes faux papiers et dégager. Ne remet plus jamais les pieds ici."

Ses yeux se portèrent sur le visage de Russel. Comment ? Qu’avait-il dit ? Il voulait l’éloigner d’elle ? Mais qui lui resterait-il alors ? Son vœu serait gâché, et elle condamnée à tuer des ombres sans aucune récompense. C’était aussi peut-être la raison qu’elle s’accrochait tellement à cette relation qu’elle savait pourtant perdue au fond d’elle. L’esprit humain est plein de paradoxe.

Elle perçut plus qu’elle ne vit la colère monter en Julien. Il allait faire une connerie. Pas encore un meurtre. Elle ne le permettrait pas.

Non ! Ça suffit !

La Lenna qui surgissait dans les combats avait repris le dessus. Celle hargneuse, qui voulait contrôler les actes des autres, et par là même apprendre à se contrôler un tant soit peu. Elle s’avança vers eux, se retenant de faire apparaitre son arme avec beaucoup de difficulté. Elle commençait à trembler. Trop d’émotions contradictoires. Peur. Haine. Rage. Amour.

Enlève ce… ce truc… de…

Elle embrouillait ses mots. Son courage disparaissait devant la vue de l’arme. Elle se rappelait encore le bruit qu’elle avait fait en traversant la tête d’Origan. Ce coup qui avait sonné tel un glas.

Puisque les mots ne voulaient s’exprimer, le corps agirait. Elle prit la main de Russel qui tenait l’arme entre les deux siennes, laissant de côté ce que sa chaleur provoquait chez elle. Ce n’était vraiment pas le moment corps stupide. Elle aurait mieux fait de s’interposer entre eux, car cet acte décupla la colère de Julien qui se redressa d’un bloc.

- Ôte tes sales pattes de ma femme !

Il s’avança pour le cogner, indifférent à l’arme toujours présente. Un homme en colère n’est pas très raisonnable. Surtout quand il aspire déjà à retrouver son tombeau. Et encore moins quand il croit perdre sa propriété.

Une exclamation horrifiée échappa à Lenna qui vit le coup de poing arriver en plein dans le visage de Russel. Elle porta les mains à sa bouche comme si elle pouvait ainsi contenir son inquiétude. Trop tard, Julien l’avait entendu. Il lui lança un regard noir, puis récupéra l’arme pour la pointer sur le détective.

« A ta place, je poserai cette arme... »

Il allait tirer. Elle le voyait à sa mâchoire serrée, à ses mains crispées sur l’objet. Son cœur bondit dans sa poitrine et resta en suspension. Elle s’avança et choisit cette fois-ci la bonne action : s’interposer au milieu.

Arrête ! Ce n’est pas mon… amant. C’est un détective, c’est tout.

Elle tentait le tout pour le tout, espérant que ses mots suffiraient à le calmer. Ses bras s’étendirent pour faire un rempart de son corps. Il n’oserait pas lui tirer dessus. Pas sur elle. Pas après tout ce qu’ils avaient vécu ensemble. Mais la raison n’atteignait plus l’esprit de Julien, trop furax pour tenir compte d’autre chose que ce qu’il ressentait.

- Ah, tu avoues !

Il poussa en arrière Lenna pour l’ôter de son chemin. Celle-ci percuta à moitié sur Russel mais se reprit rapidement pour se décaler et lui permettre de bouger, mettant de côté les pensées qui revenaient hanter son esprit à son contact. Corps stupide.

- Je vais le tuer, et ensuite je m’occuperais de ton cas, sa**pe

Son visage semblait déformé, et faisait franchement peur. Il était fou. Fou de rage.

NON !

Hurla-t-elle alors qu’il pressa la gâchette, en fermant les yeux, incapable de voir ce qui allait suivre. Mais rien ne suivit. Le silence emplissait toujours la pièce. Pas de coup sonore. Julien regardait l’arme d’un air incrédule, détournant son regard de ses cibles.

Sérieusement, il ignorait ce qui se passait mais selon les dires de Lenna, il avait été soupçonné d'être l'amant de la jeune femme, ce qui n'était pas faux, en soi, mais bon c'était une simple erreur à cause de la boisson. Dans tout les cas, cela veut dire que cet homme et elle sont en couple. Probablement, Julien Masset ? N'était-il pas censé être mort ? Il a masqué sa mort... Comment ? Cela intriguait le détective, il s'en doutait légèrement mais, jamais il n'aurait crut que c'était cette hypothèse qui était exacte... Celle où Lenna se fait menacer lui était apparut plus plausible sur le coup. Enfin bref, adaptation, adaptation.

Le fameux Julien le gardait en joue, apparemment il avait mal entendu le déni de sa conjointe puisqu'il disait tout l'inverse.

*Bon sang... Il est sourd le bougre* Songea l'ivrogne dont le besoin d'alcool devenait alarmant. Lenna fut poussée vers lui, il garda son équilibre en la réceptionnant du mieux qu'il pouvait, encore maintenant il pouvait sentir son sang bouillir alors qu'il touchait le corps de la jeune femme. Il n'avait aucun souvenir de cet acte mais il aurait franchement souhaité de pas perdre la mémoire. Cependant, elle ne resta pas longtemps et se décala.

De là, Julien menaça d'attenter à la vie de l'ivrogne. Jusque là aucun soucis. Le problème était ce qui suivait. Il menaçait également la femme qui était sa conjointe. Il pressa la gâchette peu de temps après, confus de voir que l'arme n'était pas chargé.

"Oh... Et comment comptes tu t'occuper du 'cas' de mon ami ? L'insulter ? La battre ? La tuer ?"

Il s'alluma une roulée qui était inexistante de ses lèvres lorsqu'il avait 'sauté dans le temps'. Soufflant calmement la fumée blanche.

"Réfléchis bien à ce que tu vas dire."

"Oh... Et comment comptes tu t'occuper du 'cas' de mon ami ? L'insulter ? La battre ? La tuer ? Réfléchis bien à ce que tu vas dire."

Lenna se tenait à côté du Russel, face à la porte. Pas de sortie possible. Elle détestait ce genre de situation, où elle se retrouvait à la merci des évènements. La fille faible et fragile qu’il fallait protéger. Toujours.
Elle se sentit cependant touchée par la remarque de Russel. Il était en train de la défendre ? Mais de quoi ?

Oh, non, il ne me… tuera pas.

Mais il pourrait l’insulter. Il pourrait la battre. Dans la bouche de Russel, ses actes qu’elle subissait pourtant la répugnaient. Elle était incapable de réagir sur l’instant, persuadée de mériter tout cela.
Oui, elle méritait ce qui lui arrivait. Elle n’avait le droit à rien d’autre. Pas même à être défendu par celui qu’elle avait embrassé qui voulait la protéger, et que pourtant elle avait trahi au même titre que son fiancé. Elle avait joué sur deux tableaux. Elle devait payer les conséquences.
Elle baissa la tête, entendant la réponse glaciale de Julien, énoncée entre ses dents. S’il pouvait mordre, il le ferait.

- Ce ne sont pas tes affaires.

Il laissa tomber l’arme au sol et s’avança de sorte à se trouver à quelques centimètres du visage de Russel. Il chercha ses yeux pour fixer la menace bien dans son crâne.

- Sors de chez moi. Maintenant.

Ou je te défonce. Ou je t’explose la tête contre le mur. Ou je te balance par la fenêtre. Ou je… autant de menaces qui sombraient ses yeux d’un voile obscur.
Ses poings tremblaient, Lenna le voyait. Il allait frapper à nouveau d’un instant à l’autre.
Si ce n’était pas sur le détective, ce serait sur elle s’il quittait la pièce. Elle ne savait pas vraiment quelle situation elle préférait, et se tut donc, le regard sur eux.

Lenna refusait de croire que Julien pouvait attenter à sa vie. En soi, si les deux étaient des anciens tourtereaux, c'était en effet une réponse assez extrême au problème de tromperie. Après tout, les sentiments passés entre deux individus même s'ils ont disparu sont resté gravé dans les souvenirs. Pourtant la réponse de Julien restait glaciale.

*Tu pourrais au moins dénier la dernière proposition.* Rétorqua l'ivrogne dans son esprit.

Ce type... Non c'est perdu d'avance. Y a pas moyen de le raisonner. Russel claqua la langue tandis que Julien lui criait de partir de chez lui. A ceci, le détective lui répondit agacé.

"Techniquement, c'est pas chez toi. C'est chez Lenna. Je pars que si elle me le demande."

A ces mots, le fiancé de la demoiselle lui fonça dessus pour lui délivrer un crochet du droit. Russel para le coup en levant son bras gauche, puis délivra à son tour un coup de genou dans l'estomac du gars. Julien se courba légèrement sous l'impact, laissant sa nuque à découvert pour se faire frapper par le coude droit. Le choc mit Julian à terre sur le ventre. Calmement l'ivrogne mit un pied sur le dos du type, l’empêchant de se relever s'il le voulait.

" Calmé ? Tu vas t'excuser envers la jolie demoiselle, lui dire que tu ne recommenceras plus jamais et te barrer fissa."

Il cracha sa fumée blanche en extirpant ces mots, attendant les excuses qu'il devait à sa conjointe.

"Techniquement, c'est pas chez toi. C'est chez Lenna. Je pars que si elle me le demande."

Il cherchait les coups, ce Russel. Techniquement il la possédait, et tout ce qui lui appartenait était sien. Alors forcément, elle ne s’étonna pas de le voir débouler pour lui envoyer son poing dans la figure. C’est là que Lenna ouvrit de grands yeux écarquillés. Elle n’aurait pas soupçonné de pareil talents de bretteurs à Russel, lui toujours si placide et seulement agressif si on perturbait sa boisson. Alors là… Elle découvrait une nouvelle facette, et en était quasiment admirative. Admirative qu’il maitrise son fiancé ? Hmm, là sa logique allait à l’envers. Il y avait un souci dans l’ordre de ses priorités, vraiment. Bref, pendant que son cœur applaudissait devant ce talent, elle prit un air interdit devant cet acte.

" Calmé ? Tu vas t'excuser envers la jolie demoiselle, lui dire que tu ne recommenceras plus jamais et te barrer fissa."

Julien hocha la tête pour signifier son accord avec un oui étranglé ce qui amena le détective à ôter son pied et le relâcher. Il se releva alors que Lenna protestait de toutes ses forces d’illogismes réunies.

S’excuser ? Mais c’est moi qui…

Elle n’eut pas le temps de s’accuser de son comportement que Julien était sur elle. Il passa son bras autour de son cou et serra. De surprise, Lenna ne put dire un mot de plus. Qu’est-ce… qu’il… faisait ? Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait plus.

Tu…

Il resserra sa prise, l’empêchant d’émettre un mot, il ne voulait pas qu’elle parle. Il ne voulait pas qu’elle aille dans un sens ou un autre. Ce n’était qu’un objet pour lui après tout. Et un objet ne fait que servir. On ne peut lui rendre service.

- Et maintenant, connard, qu’est-ce tu vas faire hein ?

Il s’était senti con de se faire maitriser par le soi-disant amant de sa femme. Il n’avait réellement pas apprécié. Puisqu’il ne pouvait le battre à la loyale, la ruse, même la pire qui soit, prévalait. Du moment qu’il en sortait vainqueur, peu importait les moyens. Il voyait rouge. Il était fou de rage.

Donc le type n'avait aucune parole... Quelle tristesse dans ce gars. L'ivrogne se considérait comme un déchet mais ce gars là était littéralement une mer**. Le regard de Russel ne pouvait afficher un mépris plus grand. Cette mer** non seulement n'avait aucune parole mais en plus prenait Lenna en otage. A croire qu'il voulait qu'on l'abatte. Non, il le criait. C'était d'ailleurs la seule chose qu'entendait Russel quand Julien parlait.

"La question est plutôt... Qu'est ce que toi tu comptes faire ? Prendre ta propre conjointe en otage... Quel genre d'homme ferait ça ?"

L'ivrogne gardait son calme. Une erreur et peut-être que Lenna pouvait en pâtir. Puis, il pensa... Si ça tournait vinaigre il pouvait toujours utiliser son kekkaï. L'humain qu'est Julien ne sera pas emporté par ce dernier. En revanche cela veut dire que Lenna qui est Seraph apprendra la nature du Nephil. C'est quelque chose qu'il voulait éviter. De ce qu'il savait et comprenait, les Nephils et Seraphs étaient en guerre... Comment réagirait-elle si elle l'apprenait ? C'était quelque chose qu'il voulait éviter à tout prix.

"Lâche-là ou je te crève." Dit-il, sentant une impatience parcourir son sang et ses membres. Il n'arrivait pas à réfléchir et son manque d'alcool devenait pressant. Sur le coup, il se vengea sur la clope qu'il avait bec, espérant y trouver son refuge pour les images qui commençait à apparaître. En voyant Lenna dans cette situation, il repensait à Origan et à Liz qui l'avait quitté. Hors de question que ce soit de même avec elle.

"La question est plutôt... Qu'est-ce que toi tu comptes faire ? Prendre ta propre conjointe en otage... Quel genre d'homme ferait ça ?"

En otage ? Non, il voulait la protéger du détective. Enfin, elle le pensait. Oui, d’ailleurs, il venait de passer son autre bras autour de sa taille. Il la tenait contre lui, non pas comme un bouclier, mais pour la préserver. Les excuses étaient faciles à trouver, et Lenna s’enfonçait dans les méandres tordus de son esprit. Accepter que Julien se conduisait mal avec elle était au-dessus de ses forces, parce que cela impliquerait qu’elle avait tout faux, et qu’elle était faible. Faible de se laisser faire.

"Lâche-là ou je te crève."

Il est étrange de voir à quel point cette phrase provoqua une lutte d’émotions à l’intérieur de Lenna. On peut croire qu’il est heureux que le cœur possède deux parties, ainsi le sien pouvait contenir chacune d’elle. D’un côté il y avait l’angoisse de perdre Julien, de le perdre, de vivre sans lui, de se retrouver à nouveau seule, que Russel soit un tueur comme ce… marchand, que ce soit de sa faute s’il l’un meurt et l’autre aille en prison. De l’autre, on pouvait estimer qu’elle se sentait plutôt flattée que Russel tienne à elle, au point de risquer la sienne, ainsi qu’il se mêlait le souvenir de la fois précédente à son esprit.
Elle ne put donc afficher qu’une nouvelle fois un visage interdit, incapable de céder à une émotion ou l’autre. Julien se chargeait de répondre à sa place.

- Essaye un peu. Avec ton flingue sans balle…

Il affichait un sourire méprisant. En même temps, il n’avait pas tort. En quoi ce mec était une menace pour lui ? En rien, rien du tout. Il n’oserait pas frapper avec Lenna dans ses bras, et il le savait pertinemment.

La réponse de Julien fut de la simple provocation. Provocation contre une menace... Pas la chose la plus intelligente qui soi, surtout quand l'ivrogne se sent des plus irrités.

*Foutu Sac à viande.* Pensa-t-il en lui même.

Il ramassa son revolver, pour le ranger de son étui. Selon David, les armes Nephils peuvent tuer les êtres humains. En conséquence, une balle dans la tête de ce sale type et on en parlait plus. Mais est-ce que la conjointe était d'accord pour un tel dénouement. Il observa Lenna dans les yeux...

"Hey Lenna, que penses-tu de ce type ? Il t'insulte, il te bat et te tient maintenant en otage."

Russel ferma ses paupières. Peut-être qu'il devrait se résoudre à le tuer pour protéger son amie ? L'ivrogne...Tuer quelqu'un ? Sérieusement ? En serait-il capable ? Pourrait-il presser la gâchette ? Il secoua sa tête, refixant une seconde fois le couple déchiré.

"..." Il n'avait aucun mot supplémentaire à prononcer. Il n'arrivait pas à trouver quoique ce soit pour améliorer la situation. Ses propres limites le hantaient et lui rappelaient à quel point il n'était rien d'autre qu'un homme faible.

"Hey Lenna, que penses-tu de ce type ? Il t'insulte, il te bat et te tient maintenant en otage."

Cru. Le franc-parler de Russel lui retournait l’estomac. C’était comme si une soupape venait de s’ouvrir à l’intérieur de son cerveau. Un endroit où la vérité pouvait commencer à s’y glisser. Mais elle continua de s’entêter secouant la tête comme pour mieux se convaincre elle-même.

Oui, mais… je… je le mérite.

Alors qu’elle les prononçait, ces mots lui semblaient tout à coup faux. Elle ne savait plus comment réagir, et choisit de simplement tester la théorie qui naissait en elle. Elle tourna sa tête vers Julien, voyant à peine ses yeux qui devaient être sombre à effrayer un fantôme.

Lâche-moi. S’il te plait.

S’il elle avait vu son visage, elle aurait constaté l’étendue des dégâts qu’elle était en train de provoquer. Mais ainsi, elle ne put se rattraper, attendant simplement la réponse la plus logique. Quelque chose se brisa en lui, et il la lâcha brusquement. Il ne s’arrêta pas là, et la poussa en avant vers les bras de Russel. Il bouillait de l’intérieur.

- Très bien ! Casses-toi avec ce connard ! J’vais me tuer et ce sera réglé ! T’auras plus besoin de me supporter !

Ce fut le moment précis que choisis le chat* blanc de l’appartement pour faire son entrée en scène. Il se frotta aux jambes de Julien, maintenant que la voix était libre, queue dressée, ronron en prime. Vraiment un imbécile ce chat.

- Et emporte ton maudit chat !

Un coup de pied dans l’animal fut à l’origine de sérieux miaulements réprobateurs ainsi qu’une attaque à pattes griffées en direction de l’agresseur Julien. Lenna était horrifiée, en réponse aux paroles qu’il avait émises. Se tuer ? Non, elle ne le laisserait pas se suicider. Pas encore. Ses yeux commençaient à s’embuer, le corps trop à bout.

Je reste, je reste, je reste ! Ne te… Pas de… s’il te plait…

Elle ne se rendait même pas compte de l'odieux chantage dont elle faisait l'objet.

*copyright lexis

Ce fut confus que Russel attrapa la jeune femme lorsque Julien la lâcha. Il ne lui avait pas semblé qu'il accepterait aussi facilement de la libérer. A croire que les mots de sa conjointe furent un élément déclencheur. Mais ce n'était pas forcément pour aller vers une situation idéale.

*...*

L'ivrogne s'alluma sa roulée, très calmement. Maintenant qu'il avait lâché Lenna sous la demande de cette dernière, il n'y avait plus aucun risque. Le problème était le chantage qu'il énonça juste après l'avoir lâché. Cherchant probablement à la culpabilisée ou autre chose. Et forcément, sa conjointe ne resta pas insensible. Néanmoins, frapper la pauvre bête est vraiment insensible de la part de Julien. Un véritable monstre ce type. Un soupir de couleur blanche sortit depuis l'ouverture que laissait ses lèvres.

" Se suicider c'est pas si mal. T'as de la chance, tu peux. Moi j'ai tenté, j'ai raté à chaque fois. Fin si tu veux mourir, vas y. C'est ton droit..."

Une légère pause où il reprit une taffe de sa roulée. Il avança, dépassant la jeune femme afin de se mettre devant elle. Il reprit, beaucoup plus menaçant à l'égard du suicidaire.

"Par contre... Ne t'avise pas de culpabiliser ma cliente. Elle en a fait suffisamment pour ta gueule. T'es un grand garçon, alors prend tes faux papiers et refait ta foutu vie."

" Se suicider c'est pas si mal. T'as de la chance, tu peux. Moi j'ai tenté, j'ai raté à chaque fois. Fin si tu veux mourir, vas y. C'est ton droit..."

Quelle information devait-elle retenir ? Le fait que Russel encourageait Julien à se tuer, ou le fait qu’il souhaite lui-même se donner la mort ? Elle était entourée de dépressif, et son cas n’arrangeait rien à leur affaire. Son cerveau était à la limite d’imploser. Russel passa devant elle, laissant son odeur dans son sillage. Un papillon dans son ventre s’avisa de le suivre mais le reste était trop figé pour penser à quoi que ce soit du genre.

"Par contre... Ne t'avise pas de culpabiliser ma cliente. Elle en a fait suffisamment pour ta gueule. T'es un grand garçon, alors prend tes faux papiers et refait ta foutu vie."

Julien affichait un air démoniaque. Il était difficile de savoir s’il pleurait ou s’il souriait. En tout cas cela effrayait Lenna qui ne savait plus ce qu’elle devait faire. A part séparer les deux hommes. Oui cela semblait bien. Sauf que le bras de Julien saisit un couteau de cuisine, au même instant où elle dépassait Russel pour les exclure l’un de l’autre : il ne faudrait pas qu’ils s’encouragent dans le suicide. Pour le coup, il lui fit vraiment peur.

- T’approche pas, toi ! C’est ta faute tout ça !

Il brandit son couteau vers elle, provoquant une fine estafilade au niveau de sa clavicule. Un cri de douleur et de surprise lui échappa. Jamais il n’avait fait couler son sang. Son sang ? Elle porta sa main à la blessure par réflexe pour faire tampon. Elle s’accouda sur le bar de la cuisine, pour garder son équilibre, ses jambes s’étant mises à faiblir. C’était trop à supporter. Aucun mot ne pouvait plus sortir de ses lèvres. Mais voyant qu'elle tenait toujours debout, Julien s'apprêtait à frapper encore.

Julien réagit en affichant une réaction très malsaine. Qu'allait-il faire ? C'est alors qu'il prit un couteau de cuisine. Les muscles de Russel se tendirent naturellement en voyant cette action du suicidaire. Il s'apprêtait à le désarmer lorsque Lenna qui était derrière lui se précipita pour se mettre au travers. Après, un cri du fou suivit d'un geste. Le temps semblait se ralentir, chaque seconde passait incroyablement lentement dans l'esprit de l'ivrogne.

Il voyait le bras du fou s'abattre sur son ami, sans discrimination pour cette dernière. La respiration de Russel devint saccadée, son pouls s'emballa, son cœur semblait palpiter jusqu'à l'explosion et tout son être lui criait de bouger. Mais sa réaction n'était rien d'autre que celle d'un humain et ce fut impuissant qu'il observa l'arme atteindre son ami. A ce moment précis, où il vit le sang sur la lame du couteau, il n'entendit plus un son, il était devenue comme sourd. Néanmoins ses yeux voyaient, Julien avait l'intention de répéter son acte. Afin de protéger son amie, il n'avait ici pas le choix. Il laissa sa colère le prendre et il tendit son bras matérialisa son arme et tira en pleine tête sur l'homme qui s'écroula.

Le temps dans sa tête reprit alors son court, son arme se dématérialisa. Il haleta, comme s'il avait été étouffé un moment plus tôt. Le corps inerte de Julien le fit pâlir. Mais, il tourna son regard vers Lenna. C'est avec un énorme soulagement qu'il remarqua que la blessure n'était en fait que superficielle. Et c'était avec un immense regret qu'il réalisa ce qu'il venait de faire.

Il n'avait pas réfléchi, il avait agi sans réfléchir c'était comme si une impulsion toute entière s'était emparé de son corps pour accomplir cet acte. Un acte qu'il ne se saurait jamais cru capable avant, peu importe les circonstances.

*...*

L'ivrogne venait de franchir la limite qu'il n'aurait jamais pensé pouvoir dépasser. Un souvenir, une voix nostalgique tandis qu'il reprenait son souffle. Il se redressa complètement droit, mit une main sur son front, pencha légèrement vers l'arrière sa nuque avant d'étouffer un rire qui s'amplifia brutalement pour rejoindre le rire du diable.

« Ahahah... AH AH AH !»

Il ne prêtait plus attention à son environnement. Son esprit était vide et il lui semblait qu'il n'avait plus aucune peur. Il se calma finalement, avant de prendre une de ses roulées, puis de l'allumer. Tuer un homme... C'est pas si difficile finalement.

Il ne l’atteignit jamais. Il ne l’atteindrait plus jamais. Ses yeux décryptèrent chaque détail, chaque geste, pour graver ce fait dans sa mémoire à tout jamais. Elle s’en serait bien passée. L’horreur s’afficha sur ses traits. Chaque seconde fut démultipliée.

Le bras de Russel. Une arme dans sa main. Matérialisée. Le coup. Long. Brutal. Assourdissant. Tellement assourdissant.
Il enfla et traversa son esprit en même temps qu’il atteignit la tête de Julien. Son bras stoppa sa course. Le couteau tomba et teinta sur le sol, tanguant plusieurs fois. Le son du métal se mélangea à celui du tir.
Le bruit du corps. Qui tombe. Tombe. Tombe. Irréaliste. Le sang. Le sang de Julien. Sur son visage. Sur ses mains. Sur elle. Trop de projections. Sa bouche. Ouverte. Muette de stupeur.

Puis son esprit réalisa ce qui venait de se passer. Julien était mort. Russel l’avait tué. Il riait. Il riait ! Elle essuya ses yeux avec son bras, et se tourna vers lui. La fureur, la colère, l’incompréhension enflait en elle tel un tsunami d’émotions. Elle le regarda rire, encore et encore. Comme s’il ne pouvait jamais s’arrêter. Il finit par le faire. Et… par se rouler une clope. Ses yeux devaient mal voir. Il tuait son fiancé, riait et s’apprêtait à fumer, et cela le plus naturellement du monde. L’attirance qu’elle avait pour lui se mit à monter sur le fil d’équilibriste entre l’amour et la haine, prête à tomber de l’autre côté au prochain coup de pouce du destin.

Lenna s’avança face à lui, et fixa ses yeux. Elle le gifla. D’une violence à s’en broyer les doigts de la main. Sa colère n’en fut pas pour autant atténuée. Elle était en colère contre lui, contre elle-même, contre le monde entier. Son visage s’était fermé, contenant le trop plein à l’intérieur. Son esprit remettait en ordre ce qu’elle venait de voir et parvint à une conclusion évidente qu’elle se mit à tenter de réfuter de tous les côtés. Rien n’y fit. Il était un choisi, il avait passé un contrat. Sa main gauche lui saisit le col, de sorte qu’il ne puisse s’enfuir, pendant qu’elle déployait un kekkai de faible envergure, couvrant à peine l’appartement. Il était toujours là. Elle aurait souhaité avoir mal vu. Avoir tort. Mais c’était trop tard.

Au moins, le kekkai avait-il le mérite de faire disparaitre le corps de Julien à leur vue. Elle n’aurait pas pu poser le regard sur lui. Pas maintenant. Pas en gardant son sang froid. Sa main qui le tenait tremblait cependant.
Sa faux se matérialisa dans la droite et elle pointa le bout piquant vers le corps de Russel.

Seraph, ou Nephil ?

Un tueur. C’est un tueur. C’est un Nephil. Non, non. Cela ne peut pas. Elle l’a embrassé. Elle a failli… ou elle a… Cela serait un ironique coup du sort. Elle ne savait si elle pouvait le tuer, comme David avait tué Origan. Par vengeance peut-être. Elle laissa ce dilemme à plus tard. Savoir. Maintenant.
Sa main resserra sa prise sur son col, comme pour rester dans cette direction. Rester droite. Rester forte. Les larmes viendront plus tard. Elle serra sa mâchoire avec force pour empêcher le cri qui lui broyait ses entrailles de s’échapper.

Musique for fun. :

Cette roulée avait le mérite d'être amère. Un véritable paradoxe cette situation. Depuis cette balle qu'il s'était prit en pleine tête, son monde avait complètement été chamboulé. Il avait crut devoir rester à l'hôpital le restant de ses jours, inerte mais conscient, subissant les propos déplacés des infirmières et des bruits érotiques de ces dernières lorsqu'elle prenait sa chambre pour se donner rendez-vous. Il se rappelait bien. C'est sans doute à ce moment là qu'il a commencé à changer. L'impuissance, la frustration, la haine, la colère et ce petit brin d'espoir qui fait qu'un jour, ça changera.

Deux ans et quelques mois. Le temps lui était apparut long, son esprit s'était s'ennuyé comme jamais et parfois il avait eut des pulsions meurtrières. Notamment envers sa soeur qui sans aucun doute était la cause de son état. Puis ensuite, il a passé son contrat. Il est revenu dans le passé. Mais rien n'avait changé. Il était toujours inerte et ne faisait rien. La mort de son amie Liz n'avait nullement été changé. Et celle d'Origan non plus. Il l'avait complètement oublié cette petiote. Mais le fait qu'elle ne vienne jamais lui rendre visite dans cette hôpital s'explique maintenant. Peut-être également que Lenna n'était pas venu lui rendre visite parce que ce type l'en empêchait ?

*Qu'importe...* songeait-il en fumant.

C'est alors qu'il reçu un contact physique très violent qui le 'réveilla' et surtout qui fit volter sa roulée au loin. Il venait de tuer un homme et sa compagne allait certainement pas laisser passer cela facilement. Il fixa Lenna dans les yeux, cherchant une sorte de rédemption. Concrètement, il était déjà relativement choqué. Il n'arrivait plus à penser correctement. Des images, des voix, des sons qui se précipitaient les uns derrière les autres sans donner aucun sens au tableau. Les choses se chamboulèrent, il pensait à son passé puis à Lenna puis à David puis une nouvelle fois à son passé et finalement sa soeur. Son enregistrement qui proclamait le meurtre de leurs parents. Et ensuite la jeune femme dont il voyait les yeux sans vraiment les observer. Il repensa à la fois où ils étaient alcoolisés, ses pulsions lui criaient de se jeter sur elle.

Mais ce ne fut nullement quelque chose qu'il put faire. Il fut prit par le col, ses pensées qui essayaient encore de faire un semblant de tri. Une chose familière se déploya ensuite. Le fameux kekkaï. Il savait ce qu'elle était. Il savait qu'elle était Seraph mais de le voir de ses propres yeux, il n'y a rien de tel pour confirmer un jugement. Elle était donc elle aussi dans ce monde à n'y rien comprendre, à participer à un conflit à n'y rien comprendre. En y pensant... Origan aussi était une Seraph.

Elle matérialisa sa propre arme, une faux qu'elle pointa vers lui en lui posant une question.

*...*

En y repensant... C'était une Seraph qui pouvait sortir son arme à tout moment et se défendre... Julien était un homme tout à fait banal. En somme, elle n'était pas battue... Elle se laissait battre. Elle n'était pas en danger... Elle se laissait être en danger. Sur le coup...Quel sens y avait-il dans son précédent acte ? Quel sens y avait-il d'avoir tué cet homme ?  Étrangement, il avait l'impression de jouer dans la paume de la main de quelqu'un.

S'il n'y avait pas de sens... Alors il avait tué un homme sans aucune raison ? Il était devenu ce qu'il haïssait le plus sans aucune raison ? Il sentit son sang bouillonné tandis que son regard se transforma dans une expression vide et menaçante.

"Vire ton Kekkaï." Exprima-t-il d'un ton impératif.

Puis, il s'alluma une nouvelle roulée vu que la précédente avait quittée sa bouche, songeant à quel point il avait besoin de vider une bouteille de whisky. Il croyait devenir fou, non en réalité, il devenait presque paranoïaque. Lenna n'était elle pas une manipulatrice comme l'était sa propre soeur ? Il se sentait trahi et sa réflexion médiocre ne lui offrait aucune lumière.

Ce regard. Plus que la perte d’un être cher, c’était ce regard qui tortura le plus Lenna. Il lui vrillait le cœur, lui glaçait l’échine. Alors aujourd’hui elle perdait non pas un, mais deux hommes ? Elle recula, en proie au doute. Très rapidement levé par son ordre.

"Vire ton Kekkaï."

S’il avait été Seraph, il l’aurait avoué. Mais il niait. Il niait ! Il aurait mieux fait de se taire. Il aurait mieux valu garder cette vérité loin d’eux, loin d’eux deux.

FERME-LA ! Tu es un… nephil.

Sa bouche se tordit sur une grimace. Un tueur. Un nephil. Une atrocité de la nature. Dire qu’elle l’avait embrassé. Qu’elle l’avait déshabillé. Tout son corps frémit à ce souvenir. L’équilibriste penchait dangereusement du côté de la haine, mais un petit quelque chose le maintenait encore sur ce fil tranchant. S’acharnait.

Elle secoua la tête. Elle ne pouvait pas révoquer le kekkai. Alors elle devrait se confronter à la dure réalité. Un cadavre dans son salon. Du sang. Julien. Mort, encore. Elle préférait déverser sa colère et sa frustration sur l’homme présent devant elle. Il… fumait à nouveau ? Devant tant de ridicule, elle redressa sa faux à ses côtés, la gardant dans les mains. Tout plutôt que d’avoir les mains vides. Cela l’empêchait de lui sauter dessus pour le cogner. Cela lui donnait quelque chose à saisir de toutes ses forces pour ne pas sombrer dans la folie qui gagnait son cœur. Elle serrait si fort que ses phalanges blanchissaient sur le manche.

Je ne veux pas… voir.

Elle était incapable de le tuer. Tout Nephil soit-il. Et puis elle avait une dette envers lui. Qui sait si Julien ne l’aurait pas tuée ? Elle l’aurait laissée faire. Elle ne méritait pas sa place dans ce monde. Mais elle était trop faible pour mettre fin à son supplice. Elle avait cru qu’avec Julien cela s’arrangerait. Cela n’a fait qu’empirer, à son grand désespoir. Elle s’y est accrochée de toutes ses forces, et voilà ce qu’elle avait récolté des graines patiemment semées depuis sa résurrection : sa mort. Un véritable échec. Tout son corps se nouait. Ne pas y penser. Pas maintenant.
Elle se tenait à distance prudente, comme faite d’une crainte respectueuse.

Tu…

Elle devrait dire quelque chose. Crier. Hurler. Bordel de merde. Maudits chats. Attendez… Pourquoi n’avait-il pas réagit quand elle avait déployé son kekkai ? Savait-il pour elle ? Comment ? Le marchand. Son esprit était trop confus. Son arme disparut, et elle faillit perdre l’équilibre. Ses doigts étaient crispés. Plutôt que réfléchir, elle explosa. Elle accusa.

Pourquoi tu as fait ça ?! POURQUOI ?!

Elle s’approcha à nouveau de lui, prête à lui enfoncer les poings sur sa poitrine pour la marteler de coups. Pourquoi tu n’as rien dit ? Pourquoi tu ne m’as pas fui en sachant tout ? Pourquoi es-tu là ? Pourquoi m’as-tu protégé ? Pourquoi l’as-tu tué ? Pourquoi tu ne me tues pas, moi aussi ?

Il ne répondit pas. Pourquoi ne lui parlait-il pas ? PARLE ! Elle voulut continuer de le frapper mais ses bras furent soudainement stoppés en plein vol. Ses yeux se baissèrent pour voir quel obstacle l’empêchait de décharger sa colère sur le corps qui se trouvait là, à sa disposition. Les doigts de Russel lui enserraient les poignets, diffusant une chaleur rassurante dont elle ne voulait pas, dont elle ne voulait pas entendre parler. Elle voulait souffrir. Tout son corps lui criait de le frapper. Tout son être pleurait. Il n’avait pas le droit de l’arrêter. Pas lui.

LACHE-MOI !

Hurla-t-elle alors qu’elle tentait de voiler les larmes qui remontaient à sa surface. Elle tenta de retirer ses mains pour le frapper à nouveau, mais la poigne était trop imposante. A travers le flou qui gagnait ses paupières, son regard accrocha le sien, et son hurlement mourut sur ses lèvres. Elle s’y plongea avec la force du désespoir, cherchant dans ses pupilles une bouée où se raccrocher. Elle fut prise d’un soubresaut, la violence désirant toujours sortir de cette cage affreuse. De cette réalité horrible. De ce cauchemar qui ne devait pas être.

Pou..our..quoi…

Sa respiration s’accélérait et hachait ses mots. Elle secoua la tête, laissant perler l’eau dévastatrice au bord de ses yeux, et s’enfuir lentement comme si cela pouvait évacuer sa peine, sa honte, sa culpabilité. Tellement de culpabilité. Elle ne devait pas rester si proche d’un nephil. Un tueur. Il devait mourir. Lui aussi. Un nouvel élan plus faible pour se libérer. L’énergie de vie semblait l’avoir quitté.
Ses doigts revinrent enserrer le col de Russel, griffant sa peau au passage, tellement elle s’y accrocha avec véhémence. Pars. Reste. Fuis. Reste. Tue-moi. Tue-le. Elle plissa les yeux en serrant ses lèvres intérieures pour contenir la douleur qui la traversait par vague, immuable.

Pourquoi pleurait-elle autant un homme qui aurait pu la tuer ? Pourquoi pleurait-elle autant de devoir s’éloigner d’un ennemi ? Cela n’avait pas de sens. Tout avait perdu son sens quand le tir avait empli ses oreilles. Elle releva les yeux vers son visage, si proche, et pourtant si loin.

Il faudra… On devrait… Plus se voir.

Sinon je devrais te tuer. Sinon tu devras me tuer. Elle avait tellement besoin de son réconfort mais en même temps n’avait pas besoin de celui d’un assassin. Assassin. Qui était-elle pour le juger ? Qui était-elle pour décider ce qu’il valait mieux. Elle, la faible fille, qui avait accepté ce contrat parce qu’elle était trop faible pour survivre sans aide, la faible fille qui avait eu besoin d’un amour passé pour s’en sortir, la faible fille qui s’accrochait à un tueur comme s’il pouvait la protéger du mal qui s’insinuait petit à petit. Elle avait beau dire, ses doigts étaient toujours serrés sur lui. Sa tête disait une chose, son corps en faisait une autre.

Son corps agissait de lui-même, il n'entendait rien, pas même le hurlement de Lenna qui le sonnait de la lâcher. Non, il était beaucoup trop attiré par les yeux de cette dernière dont il voyait un début d'humidité. Pleurait-elle ? Cette question s'ôta de son esprit au même que ses lèvres touchèrent celles de la jeune femme. Il devint agressif. Son réconfort était là, son moyen d'oublier à portée, il avait juste à tendre les bras pour le prendre. Néanmoins, il se contrôla. Lorsque ce baiser prit fin, la jeune femme dévoilait un visage en larme, demandant la raison de tout ceci.

Pourquoi ? Parce qu'il avait oublié. Il n'avait pas eut la chance de son lui précédent qui avait profité de cet instant. Lui, il avait oublié, laissant la frustration s'installer en lui. Là, il n'oublierait pas et surtout il avait besoin d'oublier son crime. Il avait besoin d'une rédemption. N'était-elle pas parfaite pour ce rôle ? Il grimaça en sentant les ongles de Lenna lui griffer le cou. Elle semblait hésitante dans ses actions, ne sachant trop si elle devait reculer ou bien rester. Elle reculait une partie de son corps mais en avançait une autre. Pourquoi est-ce cette femme lui semblait aussi attirante avec un visage aussi peiné ?

C'est alors qu'elle prononça ce que son carnet de note avait dit. Ils ne devraient plus se voir. Son cœur manqua un battement. Ne plus se revoir...

« En effet... » Murmura-t-il tandis qu'il agrippait le bras de Lenna pour la tirer vers lui. Il lui vola un second baiser. Laissant son besoin prendre le dessus sur sa raison.

Elle avait à peine senti le premier baiser. Le deuxième l’a pris donc au dépourvu, alors qu’elle sentit sa main chaude sur son bras et son corps qui se rapprochait de lui. N’était-elle attirante que quand elle pleurait ?
Elle devrait le tuer. Le tuer. Pas le laisser l’embrasser. Sa raison lui hurlait de fuir, de l’abandonner là. Sa haine lui intimait de l’égorger vif. Mais elle était trop faible.

Elle se convainquit de la bonne chose de ce procédé. Elle s’informait sur l’ennemi. Elle récoltait des données précieuses. Elle pourrait s’infiltrer parmi eux, pour mieux les détruire. C’était en réalité ce qu’elle expliquerait à un autre seraph soupçonneux.

Par-dessus tous les sentiments qui se battaient en elle, le besoin de réconfort avait la primeur. Elle ne souhaitait qu’oublier, reléguer à plus tard ce qui risquait de lui faire perdre la raison. Si elle n’était pas déjà perdue. Perdue dans la chaleur de l’autre corps, dans son odeur, dans ses yeux. Cela n’avait rien d’amour. Elle se dégoutait de céder aussi facilement, alors qu’elle le menaçait encore il y a quelques instants avec son arme.

L’équilibriste décida de faire encore quelques pas avant de trancher. Ils auraient tout le temps plus tard de ne plus se revoir. Pour l’heure, ils étaient en présence. Autant profiter de ce dernier moment. Autant utiliser au maximum toutes leurs ressources avant qu’il soit trop tard. Avant qu’ils ne doivent se déchirer pour mieux vivre. Vivre. Vivre… Quelle ironie. Les conséquences viendraient plus tard. La suite s’écrirait un autre jour. L’instant présent était son seul but.

Elle choisit de se perdre en lui pour mieux s’oublier. Ses lèvres rejoignirent les siennes pour la troisième fois alors que son cœur se mettait en alerte. Tous ses autres sens se mettaient en sourdine, et c’était un peu ce qu’elle recherchait. Ne penser à rien d’autre qu’à maintenant. Qu’à lui. Ses cheveux. Son cou. L’homme à sa disposition. Ses mains réagirent brusquement, faisant tomber sa veste, puis manquèrent arracher la chemise qui faisait obstacle à la chaleur qu’elle aspirait à prendre toute entière, alors qu’elle le fit basculer au sol pour mieux le dominer de sa hauteur.

Elle le griffa plus qu’elle ne le caressa. Elle mordit son corps plus qu’elle ne l’embrassa. Elle se perdit, plongeant corps et âme dans une absolution qui ne vint pas. Elle ne fit que mettre un baume désespéré sur les plaies suppurantes de son cœur, le temps d’un instant éphémère. Instant trop bref qui s’envola loin d’elle quand l’acte fut finalement consommé.

hrp:

Lenna se recroquevilla sur elle-même, à même le sol, la tête sur les genoux. Elle avait couché avec l’ennemi. Ce bref réconfort qu’il lui avait apporté disparaissait déjà pour la remplir d’une culpabilité plus vicieuse, plus traître. Ce fut le mouvement de Russel qui se leva qui la sortit de sa torpeur. Alors que son corps dégoulinait de sueur, elle trouva qu’il faisait froid tout à coup. Un froid polaire. Elle se releva mécaniquement, toute trace d’émotions ayant quitté son visage. Elle se rhabilla et l’écouta.

« Lenna, as-tu un endroit où on pourrait se cacher le temps de révoquer ce kekkaï et d'en placer un plus grand ? »

Elle se sentait vide, alors que paradoxalement c’était le trop plein de sentiments qui l’avait amenée à cet état.

L’armoire de la chambre.

Cette armoire qui contenait tout ce qu’elle haïssait chez Julien. Et pourtant elle ne parvenait pas à se réjouir de sa mort. Elle ne parvenait pas non plus à le pleurer comme elle aurait dû pleurer son fiancé.

« Une fois que nous aurons réglé ce problème. Nous couperons tous nos liens. »

Alors ne réglons pas ce problème. C’était la pensée qui la traversa. Mais elle s’abstint de l’énoncer tout haut. C’était mieux. Pour eux deux. Pour lui surtout. C’était elle qui l’avait amené à tuer. Elle qui l’avait fait basculé du côté des assassins. Si elle avait mieux dissimulé ses marques, si elle ne s’était pas laissé faire sous les coups de Julien, si elle ne l’avait pas ressuscité par péché d’orgueil, si elle n’avait pas rencontré d’ombres, si elle n’avait pas rencontré ce chat… Ce chat, l’ombre de la plupart de ses malheurs. Elle hocha la tête en signe d’assentiment pour le détective, et s’avança vers la chambre pour s’y dissimuler.

Son regard tomba alors sur le vêtement froissé qu’elle portait. Sa robe était éclaboussée de sang. Tout comme ses bras et sans doute son visage. Elle se retourna, tirant le tissu loin d’elle pour le montrer à Russel.
Il fallait nettoyer ça. Elle ne dit rien, sachant que ses gestes suffisaient à la comprendre. Elle était trop abrutie dans sa douleur. Après les cris, les pleurs, le réconfort, venait le besoin d’oubli. Oublier qu’elle existait. Oublier qu’elle vivait toujours. Alors que lui non. Elle avait l’impression d’être une écorchée vive tellement son cœur souffrait.

La jeune femme se dirigea donc vers la salle de bain, sans se préoccuper de savoir si le détective la suivait. Elle ôta sa robe à nouveau, ne gardant que ses sous-vêtements et se mit à la frotter avec de la brosse et du savon, comme elle frotta ses bras, vigoureusement, avec force, jusqu’à s’en rougir la peau, comme si elle pouvait se dévêtir de la saleté qui l’empêchait de rire, qui l’empêchait de sourire. Elle jeta ensuite la brosse dans le miroir, sachant pertinemment qu’il redeviendrait intact ensuite. Un défouloir inutile. Sa rage ne pouvait se calmer. Jamais. Sa robe était trempée.

Il faut attendre qu’elle sèche.

Des mots d’une banalité effarante. C’était tout ce qu’elle avait la force de dire. Elle s’assit sur le carrelage, contre la baignoire, et s’efforça d’avoir un regard qui voyait le monde. Ce monde horrible. Il y avait bien un sèche-cheveux dans son placard. Mais l'idée n'avait même pas effleuré son esprit torturé.

Elle sentait son regard sur elle, qui lui brûlait la peau. Sa présence était magnétique et elle se maudit de n’avoir pas su se satisfaire de leur premier élan. Elle comprit qu’elle n’en aurait jamais assez. Et surtout tant que son besoin de chaleur humaine serait si pressant. S’effacer un instant si bref ne l’amènerait à rien. Autant commencer le sevrage immédiatement.

« Et qu'est-ce qu'on fait en attendant ? »

On recommence. Non. Elle chassa cette idée de sa tête. Sa souffrance ne saurait être comblée ainsi. Elle ne faisait qu’amplifier son sentiment de souillure et de culpabilité. Un acte pire qu’une drogue. Elle tendit ses jambes, laissant ses muscles se reposer un instant alors qu’elle relevait la tête vers lui.

Prends-moi juste dans tes bras.

Une demi-mesure pour soulager sa peine sans pour autant l’abandonner totalement. Ses yeux recommençaient à se charger d’eau en pensant à l’horreur qui l’attendait de l’autre côté mais elle les empêcha de goutter en effaçant sa buée d’un geste du pouce.

S’il te plait.

S’il te plait fais-moi me sentir vivante encore une fois. Apprends-moi à me sevrer de toi. Aide-moi à te repousser en te reculant peu à peu pour que le manque ne survienne seulement quand je n’aurai plus besoin de toi. Elle replia ses jambes, cherchant une position confortable dans l’inconfort qui persistait en elle.

Il entendit la réponse de la jeune femme, insatisfait. Il s'approcha d'elle, ne lâchant nullement son regard de sa peau. Il ne la voyait pas, il ne se voyait plus non plus. Dans sa tête, il n'y avait pas d'être humain dans cette pièce. Lui n'était qu'un sac à viande cherchant le plaisir de la chair, Lenna en conséquence demandait à la mauvaise personne pour son réconfort sentimental. Russel ne regardait nullement le visage de la jeune femme, non, il observait simplement son corps. C'est pourquoi, il ne vit nullement les larmes qui s'accumulaient dans les yeux de cette dernière.

Il s'approcha encore un peu plus, des yeux vides et sévères. C'est alors qu'elle prononça s'il te plaît. Il n'allait pas se priver, il ajusta sa main pour la toucher. Puis s'arrêta net avant de rentrer en contact, laissant chuter sa clope.

Était-ce le manque d'alcool, ou la réalisation de ce qu'il venait de faire et le pourquoi ? Lenna lui demandait du réconfort, et il s'apprêtait simplement à assouvir ses pulsions animales. Il n'aimait pas ça. Il détestait ça. Mais Russel Blake est mort, non ? Il a franchi la limite qu'il s'était imposé, il ne méritait donc plus d'être considéré comme un homme, non ? Alors pourquoi ne pas agir tel un animal.

Oui, mais après ? En soi l'acte précédent n'avait été qu'un bref réconfort. Le recommencer ne changera rien, ce qu'il avait fait restera et il devra vivre avec. Et la raison pour laquelle il avait fait ça. Elle était juste devant lui, pleurant, demandant du réconfort.

L'ivrogne était mitigé. Il se contrôlait, mettait un frein à son besoin qui lui criait concrètement d'ignorer ces pensées altruistes inutiles. Il serra les dents, puis sa vue retoucha la peau de Lenna. Une nouvelle pulsion...

Il posa sa main sur son épaule, puis se pencha également afin de la relever. Cette action fait, les deux personnes étaient débout. Son regard observait le visage de la jeune femme dont les yeux humides ne lui inspira aucune culpabilité sur ce qu'il avait l'intention de faire. Russel la serra contre lui comme elle l'avait demandé mais nullement dans un but de la réconforter. Il lui vola ensuite un baiser agressif, puis laissa son corps agirent comme il le souhaitait.

[...]

Russel observait une seconde fois le plafond. Cette fois, c'était celui de la salle d'eau. Il s'alluma une clope, satisfait. Mais ce fut malheureusement que de courte durée. Son instinct animal avait été repu mais sa conscience n'avait quant à elle que creuser un vide encore plus profond. Il mit son bras sur ses yeux, cachant sa vision. Il tira sa clope mais ne pouvait cacher les larmes qui commencèrent à couler. Lenna était devenu son souffre douleur et l'ivrogne lui avait imposé ses pulsions. Maintenant qu'il était calme, il regrettait comme jamais. Définitivement, il ne devait plus la rencontrer. Il ne devait plus lui faire du mal.

Ce fut la main posée sur son épaule qui la fit sortir de sa torpeur. Son corps se jetait sur cette chaleur bienvenue, alors que son esprit lui clamait de se contenir. Il lui intima de se relever ce qu’elle fit en silence, examinant ses yeux froids et pourtant plein de désir. Elle comprit ce qu’il voulut faire quand il lui vola un baiser agressif. Son âme vibra, prête à plonger encore et encore, mais elle s’entêta à le repousser, sachant qu’elle devait s’éloigner à tout prix pour ne pas sombrer trop bas.

Arrête, murmura-t-elle. Il était sourd à ses paroles. Il ne réagit pas à ses gestes. Elle eut beau se débattre, rien n’y fit. Alors sa raison finit par céder, et elle s’abandonna à lui. Maudissant son corps qui réagissait. Maudissant son jeune corps affamé qui ne voulait cesser, alors qu’elle tentait de se dissocier en esprit de ce qui se passait.

[…]

Elle s’écarta de lui à toute allure, comme si elle venait de se brûler. Elle se dégouttait. Elle avait envie de vomir. L’équilibriste était tombé. Du côté de la haine. Jamais, il ne pourrait remonter sur son fil. Jamais. Pas après ça. Elle enfila sa robe encore humide pour dresser une barrière entre eux, sans aucune pitié pour les larmes qu’elle vit perler à ses paupières. Salaud. J’espère que tu souffres autant que je souffre. Elle croisa les bras pour s’empêcher de trembler d’horreur. De honte. De culpabilité. Julien avait raison. Elle n’était qu’une petite garce.

Debout.

Son ton était net, tranchant. Je te hais. Je te hais. Je te hais. Elle aurait dû le savoir. C’était un nephil. Une race qui n’était pas appréciable, qu’il ne fallait pas aimer, qu’il ne fallait pas désirer, qu’il fallait éviter, qu’il fallait tuer, qu’il fallait exterminer. Une race qu'il fallait anéantir. Elle avait une dette envers lui. Elle le laisserait partir. Cette fois. Cette fois seulement.

La leçon était gravée au fer rouge, sur tous les pores de sa peau qui respirait encore son odeur. Elle n’attendit pas de mouvement de sa part et quitta la pièce qui la révulsait. Les portes de l’armoire claquèrent sous sa rage quand elle l’ouvrit, attendant en tenant la porte que l’autre s’y glisse pour lui assener au visage en refermant le battant toute la frustration de ce qu’il lui avait fait.

Il se sentait vidé. Ses pensées se tournèrent vers la personne qui ne l'avait jamais connu ainsi. Vers la personne qui lui avait fait formulé ce souhait. Il se sentait devenir un monstre et la demande de Lenna, sa victime, lui confirmait sa pensée. Il était un monstre. Un homme mort qui n'était qu'animal. Un homme mort qui ne souhaitait qu'une chose. La réponse à ses désirs directs.

*Liz...Je suis désolé... Pitié reviens...SORS MOI DE LÀ !* Criait-il intérieurement alors qu'il se sentait meurtri. Cette peste à la voix agaçante n'était pourtant plus là. Origan n'était plus là non plus. Il était devenu une coquille vide mais pourtant il était toujours en vie, lui. À quel fin avancer ? À quel fin vivre ? La dernière personne qui comptait pour lui le haïssait à présent...

Il se leva, puis suivit Lenna. Il alla dans le placard comme demandé implicitement, les yeux vides et cette fois sans aucun désir malgré la peau toujours nue de cette dernière. Il était bien trop occupé à se lamenter et à crier sa peine à une personne qu'il réalisait enfin morte. La porte se referma et il eut tout le loisir d'être avec ses propres pensées. Alcool, clope... N'importe quoi pour lui enlever ces images, ces sensations !

*Laissez moi fuir ! Laissez moi oublier !* hurlait-il.

Mais rien à faire, ses envies ne seraient assouvi que dans bien trop longtemps. Alors en attendant, il avait des images. Il avait des pensées qui l'interdisaient de réfléchir et qui l'accablaient à chaque moment disponible. Malheureusement, il n'y avait rien qui lui permettait de penser à autre chose.

Elle grimpa dans le meuble à sa suite, refermant la porte derrière elle, comme elle venait de sceller son cœur. Elle fit en sorte de rester loin de lui pour ne pas l’effleurer d’un geste, pas même d’un battement de cil. Elle garda la tête tournée résolument face à elle pour que son regard n’ait pas l’idée de se poser sur lui. Il la répugnait. Elle se répugnait. Un haut le cœur la traversa alors qu’elle se retint d’éclater en sanglots.

Ses doigts effleurèrent les anciennes marques de mutilation qu’elle avait sur le bras gauche. Sa douleur devrait sortir. Elle se rasséréna à ce contact, et dissipa son kekkaï dans le même temps. Des bruits de pas et de voix lui parvinrent. Elle ne s’attarda pas sur ce détail, déployant un kekkaï plus grand qui devrait couvrir l’immeuble et une centaine de mètres autour d’elle. Elle s’empressa de quitter ce lieu exigu où tous ses sens lui indiquaient sa présence. Son odeur. Ses mouvements. Son corps. Sa bouche voulait lui cracher dessus. Lui cracher à la figure combien elle lui en voulait, combien elle le haïssait, combien il l’avait transformé, combien elle s’en voulait.

En sortant de l’armoire, ses yeux distinguèrent les contours de son kekkai. Une multitude de branches d’étoiles dans tout son pourtour. Elle porta mécaniquement la main à son pendentif qui ne la quittait jamais. Si elle la voyait dans cet état aujourd’hui… il n’y aurait aucune fierté. Incapable.

Elle marcha droit sur la porte de l’appartement et descendit les marches sans un seul regard en arrière. Elle ne voulait pas ressasser les derniers évènements. Elle ne voulait pas même y penser. Ni les effleurer d’un souvenir. Hurler. C’était tout ce qu’elle désirait. Hurler. C’était tout ce qu’elle se haïssait. Dehors, elle prit à droite, pour atteindre le bout de son kekkai. Le bout de la rue. Le bout de sa souffrance. Le bout de sa vie. Le bout de tout. Elle frappa la partie verte du mur qui l’entourait, comme si elle avait pu le briser. Il resta immuable, ainsi que la torture qui faisait rage en elle.

Alors Lenna se retourna, pour voir si Russel s’était mis en sécurité pour qu’elle puisse dissiper ce kekkai et disparaitre à sa vue. Le faire disparaitre de son existence.

Un hochement de tête. Oui, je ne te verrai plus. Oui, je vais te rayer de ma vie, définitivement. Oui, tu seras le dernier Nephil à qui j’ai accordé ma confiance un instant. Oui, tu vas disparaitre à jamais. Oui, tu vas me manquer, un peu. L’homme que tu étais me manquera. L’homme que j’ai vu aujourd’hui me laisse indifférente. Non. L’homme d’aujourd’hui me répugne. Tu as fait de moi ce que je suis désormais. Je vous traquerai tous, sans relâche. Et quand tu seras le dernier, je te tuerais.

Lenna dissipa le kekkai, sonnée par les bruits et les sons qui revenaient à elle. Elle s’avança tranquillement jusqu’à chez elle, avant de jouer la pauvre fille horrifiée de voir la police, de jouer la fille en pleurs, de jouer la petite fiancée perdue, d’admettre qu’il était un sans-papiers, de crier, de ne pas comprendre, de pleurer encore, alors qu’au fond, au fond, son cœur s’était rigidifié dans une espèce couche de glace qui durcissait, durcissait pour qu’aucune lame si insidieuse soit-elle ne puisse plus s’y glisser.

Quand tout le monde fut parti, que la scène de crime fut levée, elle prit un autre couteau de cuisine que celui utilisé par Julien peu de temps auparavant et se dirigea dans sa baignoire. Là, elle laissa l’eau chaude lui brûler la peau, et la recouvrir de sa pureté pour chasser ses propres impuretés. Elle prit le couteau et trouva judicieux de s’attaquer à son bras droit encore immaculé. Seulement sa coupure ne saigna pas. Pas de sang ne s’en écoula. Pas même la plus petite goutte. Rien. Comment pouvait-elle évacuer sa douleur ainsi ?

Alors, et alors seulement, elle hurla.